Dossier : A-829-99
Référence neutre : 2001 CAF 210
Entre :
VILLE DE MAGOG
Appelante
et
SA MAJESTÉ LA REINE
Intimée
[1] Il s'agit d'un appel à l'encontre d'un jugement de la Cour canadienne de l'impôt (rapporté à [1999] A.C.I. no. 806 (C.C.I.) (Q.L.)) rejetant la méthode retenue par l'appelante pour calculer le crédit de taxe sur les intrants (CTI) auquel elle avait droit en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, L.C. 1994, c. 9 (la "Loi").
[2] L'appelante est une municipalité qui a fait le choix en vertu de la Partie V du Règlement sur la comptabilité abrégée (TPS) (le "Règlement") de déterminer sa taxe nette en conformité avec cette partie. Selon le paragraphe 21(2) du Règlement, une municipalité qui, en plus d'offrir les services usuels d'une municipalité, exploite un service de l'électricité, doit faire un calcul distinct pour ce service dans le calcul de sa taxe nette, de la manière spécifiée à ce paragraphe. L'appelante est une telle municipalité. Le paragraphe en question se lit comme suit :
(2) La taxe nette pour une période de déclaration donnée de l'inscrit qui exploite, dans une division ou un service distinct, une entreprise consistant à fournir des services téléphoniques, de l'électricité ou du gaz naturel correspond au résultat positif ou négatif obtenu par la formule suivante si son choix, fait en vertu du paragraphe 20(1), est en vigueur au cours de cette période : A + B où_: A représente le montant qui correspondrait à la taxe nette de l'inscrit pour la période de déclaration donnée, calculée selon le paragraphe (1), s'il n'exploitait pas l'entreprise et si tous les biens et services acquis ou importés par lui non principalement pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de l'entreprise étaient les seuls qu'il ait acquis ou importés; B le montant qui correspondrait à la taxe nette de l'inscrit pour la période de déclaration donnée, calculée selon l'article 225 de la Loi, si l'exploitation de l'entreprise était la seule activité de celui-ci et si les biens et services acquis, importés, par lui principalement pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de l'entreprise étaient les seuls qu'il ait acquis ou importés. |
(2) Where a registrant carries on the business of supplying telephone services, electricity or natural gas in a separate division or department of the registrant and an election by the registrant to determine the net tax of the registrant in accordance with this Part is in effect during a particular reporting period of the registrant, the net tax of the registrant for the particular reporting period is equal to the positive or negative amount determined by the formula A + B where A is the amount that would be the net tax of the registrant for the particular reporting period determined under subsection (1) if the registrant did not carry on the business and all property and services acquired or imported by the registrant otherwise than primarily for consumption, use or supply in the course of carrying on the business were the only property and services acquired or imported by the registrant; and B is the amount that would be the net tax of the registrant for the particular reporting period determined in accordance with section 225 of the Act if the business were the only activity engaged in by the registrant and the property and services acquired or imported by the registrant primarily for consumption, use or supply in the course of the business were the only property and services acquired or imported by the registrant. |
[3] Par ailleurs, le paragraphe 141.01(5) de la Loi stipule :
Seules des méthodes justes et raisonnables et suivies tout au long d'un exercice peuvent être employées par une personne au cours de l'exercice pour déterminer la mesure dans laquelle : [...] a) la personne acquiert ou importe des biens ou des services afin d'effectuer une fourniture taxable ou à d'autres fins; b) des biens ou des services sont consommés ou utilisés afin d'effectuer une fourniture taxable ou à d'autres fins. |
The methods used by a person in a fiscal year to determine ... (a) the extent to which properties or services are acquired or imported by the person for the purpose of making taxable supplies or for other purposes, and (b) the extent to which the consumption or use of properties or services is for the purpose of making taxable supplies or for other purposes, shall be fair and reasonable and shall be used consistently by the person throughout the year. |
[4] Pour chacune des périodes en cause, l'appelante a calculé sa taxe nette conformément au paragraphe 21(2) du Règlement et, à cette fin, elle a élaboré sa propre méthode pour déterminer la mesure dans laquelle elle a consommé ou utilisé des biens et des services pour effectuer la fourniture taxable qu'est celle du service de l'électricité. Ce n'est qu'à l'égard des biens et services utilisés à cette fin qu'elle a droit au CTI. La question soulevée par le présent litige est celle de savoir si la méthode ainsi choisie est juste et raisonnable au sens du paragraphe 141.01(5).
