Date : 20030131
Dossier : 02-A-24
Référence neutre : 2003 CAF 56
Présent : LE JUGE NADON
ENTRE :
VIDÉOTRON LTÉE
et
QUEBECOR MÉDIA INC.
demanderesses
et
NETSTAR COMMUNICATIONS INC.
LE RÉSEAU DES SPORTS (RDS) INC.
et
BELL GLOBEMEDIA INC.
défenderesses
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 27 janvier 2003
Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 31 janvier 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE NADON
Date : 20030131
Dossier : 02-A-24
Référence neutre : 2003 CAF 56
Présent : LE JUGE NADON
ENTRE :
VIDÉOTRON LTÉE
et
QUEBECOR MÉDIA INC.
demanderesses
et
NETSTAR COMMUNICATIONS INC.
LE RÉSEAU DES SPORTS (RDS) INC.
et
BELL GLOBEMEDIA INC.
défenderesses
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE NADON
[1] La question que je dois trancher est de savoir si les demanderesses ont déposé leur avis d'appel dans le délai prescrit par l'article 31 de la Loi sur la radiodiffusion, L.C. 1991, ch. 11 (la Loi), lequel prévoit ce qui suit :
31. (1) Sauf exceptions prévues par la présente partie, les décisions et ordonnances du Conseil sont définitives et sans appel. |
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31. (1) Except as provided in this Part, every decision and order of the Commission is final and conclusive.(2) Les décisions et ordonnances du Conseil sont susceptibles d'appel, sur une question de droit ou de compétence, devant la Cour d'appel fédérale. L'exercice de cet appel est toutefois subordonné à l'autorisation de la cour, la demande en ce sens devant être présentée dans le mois qui suit la prise de la décision ou ordonnance attaquée ou dans le délai supplémentaire accordé par la cour dans des circonstances particulières. |
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(2) An appeal lies from a decision or order of the Commission to the Federal Court of Appeal on a question of law or a question of jurisdiction if leave therefor is obtained from that Court on application made within one month after the making of the decision or order sought to be appealed from or within such further time as that Court under special circumstances allows. |
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(3) L'appel doit être interjeté dans les soixante jours suivant l'autorisation. |
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(3) No appeal lies after leave therefor has been obtained under subsection (2) unless it is entered in the Federal Court of Appeal within sixty days after the making of the order granting leave to appeal. |
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(4) Les documents émanant du Conseil sous forme de décision ou d'ordonnance, s'ils concernent l'attribution, la modification, le renouvellement, l'annulation, ou la suspension d'une licence, sont censés être, pour l'application du présent article, des décisions ou ordonnances du Conseil. |
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(4) Any document issued by the Commission in the form of a decision or order shall, if it relates to the issue, amendment, renewal, revocation or suspension of a licence, be deemed for the purposes of this section to be a decision or order of the Commission. |
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[2] Le 22 novembre 2002, la Cour a accordé aux demanderesses, en vertu du paragraphe 31(2) de la Loi, l'autorisation d'interjeter appel des décisions CRTC 2002-254 et CRTC 2002-255 rendues par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes le 29 août 2002. Le greffe en a avisé les demanderesses le 26 novembre 2002 et l'ordonnance a été enregistrée au dossier ce jour-là.
[3] Lorsque les demanderesses ont tenté de déposer leur avis d'appel le 22 janvier 2003, le greffe les a avisées qu'il ne pouvait pas être accepté, puisqu'elles se trouvaient en dehors de la période de soixante jours prescrite par le paragraphe 31(3) de la Loi. De là la présente requête par laquelle les demanderesses sollicitent une ordonnance leur accordant l'autorisation de déposer leur avis d'appel.
[4] Les demanderesses soutiennent que leur délai pour le dépôt de l'avis d'appel n'expirait pas avant le 25 janvier 2003, c'est à dire soixante jours après le 26 novembre 2002. Les défenderesses, d'un autre côté, prétendent que la période de soixante jours doit être calculée à partir du 22 novembre 2002, soit le jour où la Cour a signé l'ordonnance accordant aux demanderesses l'autorisation d'interjeter appel et que, par conséquent, la période de soixante jours expirait le 21 janvier 2003.
