Date : 20030312
Dossier : A-133-03
Toronto (Ontario), le 12 mars 2003
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
appelant
et
LAURENTIU DRAGAN
intimé
ORDONNANCE
VU la requête datée du 10 mars 2003, présentée par l'appelant pour obtenir une ordonnance :
(i) Abrégeant le délai fixé pour la signification et le dépôt du dossier de requête en l'espèce.
(ii) Accélérant les procédures pour que l'audition de l'appel ait lieu au plus tard le 24 mars 2003.
(iii) Accordant dispense des articles 343 et 344 (dossiers d'appel) des Règles de la Cour fédérale (1998) et autorisant l'appelant à inclure dans son dossier d'appel les documents énumérés à l'annexe A.
(iv) Abrégeant le délai prévu à l'article 345 des Règles de la Cour fédérale (1998) pour la signification et le dépôt des mémoires des faits et du droit des parties.
(v) Autorisant la signification du dossier de requête de l'appelant par télécopieur.
(vi) Portant toute autre directive que la Cour considère appropriée.
LA COUR ORDONNE PAR LES PRÉSENTES QUE :
1. La requête pour abréger le délai fixé pour la signification et le dépôt du dossier de requête est accueilli et le dossier de requête est déposé.
2. La requête pour accélérer l'audition de l'appel est rejetée, sans préjudice à toute autre demande que le ministre pourrait vouloir présenter.
3. Sur consentement, le délai accordé aux intimés pour déposer un appel incident est prorogé au 28 mars 2003.
4. Les intimés qui sont représentés par les cinq avocats inscrits à cette requête ont droit à des dépens de 1 000 $ pour chacun des avocats, y compris les débours, la somme totale à payer par le ministre étant de 5 000 $.
« Marshall Rothstein »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
Date : 20030312
Dossier : A-133-03
Référence neutre : 2003 CAF 139
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
appelant
et
LAURENTIU DRAGAN
intimé
Audience entendue à Toronto (Ontario), le 12 mars 2003
Ordonnance prononcée à l'audience à Toronto (Ontario),
le 12 mars 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE LA COUR PAR: LE JUGE ROTHSTEIN
Date : 20030312
Dossier : A-133-03
Référence neutre : 2003 CAF 139
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
appelant
et
LAURENTIU DRAGAN
intimé
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE LA COUR
(Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario),
le 12 mars 2003.)
LE JUGE ROTHSTEIN
[1] La présente requête vise l'obtention d'une ordonnance accélérant l'audition de l'appel du jugement du juge Kelen, daté du 21 février 2003, qui ordonnait la délivrance de brefs de mandamus enjoignant au ministre d'évaluer 102 demandes de visa en conformité du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (l'ancien Règlement).
[2] L'appel est interjeté suite à la certification d'une question par le juge Kelen le 7 mars 2003. Suite à l'ordonnance du juge Kelen et en application du paragraphe 361(3) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (RIPR), entré en vigueur le 28 juin 2002, on doit procéder aux évaluations au plus tard le 31 mars 2003.
[3] Le ministre soutient que le juge Kelen a commis une erreur en arrivant à la conclusion que le ministre avait un devoir implicite de déployer tous les efforts voulus pour évaluer les demandes avant le 31 mars 2003. De plus, il soutient que l'ordonnance du juge Kelen porte que le ministre est lié par les recommandations d'un comité permanent de la Chambre des communes, qui n'ont jamais jusqu'ici imposé un devoir de droit public à un ministre. Le ministre soutient qu'il s'agit là de questions de principe importantes que notre Cour devrait trancher en appel.
[4] D'ici le 31 mars 2003, le ministre a un droit d'appel en vertu de la question qui a été certifiée par le juge Kelen. Toutefois, après le 31 mars 2003, le fondement réglementaire des brefs de mandamus, savoir le paragraphe 361(3) du RIPR, sera devenu caduc. Selon le ministre, on pourrait alors s'objecter aux appels du fait de leur caractère théorique. Même si les intimés ne soulèvent pas le caractère théorique, la Cour pourrait de son propre chef refuser d'entendre et de trancher l'appel puisqu'il sera devenu théorique après le 31 mars 2003. Le ministre soutient par conséquent que son appel serait alors sans valeur et qu'en conséquence, si la requête pour accélérer n'est pas accueillie et l'appel n'est pas porté au rôle pour audition avant le 31 mars 2003, il subira un préjudice irréparable.
