Date : 20010501
Dossier : A-511-00
Référence neutre : 2001 CAF 136
CORAM LE JUGE STRAYER
LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE EVANS
ENTRE :
MERCK FROSST CANADA & CO.
-et-
MERCK & CO., INC.
appelantes
(demanderesses)
- et -
LE MINISTRE DE LA SANTÉ
-et-
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
intimés
(défendeurs)
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le mardi 1er mai 2001.
Jugement prononcé à l'audience le 1er mai 2001.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE EVANS
Date : 20010501
Dossier : A-511-00
Référence neutre : 2001 CAF 136
CORAM LE JUGE STRAYER
LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE EVANS
ENTRE :
MERCK FROSST CANADA & CO.
-et-
MERCK & CO., INC.
appelantes
(demanderesses)
- et -
LE MINISTRE DE LA SANTÉ
-et-
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
intimés
(défendeurs)
(Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario),
le mardi 1er mai 2001)
[1] En 1990, Merck Frosst Canada & Co. a obtenu un avis de conformité l'autorisant à commercialiser un comprimé, le ZOCOR, dont l'ingrédient médicamenteux était la simvastatine sous forme de lactone. En 1993, Merck Frosst Canada & Co. et Merck and Co. Inc. (les appelantes) ont inclus dans la liste du registre des brevets deux brevets dont elles étaient les titulaires à l'égard de la simvastatine produite selon un procédé particulier.
[2] Le présent appel vise à décider si le ministre de la Santé a commis une erreur de droit en refusant d'ajouter au registre le brevet que les appelantes ont obtenu en 1999 (le brevet '331) pour deux métabolites de la simvastatine, plus précisément l'hydroxyméthyl-simvastatine et la carboxy-simvastatine, qui sont produits à la suite de l'ingestion de la simvastatine et de sa métabolisation par le foie.
[3] La réponse à cette question dépend de savoir si le brevet ‘331 « comporte une revendication pour le médicament en soi » aux fins de l'alinéa 4(2)b) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité),DORS/93-133. Les appelantes prétendent que oui parce que les métabolites ont des effets thérapeutiques, sont donc des médicaments, et qu'ils sont mentionnés dans la présentation de drogue nouvelle qui leur a permis d'obtenir un avis de conformité pour le ZOCOR. Pour sa part, le ministre soutient qu'étant donné que le brevet ‘331 ne comporte aucune revendication pour la simvastatine, le médicament pour lequel l'avis de conformité a été obtenu, le brevet ‘331 ne constitue pas une « revendication pour le médicament en soi » .
[4] La disposition législative qui s'applique directement pour trancher le présent appel est la suivante :
4(2) La liste de brevets au sujet de la drogue doit contenir les renseignements suivants : [...] b) tout brevet canadien dont la personne est propriétaire ou à l'égard duquel elle détient une licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l'inclure dans la liste, qui comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament, et qu'elle souhaite voir inscrit au registre; |
4(2) A patent list submitted in respect of a drug must ... (b) set out any Canadian patent that is owned by the person, or in respect of which the person has an exclusive licence or has obtained the consent of the owner of the patent for the inclusion of the patent on the patent list, that contains a claim for the medicine itself or a claim for the use of the medicine and that the person wishes to have included on the register; |
|
[5] Les appelantes interjettent appel d'une décision de la Section de première instance rejetant leur demande de contrôle judiciaire contestant le refus du ministre de la Santé d'ajouter le brevet '331 à la liste de brevets à l'égard du ZOCOR. Les motifs du juge se résument ainsi : même si les métabolites sont des médicaments, ils ne sont pas le médicament simvastatine, sans doute parce qu'ils ont une structure chimique différente de la simvastatine sous forme de lactone; l'avis de conformité délivré pour les comprimés de ZOCOR indique que le médicament qu'ils contiennent est la simvastatine, non les métabolites qui ne se forment qu'après l'ingestion; et le brevet '331 ne revendique pas la simvastatine. Par conséquent, il a conclu que le brevet '331 ne contient aucune « revendication pour le médicament en soi » et que le ministre était fondé à refuser d'ajouter le brevet '331 au registre.