[5] Après un examen minutieux de la jurisprudence, je suis convaincu que lorsque les demanderesses ont tenté de déposer leur avis d'appel le 22 janvier 2003, elles se trouvaient toujours à l'intérieur de la période de soixante jours. À mon avis, le délai applicable au dépôt de l'appel doit être calculé à compter du 26 novembre 2003.
[6] Il est de droit constant que lorsqu'une ordonnance ou une décision n'est pas prononcée ou rendue en public, celle-ci n'est pas rendue tant qu'elle n'est pas inscrite par le greffe ou que les parties ne sont pas avisées de la décision.
[7] Je débute avec l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Robertson c. Wigle (1888), Vol. XV 214, où la Cour devait trancher la question de savoir si un appel avait été déposé dans le délai prescrit par l'article 269 des Rules of the Maritime Court of Ontario, qui prévoyait ce qui suit :
[traduction]
Une partie ayant l'intention d'interjeter appel devant la Cour suprême du Canada d'une décision de la Cour doit donner à la partie adverse un avis de son intention d'en appeler dans les quinze jours à compter du prononcé de la décision dont appel et, pour le reste, l'appel sera régi par les règles de la Cour suprême.
En tranchant la question, M. le juge en chef, Sir W.J. Ritchie, a conclu à la page 216 :
[traduction]
Comme aucun jugement n'a été rendu à l'audience du 31 août 1887, je ne suis pas prêt à m'écarter de l'opinion selon laquelle le temps ne commençait à courir qu'à compter de l'inscription du jugement le 15 septembre 1887 et que, par conséquent, l'appel a été correctement interjeté devant la Cour.
Dans ses motifs concourants, le juge Strong était également d'avis que le temps pour en appeler ne pouvait pas commencer à courir avant que le jugement ait été inscrit. À la page 218, il a formulé les remarques suivantes :
[traduction]
Je ne reconnais pas la remise de la décision par le juge au greffier, non pas à l'audience publique mais dans son bureau ou peut-être dans la rue, comme le « prononcé d'une décision » au sens de l'article 269.
Donc, si nous ne prenons pas la date du 31 août 1886 comme celle à compter de laquelle les quinze jours ont commencé à courir, à quelle autre date allons-nous imputer le commencement de cette période? Il n'y a qu'une seule autre date à laquelle nous pouvons nous référer et c'est celle à laquelle le greffier a fermé le dossier du jugement. Aussi, il est admis que l'avis d'appel a été dûment signifié avant que les quinze jours, calculés à compter de cette date, aient expiré.
[8] J'aborde maintenant la décision de la Cour divisionnaire de l'Ontario dans l'affaire Fawkes c. Swayzie (1899), Vol. XXXI O.R. 256, dans laquelle la disposition en cause, l'article 57 de la County Courts Act, R.S.O., ch. 55, prévoyait qu'un appel devait être interjeté dans le mois suivant le jugement ou l'ordonnance en faisant l'objet. La Cour divisionnaire a conclu que lorsqu'une décision ou une ordonnance n'était pas prononcée ou rendue en public, on ne pouvait pas conclure qu'elle avait été rendue que lorsque les parties en avaient été avisées. Aux pages 259, 260 et 261, M. le juge en chef Armour a déclaré :
[traduction]
[...] La théorie de la procédure judiciaire est que l'effet pertinent et contraignant d'une ordonnance débute immédiatement après qu'elle a été prononcée par la bouche du juge et, si cela pouvait être fait physiquement, ce qui devrait légalement être le cas, comme on le souhaiterait si cela était possible, chaque ordonnance serait mise par écrit sur-le-champ et séance tenante par l'officier de justice et délivrée aux parties avant que l'audience ne se termine. C'est la théorie incontestable de la procédure judiciaire et, conformément à cette théorie, le moment où l'ordonnance est « rendue » , pour que les deux mots soient considérés comme équivalents et pouvant se substituer l'un à l'autre. Le simple fait de transposer les paroles de la Cour par écrit et de les convertir dans une forme dans laquelle elles peuvent constituer une preuve dans une opération ministérielle qui, selon la vraie théorie, succède à la délivrance de l'ordonnance par le juge ne doit être, en fait, rien de plus que l'incarnation physique faite sur-le-champ par la Cour des paroles que le juge a employées.
