Date : 20030826
Dossiers : A-287-03
A-288-03
Référence : 2003 CAF 321
En présence de Madame la juge Sharlow
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
ET LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA
appelants
et
MAHMOUD JABALLAH
intimé
Audience tenue à Toronto (Ontario), le 25 août 2003.
Ordonnance prononcée à Toronto (Ontario), le 26 août 2003.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LA JUGE SHARLOW
Date : 20030826
Dossiers : A-287-03
A-288-03
Référence : 2003 CAF 321
En présence de Madame la juge Sharlow
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
ET LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA
appelants
et
MAHMOUD JABALLAH
intimé
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
[1] Le ministère public m'a présenté une requête pour suspension de l'ordonnance dont appel et fixation d'une date pour un processus accéléré d'audience. L'intimé, M. Jaballah, a également présenté une requête, sur le fondement du principe énoncé dans R. c. Rowbotham (1988), 25 O.A.C. 271, 41 C.C.C. (3d) 1, 63 C.R. (3d) 113 (C.A. Ont.), en vue d'obtenir une ordonnance enjoignant au ministère public de payer ses frais d'appel advenant qu'on ait recours au processus accéléré. L'ordonnance dont appel a été rendue le 23 mai 2003 par un juge désigné, après renvoi en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, auparavant le paragraphe 40.1(4) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (Affaire intéressant Jaballah, 2003 CFPI 640, [2003] A.C.F. n ° 822 (QL)). L'objet du renvoi était l'avis attesté (le certificat de sécurité) du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et du Solliciteur général du Canada, daté du 13 août 2001, portant que l'intimé, M. Jaballah, est interdit de territoire pour raison de sécurité nationale. L'intimé conteste les requêtes du ministère public.
[2] L'affaire remonte à loin. M. Jaballah est un ressortissant de l'Égypte. Il est marié. Les époux Jaballah ont six enfants; les deux plus jeunes sont nés au Canada. M. Jaballah est arrivé au Canada avec son épouse et ses quatre aînés en 1996. Chacun d'eux a revendiqué peu après le statut de réfugié. On a rejeté leurs revendications. Une demande d'autorisation et demande de contrôle judiciaire a été présentée. En 1999, avant qu'une décision soit rendue sur la demande, M. Jaballah a fait l'objet d'un certificat de sécurité visé à l'article 40.1. Le juge Cullen a conclu que le certificat n'avait pas un caractère raisonnable, et il l'a annulé par ordonnance datée du 2 novembre 1999 (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Jaballah, [1999] A.C.F. n ° 1681 (QL)).
[3] Le 28 septembre 2000, la demande de M. Jaballah et de sa famille de contrôle judiciaire de la décision de rejeter leur revendication du statut de réfugié a été accueillie et on a ordonné la tenue d'une nouvelle audition (Jaballah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 9 Imm. L.R. (3d) 45, 196 F.T.R. 175, [2000] A.C.F. n ° 1577 (QL)). Il n'y a pas eu nouvelle audition de la revendication de M. Jaballah. Il y a eu nouvelle audition des revendications de Mme Jaballah et des quatre enfants concernés le 9 avril 2003. On m'a informée lors de l'audience relative à la présente requête que ces revendications ont été accueillies.
[4] Le 13 août 2001, le certificat de sécurité faisant l'objet du présent appel a été délivré en vertu de l'article 40.1 de la Loi sur l'immigration. Je désignerai ce certificat de sécurité sous le nom de « second certificat » . On a arrêté M. Jaballah lors de la délivrance du second certificat. M. Jaballah est détenu depuis lors.
[5] La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, est entrée en vigueur le 28 juin 2002; elle a remplacé la Loi sur l'immigration. L'instance devant le juge désigné relative au second certificat n'était pas terminée à cette date. Par suite, l'instance s'est poursuivie en vertu de la section 9 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés; en voici les dispositions pertinentes :
76. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente section. |
76. The definitions in this section apply in this Division. |
« juge » ["judge"] Le juge en chef adjoint de la Cour fédérale ou le juge de la Section de première instance de cette juridiction désigné par celui-ci.
