Date : 20010108
Dossier : A-503-98
CORAM : LE JUGE STONE
LE JUGE ISAAC
LE JUGE EVANS
ENTRE :
MOHAMMAD NAZIM HAMEED
appelant
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
intimé
Audience tenue à Toronto (Ontario), le lundi 20 novembre 2000.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le lundi 8 janvier 2001.
MOTIFS DE JUGEMENT PAR : LE JUGE EVANS
Y A SOUSCRIT : LE JUGE STONE
MOTIFS CONCORDANTS PAR : LE JUGE ISAAC
Date : 20010108
Dossier : A-503-98
OTTAWA (ONTARIO), LE 8 JANVIER 2001
CORAM : LE JUGE STONE
LE JUGE ISAAC
LE JUGE EVANS
ENTRE :
MOHAMMAD NAZIM HAMEED
appelant
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
intimé
JUGEMENT
L'appel est accueilli, l'ordonnance de la Section de première instance et la décision de l'agent des visas sont annulées, et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour qu'il tranche à son tour la demande de visa de l'appelant conformément aux présents motifs de jugement. La question certifiée suivante reçoit une réponse affirmative :
L'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, exige-t-elle que 16 points d'appréciation soient accordés au demandeur qui possède un diplôme universitaire de deuxième ou troisième cycle même si le demandeur n'a pas produit de preuve établissant qu'il a un diplôme universitaire de premier cycle qui exigeait au moins trois années d'études à temps plein?
« A. J. Stone »
J.C.A.
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier, B.A., LL.B.
Date : 20010108
Dossier : A-503-98
CORAM : LE JUGE STONE
LE JUGE ISAAC
LE JUGE EVANS
ENTRE :
MOHAMMAD NAZIM HAMEED
appelant
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
intimé
MOTIFS DU JUGEMENT
A. INTRODUCTION
[1] La présente affaire porte sur l'interprétation d'un aspect du facteur des études qu'on utilise pour apprécier les personnes qui cherchent à devenir des résidents permanents du Canada. Plus particulièrement, la question est de savoir si l'agent des visas doit accorder des points d'appréciation au demandeur qui possède un diplôme d'études supérieures dans les cas où il a obtenu son premier diplôme au terme d'études qui ont duré moins que trois ans.
[2] L'appelant, Mohammad Nazim Hameed, est un homme marié qui a quarante ans et qui est citoyen du Pakistan. Il possède deux diplômes de l'Université de Karachi, soit un diplôme de bachelier ès arts, qu'il a obtenu au terme d'études à temps partiel, ou à titre d'étudiant « privé » , qui ont duré deux ans et cinq mois, de même qu'un diplôme de maître ès arts, qu'il a également obtenu à titre d'étudiant « privé » , au terme d'études qui ont duré deux ans et trois mois. De plus, il possède un diplôme d'ingénieur associé du Government College of Technology, qui se trouve aussi à Karachi.
[3] Depuis plusieurs années, M. Hameed réside, sans statut d'immigrant, aux États-Unis d'Amérique, où il aide des parents qui y possède un dépanneur. En janvier 1997, il a présenté une demande de visa au Consulat général du Canada à Buffalo (New York) afin d'obtenir le droit d'entrer au Canada en tant que résident permanent dans le cadre de la catégorie des immigrants indépendants. Sa demande a été appréciée au regard de la profession de technicien-spécialiste des textiles. Après une sélection administrative, son dossier a été transféré au Consulat général du Canada à Detroit (Michigan), où il a eu une entrevue avec un agent des visas.
[4] L'agent a refusé de délivrer un visa à l'appelant vu que celui-ci n'avait obtenu que 66 points d'appréciation, de sorte qu'il lui en manquait quatre pour satisfaire à l'exigence habituelle de 70 points applicable à la catégorie des immigrants indépendants. L'agent des visas a accordé 13 points d'appréciation à M. Hameed au titre des études sur le fondement de ses études secondaires et diplômes de génie, mais il a refusé de lui accorder les trois points supplémentaires qu'obtiennent les personnes qui possèdent des diplômes d'études supérieures.
[5] La demande de contrôle judiciaire qu'il a présentée par suite de ce refus a été rejetée. La question que le juge des requêtes a certifiée en vertu du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, était de savoir si l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, exige que 16 points d'appréciation soient accordés au demandeur qui possède un diplôme universitaire de deuxième ou troisième cycle même si le demandeur n'a pas produit de preuve établissant qu'il a un diplôme universitaire de premier cycle qui exige au moins trois années d'études à temps plein.
