CORAM : LE JUGE PRATTE
LE JUGE MARCEAU
LE JUGE STONE
AFFAIRE INTÉRESSANT L'APPEL CONTRE UNE DÉCISION DE LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
ET UNE REQUÊTE EN SUSPENSION DES PROCÉDURES
ET la révocation de la citoyenneté sous le régime des articles 10 et 18 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, modifiée, et de l'article 19 de la Loi sur la citoyenneté canadienne, S.R.C. 1952, ch. 33, modifiée;
ET une demande de renvoi à la Cour fédérale sous le régime de l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, modifiée;
ET un renvoi à la Cour sous le régime de la règle 920 des Règles de la Cour fédérale
A-560-96
(T-938-95)
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
appelant
(requérant),
- et -
JOHANN DUECK,
intimé
(intimé).
_______________________________
A-561-96
(T-866-95)
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
appelant
(requérant),
- et -
HELMUT OBERLANDER,
intimé
(intimé).
Requêtes entendues à Toronto (Ontario), les mardi, mercredi et jeudi, 10 11 et 12 décembre 1996.
Ordonnance rendue à l’audience le jeudi 12 décembre 1996.
MOTIFS DE L’ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE PRATTE
MOTIFS DE L’ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE MARCEAU
MOTIFS DE L’ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE STONE
CORAM : LE JUGE PRATTE
LE JUGE MARCEAU
LE JUGE STONE
AFFAIRE INTÉRESSANT L'APPEL CONTRE UNE DÉCISION DE LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
ET UNE REQUÊTE EN SUSPENSION DES PROCÉDURES
ET la révocation de la citoyenneté sous le régime des articles 10 et 18 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, modifiée, et de l'article 19 de la Loi sur la citoyenneté canadienne, S.R.C. 1952, ch. 33, modifiée;
ET une demande de renvoi à la Cour fédérale sous le régime de l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, modifiée;
ET un renvoi à la Cour sous le régime de la règle 920 des Règles de la Cour fédérale
A-560-96
(T-938-95)
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
appelant
(requérant),
- et -
JOHANN DUECK,
intimé
(intimé).
_______________________________
A-561-96
(T-866-95)
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
appelant
(requérant),
- et -
HELMUT OBERLANDER,
intimé
(intimé).
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
(Prononcés à l’audience à Toronto(Ontario),
le jeudi 12 décembre 1996.)
LE JUGE PRATTE
Les intimés demandent dans les présents appels une ordonnance portant rejet des appels sur le fondement de deux moyens, soit, d’une part, que la Cour n’a pas compétence pour les entendre et, d’autre part, qu’il existe une crainte raisonnable de partialité de la part des membres de la Cour.
La décision faisant l’objet des présents appels est une ordonnance rendue par la Section de première instance portant suspension des procédures engagées aux termes de l’article 18 de la Loi sur la citoyenneté à l’égard de chacun des intimés, au motif que le fait de laisser l’instance suivre son cours constituerait un abus de procédure, puisque selon le juge de première instance il existe une crainte raisonnable d’absence d’indépendance de la part des juges de la Section de première instance par suite de ce qu’il a conclu comme étant un grave faux pas commis par le juge en chef.
Voici, en partie, le libellé des articles 10 et 18 de la Loi sur la citoyenneté :
10. (1) Sous réserve du seul article 18, le gouverneur en conseil peut, lorsqu'il est convaincu, sur rapport du ministre, que l'acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté, ou la réintégration dans celle‑ci, est intervenue sous le régime de la présente loi par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels, prendre un décret aux termes duquel l'intéressé, à compter de la date qui y est fixée :
a) soit perd sa citoyenneté [...]
* * *
18. (1) Le ministre ne peut procéder à l'établissement du rapport mentionné à l'article 10 sans avoir auparavant avisé l'intéressé de son intention en ce sens et sans que l'une ou l'autre des conditions suivantes ne se soit réalisée :
a) l'intéressé n'a pas, dans les trente jours suivant la date d'expédition de l'avis, demandé le renvoi de l'affaire devant la Cour;
b) la Cour, saisie de l'affaire, a décidé qu'il y avait eu fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels.
