Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20030623

Dossier : A-575-02

Référence : 2003 CAF 270

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                        ECHO BAY MINES LTD.

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                   LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET

DU NORD CANADIEN

intimé

                                 Audience tenue à Edmonton (Alberta), le 27 mai 2003.

                                   Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 23 juin 2003.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                            LE JUGE PELLETIER

Y ONT SOUSCRIT :                                                                         LE JUGE DÉCARY

                                                                        LE JUGE NADON


                                                                                                                                Date : 20030623

                                                                                                                             Dossier : A-575-02

                                                                                                                Référence : 2003 CAF 270

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                        ECHO BAY MINES LTD.

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                   LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET

DU NORD CANADIEN

intimé

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

MONSIEUR LE JUGE PELLETIER


[1]                Il s'agit d'un appel interjeté contre le rejet de la demande de contrôle judiciaire d'une décision du représentant du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Cette décision porte sur le calcul des redevances payables conformément au Règlement sur l'exploitation minière au Canada, C.R.C. 1978, ch. 1516, modifié par le DORS/88-89 (le Règlement). Le litige porte sur la manière de calculer l'amortissement. La méthode de calcul de l'appelante aboutit à un amortissement accéléré des biens acquis à une période plus avancée au cours de la vie d'une mine alors que, selon la méthode de calcul de l'intimé, les biens sont toujours amortis de la même manière, peu importe le moment de leur acquisition. Afin de déterminer la méthode de calcul, il faut prendre en considération deux éléments, le sens de l'expression « bien amortissable » et l'effet juridique d'un formulaire qui fait partie du Règlement.

[2]                Le litige porte sur le paragraphe suivant du Règlement sur l'exploitation minière au Canada, lequel, pendant la période en cause, était ainsi libellé :

65(8) Pour déterminer la valeur de la production d'une mine au cours d'une année financière, il est permis de déduire les montants suivants :

[...]

g) l'allocation d'amortissement déterminée par l'exploitant ne dépassant pas 15 % par année, et 100 % dans l'ensemble du coût, pour l'exploitant, des biens amortissables utilisés à la production de la mine.

[3]                Le noeud du problème entre les parties réside dans l'interprétation à donner à l'expression « bien amortissable » . L'appelante prétend qu'un bien amortissable demeure un bien amortissable même s'il est entièrement amorti. De son côté, l'intimé prétend qu'un bien amortissable représente un bien qui peut faire l'objet d'un amortissement, de sorte qu'un bien entièrement amorti ne serait plus un bien amortissable. Je reviendrai sur cette question un peu plus tard. Mais je vais donner tout d'abord un exemple de la différence pratique qui existe entre ces deux positions.


[4]                L'appelante soutient que tous les biens amortissables constituent un ensemble qui est amorti au taux de 15 p. 100 par année jusqu'à ce que l'amortissement total réclamé corresponde à 100 p. 100 du coût de la catégorie de biens. À moins que des biens ne soient vendus ou qu'ils ne soient plus utilisés dans la production de la mine, ces biens demeurent à l'intérieur de la catégorie, même s'ils sont entièrement amortis, car ils demeurent toujours des biens amortissables. Lorsque des biens s'ajoutent à la catégorie, ils augmentent la valeur totale de la catégorie ce qui a pour effet d'augmenter la valeur qui peut être déduite au cours d'une année financière donnée. À titre d'exemple, considérons une catégorie de biens qui aurait une valeur initiale de 1 000 $ (afin d'utiliser des chiffres faciles à calculer), à laquelle s'ajoute un bien d'une valeur de 500 $ au cours de la 8e année d'exploitation. Supposons également que l'exploitant a réclamé un amortissement au taux maximal de 15 p. 100. Voici ce que cela donnerait en utilisant la méthode de calcul d'amortissement de l'appelante :

Année

Coût des biens initiaux

Coût des biens ajoutés

Coût des biens amortissables

Amortissement annuel de l'appelante à 15 %

Amortissement cumulatif de l'appelante

1

1000

1 000

150

150

2

1 000

1 000

150

300

3

1 000

1 000

150

450

4

1 000

1 000

150

600

5

1 000

1 000

150

750

6

1 000

1 000

150

900

7

1 000

1 000

100

1 000

8

1 000

500

1500

225

1 225


[5]                Le calcul de l'intimé est le même pour toutes les années, sauf la 8e tel qu'il est indiqué ci-dessous :

