Date : 20010222
Dossier : A-538-98
Référence : 2001 CAF 33
ENTRE :
FRED TURNER
appelant
et
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
[1] La Cour a accueilli le présent appel avec dépens et a infirmé le jugement de la
Cour canadienne de l'impôt relativement à la réclamation par l'appelant d'une déduction pour perte au titre d'un placement d'entreprise fondée sur un prix de base rajusté de 55 090 $ pour des actions. Il ressort du dossier que l'appelant s'est représenté lui-même tout au long de l'instance sauf pendant la courte période indiquée plus loin. Il a initialement présenté un mémoire de frais comportant une réclamation de 600 $ au titre des honoraires (pour la taxation des dépens) et une réclamation de 41 513,92 $ au titre des déboursés. Ce dernier montant comprenait une somme de 31 500 $, obtenue par la multiplication de 420 heures de son temps par 75 $ de l'heure. L'appelant a ensuite présenté un mémoire de frais modifié s'élevant au montant de 275 268,12 $ et comportant 48 articles, montant qu'il a calculé en multipliant le nombre d'heures qu'il a consacrées relativement à chaque article (un total de 424 heures pour les 48 articles) par le nombre d'unités du service particulier indiqué au tarif et par 100 $ (pour un sous-total de 265 700 $) et en additionnant les déboursés suivants :
[traduction]
Frais de dépôt |
250,00 $ |
Wallbridge (Facture #98-102) |
187,25 $ |
Wallbridge (Facture #2000-192) |
935,89 $ |
Mike Odell (Facture #793) |
417,30 $ |
Edney, Hattersley & Dolphin |
125,00 $ |
Transcription (Facture #3-2-99) |
322,50 $ |
Riva Resources Ltd. (Facture #5-17-2000) |
3 920,00 $ |
Coûts du voyage à Edmonton pour comparaître : 6 000 kilomètres X 0,42 = 2 520,00 $ Hôtel : 353,87 $ Frais accessoires 9 jours x 59,35 536,31 $ Sous-total : 3 410,18 $ |
3 410,18 $ |
Total des déboursés : |
9 568,12 $ |
J'ai fixé un échéancier pour la communication des documents, y compris les observations écrites.
L'argumentation de l'appelant
[2] L'appelant a prétendu que l'arrêt Skidmore c. Blackmore[1] [traduction]
« a déclaré sans équivoque que l'ancienne règle voulant que les gens qui se représentent eux-mêmes n'obtiennent pas les dépens pour leurs efforts est maintenant dépassée » (observations écrites déposées le 20 octobre 2000). L'appelant a affirmé que l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés exigeait qu'un [traduction] « justiciable ordinaire soit traité de la même façon qu'un avocat se représentant lui-même qui a gain de cause » (observations écrites déposées le 12 décembre 2000) et qu'il était à la fois illogique et incohérent d'accorder les dépens d'un avocat d'une partie ayant obtenu gain de cause et de refuser de le faire relativement au temps d'un [traduction] « justiciable ordinaire se représentant lui-même » . De même, l'arrêt Skidmore, précité, exige que tous les tribunaux se conforment à l'esprit de la Charte en accordant les dépens pour le temps des justiciables ordinaires. L'appelant a prétendu que les dépens avaient également un rôle de dissuasion, servant de dommages-intérêts punitifs, contre les abus de pouvoir faits dans un but de vengeance. L'appelant a affirmé que l'État avait continué d'abuser de son pouvoir dans le traitement administratif de son dossier fiscal après le jugement de la Cour.