[...]
(3) La décision de la Cour visée au paragraphe (1) est définitive et, par dérogation à toute autre loi fédérale, non susceptible d'appel.
Les intimés ont été avisés que le ministre avait l’intention d’établir, à leur égard, le rapport prévu à l’article 10. Les deux intimés ont demandé que leur cas soit soumis à la Section de première instance. Ces deux renvois étaient en instance depuis plus d’une année lorsque l’ordonnance faisant l’objet des présents appels a été rendue.
Les intimés soutiennent d’abord que, conformément au paragraphe 18(3), l’ordonnance est non susceptible d’appel et que, pour cette raison, les appels doivent être rejetés pour absence de compétence. Par ailleurs, l’appelant soutient que l’ordonnance portant suspension des procédures en vertu du paragraphe 18(1) et dont appel a été interjeté, n’équivaut pas à une décision rendue sous le régime de ce paragraphe et que, par conséquent, le paragraphe 18(3) ne s’y applique pas.
Le paragraphe 18(3) n’est pas clair. Il appert d’une interprétation littérale de ce paragraphe, en particulier à la lumière de sa version française, que seules les décisions selon lesquelles une personne a obtenu frauduleusement sa citoyenneté, et non les décisions selon lesquelles il n’a pas obtenu sa citoyenneté de cette façon, soient non susceptibles d’appel. L’application d’une telle interprétation littérale aurait un résultat absurde, car elle conférerait un droit d’appel exclusivement au ministre. Il convient donc d’interpréter ce paragraphe. Il s’applique certainement à la décision définitive de la Cour en ce qui concerne le renvoi, que cette décision soit favorable ou non au ministre.
Dans plusieurs instances réglées en application de la Loi sur l’immigration, la Cour a conclu qu’une disposition de cette Loi déniant le droit d’interjeter appel d’un jugement définitif refusait implicitement d’accorder le droit d’interjeter appel de la décision interlocutoire menant à ce jugement. Il s’ensuit que l’interdiction prévue au paragraphe 18(3) s’applique non seulement à la décision définitive quant au renvoi mais à toutes les décisions susceptibles d’être rendues par la Section de première instance dans le cadre du renvoi y compris, à mon avis, une décision accordant ou refusant une suspension des procédures relatives au renvoi.
Mes deux collègues ne partageant pas mon point de vue sur cette question, je dois me pencher sur la deuxième prétention des intimés selon laquelle les appels doivent être rejetés au motif qu’il existe une crainte raisonnable de partialité de notre part.
En tenant pour acquis l’existence d’une telle crainte raisonnable de partialité, et comme cette prétendue partialité s’étend à tous les membres de la Cour, la question à trancher est de savoir si l’intérêt de la justice serait mieux servi en déniant à l’appelant le droit d’interjeter appel, droit qu’il a selon la majorité de la Cour, ou en entendant l’appel et en rendant un jugement qui fera l’objet d’un examen minutieux par la Cour suprême du Canada. À mon avis, poser la question est d’y répondre : l’appel doit être entendu. Je n’ai pas à m’étendre davantage sur le sujet, car j’ai eu le privilège de lire les motifs que mon confrère, le juge Stone, est sur le point de prononcer et je souscris entièrement à son point de vue, à cet égard.
«Louis Pratte»
J.C.A.
Traduction certifiée conforme _________________________
Bernard Olivier, LL. B.
CORAM : LE JUGE PRATTE
LE JUGE MARCEAU
LE JUGE STONE
AFFAIRE INTÉRESSANT L'APPEL CONTRE UNE DÉCISION DE LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
ET UNE REQUÊTE EN SUSPENSION DES PROCÉDURES
ET la révocation de la citoyenneté sous le régime des articles 10 et 18 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, modifiée, et de l'article 19 de la Loi sur la citoyenneté canadienne, S.R.C. 1952, ch. 33, modifiée;
ET une demande de renvoi à la Cour fédérale sous le régime de l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, modifiée;
ET un renvoi à la Cour sous le régime de la règle 920 des Règles de la Cour fédérale
A-560-96
(T-938-95)
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
appelant
(requérant),
- et -
JOHANN DUECK,
intimé
(intimé).
