Date : 20030324
Dossiers : A-437-01
A-439-01
Référence : 2003 CAF 153
CORAM : LE JUGE ROTHSTEIN
A-437-01
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
ANSON QUON
défendeur
A-439-01
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
EDWARD GRYSCHUK
défendeur
Audience tenue à Toronto (Ontario), le 6 mars 2003.
Jugement prononcé à Ottawa (Ontario), le 24 mars 2003.
MOTIFS DU JUGEMENT PAR : LE JUGE ROTHSTEIN
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE SEXTON
LE JUGE PELLETIER
Date : 20030324
Dossiers : A-437-01
A-439-01
Référence : 2003 CAF 153
CORAM : LE JUGE ROTHSTEIN
A-437-01
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
ANSON QUON
défendeur
A-439-01
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
EDWARD GRYSCHUK
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE ROTHSTEIN
[1] Le procureur général du Canada demande le contrôle judiciaire d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt rendue le 27 juin 2001 au sujet des dépens. La seule question à trancher est de savoir si, au vu de l'alinéa 18.3009(1)b) de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, L.R.C. (1985), ch. T-2, et le paragraphe 9(1) des Règles de procédure de la Cour canadienne de l'impôt à l'égard de la Loi sur la taxe d'accise (procédure informelle), DORS/92-42, le juge de la Cour de l'impôt avait le pouvoir d'adjuger les dépens.
LA DÉCISION DE LA COUR DE L'IMPÔT
[2] Dans une décision en date du 26 avril 2001, le juge de la Cour de l'impôt a statué que les défendeurs avaient respecté le critère de diligence énoncé au paragraphe 323(3) de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, et, par conséquent, qu'ils ne pouvaient être tenus responsables en tant qu'administrateurs pour l'omission d'une société de remettre la TPS. Une cotisation de 23 847,12 $, comprenant la taxe nette, les intérêts et les pénalités, a été établie pour chacun des défendeurs.
[3] À l'époque de la décision du juge de la Cour de l'impôt, l'alinéa 18.3009(1)b) de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt stipulait ce qui suit :
18.3009 (1) Dans sa décision d'accueillir un appel visé à l'article 18.3001, la Cour : ... |
18.3009 (1) Where an appeal referred to in section 18.3001 is allowed, the Court ... |
(b) peut, conformément aux modalités prévues par ses règles, allouer les frais et dépens à cette personne si le jugement réduit de plus de moitié le montant de la taxe, de la taxe nette, du remboursement, des intérêts ou de la pénalité qui font l'objet de l'appel et si les conditions suivantes son réunies : (i) le montant en litige est égal ou inférieur à 7 000 $, (ii) le total des fournitures pour l'exercice précédent de cette personne est égal ou inférieur à 1 000 000 $.
|
(b) where the judgment reduces the amount of tax, net tax, rebate, interest and penalties in issue in the appeal by more than one-half, may award costs, in accordance with the rules of Court, to the person who brought the appeal where (i) the amount in dispute was equal to or less than $7,000, and (ii) the aggregate of supplies for the prior fiscal year of that person was equal to or less than $1,000,000. |
Le paragraphe 18.3009(1) a depuis été modifié (Loi modifiant la Loi sur les douanes et d'autres lois en conséquence, L.C. 2001, ch. 25, art. 109), bien que ces modifications n'aient pas de conséquences pour les fins du présent contrôle judiciaire.
[4] Le paragraphe 9(1) des Règles de la procédure informelle dispose comme suit : « Les dépens sont laissés à la discrétion du juge qui règle d'appel, dans les circonstances établies à l'article 18.3009 » de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt.
