Date : 20011207
Dossier : A-116-00
OTTAWA, Ontario, le 7 décembre 2001.
CORAM : LE JUGE DESJARDINS
LE JUGE DÉCARY
LE JUGE NOËL
ENTRE :
RICHARD CHABOT
appelant
et
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
JUGEMENT
L'appel est accueilli en partie, la partie de la décision de la Cour canadienne de l'impôt qui maintient les pénalités imposées par le ministre est annulée et la cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation à la lumière des motifs du présent jugement. Les dépens sont accordés en appel seulement.
"Alice Desjardins"
j.c.a.
Date : 20011207
Dossier : A-116-00
Référence neutre : 2001 CAF 383
CORAM : LE JUGE DESJARDINS
ENTRE :
RICHARD CHABOT
appelant
et
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
Audience tenue à Montréal (Québec), le 22 octobre 2001.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 7 décembre 2001.
MOTIFS DU JUGEMENT PAR : LE JUGE DÉCARY
Y A SOUSCRIT : LE JUGE DESJARDINS
MOTIFS DISSIDENTS EN PARTIE: LE JUGE NOËL
Date : 20011207
Dossier : A-116-00
Référence neutre : 2001 CAF 383
CORAM : LE JUGE DESJARDINS
ENTRE :
RICHARD CHABOT
appelant
et
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] Il s'agit ici de l'appel d'une décision rendue par Madame le juge Lamarre de la Cour canadienne de l'impôt (2000 D.T.C. 1795). Le juge Lamarre a rejeté les appels déposés par l'appelant relativement aux cotisations émises par le ministre du Revenu national pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994. L'appelant avait réclamé un crédit d'impôt pour dons de bienfaisance en vertu des paragraphes 118.1(1), (2) et (3) de la Loi de l'impôt sur le revenu. En plus de refuser le crédit réclamé, le ministre avait imposé des pénalités à l'appelant aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi au motif que, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, il avait fait un faux énoncé dans ses déclarations de revenu.
[2] Le juge Lamarre a rejeté l'appel du contribuable. Elle s'est dite d'avis que ce dernier n'avait pas prouvé son droit de propriété dans les tableaux; que les reçus officiels émis par l'organisme de bienfaisance relativement aux donations de 1992 et de 1994 ne rencontraient pas les exigences de l'article 3501 du Règlement de l'impôt sur le revenu (le Règlement); et que l'imposition de pénalités était justifiée dans les circonstances. En obiter, elle a ajouté que le contribuable n'avait pas établi avec l'aide d'experts objectifs la valeur marchande des tableaux.
[3] En ce qui a trait aux exigences prescrites par l'article 3501 du Règlement, il est certain, ainsi que le note le juge Tardif dans Nathalie Plante c. La Reine, [1999] A.C.I. No. 51 (Q.L.), au paragraphe 46 de ses motifs, qu':
[46] Il ne s'agit pas là d'exigences futiles et sans importance; bien au contraire, ce sont là des renseignements tout à fait fondamentaux et absolument nécessaires pour permettre la vérification d'une part de la justesse de la valeur indiquée et d'autre part, de la réalité même du don.
Cela dit, une certaine souplesse s'impose dans l'application du Règlement. En l'espèce, et contrairement au juge Lamarre, je suis d'avis qu'en annexant le certificat d'évaluation au reçu par ailleurs incomplet, l'organisme de bienfaisance rencontrait les exigences du Règlement.
[4] En ce qui a trait au droit de propriété du contribuable sur les tableaux qu'il prétend avoir donnés, je suis d'avis, comme le juge Lamarre, que le contribuable n'a pas établi son droit.
[5] Le contribuable se dit propriétaire des tableaux en vertu d'une "commande d'achat", datée du 22 avril 1991, d'"un lot de tableaux de différents articles" pour une somme de 2 800$ (annexe I, page1) et en vertu d'une "souscription" au montant de 2 500$, datée du 8 mars 1993, "pour une participation à l'achat de l'ensemble des tableaux de la succession de Normand Gingras" (annexe I, page 6). Le 18 juin 1993, M. Chabot a reconnu "avoir reçu d'Émile Amireault les tableaux correspondants (sic) à la somme souscrite pour l'achat des oeuvres de la Succession Normand Gingras, soit 4,15% ou 24 600$ de cinq cent quatre-vingt treize mille dollars (593 000$)" (annexe I, page 7). Aucun des tableaux achetés n'est identifié ni ne le sera avant la donation.
[6] Pour que l'acheteur de tableaux non déterminés en devienne propriétaire, il faut, ainsi que le prescrivent l'article 1026 du Code civil du Bas-Canada et l'article 1453 du Code civil du Québec, que les tableaux aient été déterminés et que l'acheteur ait été informé de leur individualisation. (C'est le Code civil du Bas-Canada qui régit les donations de 1992 et de 1993, et le Code civil du Québec qui régit celle de 1994. Il n'y a pas, sur le plan des principes qui nous intéressent ici, de différences pertinentes entre les deux codes.)
[7] Ainsi que le note Pourcelet, dans La Vente, 5e édition, Les Éditions Thémis, 1987:
L'objet de l'obligation dans le contrat de vente doit être certain, déterminé ou déterminable. Il ne doit exister aucun malentendu quant à la nature concrète de l'objet de la vente...
