Date : 20030307
Dossier : A-605-01
CORAM : LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE PELLETIER
LE JUGE MALONE
ENTRE :
BOSTON PIZZA INTERNATIONAL INC.
appelante
et
BOSTON CHICKEN INC. et
GLOBAL RESTAURANT OPERATIONS OF IRELAND LIMITED
intimées
JUGEMENT
La Cour accueille l'appel en partie et ordonne la radiation de l'enregistrement de la marque BOSTON CHICKEN, no LMC 398,700. L'appelante a droit aux dépens dans toutes les cours.
« Marshall Rothstein »
Juge
Traduction certifiée conforme
Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.
Date : 20030307
Dossier : A-605-01
Référence : 2003 CAF 120
CORAM : LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE MALONE
ENTRE :
BOSTON PIZZA INTERNATIONAL INC.
appelante
et
BOSTON CHICKEN INC. et
GLOBAL RESTAURANT OPERATIONS OF IRELAND LIMITED
intimées
Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 16 décembre 2002
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 7 mars 2003.
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE PELLETIER
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE MALONE
Date : 20030307
Dossier : A-605-01
Référence : 2003 CAF 120
CORAM : LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE PELLETIER
LE JUGE MALONE
ENTRE :
BOSTON PIZZA INTERNATIONAL INC.
appelante
et
BOSTON CHICKEN INC. et
GLOBAL RESTAURANT OPERATIONS OF IRELAND LIMITED
intimées
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] Boston Pizza International Inc. (l'appelante, ou Boston Pizza) interjette appel du rejet de sa demande de radiation visant l'enregistrement des marques de commerce BOSTON CHICKEN, no LMC 398,700, et BOSTON CHICKEN dessin, no LMC 396,282, à la suite de la décision publiée à : 2001 CFPI 1024, (2001) 15 C.P.R. (4th) 345. Le juge Nadon (maintenant juge à la Cour d'appel) a rejeté la demande après avoir conclu qu'il n'y avait aucune probabilité de confusion entre les marques BOSTON CHICKEN et la marque de commerce de Boston Pizza, BOSTON PIZZA. D'entrée de jeu, le juge a déterminé qu'il n'existait aucune probabilité de confusion entre les marques de l'appelante et le dessin BOSTON CHICKEN, de sorte qu'il a limité son analyse à la marque de commerce BOSTON CHICKEN (la marque BOSTON CHICKEN).
[2] Quoique plusieurs questions aient été soulevées dans les documents déposés par les parties, nous sommes aujourd'hui saisis en définitive d'une seule question, à savoir si, compte tenu de la conclusion du juge de première instance que la marque BOSTON CHICKEN appartenant à l'intimée ne possédait pas un caractère distinctif inhérent, et vu que l'emploi de la marque n'est guère attesté au Canada, l'enregistrement de l'intimée était donc invalidé par l'alinéa 18(1)b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (la Loi) :
18. (1) L'enregistrement d'une marque de commerce est invalide dans les cas suivants_: ... b) la marque de commerce n'est pas distinctive à l'époque où sont entamées les procédures contestant la validité de l'enregistrement; .... |
18. (1) The registration of a trade-mark is invalid if ... (b) the trade-mark is not distinctive at the time proceedings bringing the validity of the registration into question are commenced, or ... |
[3] L'argument qu'avance l'appelante est simple. Étant donné que la marque BOSTON CHICKEN de l'intimée ne possédait pas un caractère distinctif inhérent et que, possiblement à une exception près, la marque n'a pas été employée au Canada de sorte qu'elle n'a pu avoir été rendue distinctive par l'usage, le juge se devait de prononcer la radiation de l'enregistrement pour cause d'invalidité, conformément à l'alinéa 18(1)b).
[4] L'intimée soutient pour sa part qu'eu égard au régime général de la Loi, y compris à la définition de « distinctive » qui y est prévue, il est possible de démontrer qu'une marque de commerce est distinctive sans être employée au Canada. L'article 2 de la Loi définit « distinctive » en ces termes :
« distinctive » Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.
|
"distinctive", in relation to a trade-mark, means a trade-mark that actually distinguishes the wares or services in association with which it is used by its owner from the wares or services of others or is adapted so to distinguish them; |
Une marque de commerce est distinctive si elle « distingue véritablement » les marchandises ou services d'un commerçant de ceux des autres ou si elle est « adaptée à les distinguer ainsi » .