[5] Malgré la restriction apparente selon laquelle, en vertu du sous-alinéa 18.3009(1)b)(i), les dépens ne peuvent être alloués que lorsque le montant en litige est égal ou inférieur à 7 000 $, le juge de la Cour de l'impôt a statué en l'espèce que les défendeurs avaient droit aux dépens. Il a convenu avec eux que la règle 9(1), qui fait référence à l'article 18.3009, [TRADUCTION] « n'envisage pas un appel formé par une personne responsable du fait d'autrui, par exemple un administrateur d'une société qui a fait l'objet d'une cotisation en vertu de l'article 323 de la loi concernant la TPS » . Il a jugé qu'il n'y avait pas de montant en litige, comme l'exige le sous-alinéa 18.3009(1)b)(i), étant donné que les défendeurs dans l'appel n'essayaient pas de réduire le montant de la taxe, des intérêts ou des pénalités et que les jugements de la Cour de l'impôt ne supprimaient pas la responsabilité de la société. Le juge de la Cour de l'impôt a conclu que la limite de 7 000 $ visait à empêcher un contribuable qui était responsable à titre principal, par opposition à une responsabilité secondaire, en vertu des dispositions législatives concernant la TPS de recouvrer les dépens en vertu de la procédure informelle lorsqu'il y a un montant important en cause.
[6] En suivant ce raisonnement, le juge de la Cour de l'impôt a conclu qu'il y avait une lacune au paragraphe 9(1) de la règle concernant l'administrateur d'une société qui a gain de cause dans l'appel d'une cotisation établie en vertu de l'article 323 de la Loi sur la taxe d'accise.
[7] Le juge de la Cour de l'impôt a ensuite examiné l'article 18.3001 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, tel qu'il était rédigé au moment de sa décision, et qui stipulait ceci :
18.3001 Sous réserve de l'article 18.3002, le présent article et les articles 18.3003 à 18.302 s'appliquent, avec les adaptations nécessaires, aux appels interjetés aux termes de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, si une personne en fait la demande dans son avis d'appel ou à toute date ultérieure prévue par les règles de la Cour. |
18.3001 Subject to section 18.3002, where a person has so elected in the notice of appeal for an appeal under Part IX of the Excise Tax Act or at such later time as is provided in the rules of Court, this section and sections 18.3003 to 18.302 apply, with such modifications as the circumstances require, in respect of the appeal. |
[8] Pour ce qui a trait aux mots « avec les adaptations nécessaires » , le juge de la Cour de l'impôt a statué que le paragraphe 18.3009(1) devrait être modifié pour autoriser l'adjudication des dépens dans les circonstances suivantes :
[TRADUCTION]
(i) l'administrateur d'une société a porté en appel une cotisation établie en vertu de l'article 323 de la loi sur la TPS et a choisi la procédure informelle;
(ii) l'administrateur/appelant n'essaie pas de réduire le montant de la taxe, de la taxe nette, des intérêts ou de la pénalité qui a déjà fait l'objet de la cotisation établie contre la société;
(iii) l'administrateur/appelant essaie de soustraire sa responsabilité personnelle uniquement en prouvant qu'il a fait preuve de diligence au sens du paragraphe 323(3); et
(iv) la responsabilité personnelle de l'administrateur/appelant en vertu du paragraphe 323(1) est supérieure à 7 000 $, mais raisonnablement faible compte tenu de la limite de 7 000 $ établie au sous-alinéa 18.3009(1)b)(i), et des dépens du litige.
[9] Après avoir fait ces modifications, il a conclu que la responsabilité personnelle des défendeurs, établie à 23 847,12 $, était raisonnablement faible compte tenu de la limite législative de 7 000 $ et des frais du litige. Par conséquent, il a conclu que les défendeurs avaient droit à leurs dépens.
L'ANALYSE
[10] En toute déférence, je crois que le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur de droit. À mon avis, il n'y a pas de lacune au paragraphe 9(1) des règles ni à l'alinéa 18.3009(1)b). Le montant en litige dans l'appel d'une cotisation établie en vertu de l'article 323 de la Loi sur la taxe d'accise est le montant de la taxe, des intérêts ou de la pénalité établis dans l'avis de cotisation. C'est le « montant en litige » dont il est question au sous-alinéa 18.3009(1)b)(i) et le montant dont il est question à l'alinéa 18.3009(1)b).
[11] Le fait que dans un appel particulier les administrateurs ne contestent pas le montant de la cotisation établie contre la société, ni en fait contre eux-mêmes, ne signifie pas qu'il n'y a pas de montant en litige. En pareil cas, s'ils réussissent à satisfaire au critère de diligence, ils obtiendront un jugement qui annulera la taxe, les intérêts ou la pénalité qui ont été imposés contre eux. S'ils n'ont pas gain de cause, le jugement maintiendra le montant établi dans la cotisation. Dans l'un ou l'autre cas, le montant en question dans l'appel et le « montant en litige » sont le montant de la taxe, des intérêts ou de la pénalité qui a été établi dans la cotisation. Cela étant, il n'y a pas de lacune au paragraphe 9(1) des règles ou à l'alinéa 18.3009(1)b) et le « montant en litige » maximum de 7 000 $ s'applique dans le cas d'une cotisation établie en vertu de l'article 323 de la Loi sur la taxe d'accise.