[3] En réponse aux arguments de l'intimée, l'appelant a soutenu qu'il était incohérent
de la part de cette dernière de s'appuyer sur les Règles de la Cour fédérale (1998) dans un cas pour ensuite affirmer qu'elles sont non pertinentes ou inapplicables dans un autre cas. Les décisions invoquées par l'intimée, soit Lavigne c. Canada[2] et Rubin c. Canada[3], ne changent rien au principe que tous les justiciables doivent être sur le même pied devant la loi. L'appelant a affirmé que la preuve produite lors de l'audition relative à la taxation par l'intimée [traduction] « n'est rien de moins qu'une tentative flagrante de déformer les faits et d'induire la cour en erreur » (observations écrites déposées le 10 janvier 2001). L'appelant a souligné que le montant de seulement 1 973,94 $ proposé par l'intimée pour ses dépens ne comprenait pas des articles mineurs comme les photocopies, les télécopies interurbaines et les frais téléphoniques. L'appelant s'est dit en désaccord avec la preuve produite par l'intimée relativement aux frais de déplacement entre Yellowknife et Edmonton, et il a souligné en particulier que la distance dans une direction était d'environ 1 500 kilomètres, ce qui exigeait deux jours d'automobile. L'appelant a fait valoir qu'avant le dépôt de sa demande auprès de la Cour canadienne de l'impôt, on lui avait donné une estimation indiquant que les frais de représentation devant cette cour seulement s'élèveraient à 25 000 $.
L'argumentation de l'intimée
[4] L'intimée a prétendu qu'en vertu de l'arrêt Lavigne, précité, un justiciable
ordinaire ne pouvait pas réclamer les honoraires d'avocat prévus par les Règles, de sorte que le montant de 265 700 $ réclamé à titre d'honoraires suivant le tarif B ne pouvait pas être accordé. En outre, les heures et les montants réclamés ne reposent sur absolument aucune preuve, ils sont manifestement déraisonnables et excèdent la portée des Règles. L'intimée a souligné qu'il était réclamé dans le mémoire de frais environ cinq fois le montant en cause en appel ainsi qu'un nombre d'heures équivalant à environ quarante fois la durée de l'audience tenue devant la Cour canadienne de l'impôt ajoutée à celle tenue devant notre Cour (moins d'une journée pour chacune).
[5] L'intimée a affirmé qu'il y avait plusieurs exemples de réclamations déraisonnables
ou excédant la portée des Règles, c.-à-d., les frais de dépôt de 250 $ pour instituer l'instance à la Cour de l'impôt de même que le dépôt et la signification de documents, ce qui aurait pris de deux à quatre heures pour chaque document et ce qui a été réclamé en plus de la préparation de ces documents. Les réclamations déraisonnables comprennent également la réclamation de 2 400 $ pour 6 heures ainsi que celle des frais liés de 21 000 $ pour le déplacement entre Yellowknife et Edmonton pour une conférence portant sur le contenu du dossier d'appel. La preuve indique que l'intimée n'a jamais demandé à l'appelant de partir de Yellowknife pour participer à cette conférence et qu'elle ne s'attendait pas à ce qu'il le fasse, que la conférence a duré environ 10 minutes et que le contenu des dossiers d'appel est généralement fixé au moyen d'un échange de lettres. L'intimée a affirmé que l'adjudication des dépens ne portait pas sur des frais extravagants engagés inutilement. L'intimée a prétendu que l'appelant avait mal calculé les frais relatifs au tarif B, que la Cour n'avait pas accordé les dépens comme si l'appelant avait eu recours aux services d'un avocat et qu'en l'absence de directive de la part de la Cour, l'appelant n'avait pas droit aux dépens autres que ceux qui sont prévus par les Règles et le tarif. L'intimée a également avancé que la Charte ne s'appliquait pas à la présente affaire puisque l'adjudication des dépens est discrétionnaire et que la loi et les Règles n'exigent pas qu'elle soit faite d'une manière particulière.
[6] L'intimée a fait valoir qu'étant donné que les dépens n'avaient pas été accordés sur
une base avocat-client, les montants de 417,30 $ (pour les services d'un comptable agréé) et les montants de 187,25 $, 935,89 $ et 125 $ (pour les services de deux cabinets d'avocats) ne constituaient pas des déboursés valablement faits par Entreprises A.B. Rimouski Inc. c. Canada[4]. De même, les factures sont ambiguës, elles ne sont pas détaillées, elles n'indiquent pas, à leur face même, le lien nécessaire au présent litige et, dans deux cas, elles ne sont même pas adressées à l'appelant, mais à deux autres entités. L'intimée a fait valoir que la facture Riva paraissait incomplète à sa face même et qu'aucun élément de preuve n'établissait que les frais y figurant au titre d'équipement informatique de bureau, de services de consultation, de photocopies, de télécopies et de fournitures étaient essentiels et liés au présent litige.