[5] Les intimés soulèvent plusieurs objections. Ils soutiennent que l'appel est plus complexe que le ministre ne l'indique. Le raisonnement du juge Kelen qui porte sur le devoir implicite n'a pas été plaidé par les intimés devant lui et ils devront donc faire des recherches pour appuyer sa conclusion. Ils déclarent aussi vouloir plaider que le juge Kelen a commis une erreur en concluant que l'article 190 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), a une application rétroactive ou rétrospective. De plus, ils disent vouloir déposer un appel incident au sujet des 22 demandes rejetées par le juge Kelen.
[6] Les avocats des intimés soutiennent qu'en vertu du paragraphe 361(3) du RIPR et suite à l'ordonnance du juge Kelen, ils doivent préparer leurs clients avant le 31 mars 2003 pour les entrevues que le juge Kelen a ordonné au ministre de tenir au plus tard à cette date. Les cinq avocats qui ont comparu devant moi m'ont fait savoir, en leur qualité d'officiers de la Cour, qu'ils doivent préparer respectivement 4, 9, 9, 20 et 42 clients pour des entrevues qui se tiendront avant le 31 mars 2003. Ce travail s'ajoute à leurs autres obligations, dans le cadre de leurs pratiques d'immigration, en matière de comparution et de préparation des dossiers. En conséquence, ils soutiennent qu'en présence d'un appel accéléré qui serait entendu avant le 31 mars 2003 ils seraient dans une situation qui leur causerait un préjudice professionnel considérable, sans compter le préjudice causé à leurs clients qui doivent être préparés pour une entrevue avant le 31 mars 2003.
[7] Le ministre soutient que le critère permettant de savoir si une ordonnance accélérant l'audition doit être accordée est tiré de l'arrêt Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd. (1998), 228 N.R. 355. Le ministre soutient que le demandeur doit démontrer :
a) Qu'un préjudice irréparable sera causé si l'audition n'est pas accélérée;
b) Que la Cour et les avocats des parties ont réussi à s'entendre sur un échéancier qui leur convient pour l'audition de l'appel; et
c) Que l'appel ne sera pas entendu au détriment d'autres personnes dont la date d'audition ait déjà été fixée.
Je ne suis pas complètement convaincu que les exigences à satisfaire pour obtenir une audition accélérée soient si rigoureuses que le prétend le ministre, notamment qu'un demandeur doive démontrer le préjudice irréparable afin d'obtenir une telle ordonnance. Toutefois, c'est ce qui a été présenté par le ministre et il est disposé à ce que sa demande soit tranchée au vu de ces exigences. Je vais donc les appliquer aux faits en l'espèce. Je veux toutefois ajouter que même si j'avais recours à une norme moins exigeante que celle du préjudice irréparable, ma conclusion n'en serait pas modifiée.
[8] La troisième condition, savoir qu'on n'ait pas à déloger quelqu'un pour prendre sa place, ne se pose pas. En effet, la Cour est libre le 20 mars 2003 en après-midi par suite d'une annulation.
[9] S'agissant du préjudice irréparable, je partage l'avis du ministre que le fait de rendre un appel sans valeur par le simple passage du temps peut constituer un préjudice irréparable. Toutefois, à supposer que cet appel ne soit pas entendu avant que la question ne devienne théorique, je ne suis pas convaincu que le résultat serait une catastrophe pour le ministre. Premièrement, notre Cour peut décider d'utiliser son pouvoir discrétionnaire d'entendre un appel même si la question est devenue théorique. Voir l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, à la page 353 et aux pages 358 et suivantes. Deuxièmement, à supposer qu'aucun autre demandeur de visa d'immigrant ne cherche à faire évaluer sa demande en vertu de l'ancien règlement, les problèmes pratiques ou administratifs auxquels le ministre pourrait être confronté disparaîtront. Si, par contre, un demandeur de visa d'immigrant cherche à être évalué en vertu de l'ancien règlement et que le ministre ne procède pas ainsi, la question sera probablement soumise au contrôle judiciaire. Les mêmes considérations, ou des considérations semblables, relatives à l'obligation du ministre, s'il en est, peuvent être plaidées à cette occasion. La partie qui n'aura pas gain de cause peut chercher à faire certifier une question en vue d'un appel afin qu'on puisse faire trancher le problème par notre Cour.