[6] Il s'agit de la seule question litigieuse dont on a débattu en appel. L'issue de cette question dépend de l'interprétation qu'on donne aux critères suivants du facteur 1 de l'annexe I du Règlement, que, comme en ont convenu les avocats, l'agent des visas doit avoir correctement interprétés pour que sa décision de refuser de délivrer un visa à l'appelant résiste à un examen, fait en vertu d'une demande de contrôle judiciaire, de la question de savoir s'il a commis une erreur.
1. Études (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (4), des points d'appréciation sont attribués selon le barème suivant: [...] d) lorsqu'un diplôme universitaire de premier cycle, comportant au moins trois ans d'études à temps plein, a été obtenu, 15 points; e) lorsqu'un diplôme universitaire de second ou de troisième cycle a été obtenu, 16 points. [...] (3) Lors de la détermination du nombre de points d'appréciation à attribuer, selon l'alinéa applicable du paragraphe (1), un seul diplôme ou certificat est pris en considération. (4) Les points d'appréciation visés aux alinéas (1)b) à e) ne peuvent être attribués cumulativement et seul le nombre de points le plus élevé, parmi les alinéas applicables, est retenu. |
1. Education (1) Subject to subsections (2) to (4), units of assessment shall be awarded as follows: [...] (d) where a first-level university degree that requires at least three years of full-time study has been completed, fifteen units; and (e) where a second- or third-level university degree has been completed, sixteen units. [...] (3) Only a single diploma, degree or apprenticeship certificate shall be taken into consideration when determining the units of assessment to be awarded in accordance with the applicable paragraph of subsection (1). (4) The units of assessment set out in paragraphs (1)(b) to (e) shall not be awarded cumulatively, and the number of units of assessment set out in the applicable paragraph that awards the greatest number of units shall be awarded. |
B. LA DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE
[7] Le juge des requêtes a brièvement traité de cette question dans les motifs qu'il a exposés à l'audition et qui ont été publiés ((1998), 44 Imm. L.R. (2d) 215 (C.F. 1re inst.)). Il a soutenu (supra, à la page 217, paragraphe 3) qu'une personne n'avait droit aux points d'appréciation supplémentaires accordés au titre d'un diplôme d'études supérieures que si elle satisfaisait également aux critères de la loi concernant le diplôme de premier cycle. Il a expliqué cette conclusion (supra, aux pages 217 et 218, paragraphe 4) de la façon suivante :
La progression d'un plus bas niveau d'études à un niveau plus élevé et d'un plus petit nombre de points d'appréciation alloués à un plus grand est linéaire. [...] Il s'ensuit que pour que seize (16) points d'appréciation soient alloués au demandeur parce qu'il a obtenu un diplôme universitaire de deuxième ou de troisième cycle, ce dernier doit d'abord satisfaire aux exigences relatives à l'obtention d'un diplôme universitaire de premier cycle, lequel doit comporter au moins trois (3) ans d'études à temps plein. Or, il n'a pas satisfait à ces exigences. En conséquence, l'agente des visas n'a commis aucune erreur en ne lui allouant que treize (13) points d'appréciation au titre des études.
C. L'ANALYSE
[8] La même question de droit s'est posée dans deux affaires ultérieures. Dans Desai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1608 (C.F. 1re inst.) (QL), le juge Hansen a souscrit aux motifs que le juge des requêtes a exposés dans la présente affaire. Cependant, dans une décision plus récente, soit Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1720 (C.F. 1re inst.) (QL), le juge Lemieux a décidé de ne pas les suivre. Il a souligné qu'il ne ressortait pas clairement du libellé de l'alinéa (1)e) du facteur 1 de l'annexe I que seule la personne qui possède un diplôme de premier cycle au sens de l'alinéa (1)d) a le droit d'obtenir les 16 points qui doivent être accordés à la personne qui détient des diplômes de deuxième ou troisième cycle. En conséquence, il a dit (au paragraphe 26) :
... si le législateur avait eu l'intention de faire en sorte que le diplôme soit tributaire du respect d'une exigence de niveau inférieur, il en aurait fait état. Par exemple, l'alinéa 1c)i) prévoit : « si le programme d'études menant à un tel diplôme ou certificat exige un diplôme d'études secondaires » . Il me semble que l'interprétation faite par l'agente des visas donne lieu à une réécriture de l'alinéa 1e) selon les modalités suivantes : « si le diplôme universitaire de second ou troisième cycle exige un diplôme universitaire de premier cycle visé à l'alinéa 1d), 16 points » . À mon avis, une telle réécriture ne peut être tolérée.