« renseignements » ["information"] Les renseignements en matière de sécurité ou de criminalité et ceux obtenus, sous le sceau du secret, de source canadienne ou du gouvernement d'un État étranger, d'une organisation internationale mise sur pied par des États ou de l'un de leurs organismes |
"information" [ « renseignements » ] means security or criminal intelligence information and information that is obtained in confidence from a source in Canada, from the government of a foreign state, from an international organization of states or from an institution of either of them.
"judge" [ « juge » ] means the Associate Chief Justice of the Federal Court or a judge of the Trial Division of that Court designated by the Associate Chief Justice. |
77. (1) Le ministre et le solliciteur général du Canada déposent à la Section de première instance de la Cour fédérale le certificat attestant qu'un résident permanent ou qu'un étranger est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée pour qu'il en soit disposé au titre de l'article 80. |
77. (1) The Minister and the Solicitor General of Canada shall sign a security certificate stating that a permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of security, violating human or international rights, serious criminality or organized criminality and refer it to the Federal Court-Trial Division, which shall make a determination under section 80. |
(2) Il ne peut être procédé à aucune instance visant le résident permanent ou l'étranger au titre de la présente loi tant qu'il n'a pas été statué sur le certificat; n'est pas visée la demande de protection prévue au paragraphe 112(1). |
(2) When the security certificate is referred, a proceeding under this Act respecting the person named in the security certificate, other than an application under subsection 112(1), may not be commenced and, if commenced, must be adjourned, until the judge makes the determination. |
78. Les règles suivantes s'appliquent à l'affaire : |
78. The following provisions govern the determination: |
a) le juge entend l'affaire; |
(a) the judge shall hear the matter; |
b) le juge est tenu de garantir la confidentialité des renseignements justifiant le certificat et des autres éléments de preuve qui pourraient lui être communiqués et dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui; |
(b) the judge shall ensure the confidentiality of the information on which the security certificate is based and of any other evidence that may be provided to the judge if, in the opinion of the judge, its disclosure would be injurious to national security or to the safety of any person; |
c) il procède, dans la mesure où les circonstances et les considérations d'équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et selon la procédure expéditive; |
(c) the judge shall deal with all matters as informally and expeditiously as the circumstances and considerations of fairness and natural justice permit; |
d) il examine, dans les sept jours suivant le dépôt du certificat et à huis clos, les renseignements et autres éléments de preuve; |
(d) the judge shall examine the information and any other evidence in private within seven days after the referral of the security certificate for determination; |
e) à chaque demande d'un ministre, il examine, en l'absence du résident permanent ou de l'étranger et de son conseil, tout ou partie des renseignements ou autres éléments de preuve dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui; |
(e) on each request of the Minister or the Solicitor General of Canada made at any time during the proceedings, the judge shall hear all or part of the information or evidence in the absence of the permanent resident or the foreign national named in the security certificate and their counsel if, in the opinion of the judge, its disclosure would be injurious to national security or to the safety of any person; |
f) ces renseignements ou éléments de preuve doivent être remis aux ministres et ne peuvent servir de fondement à l'affaire soit si le juge décide qu'ils ne sont pas pertinents ou, l'étant, devraient faire partie du résumé, soit en cas de retrait de la demande; |
(f) the information or evidence described in paragraph (e) shall be returned to the Minister and the Solicitor General of Canada and shall not be considered by the judge in deciding whether the security certificate is reasonable if either the matter is withdrawn or if the judge determines that the information or evidence is not relevant or, if it is relevant, that it should be part of the summary; |
g) si le juge décide qu'ils sont pertinents, mais que leur divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle d'autrui, ils ne peuvent faire partie du résumé, mais peuvent servir de fondement à l'affaire; |
(g) the information or evidence described in paragraph (e) shall not be included in the summary but may be considered by the judge in deciding whether the security certificate is reasonable if the judge determines that the information or evidence is relevant but that its disclosure would be injurious to national security or to the safety of any person; |
