Date : 20011012
Dossier : A-436-01
Référence neutre : 2001 CAF 303
ENTRE :
PROFAC FACILITIES MANAGEMENT SERVICES INC.
demanderesse
et
FM ONE ALLIANCE CORP. et
SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES
défenderesses
Dossier : A-440-01
ENTRE :
BROOKFIELD LEPAGE JOHNSON CONTROLS
FACILITY MANAGEMENT SERVICES
demanderesse
et
FM ONE ALLIANCE CORP. et
SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES
défenderesses
Audience tenue à Toronto (Ontario), le mercredi 10 octobre 2001
Ordonnance rendue à Toronto (Ontario), le vendredi 12 octobre 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR : LE JUGE LINDEN
Date : 20011012
Dossier : A-436-01
Référence neutre : 2001 CAF 303
ENTRE :
PROFAC FACILITIES MANAGEMENT SERVICES INC.
demanderesse
et
FM ONE ALLIANCE CORP. et
SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES
défenderesses
Dossier : A-440-01
ENTRE :
BROOKFIELD LEPAGE JOHNSON CONTROLS
FACILITY MANAGEMENT SERVICES
demanderesse
et
FM ONE ALLIANCE CORP. et
SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES
défenderesses
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE LINDEN
[1] Les deux demanderesses, Profac Facilities Management Services Inc. ( « Profac » ) et Brookfield Lepage Johnson Controls Facility Management Services ( « Brookfield » ), demandent un sursis provisoire à l'exécution d'une décision et d'une recommandation du Tribunal canadien du commerce extérieur ( « TCCE » ) en date du 27 juin 2001 jusqu'à ce que la Cour fédérale se prononce dans les deux demandes de contrôle judiciaire connexes qui ont été déposées en l'espèce. Dans cette décision, le TCCE a recommandé que la Société canadienne des postes ne procède pas au renouvellement des conventions de services proposés avec les deux demanderesses à l'égard des services de gestion de quelque 1 100 propriétés lui appartenant, mais plutôt qu'elle déclenche et mène à terme, dans un délai de six mois, une nouvelle invitation à soumissionner à l'égard de ces services conformément aux dispositions de l'Accord de libre-échange nord-américain. FM One Alliance Corporation ( « FM One » ), une des défenderesses dans les présentes demandes, désire présenter une soumission dans le cadre du nouveau processus d'approvisionnement proposé. La Société canadienne des postes, l'autre défenderesse, s'intéresse également au résultat de la présente demande. (Je l'ai ajoutée comme partie défenderesse dans le dossier de la Cour no A-436-01.)
[2] Pour avoir gain de cause en l'espèce, les demanderesses doivent convaincre la Cour (1) qu'il existe une question sérieuse à trancher, (2) que les demanderesses subiront un préjudice irréparable si le sursis n'est pas accordé, (3) que la prépondérance des inconvénients entre les parties joue en faveur de l'octroi du sursis. (Voir RJR-MacDonald Inc. c. Canada, [1994] 1 R.C.S. 311.)
[3] En ce qui a trait à la question de savoir s'il existe une question sérieuse à trancher, il est nécessaire d'expliquer le fondement de la décision du TCCE. Voici comment le Tribunal s'est exprimé dans ses motifs :
Tenant pour acquis, aux fins de son analyse, que la clause de renouvellement était une clause optionnelle valable, le Tribunal doit décider si ladite clause serait exercée en bonne et due forme si la SCP procédait aux renouvellements proposés. À la lumière du libellé de la clause et des circonstances pertinentes aux renouvellements proposés, le Tribunal conclut que les renouvellements, tels qu'ils ont été envisagés, ne constitueraient pas un exercice en bonne et due forme de la clause de renouvellement.
La section 3.4 des conventions de services énonce la clause de renouvellement, et prévoit ce qui suit :
Sous réserve d'un préavis d'au moins six mois avant le 31 mars 2000, la SCP a le droit de renouveler [les présentes] convention[s] pour une période supplémentaire de cinq ans selon des modalités qui seront fixées d'un commun accord, à l'avance, par la SCP et [BLJC ou Profac].
[Traduction]
Il ressort clairement du libellé de la section 3.4 que, pour renouveler les conventions de services, la SCP était obligée de donner un avis de son intention de le faire six mois avant le 31 mars 2000. Le dossier montre aussi clairement que la SCP n'a pas donné un tel avis. La SCP n'a pas contesté ce fait. Le Tribunal est donc d'avis que les renouvellements proposés ne constitueraient pas un exercice en bonne et due forme de la clause de renouvellement.
[4] La défenderesse FM One Alliance Corp., qui veut présenter dans le cadre du nouveau processus d'approvisionnement une soumission à l'égard des travaux actuellement exécutés par les demanderesses, soutient qu'il n'existe aucune question sérieuse à trancher en l'espèce. Selon elle, la norme de contrôle est celle de la décision manifestement déraisonnable et la décision en question est nettement justifiée par la preuve au dossier. D'après la défenderesse, la clause de la convention a été interprétée correctement et, en tout état de cause, il s'agissait simplement d'un avant-contrat, qui ne peut être exécutoire. (Voir Mannpar Enterprises Ltd. v. Canada (1999), 67 B.C.L.R. (3d) 64, p. 68 (C.A.).