_______________________________
A-561-96
(T-866-95)
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
appelant
(requérant),
- et -
HELMUT OBERLANDER,
intimé
(intimé).
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
(Prononcés à l’audience à Toronto(Ontario),
le jeudi 12 décembre 1996.)
LE JUGE MARCEAU
En toute déférence, je dois malheureusement exprimer mon désaccord avec mon collègue, le juge Pratte. Je ne vois pas le bien-fondé de l’un ou l’autre moyen, qui n’ont aucun rapport entre eux, sur lesquels se fonde la requête en rejet.
1- Voici mon raisonnement en ce qui concerne l’argument selon lequel la Cour n’est pas compétente en vertu du paragraphe 18(2) de la Loi sur la citoyenneté. Il me semble évident, à la lumière du libellé de cette disposition et d’une analyse rigoureuse de l’affaire Luitjens[1], que seule une décision de la Cour selon laquelle, comme le mentionne le paragraphe, une personne a ou non obtenu sa citoyenneté par «fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels» est réputée définitive et non susceptible d’appel. Je conviens que les règles d’interprétation suggèrent fortement que cette interdiction d’interjeter appel s’applique également à tous les règlements et décisions de nature interlocutoire rendus dans le but d’arriver finalement à une telle décision. Cependant, une décision imposant une suspension d’instance n’équivaut manifestement pas à la décision visée et définie très précisément et, en réalité, autorisée par le paragraphe 18(1), voire par tout autre article de la Loi sur la citoyenneté, même si, à l’origine, la Cour avait été saisie de l’affaire conformément à la Loi. Il s’agit d’une décision empêchant de faire un renvoi sous le régime du paragraphe 18(1) et enlevant indéfiniment au ministre le droit d’établir le rapport prévu à l’article 10. Il s’agit donc d’une décision qui équivaut à un jugement au sens du paragraphe 27(1) de la Loi sur la Cour fédérale et qui n’est pas à l’abri d’un appel interjeté sous le régime du paragraphe 18(3) de la Loi sur la citoyenneté.
2- En ce qui concerne l’argument selon lequel la Cour ne peut pas exercer sa compétence en raison de l’existence d’un conflit d’intérêts assez important pour soulever une crainte de partialité de la part de tous ses membres, je ne souscris pas au raisonnement de mon collègue et je n’ai pas besoin d’invoquer la doctrine de la nécessité pour le rejeter.
Je ne peux absolument pas concevoir l’existence d’une possibilité même lointaine qu’«une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique» puisse sérieusement craindre que la nécessité d’examiner la conduite qu’a eue le juge en chef lors d’une chaîne d’événements en particulier, empêche tous les membres de la Cour (et plus précisément les trois membres principaux qui constituent la présente formation), siégeant en appel d’une décision rendue par la Section de première instance, de demeurer objectifs ou les conduise à violer leur serment professionnel en ne rendant pas jugement selon leur conscience.
Je rejette également la prétention selon laquelle la réputation de la Cour elle-même et celle de tous ses membres aient été entachées aux yeux du public à un point tel que tous les juges de la Section d’appel se trouvent en conflit d’intérêts. Je rejette, en outre, la suggestion selon laquelle l’un ou l’autre d’entre nous puisse sérieusement paraître avoir été influencé par crainte de réprimande ou par une communication inopportune avec le juge en chef.
À l’instar de mon confrère, je rejette la requête en rejet.
«Louis Marceau»
J.C.A.
Traduction certifiée conforme __________________________
Bernard Olivier, LL. B.