(page 7)
Le contrat de vente est formé dès qu'il y a accord des parties sur la chose et sur le prix.
(page 13)
Le choix de propriété ne peut porter que sur une chose individualisée. Une chose est dite individualisée lorsqu'elle est identifiée. C'est la species romaine, c'est-à-dire cet ensemble de traits qui caractérisent et font reconnaître un objet. Le transfert de propriété ne se réalise qu'au moment où la chose est déterminée, c'est-à-dire lorsqu'elle devient un corps certain.
(page 87)
Baudouin, dans Les Obligations, 4e édition, Éditions Yvon Blais Inc., 1993, dira de son côté:
Le droit de propriété passant par simple consentement, la volonté des parties doit avoir porté sur un objet précis. L'objet matériel de l'obligation de livrer doit donc avoir été individualisé, c'est-à-dire identifié précisément.
(page 308, no. 551)
[8] La preuve révèle que M. Chabot s'en remettait à tous égards au vendeur des tableaux, M. Amireault, lequel fournissait l'évaluation, choisissait le donataire, décidait quels tableaux donner et s'occupait seul de la donation. Le contribuable ne savait pas, au moment de l'achat, quels tableaux il achetait; il n'était aucunement intéressé à savoir quels étaient ni quels seraient ces tableaux, et encore moins à les voir; les tableaux n'ont été déterminés par M. Amireault qu'au moment de la donation; le contribuable n'a été informé de leur individualisation et de leur valeur respective qu'une fois la donation complétée par M. Amireault, donc à un moment où, en eût-il été le propriétaire, il ne l'était plus; le contribuable n'a été informé de la valeur de sa donation qu'une fois celle-ci complétée.
[9] La preuve a par ailleurs révélé, eu égard aux donations de 1993 et 1994, que le contribuable, qui prétendait avoir acheté une quote-part des tableaux de la succession Gingras, avait donné des tableaux qui ne se retrouvaient pas dans ladite succession. Le contribuable aurait ainsi donné des tableaux autres que ceux qu'il prétendait avoir achetés.
[10] En l'espèce, j'en arrive à la conclusion qu'il n'y a pas eu vente de tableaux faute d'individualisation en temps utile de ces derniers. Tout au mieux pourrait-on soutenir, en ce qui a trait à la quote-part de la succession Gingras, que le contribuable est devenu propriétaire de ladite quote-part, mais cette conclusion ne serait d'aucune utilité au contribuable puisque ce n'est pas sa quote-part qu'il a donnée, mais des tableaux déterminés qui, par surcroît, ne faisaient pas partie de la succession.
[11] Sans doute le contribuable aurait-il pu structurer ses transactions et définir sa relation avec le vendeur Amireault de manière à acquérir le droit de propriété de tableaux déterminés. Ainsi que cette Cour le rappelait récemment dans La Reine c. Friedberg, 92 D.T.C. 6031 (C.A.F.) un contribuable a le droit d'organiser ses affaires comme il l'entend pour profiter de bénéfices fiscaux, mais encore faut-il qu'il les arrange correctement. En droit fiscal, disait le juge Linden, la forme a de l'importance. Ici, la forme n'y est tout simplement pas.
[12] Ayant conclu que le contribuable n'avait pas acquis le droit de propriété des tableaux, je n'ai pas à aller plus loin: il ne saurait y avoir de donation quand le donateur n'est pas propriétaire des objets donnés. Je me dispense donc d'examiner ici le concept d'"intention libérale" (animus donandi) et me contenterai de dire qu'en des circonstances comme celles-ci, l'existence de l'intention libérale requise pour qu'il y ait donation ne me paraît pas évidente.
[13] Ayant conclu qu'il n'y a pas eu donation, je n'ai pas à me pencher sur la valeur marchande des tableaux en cause.
[14] Reste la question des pénalités.
[15] Le paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu impose une pénalité à "toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde dans l'exercice d'une obligation prévue à la présente loi ou à un règlement d'application, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse...ou y participe, y consent ou y acquiesce".
[16] Ce paragraphe est une disposition pénale qui doit être interprétée restrictivement, "de sorte que s'il existe une interprétation raisonnable propre à éviter la pénalité dans un cas particulier, cette interprétation devrait être adoptée" (juge Strayer, Venne c. La Reine, [1984] A.C.F. No. 314, motifs originaux en anglais publiés à 84 D.T.C. 6247, à la page 6256). Et comme le rappelle plus loin le juge Strayer, il incombe au ministre, en vertu du paragraphe 163(3), de prouver que l'imposition de la pénalité est justifiée.
