Date : 20010205
Référence neutre : 2001CAF6
LE JUGE EVANS
LE JUGE SHARLOW
ENTRE :
DAVID MORETTO
demandeur
- et -
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à Vancouver (Colombie-Britannique),
le 5 février 2001)
[1] La question sous-jacente en l'espèce a trait à la responsabilité du demandeur de payer une pénalité de 5 535 $ imposée par la Commission parce qu'il a fait sciemment des déclarations fausses ou trompeuses concernant sa demande de prestations d'assurance-emploi en 1995. La position du demandeur est que, puisqu'il n'était pas rémunéré pendant qu'il travaillait dans un commerce de détail dont il était le propriétaire, il n'avait pas pris conscience du fait qu'il était « employé » pour l'application de la Loi et, par conséquent, n'avait pas fait sciemment de déclaration fausse ou trompeuse lorsqu'il avait répondu « Non » sur sa carte de déclarations à la question de savoir s'il travaillait.
[2] C'est la deuxième demande de contrôle judiciaire que présente le demandeur à ce sujet. La décision dont il sollicite le contrôle judiciaire (CUB34290A) a été rendue à la suite d'un jugement prononcé par la Cour le 24 mars 1998 accueillant en partie sa première demande et renvoyant l'affaire pour réexamen :
La demande est accueillie en partie et la décision du juge-arbitre est infirmée en partie. La question sera renvoyée au juge-arbitre en chef (ou à son délégué) pour être décidée en tenant compte du fait que la Commission a commis une erreur de droit en n'examinant pas de façon appropriée si le prestataire savait subjectivement que les déclarations qu'il a faites étaient fausses.
[3] Quoi qu'il en soit, le juge-arbitre qui a décidé l'affaire à la suite de ce renvoi a conclu que le conseil arbitral avait examiné de façon appropriée la question de savoir si le demandeur savait subjectivement que les déclarations qu'il avait faites étaient fausses. Il a rendu cette décision sans préavis et sans recevoir d'observations de l'une ou l'autre partie. Il a déclaré :
La seule critique que l'on puisse formuler au sujet de la décision du conseil arbitral dans l'affaire qui nous intéresse est que celui-ci n'a pas utilisé la terminologie appropriée présentée dans l'affaire Gates; en particulier les mots « connaissance subjective de fausseté » . Cependant, comme l'a déclaré la Cour d'appel dans l'affaire Roberts contre Canada (Commission de l'emploi et de l'Immigration), (A-595-84, 9 mai 1985), « les audiences du conseil arbitral et les décisions du conseil sont des processus informels qui visent à résoudre les problèmes de personnes ordinaires et les raisons qu'ils donnent ne doivent pas être analysées au microscope. »
Les raisons données dans cette affaire par le conseil arbitral indiquent clairement que, bien que le conseil ait parfaitement compris l'explication de M. Moretto au sujet des fausses déclarations et ait accordé une considération appropriée à cette explication, le conseil n'a pas cru, étant donné les circonstances et les preuves, qu'il avait commis une erreur sincère quand il a répondu « non » à la question « Avez-vous travaillé? » . Au contraire, la conclusion du conseil était que le prestataire était conscient de ses fausses déclarations et, de ce fait, la pénalité imposée était appropriée. Cette conclusion se situait parfaitement dans le champ de compétence du conseil qui agissait à titre de juge des faits. Cette conclusion ne devrait donc pas être renversée que ce soit par un appel ou par un recours en révision.
[4] Il n'était pas loisible au juge-arbitre de tirer cette conclusion puisque la Cour avait déjà statué que le conseil arbitral n'avait pas examiné de façon appropriée l'aspect subjectif des déclarations du demandeur. Que le juge-arbitre souscrive ou non à cette décision, la seule voie qui lui était ouverte était d'y donner effet en accueillant l'appel et en renvoyant l'affaire à un conseil arbitral sur le fondement énoncé par la Cour d'appel ou, s'il l'estimait indiqué, de trancher la question lui-même en tenant compte du fait que le conseil arbitral avait commis l'erreur relevée par la Cour d'appel et trancher l'appel en conséquence. Il ne lui était pas loisible de rejeter l'appel pour le motif que le conseil arbitral avait examiné de façon appropriée la question de savoir si le demandeur savait subjectivement que les déclarations qu'il avait faites étaient fausses.
[5] À la lumière des retards qui ont fait traîner cette affaire, le défendeur nous a prié de statuer sur le fond plutôt que de renvoyer l'affaire au juge-arbitre. C'est là une mesure qu'il ne nous est pas permis de prendre à l'occasion d'un contrôle judiciaire (voir Tétrault-Gaboury c. C.E.I.C., [1991] 2 R.C.S. 22, à la page 37, au paragraphe 28).
[6] La demande de contrôle judiciaire est accueillie avec dépens, la décision du juge-arbitre est infirmée et l'affaire est renvoyée au juge-arbitre en chef avec instruction que l'appel soit accueilli et que l'affaire soit renvoyée devant un conseil arbitral différemment constitué, qui la tranchera conformément au jugement que la Cour d'appel a rendu le 24 mars 1998.
« Marc Noël »
Juge
« John M. Evans »
Juge
K. Sharlow »
Juge
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-686-99
INTITULÉ : DAVID MORETTO et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 5 février 2001
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE NOËL
LE JUGE EVANS
LE JUGE SHARLOW
PRONONCÉS À L'AUDIENCE : LE 5 FÉVRIER 2001
COMPARUTIONS :
M. David N. Moretto AGISSANT POUR SON PROPRE COMPTE
M. Malcolm Palmer POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
M. David N. Moretto
Burnaby (Colombie-Britannique) AGISSANT POUR SON PROPRE COMPTE
M. Morris Rosenberg
Sous-procureur général
du Canada
Ottawa (Ontario) POUR LE DÉFENDEUR