[7] L'intimée a soutenu que les déboursés réclamés au titre de déplacement entre
Yellowknife et Edmonton pour l'audience devant la Cour d'appel fédérale étaient excessifs et déraisonnables parce que la preuve indiquait que l'audience tenue devant la Cour et celle tenue devant la Cour canadienne de l'impôt avaient chacune duré moins d'une journée alors que l'appelant faisait une réclamation pour un séjour de 9 jours à Edmonton. Il était possible d'obtenir des billets d'avion en classe économique et une chambre d'hôtel pour un coût beaucoup moins élevé. L'intimée a fait valoir que l'appelant n'avait droit qu'aux éléments suivants :
Reçu de tarif de la Cour canadienne de l'impôt : |
250,00 $ |
Transcription de témoignages : |
322,50 $ |
Coûts du voyage à Edmonton : |
1 205,46 $ |
Coûts de l'hôtel à Edmonton (une nuit) : |
77,28 $ |
Repas et frais accessoires (deux jours) : 59,35 $ x 2 = |
118,70 $ |
TOTAL : |
1 973,94 $ |
Taxation
[8] Le sommaire précédant le texte intégral de l'arrêt Skidmore, précité, se lit ainsi :
[TRADUCTION] Les demandeurs ont intenté une action en dommages-intérêts découlant des dommages causés à leur bateau de pêche. L'action a été menée avec succès par l'un des demandeurs, un ancien membre du barreau qui ne détenait plus un permis d'exercice. Les demandeurs ont sollicité les dépens. Le juge de première instance a estimé être lié par un précédent selon lequel un justiciable n'étant pas un avocat en exercice ne pouvait pas se voir accorder les dépens et ne pouvait obtenir que ses déboursés. Les demandeurs ont interjeté appel.
Arrêt- Appel accueilli.
L'idée que les dépens sont accordés seulement pour indemniser le justiciable ayant eu gain de cause pour les honoraires judiciaires et les déboursés engagés est maintenant dépassée. Les dépens partie-partie jouent plusieurs rôles. Ils indemnisent partiellement le justiciable ayant gain de cause, ils dissuadent contre les actions et défenses frivoles, ils incitent les deux parties à faire des efforts raisonnables pour régler et ils découragent les mesures inappropriées ou inutiles dans le cadre du litige. En vertu de l'ancienne pratique anglaise implicitement acceptée dans le passé comme s'imposant en droit en Colombie-Britannique, le justiciable ordinaire se représentant lui-même se trouve dans la situation non enviable de ne pas être en mesure de profiter des dispositions relatives aux dépens des Rules of Court tout en devant payer les dépens d'une partie adverse représentée par avocat si cette partie y a droit. L'ancienne pratique anglaise est mal fondée et n'est pas appuyée par la jurisprudence. Il y a de bonnes raisons pour accorder les dépens aux justiciables se représentant eux-mêmes qui ont gain de cause, et il n'y a aucune raison pour laquelle les dépens devraient leur être refusés. La pratique consistant à refuser d'accorder les dépens aux justiciables se représentant eux-mêmes a découlé entièrement de la common law. Étant donné que la question des dépens relève essentiellement du pouvoir discrétionnaire de la cour, elle touche directement les questions de pratique et il s'agit d'une question sur laquelle la cour est bien placée pour statuer sans qu'une intervention de la loi soit nécessaire. Puisque la question des dépens payables aux justiciables ne fait pas l'objet d'une loi ou d'une règle exigeant que le juge rende une ordonnance portant atteinte aux droits garantis par la Charte, la Charte ne s'applique pas.
Aux pages 531 et 532, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique souligne qu'outre la notion d'indemnisation, l'un des objets des dépens consiste à favoriser le règlement du litige dans la mesure où les règles prévoient la double adjudication de dépens dans certains cas. En notre Cour, la règle 420 peut jouer un rôle similaire. J'estime que l'arrêt Skidmore, précité, contient des observations pratiques sur les dépens en tant que moyen de dissuasion, mais qu'il doit être interprété à la lumière du contexte dans lequel il a été rendu.