[5] Pour leur part, les demanderesses font valoir que le critère de base à établir pour décider s'il existe une question sérieuse à trancher est un critère très bas, c'est-à-dire que la question en litige ne doit pas être une question futile ou vexatoire. Elles indiquent que la norme de contrôle applicable à la question de droit à trancher en l'espèce n'est pas nécessairement le critère de la décision manifestement déraisonnable, mais plutôt celui de la décision correcte, compte tenu, notamment, de l'arrêt Canada c. Mattel Canada Inc., [2001] A.C.F. no 37, étant donné que la question de droit qui se pose en l'espèce déborde le cadre de la compétence spécialisée du Tribunal et que les cours de justice sont aussi en mesure que lui de la trancher. Elles ajoutent que la question en litige n'est pas de savoir s'il y a eu renouvellement irrégulier de contrat qui va à l'encontre de l'ALÉNA, car le Tribunal ne s'est pas prononcé sur cette question. La question de droit est de savoir si le délai d'avis de la convention préexistante a été respecté ou non, comme en a décidé le Tribunal, ou s'il a été prorogé en raison des discussions qui avaient été amorcées ainsi que du renouvellement provisoire de la convention jusqu'au nouvel approvisionnement proposé qui a plus tard été abandonné. Selon les demanderesses, plusieurs décisions fondées sur la common law ont été rendues sur cette question et une cour de justice est bien placée pour se prononcer à ce sujet.
[6] À mon avis, il y a suffisamment de raisons valables de dire que le critère de base servant à décider s'il existe une question sérieuse à trancher en l'espèce a été établi.
[7] En ce qui a trait au préjudice irréparable, les demanderesses font valoir que, si une nouvelle partie s'occupait des marchés existants jusqu'au résultat de l'appel et que leurs demandes de contrôle judiciaire étaient finalement accueillies, la rupture des liens existant entre les parties actuelles serait irréparable. Selon elles, aucune indemnité ne permettrait de compenser les pertes énormes qu'elles subiraient. Ce marché représente l'un de leurs principaux contrats et a une importance vitale pour leur entreprise. Bon nombre de leurs employés compétents pourraient quitter l'entreprise sans y retourner plus tard. Cette conséquence serait indéniablement désastreuse pour les employés actuels des demanderesses, qui viendraient ainsi grossir les rangs des chômeurs.
[8] La défenderesse réplique que les demanderesses continuent en tout état de cause à fournir le service provisoirement jusqu'au résultat du nouvel approvisionnement, de sorte que l'ampleur du préjudice qu'elles pourraient subir est plus imaginaire que réelle. Selon la défenderesse, une bonne partie de ce préjudice a été causée par le retard que les demanderesses ont mis à déposer la présente demande de sursis, laquelle demande serait peut-être déjà entendue et tranchée si elles avaient procédé rapidement. Cet argument a peu de valeur à mes yeux. Lorsque les demanderesses ont déposé leurs demandes de contrôle judiciaire, la SCP a décidé d'elle-même d'attendre le résultat de l'affaire avant de déclencher le nouveau processus d'approvisionnement, souhaitant apparemment éviter un exercice qui pourrait être futile. Cette conduite a finalement poussé FM One à engager une action devant la Section de première instance afin de forcer la SCP à lancer la nouvelle invitation à soumissionner. Ce n'est qu'à ce moment que les demanderesses ont demandé un sursis, car cette mesure ne leur a pas semblé nécessaire avant. Je ne puis reprocher aux parties d'avoir agi comme elles l'ont fait, car il n'y a pas lieu de gaspiller des ressources en les injectant dans des litiges qui ne sont pas nécessaires.
[9] À mon avis, la preuve présentée au sujet du préjudice irréparable permet de dire que le deuxième critère a été établi.
[10] En ce qui a trait à la prépondérance des inconvénients, il est évident que l'avantage se situe du côté des demanderesses. Les liens qu'elles entretiennent avec la SCP, qui est l'un de leurs principaux clients, sont menacés par le nouvel approvisionnement. Une entente temporaire est en place, mais elle est aussi précaire. Il est illogique qu'une partie soit contrainte de mettre fin à ces liens par suite du transfert d'un service d'approvisionnement à une autre entité, si elle convainc plus tard la Cour que ce nouveau processus est inutile et réussit ainsi à faire renverser la vapeur. Entre-temps, l'entreprise aura été ébranlée, des sommes auront été englouties dans des activités de démarrage et de fermeture inutiles et des emplois auront été perdus. De plus, il faut également tenir compte du coût occasionné aux demanderesses en l'espèce et à d'autres parties qui pourraient participer au processus d'approvisionnement et apprendre plus tard que celui-ci a été annulé.