h) le juge fournit au résident permanent ou à l'étranger, afin de lui permettre d'être suffisamment informé des circonstances ayant donné lieu au certificat, un résumé de la preuve ne comportant aucun élément dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui; |
(h) the judge shall provide the permanent resident or the foreign national with a summary of the information or evidence that enables them to be reasonably informed of the circumstances giving rise to the security certificate, but that does not include anything that in the opinion of the judge would be injurious to national security or to the safety of any person if disclosed; |
i) il donne au résident permanent ou à l'étranger la possibilité d'être entendu sur l'interdiction de territoire le visant; |
(i) the judge shall provide the permanent resident or the foreign national with an opportunity to be heard regarding their inadmissibility; and |
j) il peut recevoir et admettre en preuve tout élément qu'il estime utile -- même inadmissible en justice -- et peut fonder sa décision sur celui-ci. |
(j) the judge may receive into evidence anything that, in the opinion of the judge, is appropriate, even if it is inadmissible in a court of law, and may base the decision on that evidence. |
79. (1) Le juge suspend l'affaire, à la demande du résident permanent, de l'étranger ou du ministre, pour permettre à ce dernier de disposer d'une demande de protection visée au paragraphe 112(1). |
79. (1) On the request of the Minister, the permanent resident or the foreign national, a judge shall suspend a proceeding with respect to a security certificate in order for the Minister to decide an application for protection made under subsection 112(1). |
(2) Le ministre notifie sa décision sur la demande de protection au résident permanent ou à l'étranger et au juge, lequel reprend l'affaire et contrôle la légalité de la décision, compte tenu des motifs visés au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale. |
(2) If a proceeding is suspended under subsection (1) and the application for protection is decided, the Minister shall give notice of the decision to the permanent resident or the foreign national and to the judge, the judge shall resume the proceeding and the judge shall review the lawfulness of the decision of the Minister, taking into account the grounds referred to in subsection 18.1(4) of the Federal Court Act. |
80. (1) Le juge décide du caractère raisonnable du certificat et, le cas échéant, de la légalité de la décision du ministre, compte tenu des renseignements et autres éléments de preuve dont il dispose. |
80. (1) The judge shall, on the basis of the information and evidence available, determine whether the security certificate is reasonable and whether the decision on the application for protection, if any, is lawfully made. |
(2) Il annule le certificat dont il ne peut conclure qu'il est raisonnable; si l'annulation ne vise que la décision du ministre il suspend l'affaire pour permettre au ministre de statuer sur celle-ci. |
(2) The judge shall quash a security certificate if the judge is of the opinion that it is not reasonable. If the judge does not quash the security certificate but determines that the decision on the application for protection is not lawfully made, the judge shall quash the decision and suspend the proceeding to allow the Minister to make a decision on the application for protection. |
(3) La décision du juge est définitive et n'est pas susceptible d'appel ou de contrôle judiciaire. |
(3) The determination of the judge is final and may not be appealed or judicially reviewed. |
81. Le certificat jugé raisonnable fait foi de l'interdiction de territoire et constitue une mesure de renvoi en vigueur et sans appel, sans qu'il soit nécessaire de procéder au contrôle ou à l'enquête; la personne visée ne peut dès lors demander la protection au titre du paragraphe 112(1). |
81. If a security certificate is determined to be reasonable under subsection 80(1), (a) it is conclusive proof that the permanent resident or the foreign national named in it is inadmissible; (b) it is a removal order that may not be appealed against and that is in force without the necessity of holding or continuing an examination or an admissibility hearing; and (c) the person named in it may not apply for protection under subsection 112(1). |
[6] En juillet 2002, M. Jaballah a demandé, en vertu de l'article 112 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, qu'on statue qu'il a qualité de personne à protéger. Si l'on devait statuer que M. Jaballah est une personne à protéger d'un pays donné, il y aurait en vertu de la loi sursis de toute mesure de renvoi vers ce pays le visant tant que la décision et le sursis demeurent en vigueur (article 114 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés). Par suite d'une demande présentée à cette fin par M. Jaballah en vertu du paragraphe 79(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, le juge désigné a suspendu l'instance relative au certificat de sécurité jusqu'à ce qu'il soit disposé de sa demande de protection.
