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Date : 20030703

Dossier : A-11-02

Référence : 2003 CAF 295

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE SEXTON

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                             DR GIORGIO COPELLO

                                                                                                                                                         appelant

                                                                                   et

                                       LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

                                                                                                                                                            intimé

                                          Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 10 juin 2003.

                                     Jugement prononcé à Ottawa (Ontario), le 3 juillet 2003.

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                                                                               LE JUGE LINDEN

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                   LE JUGE SEXTON

                                                                                                                                      LE JUGE MALONE

                   


Date : 20030703

Dossier : A-11-02

Référence : 2003 CAF 295

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE SEXTON

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                             DR GIORGIO COPELLO

                                                                                                                                                         appelant

                                                                                   et

                                       LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

                                                                                                                                                            intimé

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LINDEN

[1]                 Il s'agit de l'appel d'une décision de la Section de première instance de la Cour fédérale portant la date du 10 décembre 2001 ([2002] 3 C.F. 24), par laquelle la Cour avait rejeté la demande de contrôle judiciaire de l'appelant sollicitant l'annulation d'une « décision » du ministre des Affaires étrangères et du Commerce international (le « Ministre » ), portant la date du 5 août 1998, qui demandait que l'appelant, un diplomate italien, quitte le Canada.


LES FAITS

[2]                 L'appelant est un diplomate de carrière qui a été affecté à Ottawa en août 1995. Sa carrière diplomatique s'est déroulée normalement jusqu'à la survenance de deux incidents en avril 1998 donnant lieu à la décision qui a amené l'appelant, sans avocat, à la Cour fédérale.

[3]                 Le premier incident est relaté dans une lettre de plainte au sujet de l'appelant envoyée à l'ambassadeur d'Italie au Canada par Lynn Smith, une employée du motel Stratford, à Whitehorse, territoire du Yukon, où l'appelant et son épouse avaient séjourné le 7 avril 1998. La lettre affirme que des échanges désagréables ont eu lieu entre l'appelant et le personnel du motel quand l'appelant s'est enregistré et au moment de son départ. Plus particulièrement, la lettre allègue que le demandeur a fait référence à son statut de diplomate au Canada et exprimé son mécontentement devant l'insistance du personnel du motel qu'il signe un fac-similé de sa carte de crédit à son arrivée plutôt que lors de son départ.

[4]                 Le 19 avril 1998, l'appelant a transité par l'Aéroport international de Vancouver où, de nouveau, son comportement a été porté à l'attention du ministre et de l'Ambassade italienne. Selon un rapport déposé par le détachement de Richmond (Colombie-Britannique) de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), l'appelant a fait preuve d'une attitude agressive inacceptable envers les agents de sécurité de l'aéroport et les membres de la GRC. Il est allégué qu'après qu'il eût déclenché un détecteur de métal, il avait refusé de permettre au personnel de sécurité de fouiller le sac de plastique qu'il transportait. L'appelant prétend qu'il ne contenait que des « saules discolores » .


[5]                 À la suite de l'incident à l'aéroport, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (le « ministère » ) du gouvernement du Canada a adressé une note diplomatique datée du 22 avril 1998 à l'ambassade italienne pour l'informer du comportement manifesté à l'aéroport par l'appelant, comportement qui, selon la note, était « inacceptable » .

[6]                 Par la suite, l'appelant a communiqué avec la GRC au sujet de l'incident survenu à l'aéroport. En réponse, il a reçu une lettre de l'inspecteur A.L. MacIntyre. La lettre confirmait que l'appelant n'avait commis aucune infraction et précisait également que les termes « agressif » et « menaçant » qui apparaissaient dans le rapport de police avaient été utilisés dans un sens large et qu'il aurait été préférable de dire que l'appelant était « perturbé et peu coopératif » . Néanmoins, la lettre réitère que l'appelant s'était comporté de manière inacceptable dans les circonstances. L'appelant a envoyé une copie de cette lettre au ministère.