A-560-96
CORAM : LE JUGE PRATTE
LE JUGE MARCEAU
LE JUGE STONE
AFFAIRE INTÉRESSANT L'APPEL CONTRE UNE DÉCISION DE LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
ET UNE REQUÊTE EN SUSPENSION DES PROCÉDURES
ET la révocation de la citoyenneté sous le régime des articles 10 et 18 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, modifiée, et de l'article 19 de la Loi sur la citoyenneté canadienne, S.R.C. 1952, ch. 33, modifiée;
ET une demande de renvoi à la Cour fédérale sous le régime de l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, modifiée;
ET un renvoi à la Cour sous le régime de la règle 920 des Règles de la Cour fédérale
E N T R E :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
appelant
(requérant),
- et -
JOHANN DUECK,
intimé
(intimé).
- et -
A-561-96
AFFAIRE INTÉRESSANT L'APPEL CONTRE UNE DÉCISION DE LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
ET UNE REQUÊTE EN SUSPENSION DES PROCÉDURES
ET la révocation de la citoyenneté sous le régime des articles 10 et 18 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, modifiée, et de l'article 19 de la Loi sur la citoyenneté canadienne, S.R.C. 1952, ch. 33, modifiée;
ET une demande de renvoi à la Cour fédérale sous le régime de l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, modifiée;
ET un renvoi à la Cour sous le régime de la règle 920 des Règles de la Cour fédérale
E N T R E :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
appelant
(requérant),
- et -
HELMUT OBERLANDER,
intimé
(intimé).
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
(Prononcés à l’audience à Toronto(Ontario),
le jeudi 12 décembre 1996.)
LE JUGE STONE
Les intimés invoquent deux moyens pour faire rejeter les présents appels. Le premier moyen se fonde sur un défaut de compétence et le second sur l’existence d’une crainte raisonnable de partialité de la part de la présente formation parce que les questions soulevées par les appels portent en grande partie sur l’intervention du juge en chef auprès du juge en chef adjoint, à la suite de démarches faites par le sous-procureur général adjoint (contentieux des affaires civiles) auprès du juge en chef, le 1er mars 1996.
En ce qui concerne le premier moyen invoqué, les intimés prétendent que le paragraphe 18(3) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 interdit d’interjeter appel de l’ordonnance que la Section de première instance a rendue le 4 juillet 1996, portant suspension de l’instance. Il faut évidemment lire ce paragraphe en fonction de l’ensemble de l’article 18[2] et d’autres dispositions pertinentes de la Loi sur la citoyenneté. Il va de soi que le paragraphe 18(1) vise à empêcher le ministre d’établir le rapport prévu à l’article 10 avant que l’avis prescrit ait été remis à la personne faisant l’objet du rapport et que celle-ci ait décidé soit de ne pas demander le renvoi de son cas à la Cour, soit, au contraire, de le faire et que «la Cour, saisie de l'affaire, [ait] décidé qu'il y avait eu fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels».
À mon avis, les mots «une décision» que contient le paragraphe 18(3) renvoient à l’une ou l’autre des décisions pouvant être rendues sous le régime de l’alinéa
18(1)b). Il ressort de la décision de la Cour dans Canada (Secrétaire d’État) c. Luitjens (1992), 142 N.R. 173, qu’une telle «décision» ne constitue pas un jugement «définitif» ou «interlocutoire» au sens du paragraphe 27(1) de la Loi sur la Cour fédérale. Autrement dit, loin de dénier le droit d’appel comme le fait le paragraphe 18(3) de la Loi sur la citoyenneté, le libellé du paragraphe 27(1) de la Loi sur la Cour fédérale ne s’applique pas à une «décision» rendue sous le régime du paragraphe 18(1) de la Loi sur la citoyenneté. Dans l’affaire Luitjens susmentionnée, la Cour ajoute plus loin que même si une «décision» rendue sous le régime du paragraphe 18(1) pouvait être considérée comme étant un jugement «définitif» ou «interlocutoire» au sens du paragraphe 27(1) de la Loi sur la Cour fédérale, ce paragraphe ne pourrait pas s’appliquer à une telle «décision» parce que le paragraphe 18(3) lui-même interdit expressément l’application ordinaire du paragraphe 27(1) par le biais de l’expression «par dérogation à toute autre loi fédérale». Je ne considère pas que l’affaire Luitjens
susmentionnée pose que le paragraphe 18(3) dénie le droit d’interjeter appel d’une décision n’ayant pas été rendue sous le régime du paragraphe 18(1) mais d’une autre loi fédérale. En particulier, à mon avis, le paragraphe 18(3) de la Loi sur la citoyenneté ne dénie pas le droit d’interjeter appel, en vertu du paragraphe 27(1) de la Loi sur la Cour fédérale, d’une décision suspendant les procédures rendue sous le régime de l’article 50 de la Loi sur la Cour fédérale.
