Date : 20010108
Dossier : A-888-97
OTTAWA (ONTARIO) LE 8 JANVIER 2001
CORAM : LE JUGE STONE
LE JUGE ISAAC
LE JUGE EVANS
ENTRE :
A.B.
appelant
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et
SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA
intimés
JUGEMENT
L'appel interjeté dans le présent dossier ainsi que dans les dossiers connexes A-922-97 et A-923-97 est rejeté sans frais. La réponse à la question certifiée est négative.
« A.J. Stone »
J.C.A.
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes
Date : 20010108
Dossier : A-888-97
CORAM : LE JUGE STONE
LE JUGE ISAAC
LE JUGE EVANS
ENTRE :
A.B.
appelant
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et
SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA
intimés
Audience tenue à Toronto (Ontario), le lundi 20 novembre 2000.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le lundi 8 janvier 2001.
MOTIFS DU JUGEMENT PAR : LE JUGE EVANS
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE STONE
LE JUGE ISAAC
Date : 20010108
Dossier : A-888-97
CORAM : LE JUGE STONE
LE JUGE ISAAC
LE JUGE EVANS
ENTRE :
A.B.
appelant
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et
SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA
intimés
MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE EVANS
[1] La question soulevée dans le présent appel est de savoir si l'article 7 de la Charte impose aux ministres intimés l'obligation de financer le coût des services de préparation d'un avocat avant une enquête en matière d'immigration pouvant mener au renvoi d'une personne impécunieuse qui s'est vu accorder le statut de réfugié au Canada, lorsque la complexité de l'affaire exige plus de temps de préparation que celui qui est financé en vertu d'un régime provincial d'aide juridique.
[2] A.B., l'appelant, est un citoyen de l'Éthiopie qui a obtenu le statut de réfugié au Canada. Cependant, le traitement de la demande de l'appelant en vue d'obtenir le statut de résident permanent a été interrompu lorsque le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre) a allégué que l'appelant avait commis des crimes de guerre à l'étranger et qu'il était donc un membre d'une catégorie non admissible en vertu de l'alinéa 19(1)j) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2. Un rapport a été établi en application de l'article 27 de la Loi et l'affaire a fait l'objet d'une enquête par suite de laquelle A.B. pourrait être expulsé. L'appelant a été arrêté et détenu pendant l'enquête. L'arbitre a commencé à examiner les allégations du ministre le 30 juillet 1997, mais l'enquête a été ajournée plus tard ce jour-là.
[3] L'avocat de A.B. a obtenu un certificat d'aide juridique en vertu du Régime d'aide juridique de l'Ontario pour un nombre d'heures illimité de présence à l'enquête ainsi que pour une période de 16 heures de préparation, soit le nombre maximal d'heures disponible en vertu de l'annexe 3, F, Affaires portant sur l'immigration et les réfugiés, numéro 15.1 de la Loi sur l'aide juridique, L.R.O. 1990, ch. L.9. L'avocat de l'appelant a refusé le certificat, parce que le nombre d'heures accordé semblait insuffisant, lequel certificat a expiré depuis.
[4] L'avocat soutient qu'en raison de la complexité de l'affaire, il a déjà consacré plus de 40 heures à la préparation et qu'il avait besoin de plus de temps. Le Régime d'aide juridique de l'Ontario ne prévoit apparemment aucun droit d'appel en ce qui concerne le nombre d'heures de préparation précisé dans un certificat. Cependant, à la fin d'une audience, il est possible de présenter à l'agent des comptes de services juridiques une demande de fonds supplémentaires. Ce financement est versé uniquement dans des circonstances exceptionnelles.