8

0

500

500

75

75

[6]                Dans cet exemple, la différence entre la méthode de calcul de l'appelante et celle de l'intimé apparaît à la 8e année. Ainsi, l'appelante ajoute le coût des nouveaux biens amortissables au coût de tous les autres biens et, par ce fait, augmente le coût total ainsi que la déduction annuelle maximale, alors que l'intimé soustrait le coût des biens entièrement amortis du calcul, ne prenant en considération que le coût des biens non amortis, ce qui a pour effet de diminuer le coût total des biens, le total cumulatif ainsi que le montant de la déduction annuelle maximale. Si l'on choisissait un exemple plus complexe, en ajoutant et en retirant des biens au cours de différentes années, l'exploitant qui utiliserait la méthode de l'intimé devrait individualiser les biens selon l'année d'acquisition afin de les retirer du calcul lorsqu'ils sont entièrement amortis. L'exploitant qui utiliserait la méthode de l'appelante n'aurait qu'à suivre l'évolution du coût total des biens et la déduction cumulée totale déjà réclamée.

[7]                En plus de son argument concernant la définition de « bien amortissable » , l'intimé a fait valoir devant la juge de révision que l'interprétation du Règlement proposée par l'appelante exige de lire le texte comme si le mot « of » ( « de » ) remplaçait le mot « in » ( « dans » ). Si tel était le cas, la disposition se lirait de la façon suivante :


[traduction]

l'allocation d'amortissement déterminée par l'exploitant ne dépassant pas 15 % par année, et 100 % de l'ensemble du coût, pour l'exploitant, des biens amortissables utilisés à la production de la mine.

L'intimé ne voit pas comment il serait possible, pour un exploitant, d'effectuer une telle substitution.

[8]                La juge de révision a tranché en faveur de l'intimé. Elle a été convaincue que l'expression « bien amortissable » ne pouvait inclure des biens entièrement amortis :

[31] ... Un bien qui a déjà été complètement amorti ne peut pas être amorti davantage et par conséquent il n'est pas un bien amortissable.

[32] Si j'adoptais la position de la demanderesse, cela aurait pour effet de créer une absurdité en ce sens qu'un bien qui a déjà été complètement amorti pourrait être utilisé à répétition par l'exploitant afin d'augmenter le solde de la catégorie de biens amortissables, ce qui aurait pour effet d'augmenter le montant de l'allocation d'amortissement admissible.

[9]                La juge a conclu que l'acception grammaticale courante de l'alinéa 65(8)g) du Règlement soutenait sa conclusion. D'après elle, la position de l'appelante exigeait du lecteur qu'il remplace les mots « dans l'ensemble du » par les mots « de l'ensemble du » . Elle a rejeté cette lecture du texte :

À mon avis, la proposition « in » ( « dans » ) qui précède les mots « l'ensemble [...] » et l'article « des » qui précède les mots « biens amortissables » divisent l'alinéa 65(8)g) en concepts différents. La préposition « in » ( « dans » ) précise que les mots 15 % par année et 100 % renvoient au coût pour l'exploitant (de chaque bien individuel). Toutefois, la préposition « of » (l'article « des » ) introduit un autre concept à savoir que ce ne sont que les biens amortissables utilisés à la production de la mine qui peuvent faire l'objet de l'allocation d'amortissement.


[10]            Devant la Cour, les parties ont répété les arguments présentés devant la juge de révision. De plus, l'intimé s'est appuyé sur l'annexe B du formulaire 18, un formulaire qui fait partie du Règlement. L'annexe B est une feuille de travail désignée au calcul de l'amortissement cumulé. L'exploitant doit déterminer le coût des biens amortissables, des acquisitions de l'année, des biens amortissables dont on a disposé au cours de l'année ainsi que des biens entièrement amortis au cours de l'année. Bien que le formulaire ne traite pas des opérations arithmétiques qui doivent être effectuées concernant ces montants, l'intimé prétend que la valeur des biens acquis devaient être ajoutée au coût des biens amortissables, la valeur des biens ayant fait l'objet d'une disposition devaient en être soustraite, tout comme cela devait être le cas pour le coût des biens entièrement amortis au cours de l'année. Afin de faciliter la lecture, j'utiliserai l'expression « coût net » des biens amortissables afin de parler du montant résultant de ces opérations.

