Date : 20030813
Dossier : A-273-03
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN
ENTRE :
VIA RAIL CANADA INC.
demanderesse
(employeur)
et
GEORGE CAIRNS
défendeur
(employé)
et
FRATERNITÉ DES INGÉNIEURS DE LOCOMOTIVES
défenderesse
(syndicat)
et
COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA
défenderesse
(intervenante)
et
TRAVAILLEURS UNIS DES TRANSPORTS
défendeurs
(intervenants)
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 13 août 2003.
Ordonnance rendue à l'audience à Ottawa (Ontario), le 13 août 2003.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE ROTHSTEIN
Date : 20030813
Dossier : A-273-03
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN
ENTRE :
VIA RAIL CANADA INC.
demanderesse
(employeur)
et
GEORGE CAIRNS
défendeur
(employé)
et
FRATERNITÉ DES INGÉNIEURS DE LOCOMOTIVES
défenderesse
(syndicat)
et
COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA
défenderesse
(intervenante)
et
TRAVAILLEURS UNIS DES TRANSPORTS
défendeurs
(intervenants)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une requête présentée par VIA Rail Canada Inc. afin d'obtenir le sursis de l'exécution de la décision no 230 rendue par le Conseil canadien des relations industrielles en date du 15 mai 2003, tant que cette décision n'aura pas fait l'objet d'un contrôle judiciaire. Une demande de suspension provisoire a été rejetée par la Cour dans une ordonnance datée du 18 juillet 2003. Toutefois, dans les motifs donnés à l'appui de cette décision, la Cour a conclu qu'il existait des questions graves devant être débattues dans le cadre du contrôle judiciaire.
[2] En ce qui concerne la présente requête, seule la demanderesse a produit des éléments de preuve touchant les questions du préjudice irréparable et de la prépondérance des inconvénients. Les Travailleurs unis des transports et George Cairns ont consenti à la demande de sursis. La Fraternité des ingénieurs de locomotives et la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada n'ont pas pris position à cet égard.
[3] En revanche, le Conseil a présenté un certain nombre d'arguments sur ces points. Il soutient que la Cour ne doit pas accorder un sursis sur le seul fondement d'un consentement. Il invoque en outre la clause privative prévue à l'article 22 du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, ainsi que les connaissances particulières du Conseil pour affirmer que la Cour doit faire preuve de retenue en matière de sursis. Enfin, selon le Conseil, la demanderesse dispose d'un recours adéquat autre que la suspension puisqu'elle peut demander au Conseil lui-même de surseoir à l'exécution de son ordonnance jusqu'à l'issue du contrôle judiciaire.
[4] Je ne suis pas convaincu que le paragraphe 22(1.1) du Code autorise le Conseil à formuler ce genre d'observations devant la Cour, mais je vais néanmoins les examiner.
[5] Quant au premier argument du Conseil, je conviens avec les avocats de VIA que la présente affaire ne soulève pas de question de cette nature. En effet, VIA n'invoque pas le seul consentement pour demander la suspension. Elle a également produit des éléments de preuve relatifs au préjudice irréparable et à la prépondérance des inconvénients.
[6] L'avocate du Conseil n'avance pas que la position des parties est dénuée de pertinence ou que la Cour doit s'abstenir de prendre le consentement en compte lorsqu'elle exerce son pouvoir discrétionnaire pour décider de l'opportunité d'accorder le sursis.
[7] À toutes fins utiles, lorsque les défendeurs consentent ou ne prennent pas position, et ne présentent aucun élément de preuve contredisant ceux du demandeur, la Cour tiendra compte de ces circonstances dans son examen du critère à trois volets applicable en matière de demande de sursis. Voir les arrêts RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, et Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110. C'est le cas en l'espèce.
[8] VIA a produit certains éléments de preuve au soutien de son argument selon lequel l'exploitation de son entreprise ou ses pratiques administratives seraient perturbées si les modalités de la décision no 230 du Conseil étaient initialement mises en oeuvre puis infirmées à la suite d'une demande de contrôle judiciaire accueillie. Il existe en outre des éléments de preuve montrant que VIA a engagé des frais qui ne pourraient être recouvrés s'il est fait droit à la demande de contrôle judiciaire.
[9] Suivant le Conseil, la Cour doit prendre en considération le fait qu'il est dans l'intérêt public de permettre que les décisions du Conseil soient exécutées sans l'intervention de la Cour. Je reconnais que le Conseil est réputé agir dans l'intérêt public. Mais cette situation, à elle seule, ne fait pas en sorte que l'exécution d'une décision du Conseil ne puisse être suspendue jusqu'à l'issue du contrôle judiciaire portant sur cette décision. Lorsque des éléments de preuve établissant un préjudice irréparable pour le demandeur et appuyant les arguments de ce dernier relatifs à la prépondérance des inconvénients ont été produits, qu'il y a absence de preuve à l'effet contraire et qu'il existe un consentement ou que les défendeurs n'ont pas pris position, j'estime avec égards que la Cour a toute latitude pour exercer son pouvoir discrétionnaire de surseoir à l'exécution de la décision du Conseil.
[10] Le deuxième argument soulevé par le Conseil est en grande partie examiné dans les motifs que j'ai prononcés à l'appui de ma décision du 18 juillet 2003 touchant la présente affaire. Je ne vois pas en quoi il peut être utile de prendre en compte la clause privative prévue dans le Code canadien du travail ou les connaissances particulières du Conseil dans le cadre d'une demande de sursis. La clause privative et les connaissances particulières du Conseil sont des facteurs à prendre en considération lors de l'analyse pragmatique et fonctionnelle de la norme touchant la retenue dont la Cour doit faire preuve à l'égard des décisions du Conseil. Voir l'arrêt Pushpanathan c. Canada (MCI), [1998] 1 R.C.S. 1222. Cependant, dans le cas d'une demande de suspension, la Cour n'a pas à effectuer une analyse pragmatique et fonctionnelle de la norme de contrôle puisqu'elle ne se prononce pas sur la demande de contrôle judiciaire. Par conséquent, la question de la retenue dont il faut faire preuve envers la décision du Conseil n'est pas tranchée, ni même examinée, au stade de la demande de sursis.
[11] Indépendamment de la norme de contrôle devant être appliquée à l'égard de la décision du Conseil visée en l'espèce, la Cour est saisie d'un argument fondé sur la justice naturelle. Il n'est pas donné à entendre que la décision est frivole ou vexatoire. Bien que le contenu de l'obligation d'agir équitablement soit tributaire des circonstances de chaque cas, de telles questions seront normalement tranchées en fonction de la norme de la décision correcte. La clause privative prévue à l'article 22 du Code ou les connaissances particulières du Conseil n'ont pas pour effet de protéger les décisions du Conseil qui portent atteinte à la justice naturelle. Pour ces raisons, j'estime préférable d'examiner la demande de sursis à la lumière de la preuve et des arguments relatifs au critère à trois volets habituellement appliqué à ce genre de demande.
[12] Je dois également rejeter le dernier argument présenté par le Conseil au sujet de l'existence d'un recours adéquat autre que la suspension. S'il convient d'envisager un autre recours en l'espèce, je crois qu'il est préférable de le faire dans le cadre même du contrôle judiciaire. Bien qu'un tribunal puisse rejeter une demande d'injonction ou de sursis au motif qu'il existe un autre recours adéquat, il me semble que l'un des facteurs devant alors être examiné est le fait que la Cour, une fois saisie d'un appel ou d'une demande de contrôle judiciaire, peut devenir l'autorité appropriée pour statuer sur les questions interlocutoires telles que la suspension. C'est ainsi que fonctionne le régime applicable aux appels de la Cour fédérale à la Cour d'appel fédérale suivant le paragraphe 398(1) des Règles de la Cour fédérale (1998). Compte tenu des circonstances de la présente affaire, je suis convaincu que la Cour est le tribunal approprié pour trancher la demande de sursis.
[13] Comme j'ai déjà conclu qu'il existait des questions graves à débattre, compte tenu de la preuve produite à l'appui de la demande de sursis, comme aucune preuve contraire n'a été présentée et que les défendeurs soit n'ont pas pris position, soit ont consenti à la demande de sursis, je suis persuadé qu'il y a lieu en l'espèce d'accueillir cette demande.
[14] La décision no 230 du Conseil datée du 15 mai 2003 est suspendue jusqu'à l'issue du contrôle judiciaire dont elle fait l'objet. Les parties ont convenu que les dépens suivront l'issue de la cause.
[15] L'audition du contrôle judiciaire se tiendra à Toronto, le lundi 3 novembre 2003, à 14 h 30, et pourra se poursuivre au plus pendant un jour et demi. Le dossier de la demande de la demanderesse doit être signifié et déposé au plus tard le 12 septembre 2003. Toute partie appuyant la demanderesse doit également signifier et déposer son dossier de la demande au plus tard le 12 septembre 2003. Les parties qui contestent la demande de la demanderesse doivent signifier et déposer leur dossier de la demande au plus tard le 10 octobre 2003.
« Marshall Rothstein »
Juge
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION D'APPEL
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-273-03
INTITULÉ : Via Rail Canada Inc. c. George Cairns et al.
LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 13 août 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge Rothstein
COMPARUTIONS :
John A. Campion POUR LA DEMANDERESSE
Robert Cooper
Jean Lafleur, c.r.
Michael Church POUR LES DÉFENDEURS CAIRNS et TUT
Graham Jones POUR LA DÉFENDERESSE FIL
André Giroux POUR LA DÉFENDERESSE COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA
Pascale-Sonia Roy POUR LE CCRI
Susan Nicholas
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Fasken Martineau DuMoulin s.r.l. POUR LA DEMANDERESSE
Toronto (Ontario)
Montréal (Québec)
Caley Wray POUR LES DÉFENDEURS CAIRNS et TUT
Toronto (Ontario)
Shields & Hunt POUR LA DÉFENDERESSE FIL
Ottawa (Ontario)
Ogilvy Renault S.E.N.C. POUR LA DÉFENDERESSE COMPAGNIE DES
Montréal (Québec) CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA
Conseil canadien des relations industrielles POUR LE CCRI
Ottawa (Ontario)