[9] Le juge Lemieux a également étayé sa conclusion par d'autres considérations. Par exemple, il a souligné que le fait que chaque alinéa commence par le mot « lorsque » , et par le mot « when » dans la version anglaise, laisse entendre que chaque alinéa constitue une exigence autonome. De plus, il a douté que l'interdiction prévue à l'article 4 du facteur 1 contre le fait d'accumuler des points aux termes de plus d'un critère en matière d'études serait nécessaire si, en l'absence d'un libellé clair à l'effet contraire, les alinéas ne devaient pas être interprétés indépendamment l'un de l'autre.
[10] En outre, il a souligné que l'alinéa (1)d) n'exige expressément que trois années d'études à temps plein pour que l'intéressé se voit accorder 13 points au titre d'un diplôme de premier cycle. L'alinéa ne contient aucune disposition quant au nombre de points à accorder à la personne qui possède des diplômes d'études supérieures, dont le seul diplôme de premier cycle n'aurait pas satisfait aux exigences de l'alinéa (1)d). Enfin, le juge Lemieux a conclu qu'une interprétation de l'alinéa (1)e) indépendante de l'alinéa (1)d) était plus conforme à l'objectif de la loi qui vise à admettre les personnes les plus susceptibles de s'établir avec succès au Canada sur le plan économique.
[11] Bien que je trouve ces motifs généralement convaincants, on peut également estimer que la structure des critères en matière d'études qui sont pertinents à l'égard du présent appel mène à la conclusion contraire, soit que le législateur estimait que la possession d'un diplôme de premier cycle qui satisfasse aux exigences de l'alinéa (1)d) était si importante qu'un tel diplôme constituait une condition préalable à l'octroi, à l'intéressé, du point d'appréciation supplémentaire qu'on accorde aux personnes qui possèdent des diplômes d'études supérieures.
[12] Il en est ainsi parce que cinq points de plus sont accordés au titre d'un diplôme de premier cycle, au sens du facteur 1(1)d) de l'annexe I, qu'au titre d'un diplôme études secondaires menant à des études universitaires, alors que seulement un point supplémentaire est accordé au détenteur d'un diplôme universitaire qui possède un diplôme d'études supérieures, pour lequel aucune période d'études minimale n'est prévue. Il peut sembler contraire au régime législatif d'accorder le nombre maximal de points d'appréciation au titre des études (16) à la personne qui n'a pas obtenu de diplôme de premier cycle qui satisfasse à la norme de qualité que prévoit la loi, soit trois années d'études à temps plein (ou, probablement, l'équivalent à temps partiel), sur le simple fondement, par exemple, d'un diplôme de maîtrise à l'égard duquel l'annexe ne prévoit pas la durée minimale de la période d'études requise.
[13] En outre, on pourrait également poser l'hypothèse qu'il n'était pas nécessaire que l'annexe prévoit des exigences minimales supplémentaires particulières auxquelles doit satisfaire la personne qui possède un diplôme d'études supérieures et qui cherche à obtenir un point d'appréciation de plus au titre de l'alinéa (1)e), vu que l'exigence de trois années études relativement à un diplôme de premier cycle constitue également une condition préalable à l'obtention de 16 points d'appréciation.
[14] En fait, on peut imaginer des situations qui présentent des difficultés de principe pour chacune des deux interprétations possibles des dispositions pertinentes. Cela laisse entendre que le législateur ne s'est pas demandé si le diplôme de premier cycle du demandeur de visa qui détient un diplôme de deuxième ou troisième cycle doit également satisfaire à l'alinéa (1)d) pour que celui-ci ait droit à 16 points d'appréciation.
[15] Par conséquent, si l'appelant avait raison, la personne qui aurait obtenu un diplôme de premier cycle au terme d'études à temps partiel d'une durée de six mois, et un diplôme de deuxième cycle après avoir étudié à temps partiel pendant six autres mois aurait droit aux 16 points d'appréciation au titre du facteur des études. En revanche, la personne qui posséderait un diplôme de bachelier au terme de deux années et demie d'études à temps plein ne recevrait, si elle n'avait pas d'autres compétences, que les dix points au titre du sous-alinéa 1(1)b)(ii) du facteur 1 qu'on accorde à la personne qui détient un diplôme d'études secondaires pouvant mener à des études universitaires.
[16] Par contre, sur la base de l'interprétation que l'agent des visas a donnée aux alinéas (1)d) et e), la personne qui aurait obtenu un diplôme de bachelier au terme d'études à temps plein de moins de trois ans (ou l'équivalent) ne pourrait jamais obtenir plus que les dix points qu'on accorde aux détenteurs d'un diplôme d'études secondaires qui les rend admissibles à faire des études universitaires, peu importe le nombre de diplômes d'études supérieures que la personne aurait ultérieurement obtenus et le nombre d'années d'études requis. Or, une telle conclusion semble contraire à l'objectif de la loi, qui vise à attirer au Canada en tant que résidents permanents les personnes les plus susceptibles de s'établir avec succès au pays sur le plan économique, en raison des études supérieures qu'elles ont faites.