Le deuxième moyen invoqué se fonde sur diverses affirmations selon lesquelles la Cour, et particulièrement la présente formation, est inhabile à entendre les appels en raison de l’existence d’une crainte raisonnable de partialité. En tenant pour acquis l’existence d’une telle crainte, je ne crois pas qu’elle rende les membres de la présente formation inhabiles dans les circonstances. La compétence exclusive que confère le paragraphe 27(1) de la Loi sur la Cour fédérale ayant été invoquée, la Cour ne peut pas éluder la tâche qui lui a été confiée, en refusant d’entendre les appels. La règle selon laquelle un juge doit agir lorsque le résultat d’un litige l’intéresse constitue une règle fondamentale, et largement répandue, d’administration de la justice. Cette règle est soumise à l’application de la doctrine de common law de la nécessité, que Halsbury’s Laws of England (4th ed.), vol. 1(1) décrit comme suit, à la page 174 :
[TRADUCTION] Si tous les membres du seul tribunal compétent pour statuer sur une affaire sont rendus inhabiles, ils peuvent être autorisés et obligés à entendre l’affaire et à statuer sur celle-ci grâce à l’application de la doctrine de common law de la nécessité.
[Le renvoi est omis.]
Cette doctrine a été appliquée par la Cour d’appel de la Saskatchewan dans Re The Constitutional Questions Act. Re The Income Tax Act, 1932, [1936] 4 D.L.R. 134. À la page 135, le juge Martin déclare que la règle selon laquelle un juge doit agir lorsque le résultat d’un litige l’intéresse,
[TRADUCTION] ... ne s’applique pas lorsque la Cour agit par nécessité, c’est-à-dire lorsqu’une poursuite est intentée contre tous les juges de la Cour dans une affaire relevant de la compétence exclusive de celle-ci[3].
Ce point de vue a été confirmé, en appel, par le Conseil privé, [1937] 1 W.W.R. 508. Comme les intimés soutiennent que la prétendue partialité s’étend à tous les membres de la Cour, ce qui les rend inhabiles à siéger, il est impossible de constituer une autre formation.
Les intimés cherchent à établir que la doctrine de la nécessité ne s’applique pas aux présents appels parce que le Procureur général peut soumettre ces derniers à la Cour suprême du Canada ou, dans le cas où ils sont rejetés, l’appelant peut, avec la permission de la Cour suprême, interjeter appel de ces jugements et débattre les questions soulevées par les présents appels, devant elle. Je ne suis pas convaincu que l’un ou l’autre moyen puisse être invoqué en l’espèce, les appels interjetés devant la Cour n’ayant pas encore été entendus ni réglés. À mon avis, l’audition de ces appels par la Cour servirait davantage l’intérêt de la justice. Agir autrement équivaudrait à dénier à l’appelant des droits prévus par la loi.
Je rejette les requêtes en rejet.
«A.J. STONE»
J.C.A.
