Date : 20011211
Dossier : A-656-01
Référence neutre : 2001 CAF 387
CORAM : LE JUGE ROTHSTEIN
ENTRE :
LE CHEF LARRY COMMODORE, CHEF DE LA BANDE INDIENNE DE
SOOWAHLIE, EN SON NOM ET AU NOM DE TOUS LES AUTRES MEMBRES
DE LA BANDE INDIENNE DE SOOWAHLIE, ET EN SON NOM ET AU NOM
DE TOUS LES AUTRES MEMBRES DE LA NATION AUTOCHTONE STO:LO
LE CHEF DAVID SEPASS, CHEF DE LA BANDE INDIENNE DE SKOWKALE,
EN SON NOM ET AU NOM DE TOUS LES AUTRES MEMBRES DE LA
BANDE INDIENNE DE SKOWKALE, ET EN SON NOM ET AU NOM
DE TOUS LES AUTRES MEMBRES DE LA NATION AUTOCHTONE STO:LO
LE CHEF JOE HALL, CHEF DE LA BANDE INDIENNE DE TZEACHTEN,
EN SON NOM ET AU NOM DE TOUS LES AUTRES MEMBRES DE LA
BANDE INDIENNE DE TZEACHTEN, ET EN SON NOM ET AU NOM DE
TOUS LES AUTRES MEMBRES DE LA NATION AUTOCHTONE STO:LO,
ET LE CHEF FRANK MALLOWAY, CHEF DE LA BANDE INDIENNE DE YAKWEAKWIOOSE, ET LE CHEF DALTON SILVER, CHEF INTÉRIMAIRE
DE LA BANDE INDIENNE DE YAKWEAKWIOOSE, EN LEUR NOM ET AU
NOM DE TOUS LES AUTRES MEMBRES DE LA BANDE INDIENNE DE YAKWEAKWIOOSE, ET EN LEUR NOM ET AU NOM DE TOUS LES
AUTRES MEMBRES DE LA NATION AUTOCHTONE STO:LO
appelants
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
intimé
et
LA VILLE DE CHILLIWACK
intervenante
Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 10 décembre 2001
Jugement prononcé à l'audience à Vancouver (Colombie-Britannique), le 11 décembre 2001
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE ROTHSTEIN
Date : 20011211
Dossier : A-656-01
Référence neutre : 2001 CAF 387
CORAM : LE JUGE ROTHSTEIN
ENTRE :
LE CHEF LARRY COMMODORE, CHEF DE LA BANDE INDIENNE DE
SOOWAHLIE, EN SON NOM ET AU NOM DE TOUS LES AUTRES MEMBRES
DE LA BANDE INDIENNE DE SOOWAHLIE, ET EN SON NOM ET AU NOM
DE TOUS LES AUTRES MEMBRES DE LA NATION AUTOCHTONE STO:LO
LE CHEF DAVID SEPASS, CHEF DE LA BANDE INDIENNE DE SKOWKALE,
EN SON NOM ET AU NOM DE TOUS LES AUTRES MEMBRES DE LA
BANDE INDIENNE DE SKOWKALE, ET EN SON NOM ET AU NOM
DE TOUS LES AUTRES MEMBRES DE LA NATION AUTOCHTONE STO:LO
LE CHEF JOE HALL, CHEF DE LA BANDE INDIENNE DE TZEACHTEN,
EN SON NOM ET AU NOM DE TOUS LES AUTRES MEMBRES DE LA
BANDE INDIENNE DE TZEACHTEN, ET EN SON NOM ET AU NOM DE
TOUS LES AUTRES MEMBRES DE LA NATION AUTOCHTONE STO:LO,
ET LE CHEF FRANK MALLOWAY, CHEF DE LA BANDE INDIENNE DE YAKWEAKWIOOSE, ET LE CHEF DALTON SILVER, CHEF INTÉRIMAIRE
DE LA BANDE INDIENNE DE YAKWEAKWIOOSE, EN LEUR NOM ET AU
NOM DE TOUS LES AUTRES MEMBRES DE LA BANDE INDIENNE DE YAKWEAKWIOOSE, ET EN LEUR NOM ET AU NOM DE TOUS LES
AUTRES MEMBRES DE LA NATION AUTOCHTONE STO:LO
appelants
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
intimé
et
LA VILLE DE CHILLIWACK
intervenante
MOTIFS DU JUGEMENT
(Motifs prononcés à l'audience à Vancouver (Colombie-Britannique)
le 11 décembre 2001)
LE JUGE ROTHSTEIN
[1] Il s'agit d'un appel d'une décision par laquelle le juge Nadon a rejeté la requête des appelants visant, essentiellement, à obtenir une injonction interlocutoire pour interdire au gouvernement du Canada de transférer 62 hectares de terres de l'ancienne base des Forces canadiennes à la Société immobilière du Canada. Cette dernière est une société d'État non mandataire qui s'occupe de la mise en valeur des terres du gouvernement fédéral et de leur cession. Le transfert doit avoir lieu le 14 décembre 2001 et le présent appel a donc été présenté et entendu de façon accélérée.