[12] Autrement dit, la question des dépens dans le cadre de la procédure informelle ne se pose que si le jugement réduit « de plus de moitié le montant de la taxe, de la taxe nette, du remboursement, des intérêts ou de la pénalité qui font l'objet de l'appel » comme le précise l'alinéa 18.3009(1)b). En l'absence d'une telle réduction, le contribuable n'a pas droit aux dépens. En l'espèce, le juge de la Cour de l'impôt doit avoir conclu que cette condition était respectée puisqu'il a poursuivi en examinant si le montant en litige dépassait 7 000 $, en vertu du sous-alinéa 18.3009(1)b)(i). Mais si le juge de la Cour de l'impôt était convaincu que le jugement réduisait de plus de moitié le montant de la taxe en cause, comme il doit l'avoir fait, je ne peux voir comment il a pu conclure qu'il n'y avait pas de montant en litige. Ou bien il y avait une réduction de plus de la moitié du montant en cause dans l'appel ou bien il n'y en avait pas. S'il y a eu une réduction, alors manifestement il y avait un montant en litige dans l'appel.
[13] À mon avis, le juge de la Cour de l'impôt a eu raison de conclure que le montant de la taxe, des intérêts et des pénalités avait été réduit de plus de la moitié, puisque le montant que les défendeurs étaient tenus de payer a été ramené à zéro. Le fait que la responsabilité fiscale de la société n'ait pas été modifiée n'est pas pertinent puisque ce n'était pas de la responsabilité fiscale de la société dont il était question dans cet appel. Les défendeurs ont réussi à réduire leur responsabilité fiscale et par conséquent, ils ont satisfait à la condition de base. Il est clair que le montant en question dans l'appel et, par conséquent, le montant en litige, pour les fins du sous-alinéa 18.3009(1)b)(i), dépassait 7 000 $ puisque, s'ils n'avaient pas eu gain de cause, les défendeurs auraient dû payer 23 847,12 $.
[14] Les défendeurs soutiennent que le sous-alinéa 18.3009(1)b)(ii) ne peut s'appliquer dans le cas d'un appel formé par des administrateurs à l'encontre d'une cotisation établie en vertu de l'article 323 de la Loi sur la taxe d'accise. Cet article prévoit que la personne dont il est question doit être la société et non les administrateurs et, ici encore, cela démontre qu'il y a une lacune à l'alinéa 18.3009(1)b) dans le cas des appels concernant les cotisations établies en vertu de l'article 323 de la Loi sur la taxe d'accise.
[15] Il est vrai que, dans le cas d'un administrateur qui a fait l'objet d'une cotisation aux termes de l'article 323, il n'y aura pas de total des fournitures. Toutefois, le sous-alinéa 18.3009(1)b)(ii) exige simplement que le total des fournitures soit égal ou inférieur à 1 million $. Un administrateur qui n'a pas de fournitures pertinentes à l'appel serait une personne dont le total des fournitures serait inférieur à 1 million $ pour les fins du sous-alinéa 18.3009(1)b)(ii).
[16] Les défendeurs font également valoir que le paragraphe 9(1) de la règle de procédure confère au juge de la Cour de l'impôt le pouvoir discrétionnaire d'allouer les dépens lorsque le montant en litige dépasse 7 000 $. Le juge Sharlow a traité du même argument succinctement dans l'arrêt Moncton Computer Exchange Ltd. c. Canada, 2001 CAF 381, [2001] A.C.F. no 1856, au paragraphe 22 :
L'avocat de l'intimée a soutenu que l'article 9 des Règles de la Cour de l'impôt relativement aux appels en matière de TPS ou de TPS/TVH suivant la procédure informelle accorde au juge de la Cour de l'impôt le pouvoir discrétionnaire d'allouer les frais et dépens malgré toute limite apparente figurant au paragraphe 18.3009(1). Je ne puis admettre cet argument. À mon avis, le paragraphe 18.3009(1) doit s'interpréter comme limitant le pouvoir de la Cour de l'impôt d'allouer les frais et dépens dans tout appel en matière de TPS ou de TPS/TVH suivant la procédure informelle. Les Règles de la Cour de l'impôt ne peuvent pas étendre le pouvoir dont la Cour de l'impôt est investie par la loi.