[11]            L'annexe spécifie que l'amortissement doit être calculé sur le coût net des biens amortissables selon le taux établi par l'exploitant (jusqu'à un maximum de 15 p. 100). Suit après une ligne qui fait référence au « solde de l'amortissement de la ligne xx » qui représente la ligne où sont inscrits les biens entièrement amortis au cours de l'année. De nouveau, le formulaire ne dit rien des opérations arithmétiques qui doivent être effectuées, mais on peut raisonnablement supposer que cette ligne est prévue pour inscrire le montant des biens qui seront entièrement amortis au cours de l'année. Cela correspondrait à la ligne 7 de l'exemple fourni ci-dessus. Le formulaire indique alors à l'exploitant de réclamer le total de ces deux calculs à titre d'amortissement.


[12]            L'intimé prétend que, puisque ce formulaire est prévu par la loi, il doit être interprété conformément au règlement. Puisque dans le formulaire, on laisse clairement entendre que les biens entièrement amortis doivent être traités différemment des autres biens, c'est l'interprétation de l'intimé qui serait la bonne.

[13]            L'appelante n'est pas d'accord avec l'allégation voulant que son interprétation du Règlement exigeait d'y ajouter des mots qui n'apparaissaient pas dans le texte. Elle suggérait même que si des mots ont été ajoutés, ils l'ont été par l'intimé et, à cet égard, elle a fait référence à l'extrait de la décision citée ci-dessus dans lequel le juge, afin d'accréditer la position de l'intimé, a été obligé d'ajouter un commentaire entre parenthèses « (de chaque bien individuel) » .

[14]            En ce qui concerne l'annexe B et son formulaire 18, l'appelante a d'abord adopté la position selon laquelle le formulaire était exigé par le ministre, sans toutefois faire partie du Règlement adopté par le Gouverneur général en conseil. Au fur et à mesure que cet argument évoluait, il est devenu évident que cette position ne pouvait être soutenue et que les formulaires faisaient effectivement partie du Règlement. Les avocats ont toutefois maintenu l'argument selon lequel les formulaires ne pouvaient être utilisés pour modifier le sens des mots utilisés dans le Règlement.


[15]            La première question porte sur la norme de contrôle judiciaire. La juge de révision a conclu que la norme applicable était celle de la décision correcte. Les parties ont confirmé devant la Cour que la juge de révision avait appliqué la bonne norme. Toutefois, selon les directives fournies par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Dr. Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, 2003 CSC 19, [2003] A.C.S. no 18, il s'agit d'une question sur laquelle la Cour doit rendre sa propre décision :

[43] ... Le rôle de la Cour d'appel était de décider si la juge de révision avait choisi et appliqué la norme de contrôle appropriée et, si cela n'était pas le cas, d'examiner la décision de l'organisme administratif à la lumière de la norme de contrôle appropriée, soit celle de la décision raisonnable. À cette étape de l'analyse, la Cour d'appel effectue le contrôle en appel d'une décision judiciaire, et non pas le contrôle judiciaire d'une décision administrative. Par conséquent, les règles usuelles applicables au contrôle en appel d'une décision judiciaire énoncée dans Housen, précité, s'appliquent. La question du choix et de l'application de la norme appropriée est une question de droit et le juge de révision doit donc y répondre correctement.

[16]            La juge a tranché la question de la norme de contrôle judiciaire en indiquant qu'il s'agissait purement d'une question d'interprétation de la loi dans un domaine où le représentant du ministre ne possédait pas d'expertise particulière. Elle a conclu, de ce fait, que la norme appropriée était celle de la décision correcte. Prenant en considération le fardeau imposé à notre Cour par la Cour suprême du Canada afin de s'assurer que la norme choisie et appliquée est la bonne, je me dois d'effectuer une analyse pragmatique et fonctionnelle.


[17]            Aucune clause privative ne protège la décision du représentant du ministre et aucun droit d'appel n'est prévu dans la loi. Le seul recours possible pour l'exploitant d'une mine insatisfait d'une décision consiste en une demande de contrôle judiciaire. Comme il est mentionné dans l'affaire Dr. Q, précitée, « La loi peut être muette sur la question du contrôle; le silence est neutre et "n'implique pas une norme élevée de contrôle" : Pushpanathan, précité, par. 30 » . Par conséquent, le fait que le contrôle est possible uniquement en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, suppose une norme de contrôle de niveau intermédiaire.