Traduction certifiée conforme __________________________
Bernard Olivier, LL. B.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AFFAIRE INTÉRESSANT L'APPEL CONTRE UNE DÉCISION DE LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
ET UNE REQUÊTE EN SUSPENSION DES PROCÉDURES
ET la révocation de la citoyenneté sous le régime des articles 10 et 18 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, modifiée, et de l'article 19 de la Loi sur la citoyenneté canadienne, S.R.C. 1952, ch. 33, modifiée;
ET une demande de renvoi à la Cour fédérale sous le régime de l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, modifiée;
ET un renvoi à la Cour sous le régime de la règle 920 des Règles de la Cour fédérale
A-560-96
(T-938-95)
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
appelant
(requérant),
- et -
JOHANN DUECK,
intimé
(intimé).
_______________________________
A-561-96
(T-866-95)
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
appelant
(requérant),
- et -
HELMUT OBERLANDER,
intimé
(intimé).
____________________________________________
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
____________________________________________
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE :A-560-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :Ministre de la Citoyenneté et de
l’Immigration
- c. -
Johann Dueck
LIEU DE L’AUDIENCE :Toronto (Ontario)
DATES DE L’AUDIENCE :les 10, 11 et 12 décembre 1996
MOTIFS DE L’ORDONNANCE DE LA COUR PRONONCÉS PAR LE JUGE PRATTE
MOTIFS DE L’ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE MARCEAU
MOTIFS DE L’ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE STONE
ONT COMPARU :
M. W. Ian C. Binnie, c.r.
M. Christopher A. Amerasinghe, c.r.
M. Paul J. Evraire, c.r.pour l’appelant
M. Donald B. Bayne
M. Michael Daviespour l’intimé
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
M. George Thomson
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)pour l’appelant
Bayne, Sellar, Boxall
Ottawa (Ontario)pour l’intimé
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE :A-561-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :Ministre de la Citoyenneté et
de l’Immigration
- c. -
Helmut Oberlander
LIEU DE L’AUDIENCE :Toronto (Ontario)
DATES DE L’AUDIENCE :les 10, 11 et 12 décembre 1996
MOTIFS DE L’ORDONNANCE DE LA COUR PRONONCÉS PAR LE JUGE PRATTE
MOTIFS DE L’ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE MARCEAU
MOTIFS DE L’ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE STONE
ONT COMPARU :
M. W. Ian C. Binnie, c.r.
M. Christopher A. Amerasinghe, c.r.
M. Paul J. Evraire, c.r.pour l’appelant
M. Michael A. Code
M. Robert B. McGee, c.r.pour l’intimé
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
M. George Thomson
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)pour l’appelant
Sack Goldblatt Mitchell
Toronto (Ontario)pour l’intimé
18. (1) Le ministre ne peut procéder à l'établissement du rapport mentionné à l'article 10 sans avoir auparavant avisé l'intéressé de son intention en ce sens et sans que l'une ou l'autre des conditions suivantes ne se soit réalisée:
a) l'intéressé n'a pas, dans les trente jours suivant la date d'expédition de l'avis, demandé le renvoi de l'affaire devant la Cour;
b) la Cour, saisie de l'affaire, a décidé qu'il y avait eu fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels.
(2) L'avis prévu au paragraphe (1) doit spécifier la faculté qu'a l'intéressé, dans les trente jours suivant sa date d'expédition, de demander au ministre le renvoi de l'affaire devant la Cour. La communication de l'avis peut se faire par courrier recommandé envoyé à la dernière adresse connue de l'intéressé.
(3) La décision de la Cour visée au paragraphe (1) est définitive et, par dérogation à toute autre loi fédérale, non susceptible d'appel.
[3]Pour d’autres exemples de son application voir Beauregard c. La Reine, [1981] 2 C.F. 543 (1re inst.); Laws v. Australian Broadcasting Tribunal, (1990) 93 A.L.R. (H.C.); Re Milne and Joint Chiropractic Review Committee (1992), 90 D.L.R. (4th) 634 (C.A. Sask.); Finch v. Association of Professional Engineers and Geoscientists (B.C.) (1996), 73 B.C.A.C. 295 (C.A. C.-B.).