[...]
Je suis d'opinion que le principe qui se dégage de ces décisions est entièrement applicable en l'espèce et que le mois mentionné dans l'article 57 de la County Courts Act commence à courir à compter de la date de l'opinion ou de la décision judiciaire, verbale ou écrite, prononcée ou rendue, et que le jugement ou l'ordonnance dont elle constitue le fondement doit se rapporter à cette date.
Si l'opinion ou de la décision judiciaire, verbale ou écrite, n'est pas prononcée ou rendue à l'audience publique, on ne peut affirmer alors qu'elle a été prononcée ou rendue que lorsque les parties en ont été avisées.
[9] Dans l'affaire Re Hache and Minister of Municipal Affairs (1969), 2 D.L.R. (3d) 186, la Section d'appel de la Cour suprême du Nouveau-Brunswick devait trancher la question de savoir si un appel avait été interjeté dans les trente jours d'une ordonnance rendue par le Tribunal d'appel en vertu de l'Assessment Act, dont l'article 36 précisait ce qui suit :
[traduction]
Nonobstant toute disposition d'une loi d'intérêt public ou privé, un appel peut être interjeté devant la Cour d'appel de toute ordonnance, décision ou sentence du Tribunal pourvu qu'un avis de cet appel soit donné aux autres parties dans les trente jours de l'ordonnance ou de la décision qui a fait l'objet de l'appel. [Non souligné dans l'original.]
Aux pages 193 et 194, M. le juge Hughes, au nom de la majorité, a formulé les commentaires suivants après avoir examiné la jurisprudence pertinente :
[traduction]
La jurisprudence qui précède me convainc que l'expression "de la [...] décision" mentionnée dans l'article 36 de la Loi sur l'évaluation se réfère au moment où la décision est prononcée ou rendue par le Tribunal d'appel lors d'une audience qui doit être publique selon le paragraphe 30(11) ou, si elle n'est pas prononcée de cette manière, au moment où les parties ont été avisées de la décision.
[10] L'arrêt Re Hache, précité, a été suivi par la Section d'appel de la Cour suprême de l'Alberta dans l'affaire Bowen c. Edmonton (City), [1976] A.J. No. 75. Dans cette affaire, les paragraphes 146(1) et 146(2) de la Planning Act, ch. 276, des Revised Statutes of Alberta de 1970, précisaient qu'il fallait obtenir d'un juge de la Section d'appel de la Cour suprême de l'Alberta une autorisation d'en appeler d'une décision du Development Appeal Board dans les trente jours [traduction] « de l'ordonnance ou de la décision du tribunal dont on cherche à interjeter appel » . Au paragraphe 6 de ses motifs, M. le juge Moir a conclu :
[traduction]
[6] [...] Je suis d'avis que, dans des cas comme celui-ci, lorsque la décision n'a pas été annoncée en public, le « moment » où la décision a pris effet est lorsqu'elle a été communiquée aux personnes intéressées. [...] À cet égard, mon opinion est appuyée par Re Hache and Minister of Municipal Affairs, (1969) 2 D.L.R. (3d) 186, et par la décision de la présente Section dans The United Association of Journeymen and Apprentices of the Plumbing and Pipefitting Industry of the United States and Canada and The Board of Industrial Relations, [1975] 2 W.W.R. 470.