[9] Dans l'arrêt Skidmore, précité, la cour a examiné les questions liées aux dépens
dans le contexte d'un tribunal exerçant son pouvoir discrétionnaire en tant qu'outil, c.-à-d. au moyen de l'adjudication des dépens ou du refus de les accorder, lui permettant de contrôler le processus judiciaire en fonction d'un ou de plusieurs facteurs. Par comparaison, ce pouvoir discrétionnaire se comparait à celui prévu par la règle 400(1) de notre Cour. Je suis donc d'avis que l'arrêt Skidmore, précité, aurait pu aider l'appelant dans le présent litige seulement s'il l'avait invoqué devant la formation de la Cour d'appel fédérale qui a entendu l'affaire et s'il avait insisté pour que des directives sur l'indemnité relative à son temps comme justiciable se représentant lui-même soient inclues dans le jugement en vertu de la règle 400(1). Les faits de l'affaire Skidmore, précitée, ne s'inscrivaient pas dans le processus de taxation des dépens, mais soulevaient plutôt clairement la question de l'inclusion de directives appropriées dans l'adjudication des dépens, comme partie du jugement, cette inclusion permettant pour sa part que soient accordés des dépens pour le temps d'un justiciable ordinaire lors de la taxation à venir. En ce qui concerne particulièrement le mémoire de frais de l'appelant en notre Cour, la décision Skidmore, précitée, a été rendue dans un contexte qui peut seulement se comparer au pouvoir discrétionnaire exercé en vertu de la règle 400(1) par notre Cour, et non pas dans un contexte comparable au pouvoir discrétionnaire, conféré par la règle 405, de résoudre les questions particulières liées au droit à la taxation. En d'autres termes, la Cour détermine d'abord, suivant la règle 400(1), s'il existe un droit aux dépens. Avant cela, l'officier taxateur n'a pas le pouvoir d'agir aux termes de la règle 405 et il ne peut pas, de toute manière, s'approprier le pouvoir conféré à la Cour par la règle. Je souligne également que, dans l'arrêt Lavigne, précité, la Cour d'appel fédérale a examiné et rejeté la proposition d'une indemnité pour le temps d'un justiciable ordinaire et a fait de même quant à la proposition connexe voulant que, sous sa forme actuelle, la règle refusant cette indemnité porte atteinte aux droits protégés par la Charte.
[10] L'ouvrage The Law of Costs Second Edition[5] souligne au paragraphe 209.15, aux
pages 2-89 à 2-93, que traditionnellement, le justiciable ordinaire se représentant lui-même n'avait pas droit à la taxation des dépens pour son propre temps parce que [traduction] « ce justiciable n'avait pas engagé des frais judiciaires exigeant une indemnité » . Cet ouvrage fait référence à une loi du Royaume-Uni prévoyant maintenant expressément que les dépens peuvent être accordés pour le temps d'un justiciable ordinaire, et il souligne qu'il [traduction] « n'y a aucune disposition législative comparable au Canada, mais [que] la common law paraît évoluer vers l'adjudication des dépens aux justiciables qui se représentent eux-mêmes » . Toutefois, je n'interprète pas le paragraphe 209.15 comme autorisant un officier taxateur de la Cour à exercer le pouvoir conféré par la règle 400(1) dans le cadre de la taxation prévue par la règle 405 de manière à permettre, en l'absence de directive en ce sens, l'adjudication à un justiciable ordinaire d'autre chose que des déboursés.
[11] La décision rendue le 23 octobre 1998 dans Le Procureur général du Canada c.
David A. Kahn, dans le dossier T-2166-97, qui a accordé un montant forfaitaire à un justiciable ordinaire afin de l'indemniser pour le temps qu'il a « perdu » en se représentant lui-même, illustre le pouvoir discrétionnaire pouvant être exercé en vertu de la règle 400(1) par un juge, mais non par un officier taxateur. Dans cette affaire, la Cour a examiné l'arrêt Lavigne, précité, et a fait une distinction avec cet arrêt. Les conclusions que j'ai tirées au paragraphe [17] de la décision Ken Stephan William Fegol c. Sa Majesté la Reine le 19 octobre 1998 dans le dossier T-2836-94 ainsi que les conclusions tirées par la Cour dans le cadre de la révision de la taxation des dépens dans les motifs d'ordonnance prononcés le 6 novembre 1998 dans le dossier T-2836-94, aux paragraphes [14] et [18] à [23] inclusivement, renforcent mon opinion que les officiers taxateurs ne peuvent pas exercer le pouvoir conféré par la règle 400(1), notamment pour accorder les dépens relatifs au temps d'un justiciable ordinaire en l'absence d'une directive préalable de la Cour. Subsidiairement, la décision Fegol, précitée, appuie la proposition de l'intimée selon laquelle le droit applicable en Cour fédérale interdit la demande d'indemnité de l'appelant pour son temps.