[7]                 L'appelant a également reçu copie de la lettre de plainte de Mme Smith au sujet de l'incident du motel Stratford. L'appelant a préparé une réponse dans laquelle il a donné sa version des faits qui se sont déroulés pendant son séjour au motel. Selon l'appelant, la lettre de Mme Smith contenait des faussetés et constituait une diffamation. L'appelant a envoyé une copie de sa réponse au ministère, et a introduit une action en diffamation devant les tribunaux de l'Ontario contre Mme Smith, laquelle action n'était pas encore terminée à la date de la présente audience.

[8]                 Le 13 juillet 1998, une deuxième note diplomatique a été rédigée par le ministère demandant à l'ambassade d'Italie de reconsidérer l'affectation de l'appelant au Canada à la lumière des événements susmentionnés survenus à Whitehorse et à Vancouver.


[9]                 Le 5 août 1998, une troisième note diplomatique à été rédigée par le ministère; cette lettre contenait la décision à l'égard de laquelle l'appelant sollicite le contrôle judiciaire. Dans cette note, le ministère demande que l'appelant quitte le Canada au plus tard le 15 septembre 1998, en raison de son comportement inacceptable.

[10]            L'appelant a alors essayé sans succès de rencontrer le ministre ou un fonctionnaire responsable du protocole afin de lui présenter sa version des événements qui s'étaient produits à Whitehorse et à Vancouver. Apparemment, il y a eu des communications entre le ministère et les responsables de l'ambassade italienne, mais pas avec l'appelant personnellement.

[11]            Le 10 septembre 1998, l'ambassade italienne a informé le ministère que l'appelant avait été rappelé à Rome où il devait reprendre ses fonctions le 15 septembre 1998.

[12]            Toutefois, au lieu de quitter le pays, l'appelant a introduit cette demande au contrôle judiciaire et, le 11 septembre 1998, il a obtenu à la Section de première instance un sursis de la décision du ministre de l'expulser du Canada.

[13]            Le 11 novembre 1998, l'appelant a également obtenu une injonction du Conseil d'État en Italie pour faire cesser son rappel à Rome.


[14]            Le 11 juin 2001, la Section de première instance a entendu la demande de contrôle judiciaire de l'appelant. Le juge des requêtes a rejeté la demande estimant que la décision en question était une déclaration de persona non grata. Au demeurant, ayant déterminé que la demande de rappeler l'appelant avait été prise dans l'exercice de la prérogative royale et non en vertu d'une loi nationale, le juge des requêtes a conclu qu'il s'agissait d'une question politique plutôt qu'une question juridique et que, partant, la décision n'était pas justiciable. D'autres questions juridiques ont été soulevées et ont été tranchées par la Section de première instance, mais à la lumière de notre opinion sur la question principale, il n'est pas nécessaire d'en traiter ici.

QUESTIONS EN LITIGE

[15]            Le présent appel repose principalement sur la question de l'assujettissement à la compétence des tribunaux, plus particulièrement, elle tend à savoir si le juge des requêtes avait commis une erreur en concluant que la décision du ministre de demander le rappel de l'appelant n'était pas susceptible de contrôle dès lors qu'elle n'était pas justiciable.

ANALYSE

[16]            Généralement, l'exercice de la prérogative royale échappe au domaine du contrôle judiciaire, évidemment, sauf en cas de violation d'un droit garanti par la Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, soit l'annexe B de la Loi sur le Canada 1982 (R.U.) (1982), ch.11 (voir : Black c. Canada (Premier ministre) (2001), 54 O.R. (3d) 215 au par. 46 (C.A. Ont.)).