[17] Ce paragraphe vise la conduite répréhensible d'un contribuable dans ses relations formelles avec Revenu Canada. Il ne vise pas à punir le contribuable du seul fait qu'il ait, de bonne foi, cherché à profiter d'un avantage fiscal qui lui est ultérieurement refusé. Il ne vise pas à punir le contribuable en raison d'un désaccord de fond sur la nature d'une transaction dont tous les éléments pertinents sont portés à la connaissance du ministre. Ainsi que le disait le juge Cullen dans Hudson Bay Mining and Smelting Co. v. Canada, [1986] 1 C.T.C. 484, propos expressément endossés par la Cour d'appel fédérale lorsqu'elle a rejeté l'appel de cette décision, [1989] 2 C.T.C. 309 (F.C.A.):
Whether a gift or partial consideration, is really a legal characterization to be determined by the Court. As counsel for the plaintiff put it, "The Ministry would have a distinct advantage if he could levy a penalty every time it disagrees with a taxpayer." Each case must be looked at carefully to determine if there is an omission or a false statement upon which to base a penalty. That is not the case here.
Something more than mere disagreement must be determined: a false statement by a taxpayer, as an example, or gross negligence, or a finding by the tax department that an error was made deliberately. I do not believe there is the criminal onus of proving beyond a reasonable doubt, however. One cannot fault the plaintiff for putting the best possible light on the situation, including the suggested two deals, as long as the main feature is not hidden. I cannot find gross negligence here, or any attempt to bury information from the prying look of the Ministry. Even on a "balance of probabilities" burden, the defendant's case fails.
(page 493)
[18] Sont aussi pertinents ces propos des juges Marceau et Strayer, siégeant alors en première instance, dans Cloutier v. The Queen, 78 D.T.C. 6485, à la page 6487 et dans Venne (supra, paragraphe 16) à la page 6256:
La question qui se pose est celle de savoir si les circonstances dans lesquelles l'omission a eu lieu sont telles qu'une faute lourde puisse être imputée au contribuable, faute lourde s'entendant d'une faute de comportement relativement grave, difficile à expliquer et socialement intolérable. Les circonstances de fait en elles-mêmes ne soulèvent pas de problème, elles sont toutes acquises; c'est leur appréciation qui est impliquée, c'est ce qu'on peut en déduire pour qualifier le comportement du demandeur qui est mis en cause. Ce n'est pas là une question de fait au sens d'une question relative à une donnée factuelle antérieure ou à un événement qui s'est passé dans le temps, mais une question de qualification juridique et de jugement sur l'agir qui n'est pas soumise à preuve mais dépend de l'intime conviction de celui qui a à en décider.
(juge Marceau)
"Gross negligence" must be taken to involve greater neglect than simply a failure to use reasonable case. It must involve a high degree of negligence tantamount to intentional acting, an indifference as to whether the law is complied with or not.
(juge Strayer)
[19] Plus récemment, cette Cour a appliqué le paragraphe 163(2) à un cas qu'elle a qualifié d'"aveuglement volontaire". Le contribuable avait persisté, en dépit d'avertissements répétés du ministère, à réclamer des crédits d'impôt pour dons de bienfaisance dans un contexte de fraude fiscale impliquant un marchand de tableaux reconnu coupable d'infractions criminelles . (La Reine c. Duguay, 2000 D.T.C. 6620 (C.A.F.) et La Reine c. Côté, 2000 D.T.C. 6615 (C.A.F.).)
[20] Quel est, en l'espèce, le faux énoncé ou l'omission que le ministre reproche au contribuable?
[21] Le contribuable a produit, pour l'année 1992, une déclaration d'impôt dans laquelle il faisait état d'un don de charité de 10 000$ à Entraide-Cancer, Jeunesse Estrie. Il annexait à sa déclaration un reçu de 10 000$, lequel ne contenait aucune description de tableaux et aucune évaluation (annexe 1, page 114).
[22] Le contribuable a produit, pour l'année 1993, une déclaration d'impôt dans laquelle il faisait état d'un don de charité de 15 000$ à la Fondation Don des Arts. Il annexait à sa déclaration un reçu en bonne et due forme, avec description et évaluation des tableaux (annexe 1, page 117).
[23] Le contribuable a produit, pour l'année 1994, une déclaration d'impôt dans laquelle il faisait état d'un don de charité de 8 000$ à la Maison d'Art Fra Angelico. Il annexait à sa déclaration un reçu de 8 000$, lequel ne contenait aucune description de tableaux et aucune évaluation (annexe 1, page 122).
[24] Je note que dans le formulaire d'impôt, le contribuable est prié de joindre à sa déclaration le reçu des dons de bienfaisance.
[25] Les déclarations d'impôt relatives aux années 1992 et 1993 sont acceptées sans difficulté par Revenu Canada. Puis le contribuable est sans nouvelles jusqu'au 31 mai 1995. Revenu Canada l'informe alors que sa déclaration pour l'année d'imposition 1994 est sous étude et lui demande de fournir ses preuves d'achat et de paiement ainsi que ses certificats d'évaluation des tableaux qu'il a donnés à La Maison d'Art Fra Angelico (annexe 1, page 20).
[26] Le contribuable donne aussitôt suite à cette lettre et fait parvenir ses certificats d'évaluation et le contrat de souscription en date du 8 mars 1993.
[27] Le 1er septembre 1995, Revenu Canada informe le contribuable que sa donation est refusée et que le ministère se propose d'appliquer la pénalité. Voici les raisons invoquées par le ministre:
Parce que nous ne considérons pas votre disposition des biens en faveur de l'organisme de charité ci-haut mentionné comme étant un don au sens véritable du terme. En effet, pour qu'il y ait un don, le donateur ne reçoit pas ou ne s'attend pas de recevoir un bénéfice quelconque.
