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Date : 20030609

Dossier : A-72-02

Référence : 2003CAF262

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE EVANS

LA JUGE SHARLOW

AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI,

L.C. 1996, MODIFIÉE

ET LA DÉCISION DE MONSIEUR LE JUGE DAVID G. RICHE, JUGE-ARBITRE, EN DATE DU 17 NOVEMBRE 2001 ET REÇUE

PAR LE DEMANDEUR LE 10 JANVIER 2002

ENTRE :

GARY LOCKE

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET LA

COMMISSION D'ASSURANCE-EMPLOI DU CANADA

défendeurs

Audience tenue à St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador), le 9 juin 2003

Jugement rendu à l'audience à St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador), le 9 juin 2003

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                    LE JUGE EVANS


Date : 20030609

Dossier : A-72-02

Référence : 2003CAF262

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE EVANS

LA JUGE SHARLOW

AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI,

L.C. 1996, MODIFIÉE

ET LA DÉCISION DE MONSIEUR LE JUGE DAVID G. RICHE, JUGE-ARBITRE, EN DATE DU 17 NOVEMBRE 2001, REÇUE

PAR LE DEMANDEUR LE 10 JANVIER 2002

ENTRE :

GARY LOCKE

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET LA

COMMISSION D'ASSURANCE-EMPLOI DU CANADA

défendeurs

MOTIFS DU JUGEMENT

(Prononcés à l'audience à St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador), le 9 juin 2003)

LE JUGE EVANS


1                      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée par Gary Locke pour faire annuler une décision rendue par un juge-arbitre (CUB 5301) par laquelle il a accueilli un appel interjeté par la Commission de l'assurance-emploi du Canada (la Commission) d'une décision rendue par un conseil arbitral (le Conseil). Le Conseil, à la majorité, a accueilli l'appel interjeté par M. Locke à l'encontre du rejet par la Commission de sa demande de prestations d'assurance-emploi au motif qu'il était exclu du bénéfice des prestations en raison de son inconduite : Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, paragraphe 30(1).

2                      M. Locke a été congédié sommairement sans avertissement pour avoir fumé de la marijuana à la fin de son quart de travail, mais avant de pointer son départ, à l'extérieur de l'usine où il travaillait comme journalier depuis environ 8 ans.

3                      Le Conseil a accueilli l'appel au motif que, bien que le fait de se livrer à des agissements criminels dans les locaux d'un employeur puisse justifier un congédiement, le fait de fumer un joint de la marijuana dans les circonstances de l'espèce n'était pas de l'inconduite au sens du paragraphe 30(1) parce que cette conduite n'était pas volontaire ou irréfléchie. Autrement dit, la Commission n'a pas établi selon la prépondérance des probabilités que M. Locke savait que, s'il se faisait prendre, il serait probablement congédié sur-le-champ ou qu'il a fait preuve d'ignorance volontaire à cet égard.


4                      Le Conseil a fondé cette conclusion de fait sur les éléments de preuve qui suivent. Premièrement, aucune version écrite de la politique de la société ne figurait au dossier, bien que le Conseil ait également souligné qu'un représentant de la société avait affirmé à un agent de la Commission que la société avait comme politique qu'un employé pouvait être congédié pour avoir utilisé des substances intoxicantes dans les locaux de la société. Deuxièmement, aucune preuve n'indique que la société avait porté cette politique à la connaissance des employés : en effet, dans son témoignage de vive voix, M. Locke a affirmé qu'il n'était pas au courant de cette politique. Troisièmement, M. Locke avait terminé sa journée de travail lorsqu'il a été pris. Quatrièmement, le collègue de travail avec lequel il fumait avait déjà été pris à deux reprises auparavant et n'avait reçu que des avertissements; M. Locke a témoigné qu'il était au courant que d'autres personnes n'avaient pas été congédiées après avoir été prises à fumer de la marijuana au travail.

