Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20010619

Dossier : A-763-99

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE ISAAC

LE JUGE MALONE

ENTRE :

ALEXANDER BRUCE CAMERON

                                                                                                                                            appelant

- et -

SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                              intimée

Audience tenue à Calgary (Alberta) le lundi 18 juin 2001

JUGEMENTrendu à Calgary (Alberta) le mardi 19 juin 2001

MOTIFS DU JUGEMENT:             LE JUGE LINDEN


Date : 20010619

Dossier : A-763-99

                                                                                               Référence neutre : 2001 CAF 208

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE ISAAC

LE JUGE MALONE

ENTRE :

ALEXANDER BRUCE CAMERON

                                                                                                                                             appelant

- et -

SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                               intimée

                                                    MOTIFS DU JUGEMENT

(prononcés à l'audience à Calgary (Alberta) le mardi 19 juin 2001)

LE JUGE LINDEN

[1]         La principale question en litige en l'espèce est celle de savoir si c'est à bon droit que le juge de la Cour canadienne de l'impôt a tenu l'appelant responsable, en vertu du paragraphe 227.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, de l'omission de la société dont il était un des administrateurs de verser certaines retenues d'impôt au cours de son mandat.


[2]         L'appelant affirme que le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur et qu'il n'est pas responsable de l'omission de sa société de verser les retenues d'impôt parce qu'il a fait preuve d'une diligence raisonnable pour éviter cette omission conformément aux obligations que le paragraphe 227.1(3), dont voici le libellé, mettait à sa charge :

227.1 (3) Un administrateur n'est pas responsable de l'omission visée au paragraphe (1) lorsqu'il a agi avec le degré de soin, de diligence et d'habileté pour prévenir le manquement qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.

[3] À notre humble avis, le juge de la Cour de l'impôt n'a pas correctement appliqué la jurisprudence de notre Cour et plus particulièrement les arrêts Soper, [1998] 1 C.F. 124, Smith, [2001] A.C.F. 448, Worrell, [2000] A.C.F. 1730, et Corsano, [1999] 3 C.F. 173. En premier lieu, il semble qu'il a soumis l'appelant à une norme de diligence plus stricte que celle qui est exigée par la loi et par la jurisprudence. Il a affirmé que l'appelant « avait l'obligation de prévenir le détournement de fonds [que Sa Majesté a qualifié de « défaut » dans son mémoire] dans les circonstances » . Ce n'est pas ce que la loi prévoit. Son obligation était uniquement de faire preuve de la diligence nécessaire pour prévenir un détournement de fonds (ou un défaut). Ainsi que le juge Sharlow l'a expliqué dans l'arrêt Smith, précité :

[TRADUCTION] La seule obligation d'un administrateur est celle d'agir raisonnablement dans les circonstances. Le fait que ses efforts n'ont pas donné de résultats ne vient pas démontrer qu'il n'a pas agi de façon raisonnable.

Le juge Sharlow a conclu que la norme applicable est celle du caractère raisonnable et non « la perfection » .


[4]         Le juge de la Cour de l'impôt a également statué que l'appelant n'avait pas pris « de mesure concrète pour élaborer ou mettre en place des moyens de contrôle des remises ou pour exercer des contrôles de façon continue » . Il a déclaré que, même si l'appelant avait « fait des efforts pour protéger les sommes dues en arriéré à Revenu Canada » , ces mesures avaient été « sans conséquence » . Sur ce point aussi il s'est trompé parce que, bien que les administrateurs soient tenus de prendre des mesures concrètes, il suffit que ces mesures soient raisonnables et concrètes. Il n'est pas nécessaire qu'elles soient à toute épreuve.

[5]         Nous sommes d'avis que, compte tenu de ces principes et vu les faits qui sont pour l'essentiel non contestés, l'appelant a respecté l'obligation légale que le paragraphe 227.1(3) lui imposait, c'est-à-dire la norme à la fois objective et subjective d'agir comme une personne raisonnablement prudente l'aurait fait dans les circonstances de l'espèce.


[6]         Certes, l'appelant est un avocat, mais sa principale fonction en tant qu'administrateur de la société consistait à contribuer à réunir des capitaux au moyen d'un appel public à l'épargne. Il n'était pas une personne de terrain qui s'occupait des activités quotidiennes de la société, mais il s'intéressait plutôt aux grandes orientations de celle-ci. Il n'était pas un fondé de pouvoir et avait peu d'influence sur la gestion. Il était donc plus un administrateur externe qu'un administrateur interne. Bien qu'ils ne diminuent en rien l'obligation que la loi lui impose -- ce qu'il a d'ailleurs lui-même reconnu --, ces faits constituent des éléments pertinents pour déterminer s'il s'est comporté d'une manière raisonnablement prudente.

[7]         Examinons de plus près sa conduite. Au début de son mandat, et à de nombreuses reprises par la suite, l'appelant s'est, parce qu'il était au courant de certains problèmes, fréquemment informé auprès de la direction pour savoir où en étaient les remises de retenues d'impôt. On lui a toujours assuré que tout était en règle. Il a commis l'imprudence de se fier à ses fausses assurances. En fait, les remises n'étaient pas en règle contrairement à ce que la direction affirmait.

[8]         En septembre 1994, des preuves documentaires ont été produites pour démontrer que la direction n'avait pas dit la vérité et que des remises antérieures étaient en souffrance et que les remises courantes n'avaient pas encore été faites. À ce document étaient joints le rapport d'un vérificateur, des états financiers provisoires et une lettre en date du 19 septembre 1994 dans laquelle Revenu Canada réclamait une somme de 205 000 $ en arriérés.


[9]         L'appelant, Cameron, et les autres administrateurs ont alors décidé de retenir les services d'un expert-comptable, M. McArthur, pour qu'il corrige et vérifie ces questions. M. McArthur avait déjà rédigé un rapport au sujet de la situation financière de la société en tant qu'administrateur et directeur des finances de la société. De plus, un comptable en management accrédité, M. Solomon, a été engagé. Il était expressément chargé de s'assurer que la société respectait ses obligations en matière de paiement des retenues d'impôt. Il semble que ces démarches ont porté fruit, qu'on a repris les choses en mains et que les retenues ont été faites conformément à la loi.

[10]       De plus, dans le cadre de ces mesures d'assainissement, une cession a eu lieu le 28 septembre 1994 entre la société et Revenu Canada. Aux termes de cette entente, le produit d'une assurance-incendie souscrite auprès de la compagnie d'assurances Zurich a été cédé à Revenu Canada jusqu'à concurrence de 215 000 $ en contrepartie de l'engagement du cessionnaire de ne prendre aucune mesure pour recouvrer la créance, c'est-à-dire de conserver le « statu quo » .

[11]       Le conseil d'administration a pris une autre mesure le 23 mars 1995 en décidant d'affecter des sommes d'argent au paiement des sommes dues en arriéré en tant que seconde source éventuelle de paiement. Sur les sommes réunies à la suite de l'appel public à l'épargne, 213 000 $ ont été affectées au remboursement de la Société d'exploitation des possibilités offertes par l'Alberta et à la remise des retenues à la source en arriéré. Aucune de ces sommes ne devait être déboursée sans l'autorisation écrite d'un des administrateurs externes, au nombre desquels se trouvait M. Cameron.


[12]       Toutefois, lors de cette assemblée, les administrateurs ont également appris que la société devait également un arriéré de 25 000 $ au titre des retenues à la source courantes. Le conseil a ordonné que cet arriéré soit acquitté sans délai et les administrateurs ont convenu de se réunir à nouveau le 12 avril 1995.

[13]       C'est lors de l'assemblée du 12 avril 1995 que l'appelant et d'autres administrateurs ont appris que les 25 000 $ en question n'avaient pas été payés comme prévu. Un chèque avait été émis, mais avait été retourné avec la mention « sans provision » . Un autre chèque au montant de 38 703,09 $ a par la suite été émis le 4 mai 1995. Chose étonnant, lors de l'assemblée du 12 avril 1995, on a dit aux administrateurs que les retenues à la source étaient des retenues courantes.

[14]       Lors de la même assemblée du 12 avril, l'appelant a appris que la direction n'avait pas suivi la directive du conseil de retenir la somme de 213 000 $ du produit de l'appel public à l'épargne pour l'affecter au paiement des retenues et que, sur cette somme, 113 000 $ avaient été dépensés sans le consentement de l'un ou l'autre des administrateurs externes. Cette situation a provoqué la démission de M. McArthur du conseil. Comme on peut le comprendre, l'appelant s'est mis en colère, a décidé de démissionner ce soir-là et a effectivement remis sa démission le 6 juin 1995.


[15]       Ces faits non contredits démontrent que l'appelant ne s'est pas croisé les bras. Il a fait tout ce qu'on pouvait raisonnablement s'attendre de lui pour protéger les intérêts de Revenu Canada. Il n'a peut-être pas été aussi attentif, sceptique et affirmatif qu'il aurait pu l'être, surtout en laissant la direction l'induire en erreur, mais il est difficile de concevoir ce qu'il pouvait faire de plus dans les circonstances pour se conformer à l'obligation qui lui incombait en tant qu'administrateur d'être raisonnablement prudent dans les circonstances.

[16]       Compte tenu de cette conclusion, il n'est pas nécessaire de traiter des questions relatives à la répartition des diverses sommes que Revenu Canada a reçues de la société et de diverses autres sources.

[17]       L'appel devrait être accueilli avec dépens et la cotisation devrait être annulée au motif que l'appelant a satisfait à la norme de prudence raisonnable à laquelle il était tenu dans les circonstances selon le paragraphe 227.1(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

                                                                                                                         « Allen M. Linden »     

                                                                                                                                               J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL. L., Trad. a.


                                                  

                        COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                                  

Date : 20010619

Dossier : A-763-99

ENTRE :

ALEXANDER BRUCE CAMERON

                                                                                         appelant

- et -

SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                              intimé

                                                                                                                              

                          MOTIFS DU JUGEMENT

                                                                                                                              


                                                  COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                 A-763-99

INTITULÉ DE LA CAUSE : Alexander Bruce Cameron c. Sa Majesté la Reine

                                                                            

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 18 juin 2001

MOTIFS DU JUGEMENT :             Les juges Linden, Isaac et Malone

Y ONT SOUSCRIT :                          Le juge Linden

EN DATE DU :                                     Le 19 juin 2001

ONT COMPARU:

Me Clarence J. Hookenson,                                POUR L'APPELANT

Me Olivier Faldauer

Me Louis A.T. Williams                           POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Zenith Hookenson Vogel                                     POUR L'APPELANT

Calgary (Alberta)

Morris A. Rosenberg                                            POUR L'INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada


Date : 20010618

Dossier : A-763-99

CALGARY (Alberta), le lundi 18 juin 2001

CORAM : LE JUGE LINDEN

                    LE JUGE ISAAC

                    LE JUGE MALONE

ENTRE :

ALEXANDER BRUCE CAMERON

                                                                                                                                             appelant

- et -

SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                               intimée

                                                                 JUGEMENT

LE JUGE LINDEN

           L'appel est accueilli avec dépens et la cotisation est annulée.

                                                                                                                                                                                                          

                                                                                                                                               J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL. L., Trad. a.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.