Considérant l'écart entre le prix payé pour les biens et la valeur du reçu obtenu, vous avez ou vous vous attendiez de recevoir un bénéfice en retour de la disposition de vos biens en faveur de l'organisme de charité mentionné ci-haut.
Considérant le fait que vous avez transigé avec une personne ou un commerçant, sans lien de dépendance et le court laps de temps entre l'achat et la disposition des biens en faveur de l'organisme de charité, il était raisonnable de croire que leur coût d'achat représentait la juste valeur marchande. Les faits démontrent que vous avez ou vous vous attendiez de recevoir un bénéfice par le biais d'une donation charitable.
Nous avons la présomption que vous saviez que le montant indiqué sur le(s) reçu(s) était surévalué et que vous avez acheté un ou des reçus pour dons de charité en échange des biens pour les raisons suivantes:
Vous ne nous avez pas fourni tel que demandé le 31/05/95, vos preuves d'achats et de paiement des biens relatifs au don effectué à l'organisme de charité ci-haut mentionné;
Vous ne nous avez pas fait la preuve que vous possédiez les biens faisant l'objet du don pendant une longue période;
Le paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit l'imposition d'une pénalité dans les cas où un contribuable a, sciemment ou dans des circonstances équivalentes à une faute lourde, fait un énoncé faux ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse, ou y participe. Le montant des pénalités est le plus élevé de 100$ et de 50% de l'impôt attribuable à l'énoncé faux ou à l'omission.
Nous nous proposons d'appliquer ladite pénalité en considérant les motifs suivants:
La différence entre le prix payé pour les biens et le montant inscrit sur le reçu pour dons de charité démontre que vous avez recherché un enrichissement par le biais d'une donation charitable;
Considérant le fait que vous avez transigé avec une personne ou un commerçant, sans lien de dépendance et le court laps de temps entre l'achat et la disposition des biens en faveur de l'organisme de charité, il était raisonnable de croire que leur coût d'achat représentait la juste valeur marchande. Les faits démontrent que vous avez recherché un enrichissement par le biais d'une donation charitable;
Vous ne nous avez pas fourni tel que demandé le 31/05/95, vos preuves d'achat et de paiement des biens relatifs au don effectué à l'organisme de charité ci-haut mentionné;
Nous avons la présomption que vous saviez que le montant indiqué sur le(s) reçu(s) était surévalué et que vous avez acheté un ou des reçus pour dons de charité pour les raisons suivantes:
Vous ne nous avez pas fourni tel que demande le 31/05/95, vos preuves d'achat et de paiement des biens relatifs au don effectué à l'organisme de charité ci-haut mentionné.
(annexe 1, pages 22 à 24)
(mon soulignement)
[28] Le 12 septembre 1995, le contribuable, dans une longue lettre, répond point par point aux arguments du ministère (annexe 1, page 25).
[29] Le 15 décembre 1995, Revenu Canada informe le contribuable que ses déclarations pour les années d'imposition 1992 et 1993 sont sous étude et lui demande de fournir les preuves d'achat et de paiement des oeuvres, les certificats d'évaluation, les preuves de possession des oeuvres depuis une longue période et un résumé du déroulement des événements (annexe 1, page 30).
[30] Le 6 janvier 1996, le contribuable répond à la lettre du 15 décembre 1995, encore une fois point par point (annexe 1, page 32).
[31] Le 22 janvier 1996, Revenu Canada informe le contribuable que ses donations de 1992 et 1993 sont refusées et que le ministère se propose d'appliquer la pénalité. Voici le texte de cette lettre:
Les documents qui nous ont été soumis se sont avérés, soit insuffisants et/ou incomplets et ils n'ont pu démontrer, hors de tout doute raisonnable, que vous avez possédé les oeuvres en cause à des fins purement et strictement personnelles avant de les offrir aux organismes concernés.
De même, les explications et les documents reçus nous ont permis de conclure que vos intentions initiales concernant vos dons ne rencontraient pas les critères de la Loi au sens véritable du terme. En effet, pour qu'il y ait un don, le donateur ne reçoit pas ou ne s'attend pas de recevoir un bénéfice quelconque.
Le paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit l'imposition d'une pénalité dans le cas où un contribuable qui a sciemment ou dans des circonstances équivalent à une faute lourde, fait un énoncé faux ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse ou y participe. Pour les déclarations produites avant le 13 septembre 1988, le montant de la pénalité est 25% de l'impôt attribuable à l'énoncé faux ou à l'omission. Pour les déclarations produites après le 12 septembre 1988, le montant de la pénalité est le plus élevé de 100$ ou de 50% de l'impôt attribuable à l'énoncé faux ou à l'omission.
Nous proposons d'appliquer la dite pénalité en considérant les motifs suivants:
Vous ne nous avez pas fourni de preuves concrètes de possession des biens ayant fait l'objet des dons pour une longue période;
Selon votre lettre du 6 janvier 1996, vous avez acheté des reçus pour dons de charité plutôt que des oeuvres d'art puisque les faits démontrent que:
Vous avez payé 2 800$ à M. Émile Amireault en date du 22 août 1991 pour l'obtention d'un reçu pour dons de charité de 10 000$ pour l'année d'imposition 1992.
