Date : 20031023
Dossier : A‑643‑02
Référence : 2003 CAF 397
CORAM : LA JUGE DESJARDINS
LE JUGE DÉCARY
ENTRE :
SA MAJESTÉ LA REINE
appelante
et
ABSOLUTE BAILIFFS INC.
intimée
Audience tenue à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 23 octobre 2003.
Jugement rendu à l’audience à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 23 octobre 2003.
MOTIFS DU JUGEMENT : LA JUGE DESJARDINS
Dossier : A‑643‑02
Référence : 2003 CAF 397
CORAM : LA JUGE DESJARDINS
LE JUGE DÉCARY
LA JUGE SHARLOW
ENTRE :
SA MAJESTÉ LA REINE
appelante
et
ABSOLUTE BAILIFFS INC.
intimée
MOTIFS DU JUGEMENT
(Prononcés à l’audience à Vancouver (Colombie‑Britannique),
le 23 octobre 2003)
LA JUGE DESJARDINS
[1] Il s’agit d’un appel à l’encontre d’un jugement de la Cour canadienne de l’impôt [2002] A.C.I. n° 549, pour qui l’intérêt d’un propriétaire qui avait demandé à un huissier de saisir et de vendre des biens appartenant à son locataire, en application de la Rent Distress Act de la Colombie‑Britannique (R.S.B.C. 1996, ch. 403, paragr. 7(3)), n’était pas celui d’un « créancier garanti » selon le paragraphe 317(3) de la Loi sur la taxe d’accise (L.R.C. 1985, ch. E‑15) (la Loi), et pour qui l’intimée, en tant que huissier et représentante du propriétaire, n’était pas tenue de payer une somme à l’appelante au titre de la responsabilité du débiteur fiscal selon la Loi, c’est‑à‑dire celle du locataire.
[2] Les faits ne sont pas contestés.
[3] La saisie des biens du locataire a eu lieu le 8 mars 1995, pour des loyers arriérés qui se chiffraient à 41 160,04 $. Le 13 mars 1995, l’intimée recevait du ministre du Revenu national une mise en demeure de payer une somme de 84 177,59 $. Les biens du locataire furent vendus le lendemain pour la somme de 43 000 $. Le propriétaire a reçu 34 000 $, la différence étant appliquée au coût de la vente. Plus tard ce même jour, le locataire faisait cession de ses biens. Le syndic de faillite avait alors voulu faire déclarer invalide la vente des biens meubles saisis. À la suite d’une transaction, l’appelante a payé au syndic une somme de 9 000 $. Revenu Canada a notifié sa réclamation au syndic, mais n’a pas pris d’autres mesures.
[4] Selon l’appelante, le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur en disant que les conditions du paragraphe 317(3) de la Loi n’avaient pas été remplies.
[5] L’appelante dit que, en promulguant le paragraphe 317(3) de la Loi, le législateur voulait assurer la priorité des réclamations du ministre du Revenu national sur celles d’autres créanciers (Alberta (Treasury Branches) c. Ministre du Revenu national; Banque Toronto‑Dominion c. Ministre du Revenu national, [1996] 1 R.C.S. 963, à la page 989, paragraphe 39), et elle dit qu’un propriétaire qui a saisi des biens pour obtenir paiement de ses loyers est un « créancier garanti » parce qu’il détient un « droit en garantie » (une sûreté) sur les biens meubles de son locataire et, une fois les biens vendus, un « droit en garantie » sur le produit de la vente des biens en question; les expressions « créancier garanti » et « droit en garantie » sont définies au paragraphe 317(4) de la Loi.
[6] Selon l’appelante, une fois exercé le droit de saisie‑gagerie, le propriétaire a, par l’effet de la loi, un droit de rétention sur les biens de son locataire. Ce droit de rétention vise à garantir le paiement du loyer. Le propriétaire est alors investi, par le paragraphe 7(3) de la Rent Distress Act, du droit de vendre les biens saisis entre les mains du locataire. L’appelante soutient que, sans le droit en garantie (la sûreté) du propriétaire, qui résulte soit du droit de rétention qui fait suite à la saisie des biens, soit du privilège qui fait suite à la vente des biens, les sommes seraient payables au débiteur fiscal, parce que, si le produit de la vente des biens du locataire dépasse les loyers arriérés et les frais applicables, le solde appartient alors au locataire (Rent Distress Act, alinéa 7(4)b)).