[17] Les agents des visas peuvent évidemment traiter de chacune de ces situations en exerçant le pouvoir discrétionnaire que leur confère le paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immmigration :
(3) L'agent des visas peut a) délivrer un visa d'immigrant à un immigrant qui n'obtient pas le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10 ou qui ne satisfait pas aux exigences des paragraphes (1) ou (2), ou b) refuser un visa d'immigrant à un immigrant qui obtient le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10, s'il est d'avis qu'il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de réussir leur installation au Canada et que ces raisons ont été soumises par écrit à un agent d'immigration supérieur et ont reçu l'approbation de ce dernier. |
(3) A visa officer may (a) issue an immigrant visa to an immigrant who is not awarded the number of units of assessment required by section 9 or 10 or who does not meet the requirements of subsection (1) or (2), or (b) refuse to issue an immigrant visa to an immigrant who is awarded the number of units of assessment required by section 9 or 10, if, in his opinion, there are good reasons why the number of units of assessment awarded do not reflect the chances of the particular immigrant and his dependants of becoming successfully established in Canada and those reasons have been submitted in writing to, and approved by, a senior immigration officer. |
|
[18] En conséquence, si on acceptait l'interprétation plus libérale que l'appelant propose, l'agent pourrait exercer de manière défavorable le pouvoir discrétionnaire que lui confère l'alinéa 11(3)a) en refusant de délivrer un visa à une personne qui aurait obtenu 70 points d'appréciation, dont 16 points au titre des études, mais aurait étudié pendant une période si courte que ses diplômes ne pourraient être considérés comme équivalents à un diplôme de bachelier qu'une université canadienne confère au terme de trois années d'études. Dans les circonstances, il se pourrait fort bien que l'agent des visas soit justifié à conclure que les 70 points d'appréciation surestimaient la capacité de l'intéressé à s'établir au Canada sur le plan économique.
[19] Inversement, si on adoptait l'interprétation plus restrictive des alinéas (1)d) et e), l'agent pourrait exercer de manière favorable le pouvoir discrétionnaire que lui confère l'alinéa 11(3)b) du Règlement à l'égard d'une personne qui, malgré le fait qu'elle détienne deux diplômes d'études supérieures qu'elle aurait obtenus au terme d'une période d'études semblable à celle que requiert l'obtention de diplômes similaires d'une université canadienne, n'aurait pas obtenu 70 points d'appréciation parce qu'elle aurait obtenu son premier diplôme au terme d'études à temps plein de moins de trois années. Dans ces circonstances, l'agent des visas pourrait fort bien conclure qu'il convient de délivrer un visa à la personne vu que le nombre de points d'appréciation qu'on lui a accordés sous-estimait sa capacité de s'établir au Canada sur le plan économique.
[20] À mon avis, l'interprétation que l'agent a donnée aux alinéas (1)d) et e) était erronée et, vu l'absence d'arguments contraires, je suis disposé à présumer que le refus de délivrer un visa à l'appelant était donc erroné en droit. J'ai conclu, en grande partie pour les motifs que favorisait le juge Lemieux dans la décision Khan, précitée, que, somme toute, les considérations fondées sur le texte favorisent une interprétation distincte des alinéas (1)d) et e). En outre, si on examine la question du point de vue de la politique de sélection des demandeurs de visa indépendants, soit la capacité du demandeur de s'établir au Canada sur le plan économique, la personne qui détient un diplôme d'études supérieures ne serait pas nécessairement défavorisée sur le marché du travail pour la seule raison qu'elle a obtenu son diplôme de premier cycle au terme d'études à temps plein de moins de trois années, ou l'équivalent.
[21] En interprétant une disposition législative dans le contexte de faits que le législateur n'a apparemment pas prévus, la Cour peut aussi convenablement tenir compte des conséquences pratiques probables des diverses interprétations possibles. Comme je l'ai déjà dit, chacune des interprétations du facteur 1(1)e) en cause dans la présente affaire peut mener à un résultat qui, selon ce qu'un agent des visas pourrait fort bien considérer, exige l'exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3) du Règlement : l'interprétation large peut parfois exiger l'exercice défavorable du pouvoir discrétionnaire, alors qu'il pourra s'avérer judicieux d'exercer le pouvoir discrétionnaire de façon favorable dans certaines situations, dans le cas où il convient d'adopter une interprétation stricte.
[22] Dans la mesure où d'autres considérations le permettent, un tribunal doit favoriser l'interprétation d'une disposition législative d'un système de réglementation qui est compatible avec le maintien d'un équilibre convenable entre la règle et le pouvoir discrétionnaire relativement à l'application de la loi, et qui, en conséquence, rend effectivement plus redevable la personne qui exerce un pouvoir discrétionnaire nécessaire en vue de traiter de situations inhabituelles. Comme l'a souligné l'avocate du ministre, il incombe à l'agent des visas un fardeau selon lequel il doit justifier l'exercice défavorable de son pouvoir discrétionnaire en vertu de l'alinéa 11(3)b) du Règlement qui est plus exigeant que celui qui lui incombe à l'égard de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de façon favorable, ou du refus d'exercer ainsi ce pouvoir, en vertu de l'alinéa a) : voir, par exemple, Chen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] 3 C.F. 350, à la page 363 (C.F. 1re inst.); Sadeghi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 4 C.F. 337 (C.A.F.).
[23] L'avocate du ministre a soutenu que même si la Cour concluait que l'agent des visas a commis une erreur de droit en décidant de ne pas accorder 16 points d'appréciation à l'appelant, le juge des requêtes n'aurait pas dû annuler la décision de refuser de délivrer un visa à ce dernier étant donné qu'il s'agissait d'une erreur peu importante : il manquerait toujours un point d'appréciation à l'appelant pour satisfaire à l'exigence habituelle que l'intéressé doit obtenir 70 points pour qu'un agent des visas lui délivre un visa.
[24] À mon avis, cela n'est pas suffisant pour justifier l'exercice, par la Cour, de son pouvoir discrétionnaire de ne pas annuler une décision erronée sur le plan juridique. Il se peut que si l'appelant avait obtenu le nombre de points approprié au titre du facteur des études, l'agent des visas lui aurait accordé un point de plus au titre de la personnalité ou aurait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon favorable. Outre cela, il ne convient pas à notre Cour de faire des hypothèses quant à l'issue définitive de la demande de visa de l'appelant.
D. LES CONCLUSIONS
Pour ces motifs, je répondrais de façon affirmative à la question certifiée :
L'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, exige-t-elle que 16 points d'appréciation soient accordés au demandeur qui possède un diplôme universitaire de deuxième ou troisième cycle même si le demandeur n'a pas produit de preuve établissant qu'il a un diplôme universitaire de premier cycle qui exigeait au moins trois années d'études à temps plein?
Je suis d'avis d'accueillir l'appel, annuler l'ordonnance de la Section de première instance et la décision de l'agent des visas, et renvoyer l'affaire à un autre agent des visas pour qu'il statue à sont tour sur la demande de visa de l'appelant conformément aux présents motifs.
« John M. Evans »
J.C.A.
« Je souscris à ces motifs
A.J. Stone, J.C.A. »
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier, B.A., LL.B.
Date : 20010108
Dossier : A-503-98
CORAM : LE JUGE STONE
LE JUGE ISAAC
LE JUGE EVANS
ENTRE :
MOHAMMAD NAZIM HAMEED
appelant
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
intimé
MOTIFS DE JUGEMENT
LE JUGE ISAAC
[1] J'ai eu le privilège de lire les motifs de mon collègue le juge Evans. Je préférerais trancher l'appel sur le fondement des motifs que le juge Lemieux a exposés dans Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1720 (C.F. 1re inst.) (QL).
[2] En conséquence, je suis d'avis de répondre de façon affirmative à la question posée par le juge des requêtes, annuler l'ordonnance du juge des requêtes, accueillir l'appel avec dépens, et renvoyer la demande de résidence permanente au Canada de l'appelant à un autre agent des visas pour qu'il statue à son tour sur celle-ci conformément aux motifs du juge Lemieux, que je fais miens.
« Julius A. Isaac »
__________________________________
J.C.A.
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier, B.A., LL.B.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : A-503-98
INTITULÉ DE LA CAUSE : MOHAMMAD NAZIM HAMEED et LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 20 NOVEMBRE 2000
MOTIFS DE JUGEMENT PAR : LE JUGE EVANS
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE STONE ET LE JUGE ISAAC
EN DATE DU : 8 JANVIER 2001
ONT COMPARU :
Joseph S. Farkas POUR L'APPELANT
Cheryl D. Mitchell POUR L'INTIMÉ
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Joseph S. Farkas POUR L'APPELANT
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR L'INTIMÉ
Sous-procureur général du Canada