Pour l'année d'imposition 1993, vous avez souscrit 2 500$ en date du 8/3/93 à M. Émile Amireault pour l'obtention de tableaux d'une valeur de 24 600$ selon l'évaluation de M. Émile Amireault lui-même. Vous avez donc fait don d'une partie de ces tableaux pour une valeur de 15 000$ pour lesquels vous avez payé 1 708$ (15 000$ / 24 600$ X 2 500$ = 1 524$).
Le déroulement de l'affaire en cause démontre votre intention à rechercher un enrichissement par le biais de donations charitables;
(annexe 1, pages 37 et 38)
[32] D'autres échanges suivront, dont une lettre de Revenu Canada, le 11 avril 1996, dans laquelle le ministère offre d'annuler les pénalités si le contribuable renonce à son "droit d'opposition et d'appel" (annexe 1, page 43).
[33] Le contribuable refuse d'abandonner la lutte. Il décide toutefois dès 1995, au moment où il prend conscience des doutes qui planent sur ses donations, de ne plus faire de donation de tableaux.
[34] J'ai fait ce long récit de la correspondance et des échanges qui ont eu lieu entre Revenu Canada et le contribuable pour démontrer que ce dernier n'a su que longtemps après le moment de ses donations que celles-ci ne rencontraient pas les exigences du fisc selon l'opinion de Revenu Canada; qu'il a été de bonne foi et particulièrement respectueux des demandes du ministère tout au long du processus, y allant de ses propres recherches sur le droit applicable et sur la valeur des tableaux dans l'espoir de satisfaire les demandes de Revenu Canada et de convaincre ce dernier qu'il s'agissait bien de donations admissibles; et qu'essentiellement, les pénalités lui étaient imposées non pas en raison de faux énoncés ou d'omissions, mais en raison du fait que, selon Revenu Canada, il ne s'agissait pas de donations.
[35] Je constate, en particulier, que les motifs invoqués par le ministre pour refuser le crédit d'impôt sont substantiellement les mêmes que ceux qu'il invoque pour imposer une pénalité. Le contribuable, au fond, est pénalisé en raison du désaccord qui l'opposait au ministre sur une question qui, à l'époque et jusqu'à tout récemment, c'est-à-dire jusqu'aux jugements de cette Cour dans Duguay et Côté (supra, paragraphe 19) tracassait Revenu Canada, à savoir: la validité sur le plan fiscal de la mise sur pied de systèmes de donation de tableaux sous-évalués lors de leur achat et sur-évalués lors de leur donation. Revenu Canada se disait d'avis qu'il n'y avait jamais donation en semblables circonstances -- une prétention finalement rejetée par cette Cour dans Duguay et Côté -- et mettait tous les contribuables qui avaient cherché à tirer profit de ces systèmes dans le même panier, quelles que soient les circonstances propres à chacun.
[36] Le seul reproche que le juge adresse au contribuable, qui n'ait pas trait au fond du litige mais à la conduite du contribuable dans ses échanges avec Revenu Canada, concerne le fait qu'il "a délibérément omis de montrer au ministre la liste des tableaux achetés lorsqu'on lui a demandé des preuves d'achat" (paragraphe 82). Selon le juge, le contribuable "s'est contenté de dire pour expliquer son geste qu'on ne lui avait pas demandé cette liste" (paragraphe 32).
[37] Ce reproche, au départ, ne vaut pas pour l'année 1992. La pénalité imposée relativement à l'année 1992 devrait dont être annulée.
[38] Ce reproche, ensuite, ne tient pas compte des raisons que le contribuable a invoquées pour se justifier. Revenu Canada demandait des preuves d'achat. La liste des tableaux de la succession Gingras n'était pas, à proprement parler, une preuve d'achat. M. Chabot a témoigné comme suit, à la page 102 de l'annexe 3:
R. Bien, parce que le ministère, ce n'est pas ça qu'il m'avait demandé. Il m'avait demandé les documents, preuves d'achat; il m'avait demandé les certificats d'évaluation. C'est ce que j'ai envoyé. Les documents, l'autre, c'est un document d'entente, puis c'était la liste que j'avais par rapport avec monsieur Amireault, mais ça... je ne pensais pas que ça avait un lien direct avec ce qu'il me demandait, parce que ce n'est pas ça qu'il me demandait à ce moment-là.
Cette explication est d'autant plus plausible qu'elle s'inscrit dans la logique du contribuable pour qui il y avait donation quelles que soient les oeuvres achetées, puis données. Il n'a jamais prétendu que les tableaux donnés en 1993 et 1994 provenaient de la succession Gingras. Il prétendait, plutôt, qu'il avait acquis ces tableaux à même la quote-part acquise dans la valeur des tableaux de la succession. Voici d'ailleurs, selon son témoignage, comment il comprenait la nature de son droit de propriété d'une quote-part de 24 600$ dans la collection Gingras:
...l'entente, ce n'était pas que j'aie les tableaux ou que j'aie les tableaux qui sont là-dedans. L'entente, c'est que j'avais un montant participatif. Donc, il en avait la garde. Puis le moment venu bien, je pouvais les disposer. Mon objectif à ce moment-là était établi étant donné que je l'avais fait en 92, d'en disposer pour dons de bienfaisance à des oeuvres de charité.