[12] L'appelant a clairement éliminé tout doute sur la question de savoir s'il
avait à tort inclu les dépens de la Cour canadienne de l'impôt au moyen du paragraphe 9 de ses observations visant à réfuter les arguments de l'intimée. Ce paragraphe mentionne une annexe liée énumérant des activités qui sont propres à la Cour de l'impôt, mais qui correspondent à des réclamations figurant dans le mémoire de frais relatif à la Cour d'appel fédérale. Un cabinet d'avocats avait transmis le mémoire de frais initial avec une lettre datée du 22 septembre 2000 disant qu'il représentait l'appelant dans la présente affaire. Ce mémoire de frais comportait des numéros d'article du tarif B pour les montants des déboursés sans toutefois attribuer des unités à ces numéros. Seul l'article 26 a fait l'objet d'un nombre d'unités, soit 6, pour les fins de la taxation des dépens. Par lettre datée du 6 octobre 2000, le cabinet d'avocats s'est désisté du mémoire de frais initial et a déclaré que [traduction] « M. Turner ou ce cabinet communiquera bientôt avec la Cour à ce sujet. » J'estime qu'il ressort du dossier que l'appelant s'est représenté lui-même tout au long de l'instance. En ce qui concerne cet article 26, sous lequel la réclamation s'élevait à 14 000 $, de même que plusieurs autres articles figurant dans ce mémoire de frais partie-partie, l'appelant a erronément réclamé des unités en excès du nombre permis par la règle 407 et a multiplié à tort le nombre d'unités par le nombre d'heures réclamées pour les services. Vu les circonstances, j'accorde le montant minimum de 200 $ prévu relativement à l'article 26, mais je refuse d'accorder tous les autres frais réclamés.
[13] Conformément aux motifs que j'ai prononcés dans Carlile c. La Reine[6] et à la
décision Le local 4004, Division du transport aérien du Syndicat canadien de la fonction publique c. Air Canada[7], j'accorde 80 $ pour les photocopies, 90 $ pour les télécopies et les frais d'interurbains et 95 $ pour les [traduction] « fournitures, relieurs, etc. » indiqués dans la facture de Riva Resources Ltd. Les autres montants figurant dans cette facture, notamment la somme de 2 000 $ réclamée pour de l' « équipement informatique de bureau » et celle de 1 200 $ réclamée pour [traduction] « services de consultation Bill Reid » , ne sont pas accordés parce que je ne suis pas convaincu qu'ils ont été engagés pour des dépenses nécessaires et qu'ils sont raisonnables. J'ai conclu dans Sutherland c. La Reine[8] que les frais engagés avant l'introduction d'une instance devant la Cour pouvaient faire l'objet d'une taxation. Je refuse toutefois d'accorder le tarif de 250 $ pour l'introduction de l'instance devant la Cour canadienne de l'impôt car j'estime que cela excède ma compétence. J'accorde le montant de 322,50 $ réclamé pour la transcription.
[14] J'ai conclu dans Youssef Hannah Dableh c. Ontario Hydro[9] que la norme qu'il
convenait d'appliquer en matière de taxation des dépens était celle du tarif de la classe économique, plutôt que celle du plan économique. J'accorde le tarif aérien de 1 205,46 $ proposé par l'intimée. Bien que je sois d'accord avec les arguments de l'intimée sur l'absence de nécessité de la présence de l'appelant pour fixer le contenu du dossier d'appel ainsi que sur le caractère excessif du séjour de neuf jours à Edmonton pour l'audience, il se peut que le vol de retour ait été difficile à prévoir puisque sa date dépendait de la durée de la présence requise des parties à la Cour. J'accorde donc les frais d'hôtel pour deux nuits, lesquels totalisent 154,56 $, en ayant à l'esprit le fait qu'il ne faut pas accorder des montants excessifs en matière de dépens. J'estime raisonnable la proposition de 118,70 $, pour 2 jours de repas et de frais accessoires, faite par l'intimée. L'intimée n'a proposé aucun montant pour le transport terrestre, comme les taxis pris par l'appelant pour quitter les aéroports et pour s'y rendre. J'accorde 115 $ pour ces frais.
