Date : 20010427
Dossier : A-242-00
Toronto (Ontario), le vendredi 27 avril 2001
CORAM : LE JUGE ISAAC
LE JUGE SEXTON
LE JUGE MALONE
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
appelant
- et -
SADRUDIN JESSANI
intimé
JUGEMENT
L'appel est accueilli, l'ordonnance prononcée par le juge des requêtes est annulée et la demande de contrôle judiciaire présentée par l'intimé en vertu du sous-alinéa 52b)(i) de la Loi sur la Cour fédérale est rejetée. Voici la réponse à la questions certifiée :
Dans le cas oùun arbitre a conclu que la personne en cause a perdu son statut de résidente permanente en application de l'art. 24 de la Loi sur l'immigration, la Commission doit, pour déterminer si elle a compétence pour entendre l'appel, décider si l'arbitre a tranchécorrectement la question de savoir si la personne en cause a perdu son statut de résidente permanente.Si la Commission conclut que la décision de la Commission selon laquelle la personne en cause a perdu le statut de résidente permanente est correcte, elle n'a pas compétence pour entendre l'appel fondé sur l'alinéa 70(1)b) de la Loi sur l'immigration.
« Julius A. Isaac »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.
Dossier : A-242-00
Référence neutre : 2001 CAF 127
CORAM : LE JUGE ISAAC
LE JUGE SEXTON
LE JUGE MALONE
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
- et -
Audience tenue à Toronto (Ontario), le mardi 24 avril 2001
Jugement rendu à Toronto (Ontario),
le vendredi 27 avril 2001
MOTIFS DU JUGEMENT PAR : LE JUGE MALONE
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE ISAAC
LE JUGE SEXTON
Date : 20010427
Dossier : A-242-00
Référence neutre : 2001 CAF 127
CORAM : LE JUGE ISAAC
LE JUGE SEXTON
LE JUGE MALONE
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
appelant
- et -
SADRUDIN JESSANI
intimé
A. L'ordonnance contestée
[1] Il s'agit d'un appel d'une ordonnance prononcée par un juge des requêtes de la Section de première instance le 5 avril 2000. Dans cette ordonnance, le juge des requêtes a accueilli la demande de contrôle judiciaire présentée par l'intimé et annulé une décision rendue par la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SAI ou la Commission) en date du 18 juin 1999. La Commission a rejeté, pour défaut de compétence, l'appel interjeté par l'intimé à l'encontre d'une mesure d'exclusion prise par un arbitre le 24 septembre 1997.
B. La question certifiée
[2] Le juge des requêtes a certifié la question suivante de portée générale afin que la Cour puisse en être saisie :
Dans le cas où un arbitre a conclu que la personne en cause a perdu son statut de résidente permanente en application de l'art. 24 de la Loi sur l'immigration, la Section d'appel a-t-elle compétence pour entendre un appel fondé sur le par. 70(1) de la Loi sur l'immigration?
C. Le contexte factuel
[3] Les faits à l'origine de l'appel se résument facilement. L'intimé, qui est originaire de Tanzanie, est arrivé au Canada en mars 1991 et a obtenu le statut de résident permanent le 17 mars 1991. Il a quitté le Canada environ six mois plus tard, pour y revenir en mars 1997. À son retour, l'intimé a fait une fausse déclaration dans son formulaire de Douanes Canada en affirmant avoir quitté le Canada en août 1996.
[4] Par la suite, un agent d'immigration principal a rédigé un rapport en vertu de l'alinéa 20(1)a) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, (la Loi), dans lequel il alléguait que l'intimé était une personne sollicitant une autorisation de séjour au Canada qui n'avait pas rempli les conditions prévues par la Loi et par ses règlements. Il a conclu que l'intimé s'était désisté de son statut de résident permanent au sens de l'alinéa 24(1)a) de la Loi. À la suite de ce rapport, une enquête a été convoquée devant un arbitre afin de déterminer si l'intimé s'était désisté de son statut de résident permanent au Canada.