[5] L'appelante offre des services qui ont des fins strictement municipales. Il en est ainsi par exemple des services d'évaluation, de transport, de loisirs, d'urbanisme, d'aqueducs, etc. D'autres services sont mixtes en ce qu'ils comportent des éléments de services municipaux dans le sens strict ainsi que des éléments du service de l'électricité offert par la municipalité.
[6] À cet égard, le directeur des finances et trésorier de l'appelante a indiqué au cours de son témoignage devant la Cour canadienne de l'impôt que plus de 50% des revenus de la ville proviennent de la vente de l'électricité et que, dans bien des cas, la fourniture de ce service est intégrée aux autres services offerts par la municipalité. Il a expliqué par exemple que c'est le Conseil municipal qui agit comme Conseil d'administration de l'entreprise de service de l'électricité et qui est responsable de la réglementation, la tarification, les politiques salariales, etc. Par ailleurs, le directeur des finances, en plus de ses fonctions dites "municipales", est responsable de la facturation aux 70 000 abonnés du service de l'électricité ainsi que des encaissements, et c'est la Cour municipale qui sert au recouvrement des factures impayées.
[7] Les activités dites "mixtes" ont été identifiées selon les postes budgétaires tels qu'ils apparaissent dans les livres de l'appelante pour la période en litige sous les titres Législation, Application de la Loi, Gestion financière et administrative, Greffe, Gestion du personnel, Entretien de bâtiments et Communications (dossier d'appel, vol. I, pages 48 à 54). C'est à l'égard de ces activités mixtes, et en particulier des difficultés de répartition qu'elles présentent, que se situe le coeur du litige.
[8] La Loi stipule que la méthode utilisée afin de répartir des biens acquis dans le cadre d'une activité mixte doit être juste et raisonnable. Aucune méthode particulière n'est cependant préconisée. Par contre, le ministre du Revenu a publié des directives à ce sujet (le mémorandum 700-5-1) visant en particulier le calcul du CTI par les institutions financières.
[9] S'inspirant de ce document, l'appelante a utilisé une formule basée sur le coût des biens et services acquis dans le cadre de ses activités (les intrants) pour établir le CTI auquel elle avait droit. L'appelante a, selon cette méthode, déterminé qu'elle avait droit à un CTI de 34 198,70 $ pour la période en litige et a réclamé le remboursement de cette somme. Un remboursement fut accordé par voie de cotisation émise en date du 18 mars 1996, mais jusqu'à concurrence de 2 920,50 $ seulement. L'appelante s'opposa à cette cotisation sans succès et son appel subséquent devant la Cour canadienne de l'impôt fut également débouté.
[10] La méthode utilisée par l'appelante pour calculer le CTI s'effectue en deux étapes. Dans un premier temps, l'appelante a isolé les dépenses visant exclusivement le service de l'électricité et les dépenses visant exclusivement les services municipaux. Elle a ensuite réparti les dépenses reliées aux activités mixtes selon la proportion reflétée par ces deux chiffres. Ainsi, pour l'année 1994, les dépenses reliées exclusivement au service de l'électricité s'établissaient à 10 374 046 $ alors que celles reliées exclusivement aux services municipaux s'établissaient à 10 005 170 $ et c'est le pourcentage du premier chiffre par rapport à la somme des deux, soit 50,90%, qui fut appliqué aux dépenses encourues dans les activités mixtes pour identifier la partie de ces dépenses qui était reliée au service de l'électricité.
[11] Le vérificateur du ministre du Revenu dit s'être aussi référé au mémorandum 700-5-1 pour élaborer sa méthode. Il a expliqué que, selon ce mémoire, les activités mixtes doivent, si possible, être réparties directement et que c'est seulement dans la mesure où une répartition directe ne peut s'effectuer que la méthode basée sur les intrants est autorisée. En l'occurrence, le vérificateur a expliqué avoir effectué une répartition partiellement directe pour obtenir ses résultats.