(annexe 3, page 24)
...même si j'ai participé à la, exemple à l'achat de la Fondation (sic) Normand Gingras, ce n'était pas essentiel pour moi que j'aie des tableaux qui étaient dans ça. L'important, c'est que j'aie la valeur qui se rapportait au montant qui était mon ayant droit, si on veut, là ça fait que c'était surtout ça l'important.
(annexe 3, page 93)
R. C'est que, comme j'ai dit tantôt, c'est qu'avec monsieur Amireault, je faisais affaire, puis on fonctionnait en lot. Moi, j'avais un pourcentage mais ce n'était pas nécessairement les tableaux qui étaient là que quand j'avais besoin qu'il me remettait. Il me remettait les tableaux, ou en tout cas, les tableaux qui allaient directement avec le montant que j'avais droit. Ça veut dire que, si, lui, il décidait qu'il préférait garder ceux-là... Il avait une galerie d'art, monsieur Amireault, donc, lui, il n'avait pas juste ça comme tableaux, il en avait énormément. Et, à ce moment-là, en autant que j'avais les tableaux qui correspondaient au montant que j'avais droit, moi, ça me convenait. Que lui décide de garder un tableau ou un autre, pour moi, le choix du tableau n'était pas bien, bien important.
(annexe 3, page 98)
R. Non, pas... C'est que ce qu'on reconnaît dans ça, c'est que j'ai un montant de valeur de vingt-quatre mille six cents dollars (24 600$). O.K. C'est sûr que c'est par rapport à ma participation à la succession Normand Gingras. Mais ce qu'on avait comme entente extérieure, c'était que ce n'était pas nécessairement ces tableaux-là que je pouvais avoir; je pouvais en avoir d'autres en autant que j'aie des tableaux l'équivalent à vingt-quatre mille six cents dollars (24 600$), qui me revenaient directement.
(annexe 3, page 100)
[39] Il faut aussi se rappeler que Revenu Canada publie un guide intitulé Les dons et l'impôt qu'il révise chaque année (annexe 1, page 60). Ce guide invite en quelque sorte les contribuables "particuliers" -- ("Vous voulez faire un don en argent à un organisme de bienfaisance de votre choix? Vous possédez un tableau... que vous aimeriez donner à une galerie ou à un musée? Vous obtenez une évaluation de votre don?" (page 63)) -- à faire un don de sorte qu'ils aient "droit à un crédit d'impôt si vous faites un don d'argent ou de bien à certains établissements désignés". Le guide permet même, pour éviter "une dépense excessive" que le don soit évalué "par un employé qualifié de l'établissement bénéficiaire" (page 72).
[40] Je note enfin que M. Denis Lemieux, enquêteur à Revenu Canada, a expliqué à la Cour que les fondations en cause n'avaient elles-mêmes fait l'objet d'aucune poursuite parce qu'aux yeux du Ministère,
...elles s'étaient fait prendre dans un guet-apens. Pour eux, ça l'avait pris des proportions incommensurables. Elles se sont réellement... ce ne sont pas des spécialistes pour ce qui est des oeuvres d'art. Elles ont trouvé l'offre alléchante. Ça demandait beaucoup de travail et les profits étaient pratiquement nuls.
C'est des fondations, il n'y avait pas d'intention criminelle de ces personnes-là. Ils se sont aperçues eux autres mêmes qu'ils étaient dans l'erreur.
(annexe 6, pages 25 et 26)
(mon soulignement)
M. Chabot s'est aussi, à sa façon, fait "prendre dans un guet-apens" et il a, lui aussi, à sa façon, "trouvé l'offre alléchante".
[41] Dans ces circonstances, je m'explique mal que Revenu Canada impose des pénalités à ces petits contribuables qui, de bonne foi, ont cherché à tirer profit d'un crédit d'impôt que Revenu Canada lui-même faisait miroiter à leurs yeux et qui, selon le guide, paraissait si facile à obtenir.
[42] Il peut paraître aisé, aujourd'hui, pour le ministre ou pour un tribunal de dire que le contribuable aurait dû dès le départ s'assurer de la validité de la technique qu'il utilisait de bonne foi pour profiter d'un avantage fiscal. Pourtant, Revenu Canada a mis trois ans avant de se poser des questions relativement aux donations dont faisait état M. Chabot dans ses déclarations de revenu pour les années d'imposition 1992 et 1993. Revenu Canada ne s'est résigné que l'année dernière, suite aux jugements dans les affaires Duguay et Côté, à reconnaître le principe qu'il pouvait y avoir donation même s'il y avait, en bout de ligne, enrichissement du contribuable par le biais de déductions fiscales. Revenu Canada n'a jamais soutenu que M. Chabot s'adonnait à un évitement fiscal. Nous sommes loin de ces "circonstances équivalant à faute lourde" qu'exige le paragraphe 163(2) de la Loi et de l'aveuglement volontaire que cette Cour a sanctionné dans Duguay et Côté.