[5] Monsieur Jessani n'a présenté aucune preuve à l'enquête et n'a contesté aucune allégation figurant dans le rapport de l'agent d'immigration, y compris celle portant qu'il s'était désisté de son statut de résident permanent au sens de l'alinéa 24(1)a) de la Loi.
[6] L'arbitre a confirmé la conclusion de fait de l'agent selon laquelle M. Jessani avait renoncé à sa résidence permanente et il a statué, conformément au paragraphe 24(2) de la Loi, que l'intimé avait cessé de résider en permanence au Canada. L'arbitre a aussi conclu que l'intimé n'était pas détenteur du visa d'immigrant nécessaire pour demeurer au Canada et il a pris une mesure d'exclusion contre lui.
[7] Monsieur Jessani a déposé un appel devant la Commission. Après une audition à laquelle l'intimé a présenté une preuve, la Commission a conclu que M. Jessani n'avait jamais physiquement établi sa résidence au Canada et qu'il n'en avait pas manifesté l'intention avant la prise de la mesure d'exclusion en septembre 1997. La Commission a aussi conclu que M. Jessani n'était pas un résident permanent et elle a rejeté l'appel parce qu'elle n'était pas compétente pour l'entendre par application du paragraphe 70(1) de la Loi.
[8] Le juge des requêtes saisi de la demande de contrôle judiciaire a statué qu'il ressortait d'une interprétation convenable du paragraphe 70(1) qu'une personne qui aurait le statut de résidente permanente « n'eut été la décision d'un arbitre » , peut former un appel devant la Commission contre la décision de l'arbitre en se fondant sur l'alinéa 70(1)a), sur l'alinéa 70(1)b) ou sur les deux. Le juge des requêtes a conclu que l'exercice du droit d'appel conféré par le paragraphe 70(1) ne pouvait être exclu que si le législateur l'excluait expressément. Le juge des requêtes a aussi statué que la Commission avait commis une erreur en concluant que l'intimé ignorait, de fait, la règle des 183 jours établie par le paragraphe 24(2) de la Loi. Cette conclusion s'appuyait sur la conclusion du juge des requêtes selon laquelle la transcription démontrait que l'intimé connaissait cette règle au moins six mois après avoir quitté le Canada.
D. Les prétendues erreurs de droit
[9] Le ministre fonde son appel sur la prétention que le juge des requêtes a commis une erreur de droit en appliquant une norme de contrôle incorrecte et une interprétation erronée de la compétence conférée à la Commission par l'article 70.
E. La compétence de la Commission
[10] Le paragraphe 70(1) de la Loi dispose :
70(1) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), les résidents permanents et les titulaires de permis de retour en cours de validité et conformes aux règlements peuvent faire appel devant la section d'appel d'une mesure de renvoi ou de renvoi conditionnel en invoquant les moyens suivants : a) question de droit, de fait ou mixte; b) le fait que, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, ils ne devraient pas être renvoyés du Canada. |
70(1) Subject to subsections (4) and (5), where a removal order or conditional removal order is made against a permanent resident or against a person lawfully in possession of a valid returning resident permit issued to that person pursuant to the regulations, that person may appeal to the Appeal Division on either or both of the following grounds, namely, (a) on any ground of appeal that involves a question of law or fact, or mixed law and fact; and (b) on the ground that, having regard to all the circumstances of the case, the person should not be removed from Canada. |
|
[11] La Cour a déjà prononcé deux arrêts portant sur la compétence de la Commission relativement au paragraphe 70(1). Dans l'arrêt Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Selby, [1981] 110 D.L.R. (3) 126 (C.A.F.) aux pages 128 et 129, Monsieur le juge en chef Thurlow a conclu que la SAI avait compétence pour entendre la preuve et statuer sur les faits dont le droit d'appel est tributaire. Par la suite, dans l'affaire Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Restrepo, [1989] 8 Imm.L.R. (2d) 161 (C.A.F.), Monsieur le juge Pratte s'est prononcé sur la position d'un appelant auquel le droit ne conférait pas de droit d'appel devant la SAI. À la page 164, il a dit :
Il est certain que la Commission ne pouvait faire droit à un appel en vertu de l'alinéa 72(1)b) [maintenant l'alinéa 70(1)b)] de la Loi sur l'immigration de 1976 que s'il s'agissait d'un appel fait par une personne à qui la loi accordait le droit d'interjeter appel devant la Commission. En l'espèce, l'intimé n'avait le droit d'en appeler devant la Commission que s'il était résident permanent.