[12] Pour l'essentiel, le vérificateur a choisi de répartir les dépenses afférentes aux postes Législation, Greffe et Gestion du personnel selon le pourcentage des employés qui étaient affectés au service de l'électricité et de ceux qui étaient affectés aux services municipaux. Par exemple, pour la période 1994, 9,28% des employés étaient affectés au service de l'électricité et c'est ce pourcentage qui fut utilisé pour identifier les activités mixtes reliées au service de l'électricité. En ce qui a trait au poste Gestion financière et administrative, le vérificateur a appliqué la méthode de l'appelante. Les dépenses encourues sous le poste Application de la loi furent réparties selon un décompte approximatif des frais de huissier et finalement les dépenses afférentes aux postes Entretien de bâtiments et Communication furent réparties selon l'utilisation estimée de l'Hôtel de ville par étage quant au premier, et selon l'utilisation des pages dans la publication mensuelle de la ville quant au second (témoignage du vérificateur, dossier d'appel, vol. II, pages 275 à 282).
[13] La différence entre les résultats obtenus par l'appelante et ceux obtenus par l'intimée quant à la proportion des activités mixtes qui était reliée au service de l'électricité est la suivante :
Appelante |
Intimée |
|
1991 |
52,44% |
40,81% |
1992 |
48,6% |
41,07% |
1993 |
50,25% |
46,21% |
1994 |
50,90% |
50,23% |
[14] La juge de la Cour canadienne de l'impôt en vint à la conclusion que la méthode retenue par l'appelante conduisait à des résultats déformants qui contredisent ses propres données alors que celle proposée par le vérificateur avait été faite minutieusement selon des critères objectifs et logiques (motifs, paragraphe 26). Elle ajouta en fin d'analyse :
[cette méthode] reflète fidèlement la situation financière du service de l'électricité et en ce sens, c'est la méthode juste et raisonnable requise par le paragraphe 141.01(5) de la Loi. (Je souligne.)
Analyse et décision
[15] La seule question qui se posait devant la juge était celle à savoir si la méthode choisie par l'appelante était juste et raisonnable comme l'exige le paragraphe 141.01(5). Elle n'avait pas a décider laquelle des deux méthodes en cause était la meilleure. D'ailleurs, le mémorandum 700-5-1 reconnaît à son paragraphe 23 que plus d'une méthode peuvent être justes et raisonnables au sens de la Loi (voir aussi Navaho Inn v. The Queen, 3 GTC 2067 à la page 2071 (C.C.I.)).
[16] Le fait que l'appelante ait été engagée dans des activités mixtes pendant la période en litige n'est pas contesté. L'intimée reconnaît que les services exonérés offerts par l'appelante sont à plusieurs égards rendus de pair avec celui de l'électricité et qu'une méthode quelconque devait être utilisée pour déterminer le CTI qui est proprement attribuable à l'activité taxable.
[17] À cet égard, il est important de souligner que la Loi n'oblige pas l'appelante à mettre en place les systèmes comptables qui lui permettraient de départager chaque bien et chaque service qui est consommé ou utilisé dans le cadre de ses activités mixtes. Le législateur était conscient du fait qu'une telle imposition pourrait engendrer des frais d'assujettissement qui dépassent la taxe prélevée. Il a donc laissé au contribuable le soin de choisir une méthode convenable tout en exigeant que la méthode choisie soit "juste et raisonnable".
[18] La méthode choisie par l'appelante départage les activités mixtes selon le prorata des dépenses afférentes exclusivement au service de l'électricité et de celles afférentes exclusivement aux services municipaux. Le raisonnement sous-jacent à cette méthode est que les dépenses mixtes sont encourues dans la même proportion que les dépenses encourues exclusivement à l'une ou l'autre de ces fins. À première vue, cette logique est saine et semble mener à un partage juste et raisonnable. D'ailleurs tant le vérificateur que la juge l'ont reconnu puisque c'est cette méthode qui fut retenue par le vérificateur pour départager les dépenses sous le poste Gestion financière et administrative.
[19] Deux conclusions de fait sous-tendent la décision de la juge selon laquelle la méthode de l'appelante ne serait pas, malgré tout, juste et raisonnable. Elle les résume ainsi au paragraphe 22 de ses motifs :
[22] En ce qui concerne la gestion du personnel, le pourcentage utilisé par le vérificateur paraît à sa face même plus raisonnable que le pourcentage utilisé par l'appelante. En ce qui concerne la rentabilité du réseau électrique, l'inclusion du montant élevé des dépenses relatives aux activités mixtes contredit de façon flagrante l'analyse comptable de l'appelante.
Selon moi, la première de ces conclusions même en la tenant pour acquise est sans conséquence dans le contexte du présent litige et la deuxième est fondée sur une mauvaise appréciation de la preuve.