[18]            La personne responsable de réviser les décisions portant sur les redevances payables est le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien qui, quant à lui, a délégué sa responsabilité à cet égard à son représentant. La question en litige porte sur l'interprétation du Règlement sur l'exploitation minière au Canada concernant le paiement des redevances. L'autorité du ministre de réviser une question provient de l'article 84 du Règlement qui, pour la période qui nous intéresse, était libellé de la façon suivante :

84. Quiconque est mécontent d'une ordonnance, décision, directive ou autre action prise ou omise en vertu du présent règlement par le registraire minier en chef, le registraire minier, le chef ou l'ingénieur des mines peut, dans les 30 jours suivant la mesure ou l'omission en question, en appeler au ministre, par écrit, pour lui demander de réviser la question, et celui-ci révise alors la question, communique au demandeur tout renseignement considéré au cours de la révision de la question qui n'est pas du domaine public et qui peut être légalement communiqué et, après un délai de 30 jours accordé au demandeur pour réfuter tout renseignement ainsi communiqué, le ministre fait part de sa décision définitive, par écrit, au demandeur avec motifs à l'appui.


[19]            La désignation du ministre à titre de décideur nous porte à croire que l'expertise ne constitue pas un élément significatif dans cette désignation. Bien que le ministre en poste possède de nombreuses compétences, il n'y a aucune raison de croire qu'il ou elle possédera une expertise particulière dans le domaine minier. D'autre part, certaines personnes possèdent de l'expertise à l'intérieur du ministère et c'est une de ces personnes qui agit à titre de représentant du ministre. Cela milite également en faveur d'une norme de contrôle de niveau intermédiaire. D'autre part, il est incontestable que la question à trancher représente purement une question d'interprétation de la loi. Aucun argument n'a été présenté à la Cour à l'effet que le représentant du ministre, dont l'expertise n'est pas connue de la Cour, posséderait une expertise plus grande que celle de la Cour en ce qui concerne l'interprétation de la loi. Cette absence d'expertise précise semble indiquer qu'il faut adopter une norme de contrôle plus élevée. Voir à ce sujet l'affaire Barrie Public Utilities c. Assoc. canadienne de télévision par câble, 2003 CSC 28, [2003] A.C.S. no 27.

[20]            La nature et le but du Règlement en cause dans la présente affaire consistent à établir un régime pour la gestion des mines situées sur les terres domaniales fédérales. Le Règlement contient des dispositions sur tous les aspects de l'exploitation minière, un de ces aspects étant le paiement de redevances dans le cadre de l'exploitation d'une mine. Le Règlement constitue un régime complet, ce qui semble laisser entendre qu'il faut faire preuve de retenue judiciaire afin d'assurer une approche cohérente concernant la gestion des mines situées sur les terres domaniales. La désignation du ministre à titre de décideur en cas de différends laisse entrevoir une telle intention. D'autre part, lorsque la question porte sur le calcul des montants qui doivent être payés à la Couronne à titre de redevances, et que la Couronne, par l'entremise du représentant du ministre, constitue le décideur, l'intérêt financier de la Couronne, dans cette transaction, milite en faveur de la norme de la décision correcte.


[21]            Finalement, comme cela a déjà été mentionné, il s'agit, dans le présent cas, d'une pure question d'interprétation de la loi.

[22]            Tenant compte de tous ces éléments, et particulièrement de l'absence d'expertise particulière de la part du décideur, du fait qu'il s'agit d'une pure question d'interprétation de la loi et du fait que la Couronne, en tant que décideur, possède un intérêt financier dans l'affaire, j'en viens à la conclusion que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision correcte.

[23]            Je ne peux être en accord avec la position de l'intimé selon laquelle « un bien qui a déjà été complètement amorti ne peut pas être amorti davantage et par conséquent il n'est pas un bien amortissable » . Il existe une différence entre d'une part un bien amortissable et un bien non amortissable et d'autre part un bien non amorti et un bien entièrement amorti. Selon le raisonnement de l'intimé, les biens entièrement amortis doivent être traités comme étant le contraire d'un bien amortissable, alors qu'il s'agit plutôt du contraire d'un bien non amorti. En d'autres mots, selon l'intimé, le fait qu'un bien soit entièrement amorti est incompatible avec la notion de bien amortissable, alors que cela est uniquement incompatible avec la notion de bien non amorti.


[24]            L'erreur de l'intimé consiste à conclure que, parce qu'un bien amortissable peut être amorti, il cesse d'être un bien amortissable lorsqu'il ne peut plus être amorti. C'est comme dire que, comme un pommier produit des pommes, le pommier qui ne produit plus de pommes (en raison de son âge) n'est plus un pommier. Un pommier peut soit produire des fruits ou ne pas en produire. Un arbre qui ne produit plus de fruits est non productif, mais il demeure toujours un pommier. De la même façon, un bien amortissable peut être non amorti ou entièrement amorti. Lorsque tous les amortissements possibles ont été pris, le bien ne cesse pas d'être un bien amortissable. Il devient simplement un bien amortissable entièrement amorti.