[12] Le juge des requêtes a attaqué l'analyse effectuée par la Commission selon laquelle elle n'avait pas compétence relativement à une personne qui n'était pas résidente permanente pour les motifs suivants :
À mon avis, il ressort d'une interprétation convenable du par. 70(1) qu'une personne qui, n'eut été la décision d'un arbitre, aurait le statut de résidente permanente du pays, peut former un appel devant la Section d'appel contre la décision dans laquelle l'arbitre a conclu qu'elle n'a pas ce statut, en se fondant sur l'al. 70(1)a), l'al. 70(1)b), ou les deux. Je conclus que si le législateur avait voulu, en adoptant le par. 70(1), exclure une telle personne du droit d'appel que prévoit ce paragraphe, il l'aurait clairement précisé. Comme ce n'est pas le cas, je conclus que la Section d'appel a compétence, en vertu du par. 70(1), pour entendre une telle affaire.
[13] J'estime que cette conclusion ne tient pas compte de la définition légale de l'expression « résident permanent » énoncée au paragraphe 2(1) de la Loi, qui exclut expressément une personne qui a perdu son statut conformément à l'article 24 de la Loi. Elle ne tient pas compte non plus des décisions Selby et Restrepo qui s'appliquent toujours.
[14] La question du désistement visé par l'article 24 est une question de fait déterminante quant à l'existence du droit d'appel. Lorsqu'elle statue qu'il y a eu désistement, comme en l'espèce, la Commission n'a plus compétence pour accorder réparation en vertu de l'alinéa 70(1)b).
[15] Selon moi, la conclusion tirée par le juge des requêtes concernant la compétence de la Commission constitue une erreur de droit.
F. Les conclusions de fait tirées par la Commission
[16] En l'espèce, la Commission devait effectuer une analyse de la preuve qui lui était présentée pour évaluer la crédibilité et tirer des conclusions de fait. Selon moi, la norme de retenue judiciaire dont la Cour doit faire preuve à l'égard des conclusions de fait de la Commission relativement à l'article 24 et au paragraphe 70(1) de la Loi est celle du caractère manifestement déraisonnable : voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Park, [2001] A.C.F. no 289 (C.F. 1re inst.) au paragraphe 12; Perkins c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1759 (C.F. 1re inst.) aux paragraphes 16 et 18; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Owens, [2000] A.C.F. no 1644 (C.F. 1re inst.) aux paragraphes 30 et 31.
[17] En l'espèce, l'une des questions de fait soumises à la SAI consistait à déterminer si M. Jessani savait, lorsqu'il a quitté le Canada ou à quelque moment que ce soit pendant son absence, que la Loi imposait une limite à la durée de son absence. Essentiellement, il fallait déterminer si l'intimé savait que, s'il restait à l'extérieur du Canada pendant plus de six mois, il serait réputé avoir cessé de résider en permanence au Canada par application du paragraphe 24(2) de la Loi. Cette question était importante parce que, comme je l'ai mentionné plus tôt, l'intimé a donné un faux renseignement sur la durée de son absence dans un formulaire des douanes qu'il a rempli à son retour au Canada. La Commission en a déduit que M. Jessani savait que la mention d'une longue absence lui serait préjudiciable.
[18] Le juge des requêtes a rejeté la conclusion de la SAI portant que l'intimé ignorait totalement, de fait, la règle des 183 jours en matière de journées consécutives pendant lesquelles il pouvait se trouver à l'étranger. Il a écrit ce qui suit :
Je suis convaincu, compte tenu du dossier, que la conclusion selon laquelle le demandeur [TRADUCTION] « ignorait, de fait, la règle des 183 jours » est erronée. Il ressort clairement de la transcription qu'il la connaissait au moins six mois après avoir quittéle Canada.