[5] L'appelant a demandé des fonds supplémentaires au ministre, mais la demande a été refusée le 7 mai 1997. Par la suite, A.B. a engagé trois procédures distinctes dont la complexité n'est pas pertinente aux fins du présent appel. Essentiellement, il a demandé des ordonnances infirmant la décision du ministre et portant que le ministre ou le procureur général du Canada était tenu, en vertu des principes de justice fondamentale, de lui fournir suffisamment de fonds pour lui permettre d'être représenté par un avocat compétent et préparé de façon satisfaisante en vue de l'enquête en matière d'immigration. Les motifs du jugement rendu dans le présent appel s'appliquent également aux appels interjetés dans les dossiers connexes, A-922-97 et A-923-97.
[6] Le juge des requêtes a fait droit à une requête sollicitant la radiation de la déclaration de l'appelant; la décision a été publiée : (1997), 142 F.T.R. 161 (C.F. 1re inst.). Dans ses motifs, le juge a souligné, d'abord, que l'aide juridique est une responsabilité provinciale et que le ministre n'est nullement tenu, que ce soit en vertu d'un texte de loi ou d'une règle de common law, de verser des deniers publics pour permettre à une personne qui est partie à une instance engagée sous le régime de la Loi sur l'immigration de retenir les services d'un avocat. À l'instar du devoir d'équité découlant de la common law, l'article 30 de la Loi reconnaît simplement aux individus le droit d'être représentés à leurs frais par un avocat au cours d'une enquête en matière d'immigration.
[7] En deuxième lieu, commentant l'argument de nature constitutionnelle, le juge des requêtes a établi une distinction d'avec les cas où un droit à des services d'avocat fournis par l'État a été reconnu en application de l'article 7 à des personnes accusées d'infractions criminelles. Le juge a statué que la perte du droit à la liberté et à la sécurité que pouvait subir la personne exposée à un risque d'expulsion n'est pas importante au point d'exiger le même degré de protection procédurale en vertu des principes de justice fondamentale que ce n'est le cas lorsque la personne est l'objet de poursuites pénales pouvant donner lieu à une peine d'emprisonnement. Par conséquent, il a conclu en ces termes (p. 170, par. 30) :
Dans les circonstances de l'espèce, l'article 7 n'impose, à mon sens, aucune obligation à l'intimé de garantir, avant que ne commence l'enquête, le paiement, même un paiement que le requérant accepterait comme raisonnable, pour la préparation de l'avocat qui le représentera.
[8] Le juge des requêtes a certifié la question suivante conformément au paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration :
[TRADUCTION] Lorsqu'un réfugié au sens de la Convention au Canada fait l'objet d'une enquête en matière d'immigration à l'égard d'allégations selon lesquelles il aurait commis un crime de guerre ou un crime contre l'humanité au sens de l'alinéa 19(1)i) de la Loi sur l'immigration, que le Régime d'aide juridique provincial s'est engagé à verser des fonds aux fins de la préparation de l'avocat en vue de l'audience et que ce financement n'est pas suffisant, l'un ou l'autre des ministres intimés est-il tenu en droit de financer les services de l'avocat représentant le réfugié, eu égard, notamment, à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés?
[9] La seule question plaidée à l'audition de l'appel était la question constitutionnelle que le juge des requêtes a certifiée. À mon avis, malgré la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l'intervalle dans l'affaire Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G.(J.), [1999] 3 R.C.S. 46, le juge des requêtes a eu raison de conclure que l'article 7 n'obligeait pas le ministre à verser des deniers publics pour payer le coût du temps supplémentaire dont l'avocat avait besoin pour se préparer de façon satisfaisante à l'enquête en matière d'immigration, même si les frais supplémentaires découlaient, comme l'avocat le soutient, de l'omission de la Couronne d'agir avec célérité et de produire les documents au soutien de sa cause.