[25]            Je ne crois pas que cette interprétation permette d'utiliser un bien entièrement amorti à répétition afin d'accroître une catégorie de biens amortissables. La seule manière d'accroître une catégorie de biens amortissables est d'en ajouter de nouveaux. Le fait que les biens sont ajoutés à une catégorie existante fait accroître cette catégorie, mais cela n'autorise pas l'appelante à réclamer davantage d'amortissement pour des biens déjà entièrement amortis. La limitation qui est fixée à 100 p.100 garantit que l'amortissement cumulé ne dépasse jamais la valeur des biens composant la catégorie. La méthode de l'appelante pour calculer l'amortissement accumulé ne modifie pas le montant total d'amortissement qui peut être demandé. Cela est limité par le plafond de 100 p. 100. C'est uniquement le taux effectif d'amortissement sur les biens acquis à une période plus avancée au cours de l'existence d'une mine qui est modifié. Le fait que des modifications ultérieures au Règlement ont mené à l'instauration d'un régime similaire ne prouve pas que le Règlement devait nécessairement être interprété de cette façon. Cela laisse toutefois entendre qu'il s'agit d'un résultat raisonnable.


[26]            La juge de révision a également appuyé sa décision sur une étude attentive des conséquences liées à l'utilisation des mots « dans l'ensemble du » en opposition avec les mots « de l'ensemble du » . Il importe de mentionner que l'appelante n'a jamais précisé que le texte devait être lu comme s'il disait « de l'ensemble du » . Cette partie de phrase vient de l'intimé dont les représentants ont laissé entendre que l'appelante lisait le texte de la disposition en litige comme si le mot « in » ( « dans » ) voulait dire « of » ( « de » ). L'appelante n'a jamais présenté une telle interprétation.

[27]            La juge de révision a abordé le problème de la façon suivante :

[par. 39]    Toutefois, comme la préposition « of » ( « de » ) n'a pas été utilisée, je crois que les mots 15 % par année et 100 % ne renvoient pas à « l'ensemble du coût, pour l'exploitant, des biens amortissables utilisés à la production de la mine » . À mon avis, la proposition « in » ( « dans » ) qui précède les mots « l'ensemble [...] » et l'article « des » qui précède les mots « biens amortissables » divisent l'alinéa 65(8)g) en concepts différents. La préposition « in » ( « dans » ) précise que les mots 15 % par année et 100 % renvoient au coût pour l'exploitant (de chaque bien individuel). Toutefois, la préposition « of » (l'article « des » ) introduit un autre concept à savoir que ce ne sont que les biens amortissables utilisés à la production de la mine qui peuvent faire l'objet de l'allocation d'amortissement.

[28]       D'après ce que je comprends, selon le raisonnement de la juge, l'alinéa 65(8)g) serait libellé de la façon suivante :

l'allocation d'amortissement déterminée par l'exploitant,

ne dépassant pas 15 % par année, et 100 % dans l'ensemble du coût, pour l'exploitant [de chaque bien individuel]

des biens amortissables utilisés à la production de la mine.


[29]       Les deux extraits « 15 % par année » et « du coût, pour l'exploitant » exigent un syntagme prépositionnel. Quinze pour cent par année d'un montant, du coût pour l'exploitant de certains biens. La construction proposée par la juge exige l'ajout du syntagme « de chaque bien individuel » afin de compléter l'expression. Si ce bout de phrase n'est pas ajouté, les deux extraits de phrase se rapportent à ce qui suit : « du coût, pour l'exploitant, des biens amortissables... » comme cela est illustré ci-dessous :

l'allocation d'amortissement déterminée par l'exploitant

ne dépassant pas 15 pour cent par année et

100 pour cent dans l'ensemble

du coût, pour l'exploitant, des biens amortissables utilisés à la production de la mine.

[30]       En regardant l'article de ce point de vue, l'utilisation de la préposition « in » ( « dans » ) est tout à fait appropriée et ne présume en rien de la substitution que l'intimé attribue à l'appelante.