[10] Le ministre soutient qu'à défaut de traiter la question maintenant, il y aura une incertitude dans le droit et il pourrait faire face à des difficultés administratives. Si c'est le cas, le ministre peut s'adresser à la Cour pour qu'on accorde un traitement accéléré à tout contrôle judiciaire ou appel subséquent. À supposer qu'on puisse démontrer des motifs en ce sens, la Cour peut tout à fait rendre une ordonnance accélérant l'audition et l'appel subséquent. De toute façon, le ministre peut demander un traitement accéléré du présent appel en suggérant un échéancier moins serré. Il faudra, bien sûr, traiter alors du caractère théorique de la question.
[11] Le ministre soutient que la question de savoir si les recommandations d'un comité de la Chambre des communes peuvent imposer un devoir de droit public à un ministre peut très bien ne pas être posée à nouveau; or, il s'agit d'un principe important de droit constitutionnel que la Cour devrait examiner. Je ne veux pas minimiser l'importance de cette question. Toutefois, on ne m'a pas convaincu qu'elle ne pourrait être traitée dans le cadre de contrôles judiciaires ou d'appels subséquents. Comme je l'ai déjà dit, notre Cour peut utiliser son pouvoir discrétionnaire d'entendre et de trancher l'appel en l'espèce, même si la question est devenue théorique.
[12] Quant à l'échéancier, il est clair que les parties ne s'entendent pas. Bien que la Cour a le pouvoir d'imposer un échéancier en l'absence d'entente entre les parties, je suis d'avis que dans la plupart des cas la Cour devrait d'abord conclure que l'attitude d'une des parties (ou des deux) est déraisonnable. Il ne me semble pas que ce soit le cas en l'espèce.
[13] Bien que le ministre ne soit pas déraisonnable en essayant d'obtenir une audience de l'appel et une décision avant le 31 mars 2003, l'échéancier proposé est extraordinairement serré. Bien que les avocats des intimés doivent faire montre de souplesse, je considère que les accommodements qu'on leur demande en l'espèce ne sont pas justes et qu'ils leur causeraient un préjudice, ainsi qu'à leurs clients. Par suite de l'ordonnance du juge Kelen, ils doivent préparer leurs clients pour des entrevues que le ministre doit tenir au plus tard le 31 mars 2003. De plus, ils doivent faire face aux obligations habituelles de leurs pratiques. Il me semble que le fait d'accélérer l'appel pour que l'audience ait lieu au plus tard le 31 mars 2003 exigerait qu'au moins certains d'entre eux fassent un choix entre se préparer pour l'appel et s'assurer que leurs clients sont préparés pour les entrevues. Je ne crois pas qu'il soit juste de placer ces avocats, ou leurs clients, dans une telle situation. Pour ces motifs, je conclus que le ministre n'a pas satisfait aux exigences du critère requis pour la tenue d'une audition accélérée de l'appel avant le 31 mars 2003.
[14] La requête pour obtenir une ordonnance abrégeant le délai fixé pour la signification et le dépôt du dossier de requête est accueillie et le dossier de requête est déposé. La requête pour accélérer l'audition de l'appel est rejetée, sans préjudice à toute autre demande que le ministre pourrait vouloir présenter.
[15] Sur consentement, le délai accordé aux intimés pour déposer un appel incident est prorogé au 28 mars 2003.
[16] Les intimés qui sont représentés par les cinq avocats inscrits à cette requête ont droit à des dépens de 1 000 $ pour chacun des avocats, y compris les débours, la somme totale à payer par le ministre étant de 5 000 $.
« Marshall Rothstein »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-133-03
INTITULÉ : LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION c. LAURENTIU DRAGAN
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto
DATE DE L'AUDIENCE : Le 12 mars 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
DE LA COUR PRONONCÉS À
L'AUDIENCE PAR : LE JUGE ROTHSTEIN
COMPARUTIONS :
Ursula Kaczmarczyk POUR L'APPELANT
Leena Jaakimainen
Kevin Lunney
Timothy Leahy POUR LES INTIMÉS
David Rosenblatt
Marvin Moses
Herbert Brownstein
Lawrence Wong
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Morris Rosenberg POUR L'APPELANT
Sous-procureur général du Canada
Timothy Leahy POUR LES INTIMÉS
Toronto (Ontario)
Marvin Moses
Toronto (Ontario)
David Rosenblatt
Rosenblatt Associates
Toronto (Ontario)
Herbert Brownstein
Montréal (Québec)
Lawrence Wong
Wong Pederson Law Offices
Vancouver (Colombie-Britannique)
Leonard Pearl
Chang & Boos
Toronto (Ontario)
Jean Bohbot
Bohbot & Associates
Montréal (Québec)