[15] L'affidavit signé le 20 octobre 2000 par l'appelant à l'appui de son mémoire de
frais pose des problèmes. Par exemple, le paragraphe 2 mentionne erronément qu'un reçu de tarif émis par la Cour de l'impôt l'a été par la Cour d'appel fédérale. Le paragraphe 5 mentionne une facture de 133,75 $, datée du 22 octobre 1998, provenant d'un cabinet d'avocats pour aide à la confection d'un dossier d'appel, mais la seule pièce jointe faisant référence à ce montant (qui a fait l'objet d'une réclamation de 125 $ dans le mémoire de frais) est une lettre datée du 21 avril 1999 de ce cabinet. Cette lettre déclare que des services ont été rendus relativement [traduction] « à son appel en matière fiscale » , et je présume qu'elle a trait à la facture datée du 24 février 1999, qui contient une entrée référant à un [traduction] « appel en matière fiscale » sous la date du 22 octobre 1998. Toutefois, l'entrée pour cette date, soit le lendemain de la conférence portant sur les dossiers d'appel, ne mentionne pas la préparation de ces derniers, mais seulement les discussions relatives à un [traduction] « appel en matière fiscale - envoyer documents pour enregistrement » . Le paragraphe 6 des observations de l'appelant visant à réfuter les arguments de l'intimée affirme que le [traduction] « document du dossier d'appel » a été préparé au bureau du cabinet d'avocats et que les frais de ce service figurent à la pièce D de l'affidavit. Ce qui me trouble dans cet élément de preuve, c'est que la pièce D est une facture qui provient d'un cabinet d'avocats différent, qui porte une date antérieure à l'audience tenue devant la Cour de l'impôt et qui a trait à la préparation d'affidavits, et non pas à celle d'un dossier d'appel. Étant donné que l'appelant convient que la réunion a eu lieu le 21 octobre (paragraphe 6) et que cette date était la dernière où il pouvait signifier et déposer le dossier d'appel (paragraphe 8), je ne peux que supposer qu'il existe des documents dont je ne suis pas saisi qui pourraient expliquer la contradiction relative aux dates (l'entente sur le contenu du dossier d'appel qui a été déposée et ses observations justificatives indiquent également que la réunion a eu lieu le 21 octobre 1998) et aux services rendus. De toute manière, ce genre de frais entre avocat et client ne peut pas être accordé en raison de ma conclusion (conforme aux décisions Entreprises A.B. Rimouski, précitée, Dableh c. Ontario Hydro[10] et James L. Ferguson c. Arctic Transportation Ltd. et al[11]), selon laquelle un justiciable ne peut pas contourner les limites de l'indemnité partielle prévue par le tarif en réclamant à titre de déboursés l'ensemble des frais entre avocat et client d'un avocat non inscrit comme avocat au dossier. Je n'accorde aucun montant sous l'article 18.