[2] La procédure sous-jacente, telle qu'elle était initialement libellée, était une demande de contrôle judiciaire présentée par les appelants le 14 juillet 2000. Ces derniers demandaient à la Section de première instance de la Cour de déclarer nul ou illégal le décret daté du 16 juin 2000 autorisant le transfert des terres en question à la Société immobilière du Canada. À la demande de l'intimé, le juge Rouleau a, le 29 janvier 2001, transformé la demande de contrôle judiciaire en action en vertu de l'article 18.4 de la Loi sur la Cour fédérale. Les appelants en appellent de cette décision et l'appel sera entendu à Vancouver le 28 janvier 2002. Aucune autre mesure n'a été prise devant la Section de première instance.
[3] Le juge Nadon a rejeté la demande d'injonction interlocutoire au motif que les appelants n'avaient pas démontré qu'ils subiraient un préjudice irréparable en raison du transfert des terres en cause. Nous avons conclu que la Cour n'est pas fondée à modifier la décision discrétionnaire du juge Nadon et en fait, à la lumière des arguments présentés devant la Cour, nous partageons les motifs du juge Nadon de rejeter la requête.
[4] Les appelants allèguent que les terres sont soit situées dans une réserve soit assujetties au titre autochtone. L'intimé concède que les appelants ont soulevé une question grave relativement au titre autochtone. L'argumentation est donc axée sur le préjudice irréparable et la prépondérance des inconvénients.
[5] On peut résumer brièvement l'essence des prétentions des appelants concernant le préjudice irréparable. Ils disent qu'ils étaient, historiquement, les propriétaires des terres, que dans le passé celles-ci étaient un lieu de rencontre et de passage, qu'ils y chassaient, y faisaient de la cueillete et pêchaient non loin de là. Ils ont donc un lien historique avec ces terres et, si ces dernières sont cédées, ils le perdront. Bien que les terres aient été occupées par les Forces canadiennes, ils affirment avoir toujours réclamé leur droit aux terres.
[6] Selon l'article 35 de la Loi sur les Indiens, Sa Majesté a le pouvoir d'exproprier les terres situées dans les réserves indiennes. Le fait que les terres soient situées dans une réserve ne suffit pas pour empêcher une expropriation, et ce même si elles ont une valeur historique pour une bande indienne. La seule question susceptible de se poser est celle d'une indemnité convenable. Même si Sa Majesté cède illégalement des terres situées dans une réserve, les personnes lésées ne peuvent que présenter une réclamation pour la violation d'une obligation fiduciaire et la réparation consistera en des dommages-intérêts. En l'espèce, le gouvernement cédera des terres qui lui appartiennent et pour lesquelles il existe simplement une demande de statut de réserve ou de titre autochtone. Comme pour le cas de l'expropriation ou de la cession illégale de terres situées dans une réserve, la réparation possible pour les appelants, s'ils ont gain de cause, serait des dommages-intérêts.
[7] Les appelants n'ont démontré l'existence d'aucune circonstance particulière relativement aux terres. Ils disent qu'ils ont besoin des terres pour subvenir à leurs besoins. Le lien historique invoqué par les appelants n'est pas lié à l'utilisation prévue des terres et aucun élément de preuve n'explique pourquoi ils ont besoin précisément de ces terres compte tenu de leur utilisation prévue. Les appelants n'ont pas démontré qu'ils subiraient un préjudice irréparable. Il est suffisant de conclure que si, comme les appelants le prétendent, la cession des terres constitue une violation d'obligation fiduciaire de l'intimé, la Cour sera en mesure d'ordonner le versement de dommages-intérêts ou toute autre réparation qui pourrait être appropriée à la lumière de la preuve présentée.