[5] Pour prouver que la marque BOSTON CHICKEN « distingue véritablement » , on doit démontrer qu'elle est devenue distinctive par son usage. Cependant, l'emploi de cette marque n'est guère appuyé par la preuve, laquelle consiste en des déclarations très générales sur l'effet de la publicité indirecte et sur l'emploi de la marque lors d'un événement local, dans la région de Windsor, à la suite du dépôt de la demande de radiation. De l'avis du juge de première instance, « il n'y a guère de preuve » attestant l'emploi de la marque de commerce BOSTON CHICKEN au Canada. La preuve relative à la publicité indirecte se résume, à peu de choses près, à la prétention que l'intimée a fait de la publicité sur les chaînes de télévision américaines distribuées au Canada. Il n'existe aucune preuve quant à la nature ou à l'étendue de cette publicité, ni quant à son effet. Le juge de première instance a conclu que la marque de commerce BOSTON CHICKEN méritait peu de protection. L'intimée a admis devant notre Cour qu'aux fins du présent appel, l'emploi de la marque de commerce BOSTON CHICKEN n'était nullement attesté. J'estime que la marque BOSTON CHICKEN n'est pas devenue distinctive du fait de son emploi au Canada.
[6] Il s'agit alors de savoir si la marque est adaptée à distinguer les services de l'intimée de ceux des autres. Selon l'intimée, elle l'est. L'appelante cite des décisions suivant lesquelles une marque de commerce est adaptée à distinguer si elle possède un caractère distinctif inhérent. Voir la décision Standard Coil Products (Canada) Ltd. c. Standard Radio Corp., [1971] C.F. 106 (1re inst.), où le juge Cattanach a tenu les propos suivants :
Si la marque de commerce est un mot forgé ou inventé, elle est évidemment adaptée pour établir une distinction, mais si une marque de commerce n'est pas distinctive à première vue, comme un qualificatif élogieux ou ne décrit pas la nature ou la qualité des marchandises, savoir si la marque de commerce distingue véritablement les marchandises devient alors une question de fait.
Les derniers mots de l'art. 2f) « ou qui est adaptée à les distinguer ainsi » ont évidemment été ajoutés pour couvrir le cas d'une marque de commerce projetée ou d'une marque qui n'a été employée ni de façon prolongée ni sur une grande échelle. Le mot « ou » , dans ce contexte, est disjonctif. Donc, un mot qui constitue une marque de commerce projetée ou une marque qui a été peu employée doit être, en lui-même, distinctif pour être enregistré, tandis qu'une marque de commerce qui, en elle-même, n'est pas distinctive peut être enregistrée s'il est établi qu'en fait elle distingue véritablement les marchandises de son propriétaire.
[7] La jurisprudence de la Commission des oppositions des marques de commerce va dans le même sens :
[TRADUCTION] « distinctive » Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi. Les termes « adaptée à distinguer » renvoient à la capacité inhérente d'une marque de commerce à distinguer les marchandises ou services de son propriétaire sans que celui-ci ait à démontrer ce qui l'a rendue distinctive.
Hoechst Canada Inc. c. Sandoz Canada Inc. (1995), 60 C.P.R. (3d) 559 (C.O.M.C.)
[8] La conclusion du juge Nadon que la marque BOSTON CHICKEN ne possède pas un caractère distinctif inhérent signifie qu'elle n'est pas adaptée à distinguer les services de l'intimée de ceux d'autres commerçants. En conséquence, étant donné que la marque ne distingue pas véritablement les services de l'intimée de ceux d'autres commerçants et qu'elle n'est pas adaptée à cet égard, son enregistrement est invalide du fait que la marque n'est pas distinctive.
[9] L'intimée tente d'éviter ce résultat en soutenant qu'une marque peut devenir distinctive par son emploi à l'extérieur du Canada. À l'appui de sa prétention, elle fait remarquer que les marques de commerce déposées à l'étranger pourront rarement être enregistrées au Canada ou y conserver leur enregistrement si elles ne peuvent pas devenir distinctives par leur emploi à l'étranger.