[7] La demande de protection de M. Jaballah était susceptible, du fait de l'article 80 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, d'ajouter à la tâche du juge désigné. Si décision avait été rendue à l'égard de la demande de protection de M. Jaballah avant la conclusion de l'instance relative au certificat, le juge désigné aurait été tenu d'examiner la légalité de la décision (paragraphe 80(1)). Si le juge désigné avait conclu en l'illégalité de la décision concernant la demande de protection, il aurait été tenu d'annuler la décision et de suspendre l'instance jusqu'à ce qu'il soit de nouveau statué sur la demande de protection (paragraphe 80(2)). L'une des questions en litige dans le présent appel est celle de savoir s'il était loisible au juge désigné de poursuivre l'instruction de l'instance relative au certificat avant qu'il soit statué sur la demande de protection.
[8] Ce qui a motivé le juge désigné à décider comme il l'a fait, c'était le temps pris par les responsables de l'immigration pour traiter la demande de protection de M. Jaballah. En août 2002, on a remis à M. Jaballah copie d'un rapport daté du 15 août 2002 dans lequel un agent d'immigration, désigné « agent d'examen des risques avant renvoi » ou « agent d'ERAR » , exprimait l'avis « [traduction] il y a des motifs importants de croire que le demandeur serait tué ou torturé s'il devait retourner en Égypte » . Il semble ne pas être contesté qu'une demande de protection, en vertu de l'article 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, requiert de procéder à une évaluation des risques.
[9] Le ministère public soutient que le rapport du 15 août 2002 ne constitue pas une évaluation définitive du risque pour les fins de la demande de protection de M. Jaballah, et que ce rapport lui a été remis par mégarde. M. Jaballah est d'avis opposé, ce qui l'a conduit à présenter un certain nombre de requêtes, instruites par le juge désigné à l'automne 2002. Je n'ai pas à donner le détail de ces requêtes. Qu'il suffise de dire qu'un des arguments de M. Jaballah c'était que le rapport rendait sans intérêt l'examen par le juge désigné du second certificat, et que son statut d'immigrant relevait désormais de la responsabilité de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Le juge désigné n'a pas admis cet argument. Il a partagé l'avis du ministère public selon lequel, avant que le ministre puisse statuer de manière définitive sur la demande de protection de M. Jaballah, il fallait examiner, en vertu de l'alinéa 113d), s'il y a lieu de rejeter cette demande, malgré tout risque découlant d'un retour en Égypte du demandeur, en raison de la « nature et de la gravité de ses actes passés ou du danger qu'il constitue pour la sécurité au Canada » . Cela est étayé, a-t-il conclu, par l'article 172 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, lequel requiert qu'on fournisse au demandeur de protection, avant de prendre une décision relativement à la demande, une évaluation écrite au regard des éléments mentionnés à l'alinéa 113d). On n'a pas procédé à une telle évaluation dans le cas de M. Jaballah.
[10] Le 8 octobre 2002, le juge désigné a rejeté les requêtes de M. Jaballah (Affaire intéressant Jaballah (2002), 224 F.T.R. 20, [2002] A.C.F. n ° 1385 (QL)). L'instance relative au second certificat est demeurée suspendue. On a informé le juge désigné que, selon les estimations du ministère public, une décision serait prise environ trois mois plus tard au sujet de la demande de protection.