[31]       Le dernier argument de l'intimé est à l'effet que la méthode de calcul qu'il suggère est de façon évidente prévue par le formulaire faisant partie du Règlement. Les extraits du Règlement qui se rapportent au formulaire sont les suivants :

67. (1) Le ou avant le premier jour du quatrième mois suivant la fin de l'année financière d'une mine pour laquelle des redevances sont dues, toute personne tenue d'acquitter les redevances imposées selon le paragraphe 65(1) doit remettre au registraire minier, en triple exemplaire selon la formule 18 de l'annexe III, un état détaillé dans lequel sont indiqués

...


(2) L'état visé au paragraphe (1) doit comprendre, en plus des renseignements exigés par ce paragraphe, les renseignements suivants :

a) les diverses dépenses, paiements, allocations et autres déductions qui peuvent être légitimement effectués selon l'article 65; et

b) les recettes totales ou la valeur marchande, à la mine, de la production de l'année financière et le montant total des frais, paiements, allocations et déductions pouvant en être déduits.

[32]       L'allocation d'amortissement est décrite au paragraphe 65(8) comme étant une déduction qui peut être réclamée en calculant la valeur de l'exploitation d'une mine au cours d'une année financière. Par conséquent, l'allocation d'amortissement devra être déclarée conformément à l'alinéa 67(2)b). Le lien entre un formulaire et un texte législatif n'est pas aussi évident que le laisse entendre l'argument de l'intimé. Tout d'abord, la Loi d'interprétation, L.R.C. 1985, ch. I-21, prévoit que des formulaires peuvent se présenter sous une forme différente que celle prescrite par un règlement :

32. L'emploi de formulaires, modèles ou imprimés, se présentant différemment de la forme prescrite n'a pas pour effet de les invalider à condition que les différences ne portent pas sur le fond ni ne visent à induire une erreur.


[33]       De plus, la Cour suprême du Canada a décidé que les formulaires prescrits par la loi ont eux-mêmes force de loi selon l'interprétation qui est donnée à la loi. Voir à ce sujet Houde c. Québec (Commission scolaire catholique), [1978] 1 R.C.S. 937, par le juge Dickson. Dans la présente affaire, le texte du règlement précise clairement que la déclaration qui doit être transmise au registraire minier doit contenir les renseignements incluant « les paiements, les allocations et autres déductions » qui doivent être déduits du coût d'exploitation de la mine. Rien n'indique que les formulaires décrivent la manière dont les déductions et les allocations doivent être calculées. Dans le cas présent, les formulaires ont rempli leur rôle, ils ont permis au ministre de soulever une objection concernant la méthode de calcul utilisée. Toutefois, rien dans le texte de loi ne laisse entendre que l'exploitant doit utiliser le formulaire à titre de guide afin de calculer les montants qu'il doit déclarer.

[34]       Ainsi donc, je ne suis pas d'accord avec la position à l'effet que l'annexe III du formulaire 18 du Règlement doit être utilisée afin de compléter l'alinéa 65(8)g) en ce qui concerne la méthode de calcul de l'amortissement. Cette disposition doit être lue dans son acception grammaticale usuelle, compatible avec les objets et le but du Règlement. Lorsque cela est fait, l'exploitant peut déduire chaque année 15 p. 100 du coût total des biens amortissables utilisés dans l'exploitation de la mine pour cette même année. Il est possible que cela accélère l'amortissement des biens acquis à une période plus avancée au cours de l'existence d'une mine, mais un tel résultat, même s'il n'était pas prévu, ne peut être considéré comme non raisonnable, surtout prenant en considération le fait que le règlement, dans sa forme actuelle, prévoit un tel résultat.


[35]       J'accueillerais l'appel, j'infirmerais la décision du juge de la section de première instance et je renverrais le dossier au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien afin qu'il décide du dossier en prenant en considération que la méthode de calcul d'amortissement de l'appelante constitue une méthode acceptable.

                                                                         « J. D. Denis Pelletier »                      

              Juge

Je souscris au jugement.

Robert Décary, juge

Je souscris au jugement.

M. Nadon, juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION D'APPEL

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                   A-575-02

INTITULÉ :                                  Echo Bay Mines Ltd. c. Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :            Edmonton (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le 27 mai 2003

MOTIFS DU JUGEMENT :       Le juge Pelletier

Y ONT SOUSCRIT :                    Le juge Décary

Le juge Nadon

DATE DES MOTIFS :                 Le 23 juin 2003

COMPARUTIONS :

Carman McNary                                               POUR L'APPELANTE

Kevin Kimmis                                                    POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fraser Milner Casgrain s.r.l                                POUR L'APPELANTE

Edmonton (Alberta)

Morris Rosenberg                                              POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.