[20] Quant à la première, l'on se rappellera que le vérificateur a effectué la répartition des dépenses sous le poste Gestion du personnel selon le prorata du nombre d'employés affectés au service de l'électricité et de ceux qui étaient affectés aux services municipaux. La juge a conclu à l'égard de ce poste que le pourcentage ainsi utilisé lui paraissait plus raisonnable que celui utilisé par l'appelante. Comme je le disais précédemment, le rôle de la juge n'était pas de déterminer si une méthode était plus raisonnable que l'autre, mais elle devait plutôt déterminer si la méthode utilisée par l'appelante était juste et raisonnable.
[21] À tout événement, l'appelante a fait remarquer que même si le partage du vérificateur était plus exact que le sien sous le poste Gestion du personnel, très peu de dépenses y sont répertoriées (dossier du demandeur, vol. I, page 52), de sorte que la conclusion de la juge à cet égard est sans incidence pratique. De fait, le total du CTI réclamé par l'appelante sous le poste Gestion du personnel se chiffre à 667,59 $. Il ne s'agit pas là d'un motif qui puisse justifier le rejet de la méthode retenue par l'appelante.
[22] Le deuxième motif retenu par la juge pour écarter la méthode de l'appelante est le constat qu'elle a fait au paragraphe 18 de ses motifs :
La pièce I-3 est l'état des recettes et dépenses concernant le service de l'électricité. Il s'agit d'un document budgétaire préparé par l'appelante elle-même. On y voit que pour l'année 1994, le total des recettes est de 13 850 699 $ et que le total des dépenses avant imputation et affectations est de 11 614 031 $. L'imputation au montant de 798 681 $ est décrite comme étant la partie imputée à la municipalité pour consommation d'énergie. Les affectations nettes sont au montant de 8 649 $. Le document n'explique pas ce qu'il faut entendre par cette expression. On peut penser qu'il s'agit de la répartition des dépenses de certaines activités mixtes. L'excédent des recettes sur les dépenses nettes, après imputation et affectations est au montant de 3 030 700 $. Suivre le raisonnement de l'appelante serait ajouter des dépenses au montant de 5 000 000 $, tel que montré à la pièce A-3 (déjà mentionnée au paragraphe 14 de ces motifs), et par ce fait créer une situation déficitaire de 2 000 000 $. (Je souligne.)
[23] C'est cette conclusion qui amena la juge à affirmer que "l'inclusion du montant élevé des dépenses relatives aux activités mixtes contredit de façon flagrante l'analyse comptable de l'appelante" (paragraphe 22) et que "la méthode proposée par l'appelante conduit à des résultats déformants qui contredisent ses données mêmes" (paragraphe 26).
[24] Or, il n'y a, selon la preuve, aucune base pour le calcul effectué par la première juge. Elle conclut à tort que les recettes qui proviennent du service de l'électricité (3 030 700 $) doivent être réduites d'un montant de 5 000 000 $, "tel que montré à la pièce A-3".
[25] Ni dans la pièce A-3, ni dans l'ensemble de la preuve pouvons-nous trouver de justificatif quant à cette somme de 5 000 000 $. La juge semble avoir erronément tenu pour acquis que les dépenses exclusives du réseau électrique (qui se chiffrent à près de 10 000 000 $) étaient des dépenses mixtes auxquelles devait être appliqué le pourcentage de 50,90% selon la méthode de l'appelante (pièce 1-3, dossier d'appel, vol. 1, page 120). Or, les dépenses mixtes afférentes au service de l'électricité se chiffraient à 2 462 848 $ (dossier d'appel, vol. I, page 54).
[26] C'est donc suite à une mauvaise appréciation de la preuve que la juge a tiré la conclusion que la méthode de l'appelante créait une situation déficitaire de 2 000 000 $ pour le service de l'électricité. En fait, des bénéfices de l'ordre de 1 777 110,40 $ furent générés selon cette méthode (mémoire additionnel de l'appelante, paragraphes 4 à 18). Ces bénéfices auraient été les mêmes, à 25% près, selon la méthode du vérificateur.
[27] Cette erreur est sans aucun doute à l'origine du rejet de la méthode de l'appelante par la première juge. En effet, une revue de la preuve révèle que la méthode du vérificateur n'a rien de supérieur à celle de l'appelante. Il est instructif à cet égard de citer deux longs extraits du contre-interrogatoire du vérificateur (dossier d'appel, vol. II aux pages 302 et 306 respectivement) :
Q. Monsieur Lacoste, je reviens à votre feuille de travail. Vous avez commencé votre feuille de travail par la FT-7. Si je comprends bien l'exercice que vous avez fait, c'est que pour déterminer quel est le pourcentage des intrants reliés à la législation, au greffe et à la [gestion] du personnel vous avez pris une relation entre la totalité des employés municipaux, qui ne servent pas à l'électricité, quatre-vingt-treize point cinq (93.5) et ceux qui servent à l'électricité, treize point cinq (13.5).
R. C'est exact.
Q. Pour arriver à dire : bon, j'ai cent cinquante et un point six (151.6) employés des services municipaux, il y en a quinze (15) à l'électricité, donc les services municipaux représentent quatre-vingt-dix point soixante-douze pour cent (90.72%) de toutes les dépenses afférentes aux postes législation, greffe et gestion du personnel.
R. C'est exact.
Q. Ça veut dire que, par exemple, dans ce poste-là est inclus le salaire du maire.
R. C'est exact.
Q. Donc, vous avez conclu que le maire, par cet exercice-là, ne passe que neuf point vingt-huit pour cent (9.28%) de son temps à gérer le réseau hydro-électrique.
R. C'est exact.
R. Pour y aller en détail, oui, il aurait peut-être fallu que je fasse ça, mais comme j'avais expliqué à monsieur Gagnon, j'ai dit. . . la loi, les mémorandums se réfèrent tous à la méthode la plus juste et raisonnable, j'avais dit à monsieur Gagnon : « On peut passer trois semaines, un mois ici à regarder point par point exactement qu'est-ce que chaque personne fait ou que chaque dépense, à quoi elle est utilisée, ou bien on peut essayer de s'entendre sur une méthode simple puis en arriver à un pourcentage » , puis c'est ce qu'on avait fait.
Dans le cas de gestion du personnel, c'était évident, les chiffres sont là pour le démontrer; législation puis greffe, un peu comme j'ai dit tantôt, on était arrivés. . . c'étaient les deux derniers éléments, quelle méthode qu'on pouvait prendre? On s'était entendu sur cette base-là.
[...]
Q. Mais j'ai l'impression, moi, que c'est une méthode de sondage que vous avez utilisée dans le cas de la législation qui est de dire. . . plutôt que de prendre un pourcentage d'intrants, vous avez pris un pourcentage d'effectifs humains en disant : le total du personnel de la Ville représente ça, donc je vais appliquer ce prorata-là au greffe, à la législation et à la gestion du personnel. C'est exact?
R. C'est exact. Mais toujours avec l'accord de monsieur Gagnon.
Q. Je comprends, mais ma question c'est. . . vous utilisez le mot « la méthode directe » ; pour moi, la méthode de « l'approportionnement » direct c'est celle à laquelle vous avez fait référence tout à l'heure qui aurait pris trois semaines, celle où - comme le mémorandum qu'on verra plus tard - celle où j'aurais pu m'asseoir avec le maire. . . demander à monsieur Gagnon de me mettre par écrit : voulez-vous me dire combien de temps le maire, au cours des quatre années, a passé à la gestion? Combien de temps, vous, vous passez par jour à la gestion? Combien de temps la réceptionniste au poste d'appels a à s'occuper, à recevoir des appels de lignes téléphoniques par rapport à ça?
R. Oui.
Q. Et c'est ce que suggère l'exemple dans le mémorandum, de prendre pour chaque individu. . . puis l'exemple A dans le mémorandum - et j'y reviendrai plus tard - nous dit : dix pour cent (10%) du temps de telle personne, c'est ça; quinze pour cent (15%) du temps de telle autre. Dans votre cas vous avez plutôt utiliser un sondage, vous avez utilisé une règle de trois dans un contexte de sondage. Neuf point vingt-huit pour cent (9.28%) des employés de la Ville sont des employés directs à l'électricité, en conséquence neuf point vingt-huit pour cent (9.28%) des dépenses législation, greffe et gestion de personnel seront des dépenses qui seront reliées à l'hydro-électricité.
R. Dans le cas de gestion du personnel, oui, c'est exact.
Q. Législation, greffe et gestion du personnel.
R. Oui. Législation et greffe, ça a été une méthode, bon, un peu arbitraire qu'on a utilisée parce que justement la question de temps est importante là-dedans. Le temps du ministère est important à savoir. . . je veux dire, on est là pour faire un dossier de vérification, on veut la faire de la manière la plus réaliste possible mais on a la contrainte de temps aussi là-dedans, puis monsieur Gagnon a la même chose. Je ne pense pas qu'il aurait voulu que je passe trois semaines là-bas à déranger tous ses employés pour déterminer le pourcentage exact.
Q. Je ne veux surtout pas vous suggérer ça, Monsieur, et. . . tout ce que je vous dis c'est que j'essaie de voir. . . parce que vous qualifiez la méthode que vous avez utilisée dans le cas de la législation, de méthode directe et moi je vous soumets qu'il s'agit plutôt d'une méthode de sondage identique ou comparable à celle qu'a utilisée monsieur Leroux, mais que vous avez conclu qui était dans votre cas la meilleure.
R. J'ai dit « _ directe » dans le cas de la gestion du personnel. Dans le cas de la législation, par après je suis revenu puis j'ai dit : « Bon, ça c'est des méthodes qu'on a utilisées par après pour finaliser, dans le fond, les deux derniers points qu'il restait. » Une autre des raisons, je veux dire, il y avait le temps qui était en importance là-dedans puis l'autre importance c'étaient les montants de taxe impliqués. Si on regarde juste la législation pour 94, on a environ trente-cinq mille dollars (35 000 $) de dépenses qui peuvent être taxables. Mais si on calcule les taxes là-dessus puis on calcule peut-être un CTI versus la ristourne qui est à cinquante-sept point quatorze pour cent (57.14%), bien, on calcule ça puis on dit : oui, là on va-tu passer trois semaines pour aller chercher mille dollars (1000 $)
En tout cas, du point de vue du ministère, non, ce n'est pas rentable, puis du point de vue de monsieur Gagnon, je ne pense pas qu'il aurait voulu que je justifie trois semaines de temps à déranger ses employés pour déterminer laquelle était la meilleure méthode.
[28] On peut donc constater que pour les postes Législation, Greffe et Gestion du personnel, le vérificateur a lui aussi procédé par sondage et que sa méthode n'est pas plus objective ou logique que celle de l'appelante. Il en est de même pour les postes Application de la loi, Entretien des bâtiments et Communication (Interrogatoire du vérificateur, dossier d'appel, vol. I, pages 275 à 282). Le seul poste à l'égard duquel la méthode du vérificateur peut sembler plus logique est celui de la Gestion du personnel, mais rien n'en découle vu le faible niveau des dépenses répertoriées à ce poste. Considérant le fait que les deux méthodes en cause impliquent l'utilisation de sondages, les résultats que procurent ces méthodes ne sont pas foncièrement incompatibles.
[29] J'en viens donc à la conclusion que la juge ne pouvait écarter la méthode de l'appelante en se fondant sur le calcul alternatif du vérificateur et que la méthode de l'appelante est par ailleurs juste et raisonnable au sens du paragraphe 141.01(5).
[30] Pour réussir dans son appel, l'appelante devait non seulement démontrer le bien-fondé de sa méthode, mais aussi que, pour chacune des périodes en cause, plus de 50% des biens et services assujettis à cette méthode furent acquis dans le cadre de l'entreprise de l'électricité. Le paragraphe 21(2) du Règlement prévoit en effet que le calcul qui y est prévu n'est disponible qu'à l'égard de biens et services acquis "principalement" à cette fin (Navaho Inn, supra à la page 21-7, Mid-west Feed Ltd. v. M.N.R., [1987] 2 D.T.C. 394 à la page 400 (C.C.I.)). Or, selon sa propre méthode, le seuil du 50% ne fut pas rencontré par l'appelante pour la période 1992.
[31] Pour ces motifs, j'accueillerais l'appel, j'annulerais la décision de la Cour canadienne de l'impôt et je déférerais la cotisation émise en date du 18 mars 1996 au Ministre du Revenu pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que la méthode utilisée par l'appelante pour calculer le remboursement réclamé est conforme aux exigences du paragraphe 141.01(5) de la Loi et que l'appelante est en droit d'effectuer le calcul autorisé par le paragraphe 21(2) du Règlement pour les périodes 1991, 1993 et 1994. À la lumière de ce résultat, j'accorderais les dépens en faveur de l'appelante en première instance et en appel.
"Marc Noël"
j.c.a.
"Je suis d'accord
Robert Décary j.c.a."
"Je suis d'accord
Gilles Létourneau j.c.a."