Date : 20010919
Dossier : A-168-00
CORAM : LE JUGE DESJARDINS
ENTRE :
LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA
demanderesse
et
LUC CARTIER
défendeur
Audience tenue à Montréal, Québec, le vendredi 14 septembre 2001
Jugement rendu à Ottawa, Ontario, le mercredi 19 septembre 2001
MOTIFS DU JUGEMENT PAR : LE JUGE DESJARDINS
Y ONT SOUSCRIT: LE JUGE DÉCARY
LE JUGE NOËL
Date : 20010919
Dossier : A-168-00
Référence neutre : 2001 CAF 274
CORAM : LE JUGE DESJARDINS
LE JUGE DÉCARY
LE JUGE NOËL
ENTRE :
LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA
demanderesse
et
LUC CARTIER
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] Le prestataire fut embauché par Volkswagen St-Hyacinthe le 5 octobre 1998. Son travail consistait à laver les voitures et également à reconduire les clients avec l'auto de service de son employeur. Il était essentiel, pour ce faire, qu'il détienne un permis de conduire valide.
[2] Son permis de conduire fut suspendu en janvier 1999 pour non-paiement de l'amende suite à une contravention reçue en mars 1998. Le prestataire connaissait, à l'époque, des difficultés financières qui l'empêchaient d'en acquitter le paiement.
[3] L'employeur a déclaré qu'il avait songé à aider le prestataire en payant l'amende à sa place. Mais quand le prestataire lui remit sa contravention, il l'informa qu'il en avait reçu une autre. L'employeur conclut alors qu'il ne pouvait se permettre "d'embarquer dans ça". Il trouva un remplaçant et le prestataire fut congédié le 5 février 1999.
[4] La Commission refusa de verser les prestations au motif que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite, selon les dispositions de l'article 30 de la Loi sur l'assurance-emploi (la "Loi"), (L.C. 1996, c. 23).
[5] Le conseil arbitral, saisi de la question, en arriva à la conclusion que l'infraction avait été commise avant le début de l'emploi et que la perte du permis de conduire pendant l'emploi n'était que la résultante des difficultés financières qu'éprouvait le prestataire et de son incapacité de payer l'amende.
[6] Le juge-arbitre confirma la décision du conseil arbitral.
[7] Je conclus, pour ma part, que le conseil arbitral et le juge-arbitre ont erré en retenant l'incapacité de payer du prestataire comme étant la cause de la perte d'emploi.
[8] Pour avoir droit au bénéfice des prestations, une personne ne doit pas seulement faire établir à son profit une période de prestations. Elle doit également faire la preuve qu'elle remplit les conditions requises par la Loi et qu'il n'existe aucune circonstance pouvant l'exclure du bénéfice des prestations (article 49 de la Loi).
[9] L'inconduite, comme motif d'exclusion, est prévue au paragraphe 30(1) de la Loi, lequel prévoit :
30.(1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s'il perd un emploi en raison de son inconduite ou s'il quitte volontairement un emploi sans justification [...] |
30.(1) A claimant is disqualified from receiving any benefits if the claimant lost any employment because of their misconduct or voluntarily left any employment without just cause [...] [Je souligne] |
[10] Dans Meunier c. C.E.I.C. ((1997), 208 N.R. 377, paragraphe 2), notre Cour a conclu que l'inconduite prévue à la Loi n'était pas un simple manquement à n'importe quelle obligation liée à l'emploi mais qu'elle constituait plutôt "un manquement d'une portée telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu'il serait susceptible de provoquer son congédiement".
[11] En l'espèce, le prestataire savait que, sans son permis de conduire, il ne pouvait conserver son emploi. Il a reconnu dans sa déclaration qu'étant donné qu'il travaillait avec ce permis de conduire, il ne pouvait maintenir son emploi lorsque son permis lui fut retiré.
[12] Il est de jurisprudence constante qu'il doit y avoir un lien de causalité entre l'inconduite reprochée au prestataire et son emploi (Canada (Procureure générale) c. Brissette (C.A.), [1994] 1 C.F. 684 à la p. 690; Canada (Procureure générale) c. Nolet (19 mars 1992), A-517-91 (C.A.F.); Smith c. Canada (Procureur général) (C.A.), [1998] 1 C.F. 529, paragraphe 23).
[13] Le conseil arbitral et le juge-arbitre ont retenu que l'incapacité de payer du prestataire avait causé la perte d'emploi. La preuve révélait plutôt que l'employeur était disposé à payer l'amende à la place du prestataire mais qu'il se ravisa lorsqu'il apprit que ce dernier avait reçu une seconde contravention.
[14] La cause de la perte de l'emploi n'est donc pas l'incapacité de payer du prestataire puisque son employeur était prêt à payer à sa place mais bien la seconde contravention.
[15] Le conseil arbitral et le juge-arbitre ont ignoré cet élément important de la preuve. S'il n'y avait eu qu'une seule contravention, l'employeur, selon sa déclaration, serait venu en aide au prestataire et ce dernier n'aurait pas perdu son emploi.
[16] J'accueillerais la demande de contrôle judiciaire, j'annulerais la décision du juge-arbitre et je retournerais le dossier au juge-arbitre en chef ou à un juge-arbitre désigné par lui pour qu'il la décide en tenant pour acquis que le prestataire est exclu des prestations en raison de son inconduite en application de l'article 30 de la Loi.
"Alice Desjardins"
j.c.a.
"Je suis d'accord
Robert Décary, j.c.a."
"Je suis d'accord
Marc Noël, j.c.a."