[6] Nous ne sommes pas convaincus que le juge a commis une erreur en arrivant à ce résultat; au contraire, nous souscrivons aux motifs qu'il a donnés pour justifier sa décision. Nous estimons qu'on ne peut prétendre que le juge a interprété le Règlement ou l'avis de conformité d'une manière trop étroite ou sans tenir suffisamment compte de l'objectif de la loi qui est de protéger les titulaires de brevets contre une éventuelle contrefaçon de leurs droits par ceux qui obtiennent un avis de conformité.
[7] Les appelantes font valoir qu'à moins d'ajouter le brevet '331 au registre, un concurrent qui est capable de fabriquer un médicament contenant de la simvastatine produite par un procédé non breveté aura le droit d'obtenir un avis de conformité en présentant une preuve que le médicament est l'équivalent de ZOCOR. Comme le médicament du concurrent, une fois ingéré, se métabolisera pour donner les métabolites brevetés, il y aura contrefaçon du brevet '331. Et, comme il y a lieu d'interpréter le libellé de la loi d'une manière compatible avec son objectif, que l'objectif du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) est d'empêcher la contrefaçon directe ou indirecte des droits des titulaires de brevets dans des produits pharmaceutiques, il y a lieu d'interpréter le « médicament en soi » comme incluant à la fois la simvastatine sous forme de lactone et ses métabolites, les agents thérapeutiques actifs.
[8] En dépit des observations valables formulées par les avocats, cet argument n'emporte pas notre adhésion, et ce, pour deux raisons. Premièrement, si elles avaient gain de cause, les appelantes seraient alors en mesure de faire indirectement ce qu'elles ne peuvent pas faire directement, c'est-à-dire empêcher un concurrent d'obtenir un avis de conformité pour une drogue contenant de la simvastatine produite par un procédé qui ne constitue pas une contrefaçon. Les appelantes ont sollicité et obtenu des brevets de procédé pour la simvastatine, étant donné qu'à l'époque, la loi ne permettait pas la délivrance d'un brevet de produit pour un médicament. Lorsque la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985) ch. P-4, a été modifiée en 1993 (Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets, L.C. 1993, ch. 2, article 3) pour le permettre, les appelantes ne pouvaient obtenir un brevet de produit pour la simvastatine parce que leurs brevets de procédé avaient eu pour effet de faire perdre à la simvastatine sa qualité de drogue nouvelle.
[9] Deuxièmement, nous ne pouvons pas interpréter le brevet '331 comme revendiquant la simvastatine. Le tribunal qui interprète les revendications d'un brevet n'a pas le droit de tenir compte de questions aussi étrangères que le contenu d'une présentation de drogue nouvelle déposée conformément au Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C. 1978, ch. 870. Par conséquent, le fait que la simvastatine sous forme de lactone n'ait des effets thérapeutiques qu'après avoir été métabolisée par le corps pour donner les métabolites brevetés ne justifie pas d'interpréter les revendications du brevet '331 comme incluant la simvastatine sous forme de lactone. En outre, passer outre au libellé de l'avis de conformité en traitant les comprimés de ZOCOR comme contenant le médicament simvastatine et ses métabolites pourrait porter atteinte à l'aptitude du ministre à s'acquitter des importantes responsabilités que lui confie la loi de s'assurer de l'efficacité et de l'innocuité des drogues nouvelles.
[10] Pour ces motifs, l'appel est rejeté avec dépens.
« John M. Evans »
J.C.A.
Traduction certifiée conforme :
Richard Jacques, LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION D'APPEL
AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-511-00
INTITULÉ DE LA CAUSE : MERCK FROSST CANADA & CO. ET AL. c. LE MINISTRE DE LA SANTÉ ET AL.
LIEU DE L'AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 1er MAI 2001
MOTIFS DU JUGEMENT des juges Strayer, Rothstein et Evans, prononcés le 1er mai 2001.
ONT COMPARU :
JUDITH ROBINSON
NELSON LANDRY POUR L'APPELANTE
FRANCOSCO COUTO POUR L'INTIMÉ
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Judith Robinson
Nelson Landry
Montréal (Québec) POUR LA DEMANDERESSE
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada POUR L'INTIMÉ