[TRADUCTION] Le paragraphe 16(2) de la Loi sur les marques de commerce prévoit la possibilité d'enregistrer des marques de commerce déposées et employées dans un autre pays. En conformité avec le paragraphe 16(2) de la Loi sur les marques de commerce, le demandeur est en droit d'obtenir l'enregistrement d'une marque de commerce sans l'avoir employée au Canada. Si l'interprétation que donne l'appelante de « caractère distinctif » s'avère correcte, cet enregistrement serait immédiatement susceptible d'être radié en application de l'alinéa 18(1)b) au motif que la marque n'est pas distinctive du fait qu'elle n'a jamais été employée au Canada.
Observations de l'intimée, 7 janvier 2003, par. 14
[10] Le problème que pose cet argument, c'est qu'il fait abstraction des conditions d'enregistrement des marques de commerce déposées à l'étranger qu'on trouve à l'article 14 de la Loi :
14. (1) Nonobstant l'article 12, une marque de commerce que le requérant ou son prédécesseur en titre a fait dûment déposer dans son pays d'origine, ou pour son pays d'origine, est enregistrable si, au Canada, selon le cas_:
a) elle ne crée pas de confusion avec une marque de commerce déposée; b) elle n'est pas dépourvue de caractère distinctif, eu égard aux circonstances, y compris la durée de l'emploi qui en a été fait dans tout pays; c) elle n'est pas contraire à la moralité ou à l'ordre public, ni de nature à tromper le public; d) son adoption comme marque de commerce n'est pas interdite par l'article 9 ou 10. |
14. (1) Notwithstanding section 12, a trade-mark that the applicant or the applicant's predecessor in title has caused to be duly registered in or for the country of origin of the applicant is registrable if, in Canada,
(a) it is not confusing with a registered trade-mark; (b) it is not without distinctive character, having regard to all the circumstances of the case including the length of time during which it has been used in any country; (c) it is not contrary to morality or public order or of such a nature as to deceive the public; or (d) it is not a trade-mark of which the adoption is prohibited by section 9 or 10.
|
[11] L'article 14 prévoit ainsi qu'une marque de commerce déposée à l'étranger doit tout de même satisfaire à certaines conditions préliminaires pour être enregistrée au Canada. Elle doit notamment avoir un « caractère distinctif » . Il s'agit là d'un critère moins rigoureux que celui d'une marque « distinctive » , mais il faut néanmoins démontrer l'existence d'un certain emploi au Canada.
Je pense donc qu'en rapport avec les marques de commerce, on peut dire que l'expression « caractère distinctif » désigne les marques de commerce qui ont les traits ou les caractéristiques des marques de commerce distinctives. Pour en revenir à la définition énoncée ci-dessus, les marques de commerce distinctives au Canada ont la caractéristique de distinguer véritablement les marchandises ou services de leur propriétaire des marchandises ou services d'autres propriétaires, ou sont adaptées à les distinguer. En d'autres termes, si la marque, dans une certaine mesure, distingue dans les faits les marchandises ou services de son propriétaire des marchandises ou services d'autres propriétaires, la marque n'est pas dépourvue de caractère distinctif. Dans le cadre de la présente affaire, comme la marque de commerce est descriptive, elle n'est sans doute pas suffisamment distinctive pour avoir acquis un sens secondaire au Canada qui lui permette de respecter la définition du mot distinctive. Néanmoins, elle pourrait avoir un certain caractère distinctif. Si tel est le cas, elle n'est pas dépourvue de caractère distinctif au Canada. (Non souligné dans l'original)
W.R. Grace & Co c. Union Carbide Corp. et al. (1987), 14 C.P.R. (3rd) 337, p. 347.
[12] L'emploi au Canada semble être implicite dans l'extrait que je viens de faire ressortir. Le juge McKeown a cependant abordé directement la question dans l'arrêt Supershuttle International, Inc. c. Registraire des marques de commerce (2002), 19 C.P.R. (4th) 34 (C.A.F.).
[23] La demanderesse fait valoir en l'espèce que l'article 14 n'exige pas que la marque soit employée ou connue au Canada. Je ne suis pas d'accord : outre qu'elle comporte la mention expresse « au Canada » , cette disposition énonce qu'une marque de commerce est enregistrable si, « au Canada, [...] elle n'est pas dépourvue de caractère distinctif [...] » . À mon sens, le libellé de cette disposition laisse entendre que la marque doit, à tout le moins dans une certaine mesure, être connue au Canada. Le fait que la marque soit connue ou employée exclusivement dans un autre pays ne saurait suffire.