[17]            Dans Black c. Canada, le juge Laskin, qui a rédigé le jugement de la Cour d'appel, a déclaré ce qui suit aux paragraphes 50 et 51 :

[TRADUCTION] [...] la notion d'assujettissement à la compétence des tribunaux a trait à l'opportunité pour les tribunaux de décider d'une question particulière, ou alors d'en déférer à d'autres instances décisionnelles comme le législateur [...] Seuls ces exercices de la prérogative qui sont justiciables peuvent faire l'objet d'un contrôle. La Cour doit décider « si la question est de nature purement politique et devrait, par conséquent, être décidée devant une autre instance ou s'il y a un élément juridique suffisant pour justifier l'intervention du pouvoir judiciaire » : Renvoi relatif au Régime d'assistance publique du Canada (Colombie-Britannique), [1991] 2 R.C.S. 525, à la page 545, 58 B.C.L.R. (2d) 1.


En vertu du critère énoncé par la Chambre des lords, l'exercice de la prérogative sera justiciable, ou pourra être assujetti au processus judiciaire, si son objet porte atteinte aux droits ou aux attentes légitimes d'une personne. Lorsqu'il est porté atteinte aux droits ou aux attentes légitimes d'une personne, la Cour est à la fois compétente et qualifiée pour examiner judiciairement l'exercice de la prérogative.

[18]            En appliquant les principes développés dans l'affaire Black, et consciente du fait que des « droits » ou « attentes légitimes » étaient en jeu, le juge des requêtes a limité son examen à la question de savoir si la décision en cause avait été prise dans l'exercice de la prérogative royale ou aux termes d'une loi canadienne. Au paragraphe 66, elle a expliqué que :

L'objet de la présente instance est la demande du ministre adressé à l'État d'origine, c'est-à-dire la République italienne, de rappeler le demandeur. Le demandeur ne doit sa présence au Canada qu'au fait de sa nomination en tant que membre du personnel de l'ambassade d'Italie. Il n'y a rien dans le dossier qui indique qu'il a un autre statut au Canada. La demande de rappel équivaut à une déclaration depersona non grata. La question est donc de savoir si cette demande a été présentée en vertu de l'exercice de la prérogative royale ou aux termes d'une loi nationale.

[19]            Partant, le juge des requêtes a renvoyé à l'article 9 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques (1961) 500 R.T.N.U. 95 (la « Convention de Vienne » ), qui prévoit que l'État accréditaire a le droit de déclarer, sans explication, tout membre du personnel diplomatique d'un État accréditant persona non grata. Cet article prévoit :

Article 9

1. L'État accréditaire peut, à tout moment et sans avoir à motiver sa décision, informer l'État accréditant que le chef ou tout autre membre du personnel diplomatique de la mission est persona non grata ou que tout autre membre du personnel de la mission n'est pas acceptable. L'État accréditant rappellera alors la personne en cause ou mettra fin à ses fonctions auprès de la mission, selon le cas. Une personne peut être déclarée non grata ou non acceptable avant d'arriver sur le territoire de l'État accréditaire.

2. Si l'État accréditant refuse d'exécuter, ou n'exécute pas dans un délai raisonnable, les obligations qui lui incombent aux termes du paragraphe 1 du présent article, l'État accréditaire peut refuser de reconnaître à la personne en cause la qualité de membre de la mission.

[20]            Si des parties de la Convention de Vienne ont reçu force de loi au Canada par le truchement de la Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales, L.C. (1991), ch. 41, cette loi ne mentionne pas expressément l'article 9. Néanmoins, même si l'article 9 n'a pas été expressément édicté dans les lois canadiennes, il reflète fidèlement le droit international coutumier à ce sujet. L'article 9 était donc pertinent dans l'analyse du juge des requêtes en ce sens que les tribunaux canadiens reconnaissent généralement les normes de droit international que le Canada en soit lié ou non (voir : Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817. au par. 70).

[21]            Au paragraphe 71, le juge des requêtes a statué :

En l'absence d'une application d'origine législative par le Canada, l'article 9 ne fait pas partie du droit interne. L'exclusion de cet article ne peut que signifier que le législateur avait l'intention que l'expulsion des diplomates demeure dans la sphère de la prérogative royale dans la conduite des affaires étrangères par le Canada, et échappe au contrôle judiciaire. À mon avis, une déclaration de persona non grata n'est pas une question juridique mais demeure dans l'arène politique. La décision n'est pas justiciable.