[10] Cependant, les raisons pour lesquelles j'en arrive à ce résultat sont différentes de celles que le juge des requêtes a invoquées. Comme celui-ci l'a constaté, l'aide juridique est une responsabilité provinciale. Par conséquent, à mon sens, toute obligation constitutionnelle de fournir des fonds liés aux services juridiques est normalement une obligation à la charge de la province concernée. Bien entendu, il est vrai que l'instance en question est une instance engagée devant un tribunal administratif fédéral et que la menace touchant la liberté ou la sécurité de la personne découle des mesures administratives prises en vertu d'un texte de loi fédéral. Cependant, cette réalité ne suffit pas pour imposer au ministre l'obligation de fournir les services d'un avocat lorsque des fonds ont déjà été accordés à cette fin en vertu d'un régime d'aide juridique provincial.
[11] Depuis 1996, le gouvernement fédéral a fourni une contribution à l'égard des services d'aide juridique dans le domaine civil en versant aux provinces des paiements dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Auparavant, cette aide juridique était considérée comme une activité faisant l'objet de besoins spéciaux en vertu du Régime d'assistance publique du Canada. L'aide juridique en matière pénale et l'aide juridique accordée aux jeunes contrevenants font l'objet d'ententes de partage des coûts entre le gouvernement et chacune des provinces.
[12] À mon avis, il n'y a pas lieu d'imposer au gouvernement fédéral une obligation constitutionnelle supplémentaire en matière d'aide juridique, alors que des fonds sont déjà versés en vertu d'un régime provincial bénéficiant à coup sûr d'une contribution fédérale, parce que certaines instances civiles pour lesquelles des fonds sont demandés seraient engagées sous le régime d'une loi fédérale.
[13] Il est indubitable que la décision rendue dans l'affaire G.(J.), précitée, a pour effet d'étendre aux instances de nature civile le droit pour un individu, en vertu de l'article 7, d'être représenté par un avocat dont les services sont financés par l'État, bien qu'il ne soit pas nécessaire de décider si ce droit couvre les procédures concernées en l'espèce. Cependant, les motifs de la décision rendue dans l'affaire G.(J.), précitée ne portaient pas sur la question dont nous sommes saisis, soit celle de savoir si le droit d'obtenir les services d'un avocat à même les deniers publics peut être invoqué contre les autorités fédérales au sujet d'une affaire fédérale pour laquelle le régime d'aide juridique provincial s'applique.
[14] Pour les motifs précités, l'article 7 de la Charte ne garantit pas le droit aux services d'un avocat fournis par l'État dans les circonstances de la présente affaire. Par conséquent, je répondrais par la négative à la question certifiée suivante
[TRADUCTION] Lorsqu'un réfugié au sens de la Convention au Canada fait l'objet d'une enquête en matière d'immigration à l'égard d'allégations selon lesquelles il aurait commis un crime de guerre ou un crime contre l'humanité au sens de l'alinéa 19(1)i) de la Loi sur l'immigration, que le Régime d'aide juridique provincial s'est engagé à verser des fonds aux fins de la préparation de l'avocat en vue de l'audience et que ce financement n'est pas suffisant, l'un ou l'autre des ministres intimés est-il tenu en droit de financer les services de l'avocat représentant le réfugié, eu égard, notamment, à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés?
et je rejetterais sans frais l'appel interjeté en l'espèce ainsi que dans les dossiers connexes A-922-97 et A-923-97.
« John M. Evans »
J.C.A.
« Je souscris aux présents motifs.
A.J. Stone, J.C.A. »
« Je souscris aux présents motifs.
Julius A. Isaac, J.C.A. »
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Nos DU GREFFE : A-888-97, A-922-97, A-923-97
INTITULÉ DE LA CAUSE : A.B. c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et al.
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : 20 novembre 2000
MOTIFS DU JUGEMENT PAR : le juge Evans
Y ONT SOUSCRIT : les juges Stone et Isaac
EN DATE DU : 8 janvier 2001
ONT COMPARU :
Me Michael Crane POUR L'APPELANT
Me Donald A. MacIntosh
Me Claire le Riche POUR LES INTIMÉS
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Me Michael Crane POUR L'APPELANT
Toronto (Ontario)
Me Morris Rosenberg POUR LES INTIMÉS
Sous-procureur général du Canada