[13] Bien qu'il puisse exister certaines différences entre le caractère distinctif d'une marque et ce qui la rend distinctive, la jurisprudence énonce constamment qu'une marque ne peut être distinctive que si elle est employée au Canada. La raison pour laquelle la preuve du « caractère distinctif » ne devrait pas être assujettie à la même condition est loin d'être claire. Les propos suivants tenus par le juge Tomlin dans la décision Impex Electrical Ltd. c. Weinbaum (1927), 44 R.P.C. 405, p. 410, ont souvent été cités en Cour fédérale :
[TRADUCTION] Pour déterminer si la marque est distinctive, nous ne devons considérer que notre marché intérieur. À cette fin, on ne peut prendre en considération les marchés étrangers, à moins que la preuve ne montre que des marchandises vendues dans notre pays portaient une marque étrangère et que, de ce fait, on établit un rapport entre la marque ainsi utilisée et le fabricant de ces marchandises.
Voir S.A.F.T. -- Societe des Accumulateurs fixes et de traction c. Charles Le Borgne Ltee (1975), 22 C.P.R. (2nd) 178 (C.F. 1re inst.),Madger c. Brecks Sporting Goods Co. (1973), 17 C.P.R. (2nd) 201 (C.A.F.), Consorzio del Prosciutto di Parma c. Maple Leaf Meats Inc. (2001), 11 C.P.R. (4th) 48 (C.F. 1re inst.), Unitel Communications Inc. c. Bell Canada (1995), 61 C.P.R. (3rd) 95 (C.F. 1re inst.).
[14] Il faut en conclure que l'enregistrement au Canada des marques de commerces déposées à l'étranger ne possédant aucun caractère distinctif inhérent peut vraisemblablement faire l'objet de procédures en radiation, à moins qu'on démontre que ces marques ont acquis un certain caractère distinctif par leur emploi au Canada. Étant donné qu'aux fins de l'article 18, on doit examiner si une marque de commerce est distinctive à la date à laquelle la procédure en radiation est entamée, l'inscrivant qui tarde à employer ses marques après leur enregistrement se trouve désavantagé. En l'espèce, près de trois ans séparent l'enregistrement de la procédure en radiation. La marque BOSTON CHICKEN aurait fort bien pu être distinctive aujourd'hui si elle avait été employée au Canada au cours de cette période.
[15] L'intimée n'a su me convaincre que sa marque BOSTON CHICKEN soit possède un caractère distinctif inhérent, soit a été rendue distinctive par son emploi au Canada. Pour ces motifs, la marque en question est susceptible d'être radiée du registre.
[16] Cependant, l'enregistrement du dessin BOSTON CHICKEN, no LMC 396,282, n'est pas visé par la même procédure. La conclusion du juge Nadon que la marque BOSTON CHICKEN ne possédait pas un caractère distinctif inhérent ne s'appliquait qu'aux mots BOSTON CHICKEN. Il n'a tiré aucune conclusion de la sorte relativement au logo ou au dessin BOSTON CHICKEN. Il incombe à l'appelante d'établir que le dessin n'est pas distinctif. Notre Cour n'a été saisie d'aucun argument quant à savoir si le logo était adapté à distinguer. En conséquence, rien ne justifie la radiation du dessin ou du logo BOSTON CHICKEN.
[17] J'accueillerais l'appel en partie. Une ordonnance portant radiation de l'enregistrement de la marque BOSTON CHICKEN, no LMC 398,700, sera rendue. L'appelante a droit aux dépens dans toutes les cours.
« J.D.Denis Pelletier »
Juge
« Je souscris aux présents motifs.
Marshall Rothstein, juge »
« Je souscris aux présents motifs.
B. Malone, juge »
Traduction certifiée conforme
Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-605-01
INTITULÉ : BOSTON PIZZA INTERNATIONAL INC.
c. BOSTON CHICKEN INC. ET AL
LIEU DE L'AUDIENCE : VANCOUVER (C.-B.)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 16 DÉCEMBRE 2002
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE PELLETIER
DATE DES MOTIFS : LE 7 MARS 2003
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE MALONE
COMPARUTIONS : M. Gregory Harney
M. Andrew Morrison
Pour l'appelante
M. Glen Bloom
Pour les intimées
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Shields Harney
Vancouver (C.-B.)
Pour l'appelante
Osler Hoskin & Harcourt
Ottawa (ON)
Pour les intimées