Date : 20030930
Dossier : A-8-03
Référence : 2003 CAF 359
CORAM : LE JUGE LINDEN
LE JUGE EVANS
LE JUGE MALONE
ENTRE :
TUNCER AVCI
appelant
(demandeur en première instance)
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
intimé
(défendeur en première instance)
Audience tenue à Toronto (Ontario), le 30 septembre 2003.
Jugement rendu à l'audience à Toronto (Ontario), le 30 septembre 2003.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE EVANS
Date : 20030930
Dossier : A-8-03
Référence : 2003 CAF 359
CORAM : LE JUGE LINDEN
LE JUGE EVANS
LE JUGE MALONE
ENTRE :
TUNCER AVCI
appelant
(demandeur en première instance)
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
intimé
(défendeur en première instance)
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(prononcés à l'audience à Toronto (Ontario), le 30 septembre 2003)
[1] Tunver Avci, un citoyen de la Turquie d'origine ethnique kurde, a revendiqué le statut de réfugié au Canada. Un tribunal de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté sa revendication. Il a présenté une demande de contrôle judiciaire de cette décision à la Cour fédérale, mais le juge a rejeté sa demande (2002 CFPI 1274). M. Avci interjette appel de la décision du juge auprès de la présente Cour.
[2] Il n'y a qu'une seule question réelle en l'espèce : est-ce que le juge qui a entendu la demande a commis une erreur en concluant que, ayant différé une décision, la Commission est dessaisie lorsque les membres du tribunal signent les motifs écrits de la décision et qu'ils transmettent le document au greffier?
[3] Nous sommes tous d'avis que la conclusion du juge sur ce point était correcte : voir Tambwe-Lubemba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. No 511 (1re inst.), conf. par (2000), N.R. 382 (C.A.F.).
[4] L'avocate du ministre a tenté de faire la distinction entre ces décisions en soutenant que, lorsque les membres d'un tribunal ont dicté les motifs d'une décision sur un appareil d'enregistrement dans leurs cabinets, ils sont alors dessaisis. Elle a soumis que le fait d'enregistrer des motifs de cette façon constitue une indication suffisamment claire que les membres ont achevé leurs délibérations et qu'ils ont rendu leur décision au sens du paragraphe 69.1(9) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, et qu'ils sont ainsi dessaisis. Un tribunal ne peut donc pas prendre en compte les observations formulées à la Commission concernant une affaire après que les motifs ont été enregistrés de cette façon.
[5] À notre avis, la jurisprudence n'appuie pas la position du ministre. Les affaires auxquelles on nous renvoie pour appuyer la proposition selon laquelle la Commission est dessaisie aussitôt qu'elle a prononcé ses motifs ou rendu sa décision oralement traitent de situations où les motifs ont été prononcés ou la décision a été rendue à l'audience, en présence des intervenants à l'audience : voir, en particulier, Isiaku c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 150 F.T.R. 143, conf. par (1999), 247 N.R. 292 (C.A.F.) et Thanni c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 353.
[6] Le fait de prononcer les motifs ou de rendre une décision oralement de cette manière constitue un acte suffisamment officiel indiquant la décision définitive d'un tribunal, après quoi il n'est pas permis aux membres de changer d'avis. Par conséquent, nous rejetons l'argument de l'avocate selon lequel la dictée des motifs sur un appareil d'enregistrement en cabinet doit être assimilée au prononcé des motifs à l'audience.
[7] L'avocate du ministre a admis que, si elle ne nous persuadait pas, comme c'est le cas, que le tribunal a été dessaisi le 7 novembre 2001 lorsqu'il a dicté ses motifs, la décision de la Commission devrait être annulée. Elle était d'accord avec l'avocate de M. Avci que, si le tribunal n'était pas dessaisi le 7 novembre, la Commission a manqué à l'obligation d'agir équitablement lorsqu'elle a omis de prendre en compte, ou de mentionner dans ses motifs, les documents présentés à la Commission au nom de M. Avci le 20 novembre 2001, deux jours avant qu'elle ait signé ses motifs écrits de la décision. L'avocate du ministre a admis que ces documents étaient suffisamment importants pour les questions en litige, dans le cadre de l'instance de détermination du statut de réfugié, que l'omission du tribunal de les prendre en compte ou de les mentionner dans ses motifs écrits justifiait l'annulation de la décision de la Commission de rejeter la revendication du statut de réfugié de M. Avci. Nous ne contestons pas cette admission.
[8] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision du juge qui a entendu la demande sera infirmée, la décision de la Commission sera annulée et l'affaire sera renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci statue à nouveau sur l'affaire.
[9] Le juge qui a entendu la demande a certifié la question suivante en vertu du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration :
[traduction]
La Commission se conforme-t-elle au paragraphe 69.1(9) et à l'alinéa 69.1(11)a) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, lorsque, après l'audience, elle décide que le revendicateur n'est pas un réfugié au sens de la Convention, explique les motifs de sa décision de vive voix en cabinet, les met ensuite par écrit et les envoie, avec la notification de la décision, au revendicateur, et sa décision est-elle finale à compter de la date à laquelle elle est rendue en cabinet?
Je répondrais à la question certifiée de la façon suivante : si la Commission diffère sa décision jusqu'à la fin d'une audience de détermination du statut de réfugié, elle rend sa décision et est dessaisie lorsqu'elle signe les motifs écrits de la décision et qu'elle les transmet au greffier.
« John M. Evans »
Juge
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche, LL.B.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-8-03
INTITULÉ : TUNCER AVCI
appelant
(demandeur en première instance)
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
intimé
(défendeur en première instance)
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 30 SEPTEMBRE 2003
MOTIFS DU JUGEMENT
DE LA COUR : LE JUGE LINDEN
LE JUGE EVANS
LE JUGE MALONE
PRONONCÉS À L'AUDIENCE
LE 30 SEPTEMBRE 2003 : LE JUGE EVANS
DATE DES MOTIFS : LE 30 SEPTEMBRE 2003
COMPARUTIONS Hillary Cameron
POUR LE DEMANDEUR
Sally Thomas
Rhonda Marquis
POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Vandervennen Lehrer
Toronto (Ontario)
POUR LE DEMANDEUR
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
POUR LE DÉFENDEUR