[7] Les paragraphes 317(3)b) et 317(4) de la Loi envisage la situation suivante :
317. (3) Malgré les autres dispositions de la présente partie, tout texte législatif fédéral à l’exception de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, tout texte législatif provincial et toute règle de droit, si le ministre sait ou soupçonne qu’une personne est ou deviendra, dans quatre‑vingt‑dix jours, débitrice d’une somme à un débiteur fiscal, ou à un créancier garanti qui, grâce à un droit en garantie en sa faveur, a le droit de recevoir la somme autrement payable au débiteur fiscal, il peut, par lettre recommandée ou signifiée à personne, obliger la personne à verser au receveur général tout ou partie de cette somme, immédiatement si la somme est alors payable, sinon dès qu’elle le devient, au titre du montant dont le débiteur fiscal est redevable selon la présente partie. Sur réception par la personne de la lettre, la somme qui y est indiquée comme devant être versée devient, malgré toute autre garantie au titre de cette somme, la propriété de Sa Majesté du chef du Canada, jusqu’à concurrence du montant dont le débiteur fiscal est ainsi redevable selon la cotisation du ministre, et doit être versée au receveur général par priorité sur toute autre garantie au titre de cette somme. |
317. (3) Notwithstanding any other provision of this Part, any other enactment of Canada other than the Bankruptcy and Insolvency Act, any enactment of a province or any law, where the Minister has knowledge or suspects that a particular person is, or will become, within ninety days, liable to make a payment ... (b) to a secured creditor who has a right to receive the payment that, but for a security interest in favour of the secured creditor, would be payable to the tax debtor,
the Minister may, by letter served personally or by registered mail, require the particular person to pay forthwith, if the moneys are immediately payable, and in any other case, as and when the moneys become payable, the moneys otherwise payable to the tax debtor or the secured creditor in whole or in part to the Receiver General on account of the tax debtor’s liability under this Part, and on receipt of that letter by the particular person, the amount of those moneys that is required by that letter to be paid to the Receiver General shall, notwithstanding any security interest in those moneys, become the property of Her Majesty in right of Canada to the extent of that liability as assessed by the Minister and shall be paid to the Receiver General in priority to any such security interest. |
317. (4) Un « créancier garanti » désigne une personne qui a une garantie sur le bien d’une autre personne – ou qui est mandataire de cette personne quant à cette garantie – y compris un fiduciaire désigné dans un acte de fiducie portant sur la garantie, un séquestre ou séquestre‑gérant nommé par un créancier garanti ou par un tribunal à la demande d’un créancier garanti, un administrateur‑séquestre ou une autre personne dont les fonctions sont semblables à celles de l’une de ces personnes. |
317. (4) “secured creditor” means a particular person who has a security interest in the property of another person or who acts for or on behalf of the particular person with respect to the security interest, and includes a trustee appointed under a trust deed relating to a security interest, a receiver or receiver‑manager appointed by a secured creditor or by a court on the application of a secured creditor, a sequestrator and any other person performing a similar function. |
Un « droit en garantie » est un droit sur un bien qui garantit l’exécution d’une obligation, notamment un paiement. Sont en particulier des droits en garantie les droits nés ou découlant de débentures, hypothèques, mortgages, privilèges, nantissements, sûretés, fiducies réputées ou réelles, cessions et charges, quelle qu’en soit la nature, de quelque façon ou à quelque date qu’elles soient créées, réputées exister ou prévues par ailleurs.
[nous soulignons] |
“security interest” means any interest in property that secures payment or performance of an obligation, and includes an interest created by or arising out of a debenture, mortgage, hypothec, lien, pledge, charge deemed or actual trust, assignment or encumbrance of any kind whatever, however or whenever arising, created, deemed to arise or otherwise provided for.
[underlining added] |
[8] Selon le texte de l’alinéa 317(3)b) de la Loi, « si le ministre sait ou soupçonne qu’une personne est ou deviendra... débitrice d’une somme... à un créancier garanti qui, grâce à un droit en garantie en sa faveur, a le droit de recevoir la somme autrement payable au débiteur fiscal », le ministre peut revendiquer à titre prioritaire les sommes par ailleurs payables au créancier garanti.
[9] Cette disposition permet au ministre d’intercepter des sommes qui seraient normalement reçues par un « créancier garanti » ayant reçu d’une personne en particulier un paiement qui aurait été effectué au débiteur fiscal si le « droit en garantie » du « créancier garanti » n’avait pas existé.
[10] Cette disposition envisage cependant un cas différent du cas qui nous occupe.
[11] Si l’on suppose, sans plus, que le propriétaire, dans la Rent Distress Act, est un « créancier garanti » détenant un droit en garantie (une sûreté) sur les biens d’un débiteur fiscal, ce propriétaire n’est pas « une personne qui est ou deviendra... débitrice d’une somme qui », sans la sûreté qu’elle détient, « serait autrement payable au débiteur fiscal », dans la mesure où le produit de la vente ne dépasse pas les loyers impayés et le coût de la vente.
[12] En d’autres termes, si le produit atteint à peine les sommes dues au propriétaire, le propriétaire n’est pas « une personne... débitrice d’une somme ». Le propriétaire est un créancier. Comme créancier, il engage des procédures d’exécution pour obtenir le paiement d’une somme qui lui est due. Le paiement qu’il reçoit n’est pas un paiement qui, sans la sûreté qu’il détient, serait payable au débiteur fiscal.
[13] Il est vrai cependant que, selon la Rent Distress Act, une fois le propriétaire payé, le reste du produit de la vente sera remis au locataire.
[14] En l’espèce, le produit de la vente se chiffrait à 43 000 $. Les loyers arriérés se chiffraient à 41 160,04 $. Après paiement des frais, il ne restait plus rien. Il ne restait donc rien pour le locataire en tant que débiteur fiscal, et rien par conséquent auquel pût s’appliquer la mise en demeure de payer.
[15] Cet appel sera rejeté, avec dépens.
Alice Desjardins
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A‑643‑02
INTITULÉ : Sa Majesté la Reine c. Absolute Bailiffs Inc.
LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (C.‑B.)
DATE DE L’AUDIENCE : le 23 octobre 2003
MOTIFS DU JUGEMENT : les juges Desjardins, Décary et Sharlow
PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR : la juge Desjardins
COMPARUTIONS :
Margaret Clare |
POUR L’APPELANTE |
|
POUR L’INTIMÉE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Morris Rosenberg Sous‑procureur général du Canada |
POUR L’APPELANTE
|
Vancouver (C.‑B.) |
POUR L’INTIMÉE |