Je souscris à cette conclusion.


[22]            Bien qu'il puisse sembler injuste que le Canada peut expulser un diplomate de son territoire sans jamais avoir à justifier sa décision devant un tribunal, cette prérogative traditionnelle a pour objet de favoriser les relations diplomatiques amicales entre les nations. Elle est également conforme aux principes de droit international. Les diplomates sont des hôtes dans les pays étrangers où ils vivent et travaillent. Ils ont pour rôle de contribuer « à favoriser les relations d'amitié entre les pays, quelle que soit la diversité de leurs régimes constitutionnels et sociaux, » (voir le préambule de la Convention de Vienne). Le statut diplomatique emporte certains privilèges et immunités, mais le but de ces privilèges et immunités n'est pas d'avantager des individus. Le préambule de la Convention de Vienne le précise bien, le but desdits privilèges et immunités « est d'assurer l'accomplissement efficace des fonctions des missions diplomatiques en tant que représentant des États » . En conséquence, les règles normales de droit administratif - celles qui visent l'équité procédurale et la règle de droit - ne s'appliquent pas. Au surplus, le fait de faire rappeler un diplomate en Italie n'engage aucun droit protégé par la Charte.

[23]            Il y a lieu de mentionner que l'appelant, qui continue de résider au Canada, ne semble pas avoir perdu son droit individuel de demeurer au Canada ou de demander le statut d'immigrant par suite du retrait de son statut diplomatique par la République d'Italie.

DÉPENS

[24]            En général, les dépens suivent l'issue d'un appel. Toutefois, j'estime que les circonstances de la présente espèce justifient une dérogation à cette règle coutumière. En suspendant la demande du ministre que le gouvernement d'Italie retire l'appelant du Canada au plus tard le 15 septembre 1998, en attendant toute autre ordonnance de la Cour, le juge Hugessen a décrit la situation de l'appelant comme étant « une affaire un peu inusitée » (voir : Copello c. Canada (Ministre des Affaires étrangères), (1998) 152 F.T.R. 110). En accueillant la demande de mesure provisoire, le juge Huggessen avait également conclu que l'appelant avait soulevé une question sérieuse à juger. En conséquence, l'appelant a pu être encouragé à solliciter le contrôle judiciaire de la décision du ministre de l'expulser du Canada au motif que sa demande était inédite et bien-fondée. Pour cette raison, bien que l'appelant ne m'ait pas convaincu d'infirmer la décision de la Section de première instance, il ne devrait pas avoir à payer les dépens de l'intimé dans le présent appel.


CONCLUSION

[25]            Le présent appel devrait être rejeté sans dépens.

                                                                                                                                            « A.M. Linden »       

Juge     

« Je souscris aux présents motifs.

Le juge J. Edgar Sexton »

« Je souscris aux présents motifs.

Le juge B. Malone »

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                                         COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         A-11-02

INTITULÉ :                                                        Dr Georgio Copello

- et -

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

et le PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                              le 10 juin 2003

MOTIFS DU JUGEMENT :                          LE JUGE LINDEN

Y ONT SOUSCRIT :                           LE JUGE SEXTON

LE JUGE MALONE

DATE DES MOTIFS :                                     LE 3 JUILLET 2003

COMPARUTIONS :                          

Dr Georgio Copello                                              EN SON PROPRE NOM

Linda Wall                                                             POUR LES INTIMÉS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dr Georgio Copello                                              EN SON PROPRE NOM

Morris Rosenberg                                                 POUR LES INTIMÉS

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


Date : 20030703

Dossier : A-11-02

Ottawa, le 3 juillet 2003

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE SEXTON

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                             DR GIORGIO COPELLO

                                                                                                                                                         appelant

                                                                                   et

                                       LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

                                                                                                                                                            intimé

                                                                        JUGEMENT

L'appel est rejeté sans dépens.

                                                                                                                                            « A.M. Linden »       

Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

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