[16] La décision de la Cour de l'impôt était datée du 18 août 1998 et l'avis d'appel a
été déposé le 23 septembre 1998. Je suis d'avis que la chronologie indiquée par l'appelant démontre que la première facture de Wallbridge, en date du 6 mai 1998 et d'un montant de 187,25 $, portait sur le litige devant la Cour de l'impôt et je refuse donc de l'accorder. Quant à la deuxième facture de Wallbridge, en date du 14 juillet 2000 et d'un montant de 935,89 $, elle indique les montants réclamés entre avocat et client par un cabinet d'avocats pour la période comprise entre juin 1998 et juin 2000. Comme je l'ai fait dans les décisions Dableh et Ferguson, précitées, je conclus qu'un justiciable n'ayant droit qu'à une indemnité partielle ne peut pas réclamer une indemnité complète au moyen d'une facture entre avocat et client (dans la présente affaire, la facturation de l'avocat à son propre client) à titre de déboursé dans le mémoire de frais. De même, ce montant de 935,89 $ comprend probablement des frais liés à la Cour de l'impôt. En outre, ce cabinet d'avocats n'a jamais comparu au dossier. J'ai examiné la possibilité d'accorder une partie de cette facture à titre de réclamation sous les articles applicables du tarif B, mais j'ai conclu que cela serait inapproprié dans les circonstances. Cette facture comprend un montant de 23,66 $ pour des déboursés comme des photocopies, des télécopies, des timbres postaux et des interurbains. Je conclus que les montants que j'ai accordés précédemment relativement à Riva Resources Ltd. étaient suffisants à cet égard. Ces montants accordés tenaient compte des frais liés à la fixation du contenu du dossier d'appel, frais dont l'intimée a admis la nécessité mais qui ne se reflétaient pas dans le montant de 1 973,94 $ qu'elle a proposé. Je refuse d'accorder tout le montant de 935,89 $. Je refuse d'accorder la réclamation de 417,30 $ liée à Micheal Odell, comptable agréé. Le paragraphe [3] des motifs de jugement font référence à l'affidavit de l'ancien comptable de l'appelant dont la Cour canadienne de l'impôt était saisie. La facture de Odell réclame la préparation d'un affidavit antérieur à l'audience tenue devant la Cour de l'impôt. Malgré la conclusion que j'ai tirée dans Sutherland, précité, selon laquelle les frais antérieurs à la date de l'introduction de l'instance peuvent être taxés (le fait que l'article 1 du tarif actuel mentionne la préparation sous-entend certainement l'existence de frais taxables engagés avant l'introduction de l'instance), je doute qu'à la lumière des documents dont je suis saisi, les services rendus par Odell soient suffisamment attribuables au litige devant la Cour fédérale pour justifier l'indemnisation entre les présentes parties.
[17] En toute justice, j'estime que l'appelant a peut-être mal compris l'adjudication des
dépens et l'objet de l'indemnité partielle que comporte le tarif. Par exemple, ses arguments voulant qu'un avocat fiscaliste a estimé qu'il lui en coûterait 25 000 $ pour être représenté dans le litige devant la Cour de l'impôt et que la réclamation présentée pour son temps était compatible avec les dépens accordés dans des affaires similaires ne sont pas pertinents puisqu'il compare essentiellement les frais entre avocat et client et les dépens partie- partie. De même, il réclame 27 000 $ pour la préparation d'un mémoire sous l'article 19, montant auquel il est arrivé en multipliant 30 heures par 9 unités et par 100 $ de l'heure. Il n'a pas été prévu que le service visé par l'article 19 ainsi que les services visés par plusieurs autres articles soient calculés suivant le nombre d'heures passées. Les 9 unités proviennent de l'échelle de la colonne IV, échelle que l'appelant ne peut pas invoquer en l'absence d'une directive permettant la taxation suivant une colonne autre que
la colonne III en vertu de la règle 407. Le mémoire de frais de l'appelant, qui a été présenté pour un montant s'élevant à 265 700 $, est taxé pour un montant de 2 381,22 $.
« Charles E. Stinson »
Officier taxateur
Traduction certifiée conforme
Pierre St-Laurent, LL.M.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION D'APPEL
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : A-538-98
INTITULÉ DE LA CAUSE : Fred Turner c. Sa Majesté la Reine
TAXATION FAITE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES
MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS PAR : CHARLES E. STINSON
EN DATE DU : 22 février 2001
AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada POUR L'INTIMÉE
Ottawa (Ontario)
[1] [1995] 4 W.W.R. 524.
[2] (1998), 229 N.R. 203 (C.A.F.).
[3] [1990] 3 C.F. 642.
[4] [2000] F.C.J. No. 501 (No du greffe A-418-99).
[5] Mark M. Orkin 1999 Canada Law Book Inc.
[6] 97 D.T.C. 5284.
[7] T-323-98, 25 mars 1999.
[8] T-1856-89, 15 novembre 1991.
[9] T-1422-90, 2 novembre 1994, à la page 16.
[10] A-539-93, 31 mars 1998, au paragraphe [66].
[11] T-1941-93, 29 juillet 1999, aux paragraphes [18] à [25].