[43] J'en viens à la conclusion que le juge Lamarre a erré dans sa "qualification juridique" (pour reprendre l'expression du juge Marceau dans Cloutier, supra, paragraphe 18) du comportement du contribuable pour les fins de l'imposition d'une pénalité.
[44] J'accueillerais l'appel en partie, j'annulerais cette partie de la décision de la Cour canadienne de l'impôt qui maintient les pénalités imposées par le ministre et je déférerais la cotisation au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation à la lumière des présents motifs. J'accorderais à l'appelant ses dépens en appel seulement.
"Robert Décary"
j.c.a.
"Je souscris à ces motifs.
Alice Desjardins, j.c.a."
LE JUGE NOËL(motifs dissidents en partie)
[45] J'ai eu l'occasion de prendre connaissance des motifs de mon collègue, le juge Décary. Comme lui, je suis d'avis que Madame le juge Lamarre a eu raison de refuser à l'appelant le crédit d'impôt pour dons de bienfaisance puisqu'il n'a pas su établir qu'il était propriétaire des biens qu'il prétend avoir donnés.
[46] Quant aux pénalités imposées aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi, je suis d'avis, malgré l'opinion contraire de mon collègue, que la preuve permettait à la première juge de conclure à l'existence d'une faute lourde.
[47] Au-delà du fait que l'appelant n'a pas acquis la propriété des oeuvres qu'il a prétendu donner, la première juge relève dans le cadre de ses motifs les faits suivant :
... en 1991, l'appelant dit avoir déboursé comptant la somme de 2 800 $ pour l'achat d'un lot de tableaux de différents artistes. La commande d'achat soumise en preuve (pièce A-1) ne donne aucune description et n'identifie aucun tableau qui aurait ainsi été acquis par l'appelant. Monsieur Amireault qui lui aurait vendu ce lot de tableaux en 1991 remet à l'appelant, au mois de décembre 1992, un certificat d'évaluation listant cinq tableaux évalués pour le tout à 10 000 $, soit près de quatre fois le montant payé par l'appelant.
[48] En ce qui a trait aux années 1993 et 1994, la première juge relate au paragraphe 71 de ses motifs que l'appelant :
... aurait donné les oeuvres d'art qu'il aurait achetées pour la somme de 2 500 $ par le biais de sa participation dans la succession Gingras. Dans les mois qui ont suivi l'achat de sa participation dans la succession, monsieur Amireault a remis à l'appelant une liste de tous les tableaux et sculptures faisant partie de cette
collection. Par ailleurs, le certificat d'évaluation daté du 15 décembre 1993, préparé par monsieur Amireault, liste neuf oeuvres d'art des artistes Lui Feito, Marcellin Dufour, Olaf Hanel, Luigi Cosentino et Yvan Putara. Un reçu officiel listant chacune de ces oeuvres a été délivré par la Fondation Don des Arts à l'attention de l'appelant le 22 décembre 1993, pour un montant de 15 000 $. Le certificat d'évaluation daté du 12 décembre 1994, préparé par monsieur Amireault, liste six oeuvres de Lise Gervais et deux oeuvres de Daniel Lavoie. Dans ce dernier cas, un reçu officiel a été délivré par la Maison d'Art Fra Angelico à l'attention de l'appelant en date du 18 décembre 1994 indiquant simplement : "[...] reçu 8 000 $".
[49] Comme en font foi ces passages, la preuve devant la première juge a établi que la déduction réclamée par l'appelant pour l'année 1992 était près de quatre fois supérieure au prix payé pour les oeuvres qu'il a prétendu avoir données et plus de neuf fois supérieure à ce prix pour les années 1993 et 1994. Ces déductions, manifestement gonflées à première vue, furent réclamées selon des évaluations fournies par M. Amireault qui était à la fois vendeur et évaluateur des oeuvres d'art ainsi que fournisseur des reçus fiscaux soumis par l'appelant. L'appelant connaissait les multiples rôles joués par M. Amireault et savait ou devait savoir que M. Amireault était un évaluateur intéressé (voir à cet égard la conclusion que tire la première juge au paragraphe 77 de ses motifs). Malgré ceci, ses tentatives de vérification des évaluations fournies par M. Amireault se seraient limitées à consulter le Guide Vallée "À un moment donné, ... , la première année, ... " (contre-interrogatoire de l'appelant, Dossier d'appel, Annexe 3, page 120).
[50] L'appelant a tenté en vain de donner un quelconque sérieux aux évaluations de M. Amireault en produisant plusieurs témoins lors du procès. Aucun d'entre eux ne fut reconnu comme expert et la première juge a carrément écarté chacun de ces témoignages selon des motifs que l'appelant n'a pas même réussi à effleurer dans le cadre de son appel (les motifs en question se retrouvent aux paragraphes 77 à 81 du jugement et l'argumentation de l'appelant se retrouve aux paragraphes 59 à 73 de son mémoire).