[17] En l'espèce, le juge de la Cour de l'impôt a utilisé les mots « avec les adaptations nécessaires » employés au paragraphe 18.3001 comme lui donnant le pouvoir de modifier la limite de 7 000 $ établie au sous-alinéa 18.3009(1)b)(i). Les modifications qu'il a proposées sont importantes. Il est bien entendu fondamental de reconnaître qu'un tribunal n'est pas l'entité chargée des modifications législatives. Dans l'arrêt Moncton Computers, au paragraphe 23, le juge Sharlow a traité carrément de cette question :
L'avocat de l'intimée a soutenu également que l'expression « avec les adaptations nécessaires » figurant à l'article 18.3001 confère à la Cour de l'impôt le pouvoir de modifier la limite de 7 000 $ mentionnée à l'alinéa 18.3009(1)a) s'il existe une bonne raison de ce faire. Je ne puis admettre cet argument. Les « adaptations » mentionnées à l'article 18.3001 ont trait seulement aux adaptations pouvant être nécessaires pour permettre que les appels en matière de TPS ou de TPS/TVH suivant la procédure informelle se déroulent le plus possible comme les appels en matière d'impôt sur le revenu interjetés suivant la procédure informelle. Il serait absolument impossible de croire que cela puisse comprendre une modification de la limite de 7 000 $ figurant à l'alinéa 18.3009(1)a).
Le raisonnement du juge Sharlow s'applique directement à l'espèce et je le fais mien.
[18] La demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie et la décision de la Cour de l'impôt en date du 27 juin 2001 devrait être infirmée. L'affaire devrait être renvoyée à la Cour de l'impôt afin que la décision du 26 avril 2001 soit modifiée en supprimant la référence aux dépens.
[19] Du consentement des parties, le défendeur Anson Quon devrait avoir droit à des dépens de 5 000 $, comprenant les débours, au sujet du présent appel. Il ne devrait pas y avoir d'adjudication de dépens en faveur ou à l'encontre du défendeur Edward Gryshchuk.
« Marshall Rothstein »
Juge
« Je souscris à ces motifs
J. Edgar Sexton, juge »
« Je souscris à ces motifs
J.D. Denis Pelletier, juge »
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS
DOSSIERS : A-437-01
A-439-01
INTITULÉ DE LA CAUSE : Procureur général du Canada
demandeur
- et -
Anson Quon
Edward Gryschuk
défendeurs
DATE DE L'AUDIENCE : LE 6 MARS 2003
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE ROTHSTEIN
Y ONT SOUSCRIT : LES JUGES SEXTON ET PELLETIER
DATE : LE 24 MARS 2003
COMPARUTIONS :
Michael Ezri Pour le demandeur
A. Christina Tari Pour le défendeur Anson Quon
Edward Gryschuk EN SON PROPRE NOM
AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS :
Morris Rosenberg POUR LE DEMANDEUR
Sous-procureur général du Canada
A. Christina Tari POUR LE DÉFENDEUR ANSON QUON
Toronto (Ontario)
Date : 20030324
Dossiers : A-437-01
A-439-01
OTTAWA (ONTARIO), LE 24 MARS 2003
CORAM : LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE SEXTON
LE JUGE PELLETIER
A-437-01
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
ANSON QUON
défendeur
A-439-01
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
EDWARD GRYSCHUK
défendeur
JUGEMENT
La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision de la Cour de l'impôt en date du 27 juin 2001 est infirmée. L'affaire est renvoyée à la Cour de l'impôt afin que la décision du 26 avril 2001 soit modifiée en supprimant la référence aux dépens.
Du consentement des parties, le défendeur Anson Quon a droit à des dépens de 5 000 $, comprenant le débours, relativement au présent appel. Il n'y a pas d'adjudication de dépens en faveur ou à l'encontre du défendeur Edward Gryshchuk.
« Marshall Rothstein »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.