5                      Le juge-arbitre semble avoir infirmé la décision du Conseil au motif que la conduite de M. Locke avait été volontaire ou irréfléchie parce qu'une personne raisonnable comprendrait que

fumer de la marijuana dans les locaux de la société mènerait vraisemblablement à un congédiement sommaire. Le juge-arbitre a conclu que la société avait pour politique qu'un employé pouvait être congédié pour avoir utilisé des substances intoxicantes au travail et que l'inconduite de M. Locke était volontaire ou irréfléchie car elle était illégale et contraire à la politique de la société et qu' [Traduction] « il existe une preuve suffisante qu'une personne raisonnable conclurait qu'un tel acte relève de l'insouciance » . Le juge-arbitre a également estimé que le membre dissident du Conseil d'arbitrage qui a affirmé que, comme employé comptant huit années d'ancienneté, M. Locke [Traduction] « devrait être au courant de ce qui est et de ce qui n'est pas un comportement acceptable » et qu'il [Traduction] « n'était pas déraisonnable pour l'employeur d'avoir adopté une politique de tolérance zéro concernant l'utilisation de drogues illicites » .


6                      La Cour est d'avis que le juge-arbitre a commis une erreur de droit en infirmant la décision du Conseil. La Cour n'est pas convaincue que le Conseil a mal interprété la signification du mot « inconduite » figurant au paragraphe 30(1). L'alinéa 115(2)c) de la Loi sur l'assurance-emploi autorise un juge-arbitre à accueillir un appel lorsque la décision du Conseil est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. La question en litige en l'espèce est de savoir quel était l'état d'esprit de M. Locke : savait-il qu'il serait probablement congédié s'il se faisait prendre à fumer de la marijuana dans les locaux de la société après la fin de son travail ou a-t-il fait preuve d'ignorance volontaire à cet égard?

7                      Il est vrai que le Conseil n'a pas expressément tiré de conclusion quant à ce qu'était la politique de la société. Toutefois, même si la politique de la société était telle que l'avait estimée le juge-arbitre, il ne s'ensuit pas que M. Locke savait qu'il serait probablement congédié s'il se faisait prendre en train de l'enfreindre ou qu'il a fait preuve d'ignorance volontaire à cet égard. Premièrement, M. Locke a témoigné qu'il n'était pas au courant d'une telle politique et le Conseil a dû préférer ce témoignage assermenté à la déclaration écrite d'un agent de la Commission selon laquelle M. Locke lui aurait affirmé qu'il était au courant de la politique de la société. Deuxièmement, M. Locke a déclaré dans son témoignage, lequel n'a pas été contredit, que, selon lui, d'autres employés qui s'étaient fait prendre à fumer de la marijuana n'avaient reçu qu'un avertissement et n'avaient pas été congédiés.


8                      De plus, même si la conduite de M. Locke était de nature criminelle, compte tenu de l'ensemble de la preuve dont le Conseil a été saisi en l'espèce, notamment le fait que d'autres employés n'aient pas été congédiés après avoir été pris à fumer de la marijuana, sa conduite ne constituait pas une dérogation à ce point fondamentale à la relation employeur-employé qu'il aurait dû savoir, comme tout employé, que s'il se faisait prendre, il serait probablement congédié sans avertissement.

9                      Par conséquent, il n'était pas manifestement déraisonnable de la part du Conseil de conclure, compte tenu de la preuve dont il disposait, que la Commission n'avait pas établi, selon la balance des probabilités, que M. Locke savait qu'il serait probablement congédié s'il se faisait prendre à fumer de la marijuana dans les locaux de la société après la fin de son travail ou qu'il a fait preuve d'ignorance volontaire.

10                  Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie avec dépens, la décision du juge-arbitre sera annulée et l'affaire sera renvoyée au juge-arbitre en chef ou à la personne désignée par lui pour qu'il la juge à nouveau en tenant compte du fait que l'appel interjeté à l'encontre de la décision du Conseil arbitral est rejeté.

« John M. Evans »      

ligne

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         A-72-02

INTITULÉ :                                                        GARY LOCKE

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

ET AUTRES

LIEU DE L'AUDIENCE :                                ST. JOHN'S (T.-N.-ET-LABRADOR)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 9 JUIN 2003

MOTIFS DU JUGEMENT :                          (LES JUGES DÉCARY, EVANS, ET SHARLOW)

PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR :        LE JUGE EVANS

DATE DES MOTIFS :                                     LE 9 JUIN 2003

COMPARUTIONS :

LIAM P. O'BRIEN                                             POUR LE DEMANDEUR

MELISSA CAMERON                                      POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Curtis, Dawe                                                         POUR LE DEMANDEUR

St. John's (T.-N.-et-Labrador)

Morris Rosenberg                                                 POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada

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