[11] Je suis convaincu, en me basant sur la jurisprudence citée plus haut, que l'expression « prise de la décision » ne peut en aucune façon référer à la date à laquelle l'ordonnance a été signée par un juge. Comme c'est clairement le cas en l'espèce, il peut s'écouler plusieurs jours entre le moment où l'ordonnance est signée et celui où elle est inscrite ou enregistrée par le greffe. Jusqu'à ce que l'ordonnance soit enregistrée par le greffe, elle ne peut, selon moi, être considérée comme ayant « été rendue » . Conclure autrement peut conduire à un résultat absurde. Si, par exemple, une loi prévoyait que le délai d'appel était de quinze jours de la prise de la décision et que l'ordonnance signée par le juge n'était pas envoyée au greffe avant dix-sept jours, la partie aurait perdu son droit avant d'avoir même eu l'occasion de prendre connaissance de l'ordonnance.
[12] Il est intéressant de noter que le paragraphe 392(2) des Règles de la Cour fédérale (1998) précise qu'une ordonnance ne prend effet, si elle n'est pas rendue oralement en audience publique, qu'au moment où elle est consignée et signée par le juge qui préside.
[13] Les articles 395 et 396 nous intéressent également. L'article 395 précise que l'administrateur doit fournir sans délai aux parties une copie de chaque ordonnance rendue autrement qu'en audience publique. Quant à l'article 396, il prévoit que l'administrateur doit enregistrer les ordonnances « dès qu'elles ont été rendues » . En l'espèce, l'ordonnance accordant aux demanderesses l'autorisation de déposer leur appel a été enregistrée par l'administrateur le 26 novembre 2002 et une copie en a été fournie le même jour aux parties. Je suis convaincu que le délai dont bénéficiaient les demanderesses pour déposer leur avis d'appel n'a commencé à courir que le 26 novembre 2002.
[14] Il n'est pas nécessaire, dans les circonstances de l'espèce, que je tranche la question de savoir si l'ordonnance a été « rendue » au moment où elle a été enregistrée par l'administrateur ou au moment où les demanderesses en ont été avisées, puisque les deux actes ont été accomplis le même jour.
[15] J'en viens donc à la conclusion que le 22 janvier 2003, les demanderesses étaient bien dans le délai prescrit par le paragraphe 31(3) de la Loi lorsqu'elles ont tenté de déposer leur avis d'appel. La requête des demanderesses sera donc accueillie et celles-ci se verront accorder l'autorisation de déposer leur avis d'appel sur-le-champ, lequel sera réputé avoir été déposé le 22 janvier 2003.
[16] Les demanderesses auront droit aux dépens de la requête.
« Marc Nadon »
Juge
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche, LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION D'APPEL
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : 02-A-24
INTITULÉ : VIDÉOTRON LTÉE et al. c. NESTAR COMMUNICATIONS INC. et al.
LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 27 janvier 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE NADON
DATE DES MOTIFS : Le 31 janvier 2003
COMPARUTIONS :
Christopher Richter POUR LES DEMANDERESSES
Daniel Urbas
Pierre Trottier POUR LES DÉFENDERESSES
William Atkinson
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Woods & Partners POUR LES DEMANDERESSES
Montréal (Québec)
McCarthy Tétrault POUR LES DÉFENDERESSES
Montréal (Québec)
Date : 20010131
Dossier : 02-A-24
OTTAWA (ONTARIO), LE 31 JANVIER 2003
PRÉSENT : LE JUGE NADON
ENTRE :
VIDÉOTRON LTÉE
et
QUEBECOR MÉDIA INC.
demanderesses
et
NETSTAR COMMUNICATIONS INC.
LE RÉSEAU DES SPORTS (RDS) INC.
et
BELL GLOBEMEDIA INC.
défenderesses
ORDONNANCE
La requête est accueillie avec dépens. Les demanderesses doivent déposer leur avis d'appel sur-le-champ, lequel sera réputé avoir été déposé le 22 janvier 2003.
« Marc Nadon »
Juge
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche, LL.B.