[8] Dans ses motifs, le juge Nadon a soulevé la question de la prépondérance des inconvénients, mais n'a pas jugé nécessaire d'en traiter. Au vu de la preuve, nous sommes convaincus que la prépondérance des inconvénients joue en faveur de l'intimé. Les appelants ont présenté un grand nombre d'arguments. L'un d'eux est que les appelants et les résidents de Chilliwack sont des voisins et que leur relation sera troublée si la cession est autorisée. Cet argument joue cependant dans les deux sens. La ville de Chilliwack est intervenue au nom de ses résidents pour s'opposer à la demande d'injonction interlocutoire.
[9] Un deuxième argument est que l'intimé allait effectuer la cession malgré le fait que la présente affaire est toujours en instance devant la Cour. Selon les appelants, une cession effectuée dans de telles circonstances minerait l'intégrité de la demande de contrôle judiciaire puisqu'elle rendrait la décision théorique. Il appert cependant que les appelants n'ont pris aucune mesure pour accélérer les procédures ni, d'ailleurs, pour faire avancer les choses de quelque façon que ce soit. Ils ne sont pas bien placés pour invoquer cet argument.
[10] Troisièmement, les appelants affirment que la cession devrait être suspendue jusqu'à ce que soit rendu un jugement de la Cour suprême du Canada dans une affaire qui n'a aucun rapport avec le cas qui nous occupe. Selon eux, ce jugement pourrait jeter de la lumière sur les droits des parties à la présente instance. Il y existe toutefois beaucoup d'incertitudes tant sur le moment où la Cour suprême pourrait rendre son jugement que sur la question, plus importante, de savoir si ce jugement résoudrait la présente affaire. Il ne s'agit pas d'un argument convaincant susceptible de justifier l'injonction.
[11] Un autre argument a trait aux négociations sur les revendications territoriales. Le processus et l'issue de celles-ci ainsi que leur rapport avec le présent litige ne sont toutefois pas clairs. On ne peut attribuer que peu de poids à cette considération.
[12] L'intimé et la ville de Chilliwack disent que les terres en question sont importantes à des fins publiques comme, par exemple, l'ajout d'une école en raison du surpeuplement actuel de la région. Le doute entourant le statut futur des terres a freiné les investissements pour la modernisation d'un centre récréatif et d'un édifice destiné à abriter une bibliothèque situés sur les terres en cause. La ville affirme aussi qu'il y aura des constructions résidentielles et une augmentation de l'assiette fiscale de la ville en raison de la mise en valeur des terres et qu'elle recevra un paiement de 7,5 millions de dollars de la Société immobilière du Canada pour l'installation de services hors chantier et, dans une perspective de planification urbaine, l'intégration des terres au sein de la communauté. Il s'agit donc là de considérations qui, selon la prépondérance des inconvénients, jouent toutes en faveur de l'intimé.
[13] Il est également pertinent de mentionner que les appelants ne se sont pas engagés à verser des dommages-intérêts, ce qui est normal dans une procédure d'injonction interlocutoire. L'omission de fournir cet engagement n'entraîne pas toujours le rejet de la demande. Les avocats des appelants ont signalé que leurs clients n'ont pas les moyens financiers de fournir un tel engagement. Bien qu'on puisse le comprendre, il s'agit là encore d'un facteur qui joue en faveur de l'intimé selon la prépondérance des inconvénients. Voir Lavoie c. Canada (Ministre de l'Environnement), [1998] A.C.F. no 1213, paragraphe 14, juge Hugessen.
[14] C'est sans hésitation que nous concluons que la prépondérance des inconvénients joue en faveur de l'intimé.
[15] L'appel sera rejeté avec adjudication de dépens à l'intimé et à l'intervenante.
« Marshall ROTHSTEIN »
Juge
Traduction certifiée conforme
Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION D'APPEL
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-656-01
INTITULÉ : Le chef Larry Commodore et autres c. PGC
LIEU DE L'AUDIENCE : Vancouver (C.-B)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 10 décembre 2001
MOTIFS rendus le 11 décembre 2001 : LE JUGE ROTHSTEIN
Y ONT SOUSCRIT : LES JUGES NOËL ET MALONE
DATE DES MOTIFS : Le 11 décembre 2001
COMPARUTIONS :
Louise Mandell/Clarine Ostrove POUR LES APPELANTS
John Hunter/Michael Stephens POUR L'INTIMÉ
Jennifer Chow/Malcolm Palmer POUR L'INTIMÉ
Reece Harding/Sukhbir Manhas POUR L'INTERVENANTE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Mandell Pinder POUR LES APPELANTS
Vancouver
Davis & Co. POUR L'INTIMÉ
Vancouver
Morris Rosenberg POUR L'INTIMÉ
Sous-procureur général du Canada
Lidstone Young POUR L'INTERVENANTE
Vancouver