Àla lecture de la décision, il est impossible de déterminer dans quelle mesure cette conclusion défavorable a eu une incidence sur la façon dont la Section d'appel a interprétéd'autres éléments de la preuve que le demandeur a produite, mais je suis convaincu que tout doute à ce sujet doit être dissipé, en toute équité, en faveur du demandeur.
En conséquence, je conclus, en application de l'al. 18.1(3)d) de la Loi sur la Cour fédérale, que la Section d'appel a pris sa décision sans tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait.
[19] La SAI n'a pas tiré la conclusion que le juge des requêtes lui attribue. La Commission n'a jamais tiré de conclusion de fait catégorique portant que M. Jessani ignorait ce délai. Elle a plutôt tiré la conclusion contraire, c'est-à-dire que l'intimé connaissait ce délai, et en a tiré une inférence négative. La Commission a plus précisément conclu :
[TRADUCTION] L'appelant a soutenuplus d'une fois dans son témoignage qu'il ne savait rien des « conditions » - c'est le terme qu'il a employé - dont était assorti son statut de résident permanent, et qu'il ignorait, de fait, la règle des 183 joursen matière de journées consécutives pendant lesquelles il pouvait se trouver à l'étranger au cours de toute période de 12 mois. Il dit qu'il ne s'est pas informéà ce sujet. Àmon avis, cela n'est pas vraisemblable. Dans un formulaire de Douanes Canada qu'il a dûremplir et auquel un timbre à date du 18 mars 1997 a étéapposé, l'appelant a déclaréqu'il avait quittéle Canada en août 1996. S'il connaissait si peu les règles applicables, pourquoi aurait-il ressenti le besoin de faire cette fausse déclaration? Tout simplement parce que, à mon avis, il les connaissait, mais avait choisi de ne pas en tenir compte.
[Non souligné dans l'original.]
[20] Le juge des requêtes a commis une erreur en concluant que la Commission a rendu sa décision sans tenir compte des éléments dont elle disposait. La conclusion du juge des requêtes fait fi des véritables conclusions de fait que la Commission a tirées à partir de la preuve, qui les étayait nettement, et qui n'étaient pas manifestement déraisonnables.
G. Conclusion
[21] Je suis d'avis d'accueillir l'appel, d'annuler l'ordonnance du juge des requêtes et de rejeter la demande de contrôle judiciaire de l'intimé en vertu du sous-alinéa 52b)(i) de la Loi sur la Cour fédérale.
[22] Voici la réponse qu'il convient de donner à la question certifiée :
Dans le cas oùun arbitre a conclu que la personne en cause a perdu son statut de résidente permanente en application de l'art. 24 de la Loi sur l'immigration, la Commission doit, pour déterminer si elle a compétence pour entendre l'appel, décider si l'arbitre a tranchécorrectement la question de savoir si la personne en cause a perdu son statut de résidente permanente.Si la Commission conclut que la décision de l'arbitre portant que la personne en cause a perdu le statut de résidente permanente est correcte, elle n'a pas compétence pour entendre l'appel fondé sur l'alinéa 70(1)b) de la Loi sur l'immigration.
« B. Malone »
Juge
« Je souscris à ces motifs » « Julius A. Isaac »
J.C.A.
« Je souscris à ces motifs » « J. E. Sexton »
J.C.A.
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-242-00
INTITULÉ DE LA CAUSE : LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
appelant
- et -
SADRUDIN JESSANI
intimé
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE MARDI 24 AVRIL 2001
MOTIFS DU JUGEMENT PAR : LE JUGE MALONE
DATE DES MOTIFS : LE VENDREDI 27 AVRIL 2001
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE ISAAC
LE JUGE SEXTON
ONT COMPARU
M. David W. Tyndale POUR L'APPELANT
M. Timothy E. Leahy POUR L'INTIMÉ
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Morris Rosenberg POUR L'APPELANT
Sous-procureur général du Canada
Immigration North America Inc. POUR L'INTIMÉ
Avocats
408-5075, rue Yonge
Toronto (Ontario)
M2N 6C6