[11] Six mois ont passé et aucune décision n'avait encore été prise quant à la demande de protection de M. Jaballah. Le 12 avril 2003, le juge désigné a entendu le plaidoyer à l'égard d'une autre requête présentée par M. Jaballah. La requête a donné lieu à l'ordonnance dont appel, datée du 23 mai 2003, qui prévoit notamment ce qui suit :
[traduction]
1. La requête est accueillie, comme suit, en partie : |
a) La décision de l'agent d'ERAR datée du 15 août 2002, qui a été remise à M. Jaballah en août 2002 et qui est maintenant déposée selon les directives de la Cour, est réputée constituer l'évaluation du risque du ministre, en vertu de l'article 97, de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés L.C. 2001, ch. 27, en sa version modifiée (la LIPR), concernant M. Jaballah si celui-ci devait être renvoyé en Égypte, le pays dont il est le ressortissant. |
b) Le retard à décider de la demande de protection présentée au ministre en juillet 2002 constitue un abus de procédure, parce qu'il perdure et qu'il n'a pas été expliqué de façon satisfaisante, et qu'il n'existe pas de prévision raisonnable quant à la date à laquelle la décision pourra être rendue, alors que M. Jaballah est toujours détenu, en isolement cellulaire, sans disposer du droit de faire revoir les motifs de cette détention avant qu'il soit statué sur le certificat de sécurité dont les ministres demandeurs ont saisi la Cour le 15 août 2001. |
c) Il y a reprise de l'instance devant la Cour concernant le caractère raisonnable du certificat de sécurité du ministre, suspendue à la demande du défendeur dans l'attente de la décision relative à la demande de protection. |
2. La Cour rejette la requête du défendeur visant, en vertu de l'article 177 de la LIPR, à faire annuler le certificat de sécurité dont la Cour est saisie, et à le faire remettre en liberté. |
3. La décision de la Cour quant au caractère raisonnable du certificat de sécurité est énoncée dans une ordonnance distincte. |
4. Le défendeur se voit adjuger les frais, sur la base procureur-client, relatifs à la préparation et à l'instruction de la requête entendue le 11 avril 2003. |
5. Les ministres demandeurs n'ont pas demandé de dépens. Si l'une ou l'autre partie a d'autres questions au sujet des dépens de la présente instance, et sur lesquels l'autre partie n'est pas d'accord, la question peut être soulevée au moyen d'observations écrites ou par comparution personnelle. |
[12] Par ordonnance distincte rendue le même jour, le juge désigné a statué, en vertu du paragraphe 80(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, que le second certificat était raisonnable, compte tenu des renseignements et autres éléments de preuve dont il disposait. Il a rejeté les prétentions de l'avocat selon lesquelles le second certificat devait être annulé au motif que sa délivrance constituait un abus de procédure, ou que les doctrines de res judicata ou de la chose jugée s'appliquaient à l'affaire. À cet égard, le juge désigné a admis les prétentions du ministère public portant qu'on lui avait présenté des éléments de preuve et des renseignements au sujet du second certificat qui n'avaient pas été soumis au juge Cullen en 1999 relativement au premier. En vertu du paragraphe 80(3) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la décision du juge désigné quant au caractère raisonnable du second certificat n'est pas susceptible d'appel ou de contrôle judiciaire.
[13] Le juge désigné n'a pas voulu décider, en vertu du paragraphe 80(1), de la légalité de la décision concernant la demande de protection de M. Jaballah, parce que cette demande faisait toujours l'objet d'examen et qu'on n'avait pas encore statué sur celle-ci. Le juge était d'avis que, lorsqu'elle serait rendue, cette décision ferait l'objet d'une demande d'autorisation et demande de contrôle judiciaire (paragraphe 30 des motifs). Le ministère public conteste ce point dans son appel.
[14] Le ministère public a fait appel de l'ordonnance du 23 mai 2003 reproduite ci-dessus alléguant que le juge désigné avait commis une erreur de droit 1) en concluant que le retard à décider de la demande présentée par M. Jaballah, en vertu de l'article 112 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, constitue un abus de procédure, 2) en exigeant que le rapport du 15 août 2002 de l'agent d'examen des risques avant renvoi soit réputé constituer l'évaluation du risque du ministre, en vertu de l'article 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, et 3) en imposant au ministère public de payer les frais entre procureur et client.
[15] M. Jaballah a interjeté un appel incident, prétendant que le second certificat devrait être annulé parce qu'il constitue un abus de procédure ou en raison des doctrines de res judicata ou de la chose jugée, que lui-même devrait être mis en liberté et qu'on devrait lui adjuger ses frais entre procureur et client à l'égard de toutes les instances.
[16] M. Jaballah a également fait appel de l'ordonnance du 23 mai 2003 du juge désigné pour divers motifs, dont certains n'étaient pas mentionnés dans l'appel incident (A-288-03). Les parties conviennent que les appels devraient être instruits conjointement. Je prendrai une ordonnance à cette fin.