[51] En fin d'analyse, la première juge a évalué le comportement de l'appelant comme suit :
[82] La preuve a démontré que l'appelant n'avait nulle autre intention que d'acheter une déduction fiscale. Il a clairement laissé entendre qu'il n'aurait pas donné les sommes équivalentes au montant qu'il réclamait comme crédit. Il s'est contenté de confier toute l'affaire à monsieur Amireault sans se préoccuper davantage des oeuvres qu'il achetait, de ce qui était donné, de la provenance des oeuvres, et surtout sans se poser trop de questions sur la valeur attribuée par monsieur Amireault à près de quatre fois supérieure dans le cas du premier lot, et neuf fois supérieure dans le cas du deuxième lot, à ce qu'il déboursait. (Je souligne)
[52] Après avoir mentionné que l'appelant aurait aussi délibérément omis de fournir au ministre la liste des tableaux de la collection Gingras, conclusion que mon collègue remet en question, elle a enchaîné en citant un long extrait de la décision du juge Dussault dans l'affaire Réjean Gagnon c. La Reine, [1991] A.C.I. no. 655 (Q.L.) avant de conclure que, "pour les mêmes raisons", les pénalités étaient justifiées dans les circonstances (motifs du jugement, paragraphe 84). Partie de l'extrait qu'elle fait sienne se lit comme suit :
La preuve présentée démontre clairement que l'appelant s'est vu proposer ce qu'il désigne comme un "abri fiscal" lui permettant d'obtenir un remboursement d'impôt et qu'il a accepté une transaction organisée par un collègue de travail laquelle consistait essentiellement en l'acquisition puis en la donation de vitraux pour une église. Bien que l'appelant affirme s'être informé auprès de certains collègues pour savoir si une telle pratique était courante et légale, sa déclaration et son témoignage établissent clairement qu'il a accepté la proposition avec l'assurance que le reçu qu'on allait lui remettre pour fins fiscales serait de beaucoup supérieur au montant déboursé. Je ne peux croire qu'une personne raisonnable et le moindrement informée puisse retenir une telle proposition concoctée par des tiers et qui implique dès le départ que la valeur et le montant du reçu seront manifestement faussés. Je ne pense pas qu'une personne raisonnablement intelligente et prudente puisse sérieusement prétendre s'enrichir d'une façon honnête par le biais d'une donation charitable dans de telles circonstances. S'il s'agit là d'une méthode de planification courante aux yeux de certains, elle m'apparaît légalement insoutenable et totalement inacceptable. (Je souligne)
[53] Les conclusions de la première juge relativement au comportement de l'appelant me semble justifiées et ce, indépendamment du fait que ce dernier aurait, de plus, délibérément omis de produire la liste des tableaux de la collection Gingras.
[54] Mais je me dois d'ajouter sur ce dernier point que l'inférence contraire tirée de la preuve par mon collègue sous cet aspect ne m'apparaît pas plus cohérente que celle tirée par la première juge. De fait, elle l'est moins. En effet, pourquoi l'appelant n'aurait-il pas fourni la liste des tableaux de la collection Gingras suite à la demande du vérificateur si ce n'est qu'on n'y retrouvait aucun des tableaux décrits dans les certificats de M. Amireault?
[55] Dune part, la liste en question constituait la seule preuve à la disposition de l'appelant pour identifier les tableaux qu'il prétendait avoir achetés ou dans lesquels il prétendait avoir acquis un intérêt. D'autre part, il faut se rappeler qu'au moment où l'appelant devait répondre à cette demande, les cotisations pour les dernières années étaient au stade de discussions et le chat n'était toujours pas sorti du sac; Revenu Canada ne savait pas que les oeuvres que l'appelant prétendait avoir achetées n'avaient jamais été individualisées et surtout que M. Amireault avait "donné" en son nom des oeuvres qui n'étaient pas même parmi celles que l'appelant prétendait avoir achetées (i.e. parmi la collection Gingras).
[56] C'est dans ce contexte que la première juge a conclu que l'appelant avait délibérément omis de fournir la liste qu'il avait en sa possession. Selon elle, l'appelant savait que cette liste permettrait au vérificateur de mettre le doigt sur les failles entourant ses prétendues donations et c'est pourquoi il a décidé de ne pas la soumettre.
[57] Il s'agit là d'une inférence que la première juge pouvait raisonnablement tirer à la lumière de la preuve d'autant plus qu'elle a eu l'avantage d'entendre le témoignage de l'appelant. Mon collègue en serait arrivé à la conclusion contraire. Quant à moi, je suis d'opinion que la première juge était justifiée de conclure comme elle le fit et qu'il n'y a pas lieu d'intervenir.
[58] Pour ces motifs, je rejetterais l'appel tant à l'égard des pénalités que du crédit pour dons de bienfaisance et ce avec dépens.
"Marc Noël"
j.c.a.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION D'APPEL
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-116-00
INTITULÉ : RICHARD CHABOT
et
SA MAJESTÉ LA REINE
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 22 OCTOBRE 2001
MOTIFS JUGEMENT : LE JUGE DÉCARY
Y A SOUSCRIT: LE JUGE DESJARDINS
MOTIFS DISSIDENTS EN PARTIE: LE JUGE NOËL
DATE DES MOTIFS : LE 7 DÉCEMBRE 2001
COMPARUTIONS:
Me. Jean-Yves Therrien POUR L'APPELANT
Me. Mélanie Valiquette
Me. Chantal Jacquier POUR L'INTIMÉ
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Jean-Yves Thérrien L.L.B. POUR L'APPELANT
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR L'INTIMÉ
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)