[11] Pour sa part, FM One doit simplement attendre la décision de la Cour avant de pouvoir continuer à fournir les services, si elle obtient le marché dans le cadre du processus d'approvisionnement qui serait tenu. Elle risque également de perdre des profits. Bien entendu, il se peut aussi que FM One n'obtienne même pas le marché d'approvisionnement. Par ailleurs, il faut également tenir compte des économies de deniers publics, qui autrement seraient perdus, ainsi que de la nécessité de promouvoir une application plus efficace du régime d'approvisionnement.
[12] À mon avis, les coûts pouvant être occasionnés aux demanderesses dépassent considérablement ceux de FM One et les demanderesses ont démontré clairement que la prépondérance des inconvénients joue en leur faveur.
[13] Par conséquent, un sursis à l'exécution de la décision devrait être accordé, sur une base conditionnelle toutefois, car la question devrait être clarifiée le plus tôt possible. Les deux demandes de contrôle judiciaire seront entendues au cours de la semaine du 19 novembre 2001; l'administrateur judiciaire déterminera la date, l'heure et l'endroit exacts de l'audience sur une base de consultation avec les parties. Ainsi, la décision de la Cour devrait être communiquée bien avant l'expiration du délai de six mois au cours duquel le nouveau processus d'approvisionnement devra avoir lieu si la demande échoue. Pour que l'audience ait lieu à cette date, les dossiers des demanderesses doivent être déposés d'ici le 26 octobre 2001 et ceux des défenderesses, d'ici le 2 novembre 2001. Les frais de la présente demande suivront l'issue de la cause.
« A.M. Linden »
Juge
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION D'APPEL
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-436-01
INTITULÉ : PROFAC FACILITIES MANAGEMENT SERVICES INC.
demanderesse
c.
FM ONE ALLIANCE CORP. et SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES
défenderesses
DOSSIER : A-440-01
INTITULÉ : BROOKFIELD LEPAGE JOHNSON CONTROLS FACILITY MANAGEMENT SERVICES
demanderesse
c.
FM ONE ALLIANCE CORP. et SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES
défenderesses
DATE DE L'AUDIENCE : LE MERCREDI 10 OCTOBRE 2001
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR : LE JUGELINDEN
DATE DES MOTIFS : LE VENDREDI 12 OCTOBRE 2001
COMPARUTIONS: MM. Joel Richler et Bradley E. Berg
pour la demanderesse Profac Facilities Management Services Inc.
M. Gordon Cameron
pour la demanderesse Brookfield Lepage Johnson Controls Facility Management Services
MM. Milos Bartutciski et Brian Radnoff
pour la défenderesse FM One Alliance Corp.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Blake, Cassels & Graydon LLP
Avocats
C.P. 25, Commerce Court West
Toronto (Ontario) M5L 1A9
pour la demanderesse Profac Facilities Management Services Inc.
Blake, Cassels & Graydon LLP
Avocats
45, O'Connor Street, 20th Floor
Ottawa (Ontario) K1P 1A4
pour la demanderesse Brookfield Lepage Johnson Controls Facility Management Services
Davies Ward Phillips & Vineberg LLP
Avocats
44th Floor, 1 First Canadian Place
Toronto (Ont.) M5X 1B1
pour la défenderesse FM One Alliance Corp.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 20011012
Dossier : A-436-01
ENTRE :
PROFAC FACILITIES MANAGEMENT SERVICES INC.
demanderesse
et
FM ONE ALLIANCE CORP. et
SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES
défenderesses
Dossier : A-440-01
ENTRE :
BROOKFIELD LEPAGE JOHNSON CONTROLS FACILITY MANAGEMENT SERVICES
demanderesse
et
FM ONE ALLIANCE CORP. et
SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES
défenderesses
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
Date : 20011012
Dossier : A-436-01
Toronto (Ontario), le vendredi 12 octobre 2001
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LINDEN
ENTRE :
PROFAC FACILITIES MANAGEMENT SERVICES INC.
demanderesse
et
FM ONE ALLIANCE CORP. et
SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES
défenderesses
Dossier : A-440-01
ENTRE :
BROOKFIELD LEPAGE JOHNSON CONTROLS
FACILITY MANAGEMENT SERVICES
demanderesse
et
FM ONE ALLIANCE CORP. et
SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES
défenderesses
ORDONNANCE
Un sursis à l'exécution de la décision du TCCE en date du 27 juin 2001 est accordé jusqu'à ce que la Cour tranche la présente affaire, pourvu que les demandes de contrôle judiciaire déposées dans les présents dossiers soient entendues au cours de la semaine du 19 novembre 2001, à la date, à l'heure et à l'endroit que déterminera l'administrateur judiciaire sur une base de consultation avec les parties. Les dossiers des demanderesses doivent être déposés d'ici le 26 octobre 2001 et ceux de la défenderesse, d'ici le 2 novembre 2001. Les frais suivront l'issue de la cause.
« A.M. Linden »
Juge
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.