A-557-93
CORAM: LE JUGE HUGESSEN
LE JUGE DESJARDINS
LE JUGE DÉCARY
ENTRE:
SA MAJESTÉ LA REINE
Appelante
(Demanderesse)
ET:
TRADE INVESTMENTS SHOPPING CENTRE LTD.
Intimée
(Défenderesse)
Audience tenue à Montréal (Québec) le jeudi, 31 octobre 1996.
Jugement prononcé à l'audience à Montréal le 31 octobre 1996.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR: LE JUGE DÉCARY
A-557-93
CORAM: LE JUGE HUGESSEN
LE JUGE DESJARDINS
LE JUGE DÉCARY
ENTRE:
SA MAJESTÉ LA REINE
Appelante
(Demanderesse)
ET:
TRADE INVESTMENTS SHOPPING CENTRE LTD.
Intimée
(Défenderesse)
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l'audience à Montréal (Québec)
le jeudi, 31 octobre 1996.)
LE JUGE DÉCARY
Cet appel porte sur l'interprétation des dispositions transitoires qui ont accompagné la mise en vigueur de la modification apportée au paragraphe 13(21.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu ("la Loi") par le paragraphe 7(3) de la Loi modifiant la législation relative à l'impôt sur le revenu et, de façon connexe, la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, S.C. 1985, c. 45. La disposition en cause est le paragraphe 7(6), (ci-après "la mesure transitoire") qui se lit comme suit:
7. [...]
(6) Le paragraphe (3) s'applique aux dispositions effectuées après le 9 mai 1985, à l'exception des dispositions effectuées conformément à une convention écrite conclue au plus tard à cette date.
7. [...]
(6) Subsection (3) is applicable with respect to dispositions occurring after May 9, 1985 other than dispositions occurring pursuant to the terms of an agreement in writing entered into on or before that date.
Les faits de l'affaire ne sont pas contestés. Réduits à leur plus simple expression, ils se résument ainsi. Le 31 août 1961, l'intimée concluait un contrat de bail en vertu duquel elle louait au locataire un centre d'achats situé à Scarborough, Ontario. L'article 37 du bail accordait au locataire une option d'achat. Cet article prévoyait que l'option, si elle était levée par le locataire, le serait par l'envoi d'une lettre accompagnée d'un chèque visé, et il précisait le moment auquel l'achat serait ultérieurement conclu. Cet article se terminait par ces mots: "The exercise of the option shall not terminate the lease, but the lease shall remain in full force and effect until the sale is closed".
Le 20 janvier 1986, le locataire levait l'option d'achat selon les termes mêmes du contrat et, le 29 août 1986, la vente du centre d'achats était conclue.
Le litige, on le devine, est simple. L'intimée soutient que l'alinéa 13(21.1)a) de la Loi n'est pas applicable, puisque la vente, le 29 août 1986, a été effectuée conformément à une convention écrite (le bail, incluant l'option d'achat) conclue le 31 août 1961, donc avant le 9 mai 1985, date d'entrée en vigueur du paragraphe en question. L'appelante n'est pas de cet avis. La mesure transitoire, selon elle, ne s'applique pas car la vente fut effectuée non pas conformément à la convention du 31 août 1961, mais conformément à la levée de l'option, le 20 janvier 1986. Pour l'appelante, la "convention écrite" que vise la mesure transitoire doit être une convention qui, conclue au plus tard le 9 mai 1985, obligeait à la disposition et à l'acquisition du bien, mais ne prenait effet qu'à une date ultérieure, lors d'une séance de clôture. A toutes fins utiles, l'appelante soutient que la convention visée est une convention bilatérale.
Monsieur le juge Noël, en première instance, a rejeté les prétentions de l'appelante. Nous sommes d'avis qu'il a eu raison de ce faire et que son analyse des règles applicables à l'interprétation des dispositions fiscales transitoires, en général, et de celle en litige, en particulier, est impeccable.
Il est acquis, en droit commun, que le propriétaire qui accorde une option d'achat dans des circonstances comme celles qu'on retrouve en l'espèce assume dès lors et jusqu'à la décision que prendra le promettant-acheteur une obligation qui le lie en quelque sorte unilatéralement. Il suffit, à cet égard, de renvoyer à ces propos de madame le juge Wilson dans Miller c. Ameri-Cana Motel Ltd., [1983] 1 R.C.S. 229 à la page 238:
À mon avis, il ne fait pas de doute que la personne qui accorde une option ne retient aucun pouvoir sur l'aliénation des biens-fonds visés par l'option. Elle s'engage pendant toute la durée de l'option à ne transmettre ceux-ci qu'au bénéficiaire de l'option. De plus, elle peut être forcée à exécuter la convention qu'elle a ainsi signée. Elle n'a plus rien à dire sur la question. Le bénéficiaire de l'option peut évidemment décider de ne pas lever l'option, auquel cas le pouvoir de disposer retourne à la personne qui a accordé l'option, mais en attendant que cela arrive, si cela arrive, cette personne est en réalité privée de tout pouvoir sur l'aliénation des biens-fonds [...]
Il est admis, de plus, que la mesure transitoire qui nous occupe doit s'interpréter dans l'optique du vendeur puisque c'est dans l'unique but de protéger un vendeur qui était, au moment pertinent, engagé contractuellement à effectuer une disposition que la mesure transitoire fut promulguée.
Il est certain, enfin, que les termes de la mesure transitoire, qu'on les lise dans le texte français ou qu'on les lise dans le texte anglais, n'ont pas le caractère restrictif que cherche à leur conférer l'appelante. A sa face même, la vente conclue le 29 août 1986 l'a été conformément (ou "pursuant to") au bail conclu le 31 août 1961 et, qui plus est, conformément aux termes mêmes de l'option d'achat prévue au paragraphe 37 de ce bail.
La prétention de l'appelante selon laquelle la levée de l'option, le 20 janvier 1986, aurait constitué une nouvelle convention ou interrompu les relations qui prévalaient jusqu'alors entre les parties au bail, ne résiste pas à l'analyse. La levée de l'option fait partie de la mécanique mise sur pied en 1961 pour assurer, le cas échéant, le remplacement du bail et de l'option d'achat qu'il prévoyait, par la vente. L'obligation de l'intimée, contractée en 1961, n'a pris fin que lorsque la propriété a été effectivement vendue le 29 août 1986.
L'appelante, à notre avis, cherche à récrire le paragraphe 7(6). La réécriture des lois est la besogne du Parlement, pas celle des tribunaux.
L'appel sera rejeté avec dépens.
"Robert Décary"
j.c.a.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
A-557-93
ENTRE:
SA MAJESTÉ LA REINE
Appelante
(Demanderesse)
ET:
TRADE INVESTMENTS SHOPPING CENTRE LTD.
Intimée
(Défenderesse)
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR