Date : 20010914
Dossier : A-440-00
Référence neutre : 2001 CAF 267
CORAM : LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE SEXTON
LE JUGE EVANS
ENTRE :
LA BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE
appelante
(demanderesse)
- et -
SHELLEY ANN FRASER
intimée
(défenderesse)
Audience tenue à Toronto (Ontario), le jeudi 13 septembre 2001
Jugement rendu à l'audience à Toronto
(Ontario), le jeudi 13 septembre 2001
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR : LE JUGE SEXTON
Date : 20010914
Dossier : A-440-00
Référence neutre : 2001 CAF 267
CORAM : LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE SEXTON
LE JUGE EVANS
ENTRE :
LA BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE
appelante
(demanderesse)
- et -
SHELLEY ANN FRASER
intimée
(défenderesse)
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario),
le jeudi 13 septembre 2001)
LE JUGE SEXTON
[1] Il s'agit d'un appel de l'ordonnance datée du 1er juin 2000 où la Section de première instance a rejeté la demande de contrôle judiciaire qu'a présentée la Banque de Nouvelle-Écosse à l'égard d'une décision rendue par un arbitre en application des dispositions du Code canadien du travail.
[2] L'intimée a déposé une plainte de congédiement injustifié contre la Banque. L'arbitre a conclu que la Banque n'avait pas de motif valable pour mettre fin à l'emploi de l'intimée et que la conduite de la Banque était impitoyable et cruelle. Il a en outre déterminé que la conduite de la Banque était malhonnête parce qu'elle avait décidé de congédier l'intimée pour ensuite essayer de trouver des motifs qui justifiaient le congédiement et qui résistaient à un examen minutieux. Il a déclaré que l'appelante avait eu une conduite dure envers l'intimée non seulement avant le litige, mais également tout au long de l'audience d'arbitrage. Il a accordé à l'intimée une indemnité ainsi que les dépens sur la base avocat-client.
[3] La Section de première instance a rejeté la demande de la Banque relative à l'adjudication des dépens et a également accordé les dépens sur la base avocat-client à l'égard de cette demande. La Banque en appelle maintenant de l'adjudication des dépens par l'arbitre et par la Section de première instance.
[4] L'appelante a prétendu que la décision de l'arbitre relative aux dépens devait être examinée au regard de la norme de la décision correcte même si la décision relative à l'indemnité elle-même devait être examinée au regard de la norme de la décision manifestement déraisonnable. Nous ne sommes pas d'accord que la norme de contrôle applicable à la décision relative aux dépens devrait être différente de celle applicable à la décision relative à l'indemnité elle-même.
[5] Bien qu'elle concède que le Code canadien du travail confère à l'arbitre la compétence d'accorder des dépens sur la base avocat-client, la Banque prétend qu'on devrait uniquement accorder de tels dépens quand la conduite reprochée a été adoptée au cours de l'instance elle-même.
[6] La Banque invoque un arrêt de la Cour, Banca Nazionale Del Lavoro of Canada Ltd. c. Lee-Shanok (1988), 87 N.R. 178, aux pages 190 et 191 (C.A.F.), à l'appui de la proposition selon laquelle des dépens sur la base avocat-client ne peuvent être accordés que s'ils découlent d'une conduite adoptée au cours de l'instance. Nous ne sommes pas d'avis que l'arrêt Banca appuie cette proposition. Le juge Stone a écrit :
[I]l lui appartient [l'arbitre] de déterminer l'opportunité de les accorder dans la première instance. [...] [L]'arbitre est libre de choisir la base sur laquelle les frais qu'il accorde seront déterminés.
Une telle adjudication extraordinaire ne doit avoir lieu que dans des circonstances clairement exceptionnelles, comme ce serait le cas lorsqu'un arbitre désire indiquer de ce fait qu'il désapprouve la conduite d'une partie à l'instance.[...]
Il ressort des motifs du juge Stone qu'il n'avait pas l'intention de restreindre le pouvoir de l'arbitre d'accorder des dépens sur la base avocat-client aux cas où la conduite a eu lieu au cours de l'instance. Ses motifs indiquent clairement qu'il donnait tout simplement un exemple de circonstances exceptionnelles où des dépens avocat-client pouvaient être accordés.
[7] D'autres décisions indiquent plus explicitement que des dépens sur la base avocat-client peuvent être accordés pour d'autres motifs que la conduite durant l'instance. Dans Styles v. British Columbia, 1989 B.C.J. No. 1450 (C.A.), la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a dit :
[TRADUCTION] Les dépens sur la base avocat-client ne devraient être accordés que s'il existe dans les circonstances qui ont donné naissance à la cause d'action ou dans l'instance une certaine forme de conduite répréhensible qui rend cette forme de peine souhaitable.
[8] Un autre motif justifiant l'octroi de dépens sur la base avocat-client est tout simplement de tenir les parties de bonne foi à couvert des frais de litige. Dans Goulin v. Goulin, 1995 O.J. No. 3115, à la page 3, la Division générale de la Cour de l'Ontario a affirmé :
[TRADUCTION] Lorsqu'une partie a fait des allégations de fraude et d'écart de conduite qui n'ont pas été corroborées et qui, il faut le reconnaître, ne pouvaient être corroborées, des dépens sur la base avocat-client devraient être accordés. Il s'agit de châtier ou de punir les conduites répréhensibles et de tenir les parties de bonne foi à couvert des frais de litige par ailleurs inutiles.
[9] En l'espèce, l'arbitre a conclu que la Banque avait fait des allégations de conduite répréhensible contre l'intimée. Sa conclusion selon laquelle les allégations en cause visaient à justifier sa décision antérieure de congédier l'intimée indique que celles-ci n'avaient aucun fondement. Dans de telles circonstances, l'adjudication de dépens sur la base avocat-client pour ce seul motif serait justifiée.
[10] Cependant, l'arbitre a conclu que la conduite de la Banque avait eu lieu non seulement avant l'audience d'arbitrage, mais aussi tout au long de celle-ci. Il s'agissait d'allégations graves de malhonnêteté de la part de l'intimée, allégations que la Banque a soumises lors de la présentation de sa preuve à l'arbitre. L'intimée a été soumise à deux jours d'examen et de contre-interrogatoire détaillé relativement à ces allégations. Quoi qu'il en soit, l'arbitre a conclu que la déposition de l'intimée était inébranlable. En conséquence, même si on tient pour acquis que l'argument de la Banque quant à l'interprétation de l'arrêt Banca est fondé, l'octroi de dépens sur la base avocat-client est justifiable.
[11] En accordant des dépens sur la base avocat-client, le juge de la Section de première instance a dit que l'intimée n'avait pas à engager les dépenses liées à la défense présentée contre la demande. À notre avis, le tribunal est autorisé à examiner la conduite des parties en première instance lors de l'adjudication des dépens dans le cadre d'un contrôle judiciaire ou d'un appel. Lorsque la conduite d'une partie justifie l'octroi de dépens sur la base avocat-client à l'instruction et que celle-ci interjette appel de cette ordonnance même, il semble tout à fait légitime que cette personne assume tous les dépens découlant du rejet de l'appel, sans quoi ses appels continus contrecarreraient l'objectif qui consiste à empêcher que l'autre partie « a[i]t [...] à encourir les dépenses liées à la défense présentée contre » la demande.
[12] Nous ne pouvons donc trouver aucune erreur dans la décision du juge de la Section de première instance d'accorder des dépens sur la base avocat-client à l'intimée. Nous sommes également d'avis que l'intimée n'aurait pas dû avoir à contester le présent appel. En conséquence, nous rejetterions le présent appel avec dépens sur la base avocat-client.
« J. E. Sexton »
J.C.A.
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
Avocats inscrits au dossier
NO DU GREFFE : A-440-00
INTITULÉ DE LA CAUSE : LA BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE
appelante
(demanderesse)
- et -
SHELLEY ANN FRASER
intimée
(défenderesse)
DATE DE L'AUDIENCE : LE JEUDI 13 SEPTEMBRE 2001
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DU JUGEMENT
DE LA COUR PAR : LE JUGE SEXTON
DATE DES MOTIFS : LE VENDREDI 14 SEPTEMBRE 2001
PRONONCÉS À L'AUDIENCE À TORONTO (ONTARIO), LE JEUDI 13 SEPTEMBRE 2001.
ONT COMPARU: M. Christopher G. Riggs, c.r.
pour l'appelante
M. Howard Goldblatt
pour l'intimée
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER: Hicks Morley Hamilton Stewart Storie
Avocats
30e étage
Tour Toronto-Dominion
C.P. 371, T-D Centre
Toronto (Ontario)
M5K 1K8
pour l'appelante
Sack Goldblatt Mitchell
Avocats
20, rue Dundas Ouest
Bureau 1130, C.P. 180
Toronto (Ontario)
M5G 2G8
pour l'intimée
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
Date : 20010914
Dossier : A-440-00
ENTRE :
LA BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE
appelante
(demanderesse)
- et -
SHELLEY ANN FRASER
intimée
(défenderesse)
MOTIFS DU JUGEMENT
DE LA COUR
Date : 20010914
Dossier : A-440-00
Toronto (Ontario), le vendredi 14 septembre 2001
CORAM : LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE SEXTON
LE JUGE EVANS
ENTRE :
LA BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE
appelante
(demanderesse)
- et -
SHELLEY ANN FRASER
intimée
(défenderesse)
JUGEMENT
L'appel est rejeté et les dépens sont adjugés à l'intimée sur la base avocat-client.
« Marshall Rothstein »
J.C.A.
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.