Date: 200010215
Dossier: A-594-99
Référence neutre: 2001 CAF 23
CORAM: LE JUGE EN CHEF RICHARD
LE JUGE NOËL
LE JUGE EVANS
ENTRE:
FEDERATED CO-OPERATIVES LIMITED
appelante
- et -
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le jeudi 15 février 2001
Jugement prononcé à l'audience le jeudi 15 février 2001
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR LE JUGE EVANS
Date: 200010215
Dossier: A-594-99
Référence neutre: 2001 CAF 23
CORAM: LE JUGE EN CHEF RICHARD
LE JUGE NOËL
LE JUGE EVANS
ENTRE:
FEDERATED CO-OPERATIVES LIMITED
appelante
- et -
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
MOTIFS DU JUGEMENT
(Prononcés oralement à l'audience à Ottawa (Ontario),
le jeudi 15 février 2001)
LE JUGE EVANS
[1] La Cour est saisie de l'appel formé à l'encontre du jugement de première instance rendu par le juge Dubé ([1999 J.C.F. no 1028 (C.F., 1re inst.)), lequel a, par jugement sommaire, rejeté la demande de remboursement de taxes de vente fédérales payées en trop relativement aux années1985 et 1986 présentée par Federated Co-operatives Limited (l'appelante). Le remboursement initialement demandé était de 30 000 000 $, mais ce montant avait été considérablement réduit depuis.
[2] La Cour estime, en dépit de l'argumentation solide et fouillée présentée par l'avocat de l'appelante, qu'il n'y a pas lieu d'accueillir l'appel. Il n'est pas nécessaire, pour les fins du présent appel, de déterminer si les dispositions de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, ch. E-13, relatives au remboursement de taxes payées en trop constituaient, avant les modifications qui y ont été apportées en 1985 et 1986, un ensemble exhaustif régissant la question et ayant pour effet de rendre irrecevables les demandes de remboursement de taxes acquittées par erreur se réclamant d'un autre fondement que la Loi.
[3] De plus, la Cour convient avec l'intimée que, même dans l'hypothèse où l'appelante pouvait invoquer une autre source de droit que la Loi pour recouvrer le montant de taxes payées en trop en 1985 et 1986, une telle demande serait prescrite sous le régime de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-2, paragraphe 39(2) et de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C-50, article 32. Ces dispositions énoncent en effet que les instances devant notre Cour, et contre l'État fédéral, doivent être introduites dans les six ans suivant le fait générateur. Et il n'a pas été allégué que la cause d'action découlait d'une loi provinciale et que c'était le délai de prescription prévu par la loi provinciale qui s'appliquait.
[4] L'origine de l'action est le paiement en trop de taxes entre les mois d'août 1985 et d'avril 1986. L'action devenait donc prescrite au plus tard au mois d'avril 1992. En l'espèce, la déclaration a été délivrée le 31 janvier 1994, soit près de deux ans après l'expiration du délai de prescription. L'avocat de l'appelante a présenté deux arguments principaux sur cette question.
[5] Il a d'abord soutenu que les délais de prescription légaux ne s'appliquent pas aux recours en equity. Sans statuer sur ce point, la Cour relève toutefois que même si l'avocat avait raison, la demande de l'appelante visant à recouvrer le montant payé par suite d'une erreur commise par elle quant à son obligation fiscale n'est pas un recours en equity. La mention, dans la déclaration, que la réclamation est [TRADUCTION] « fondée sur l'enrichissement sans cause » ne fait pas de l'action un recours en equity. En outre, bien que les faits plaidés dans la déclaration modifiée de l'appelante puissent permettre de revendiquer, en common law, le droit personnel de recouvrer une somme correspondant au montant des paiements en trop effectués par erreur, ils ne sont pas suffisants pour fonder une revendication de droit de propriété, dans le cadre d'une fiducie légale, visant des fonds détenus par l'État et pouvant être caractérisés comme de l'argent que l'appelante a payé par erreur.
[6] L'avocat de l'appelante a subsidiairement plaidé que le [TRADUCTION] « principe de la date de découverte » s'appliquait en l'espèce et que, par conséquent, le délai de prescription n'avait commencé à courir que le 19 octobre 1990, date à laquelle la Cour fédérale s'était prononcée sur l'affaire MacMillan Bloedel Ltd. c. Ministère du Revenu national, (1991) 38 F.T.R. 58 (C.F. 1re inst.), statuant que Revenu Canada avait mal interprété les dispositions en cause de la Loi sur la taxe d'accise, lesquelles sont également applicables à la présente espèce. Il était clair, compte tenu de cette décision, que l'appelante avait payé, en 1985 et 1986, plus de taxes qu'elle ne le devait légalement.
[7] Selon la Cour, le principe de la date de découverte ne s'applique pas en l'espèce. Premièrement, il n'existe aucun fondement à l'affirmation voulant qu'une décision judiciaire sur l'interprétation d'une loi constitue un « fait nouveau pertinent » permettant de déposer une déclaration lorsque le délai de prescription prévu par la loi est écoulé.
[8] Deuxièmement, le fait qu'un autre contribuable, MacMillan Bloedel Ltd., ait réussi à faire rejeter, en respectant le délai de prescription, l'interprétation de la loi faite par Revenu Canada, indique que l'appelante aurait pu faire de même. Cette dernière, après tout, est une société ayant à son service des employés s'occupant de l'aspect financier de l'entreprise, y compris les obligations fiscales.
[9] Troisièmement, la Cour rejette l'argument selon lequel l'État s'est rendu coupable de dissimulation frauduleuse en n'informant pas l'appelante de la décision MacMillan Bloedel Ltd, précitée, lorsqu'elle a été rendue au mois d'octobre 1990. Cette décision était, naturellement, de notoriété publique. Encore une fois, l'appelante avait, grâce aux professionnels et aux consultants qui travaillaient pour elle, la possibilité d'être mise au courant de cette décision très tôt après son prononcé et d'évaluer l'importance qu'elle revêtait pour son entreprise.
[10] La Cour ajoute qu'après la décision MacMillan Bloedel l'appelante a eu amplement le temps de déposer une déclaration se rapportant aux taxes payées en trop. À l'égard du premier paiement en trop, le délai de prescription a expiré le 31 août 1991 et, à l'égard du dernier, le 30 avril 1992. Le fait que l'appelante n'a eu connaissance de la décision que le 30 septembre 1992 ne peut justifier que la Cour allonge le délai prévu par la loi, d'autant plus que l'appelante a attendu encore quinze mois avant de déposer sa déclaration.
[11] Par conséquent, la Cour souscrit aux observations écrites préparées au nom de Sa Majesté selon lesquelles l'action de l'appelante est prescrite. Le juge de première instance pouvait donc à bon droit accueillir la requête de Sa Majesté pour jugement sommaire et rejeter la déclaration de l'appelante.
[12] Pour ces motifs, l'appel est rejeté avec dépens.
« John M. Evans »
J.C.A.
Traduction certifiée conforme
Ghislaine Poitras, LL.L.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : A-594-99
INTITULÉ : FEDERATED CO-OPERATIVES LTD. c. SA MAJESTÉ LA REINE
LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : le 15 février 2001
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
CORAM : le juge en chef Richard
le juge Noël
le juge Evans
ONT COMPARU :
Michael E. Barrack pour l'appelante
Thomas B. Akin
Jason Vincze
Christopher Rupar pour l'intimée
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
McCarthy Tétrault pour l'appelante
Ottawa(Ontario)
Morris Rosenberg pour l'intimée
Sous-procureur général du Canada