Requête en vue d'accélérer l'instruction de l'appel
[17] Le ministère public soutient qu'un processus accéléré d'audience servirait l'intérêt de la justice. Lors du dépôt initial de la requête, le ministère public a demandé la tenue de l'audience en novembre. Ses avocats ont suggéré des dates en décembre lorsque l'administrateur judiciaire a demandé qu'on propose des dates d'audience. Ils croyaient, à l'époque, qu'aucun changement n'aurait à être apporté aux échéances habituelles pour se préparer, selon les étapes requises, à l'audience. Déjà, toutefois, les parties n'ont pas respecté le délai prévu pour le dépôt de leur entente quant à la teneur du dossier d'appel. Elles conviennent maintenant de s'exécuter d'ici au vendredi 29 août 2003. Les parties conviennent également que, si l'on procède à toutes les autres étapes dans les délais fixés, l'audience pourra vraisemblablement être fixée pour février ou mars 2004, même sans ordonnance prévoyant une instruction accélérée.
[18] M. Jaballah soutient qu'un appel accéléré lui occasionnerait des difficultés financières, comme il n'a pas encore obtenu l'accès à l'aide juridique. L'avocat de M. Jaballah a également produit une preuve portant qu'en raison d'autres affaires où il agit comme avocat devant la Cour, les ressources de son cabinet seraient sollicitées à l'excès s'il doit y avoir appel accéléré.
[19] Compte tenu de ces facteurs ainsi que des observations écrites des avocats des deux parties, je ne suis pas convaincue qu'accélérer de deux à trois mois l'instruction du présent appel servirait l'intérêt de la justice. La requête en vue de l'instruction accélérée de l'appel sera rejetée.
[20] La requête de M. Jaballah en vue de l'obtention d'une ordonnance du type Rowbotham, sous condition que la requête pour instruction accélérée soit accueillie, sera également rejetée.
Requête pour suspension
[21] Le ministère public sollicite également la suspension de l'effet des ordonnances jusqu'à ce que soit tranché le présent appel. Il n'est pas contesté que le ministère public ne peut obtenir la suspension que si (1) l'appel soulève une question grave, (2) le ministère public subira un préjudice irréparable advenant que la suspension ne lui soit pas accordée, et (3) pareil préjudice est plus sérieux que le préjudice que M. Jaballah subirait advenant que la suspension soit accordée.
[22] Le seuil à respecter pour démontrer l'existence d'une question grave est peu élevé. Le ministère public a soumis différents points qu'il soulèvera en appel. À mon avis, une question grave est soulevée par le ministère public en appel.
[23] Le préjudice irréparable est celui qui ne peut être compensé ou évalué de manière pécuniaire. Si je comprends bien l'argument principal du ministère public, si la suspension n'est pas accordée son appel deviendra sans intérêt, en ce sens que M. Jaballah tirera avantage de la décision du juge désigné avant que la Cour puisse instruire l'appel.
[24] Les avocats du ministère public estiment que, si la suspension n'est pas accordée, les responsables de l'immigration devront traiter la demande de protection de M. Jaballah conformément aux directives données par le juge désigné, selon lesquelles le rapport sur l'évaluation du risque du 15 août 2002 est réputé constituer l'évaluation définitive du risque. Cela leur enlève l'occasion de présenter au décisionnaire l'information la plus récente, concernant notamment des assurances que le gouvernement égyptien aurait données après août 2002.
[25] Comme le ministère public, j'estime conforme à l'intérêt public légitime que notre Cour statue sur les questions d'interprétation législative soulevées par la présente affaire. Je ne suis pas persuadée, toutefois, que ne pas accorder la suspension porterait une atteinte sérieuse à l'intégrité du régime législatif. Si le ministère public a gain de cause en appel, on lui donnera assurément l'occasion de corriger toute mesure qu'il aura pu prendre sur le fondement des ordonnances du juge désigné et jugée reposer sur une interprétation erronée de la loi.
[26] Je désire également signaler, comme mentionné précédemment, que l'instruction de l'appel pourra vraisemblablement débuter au début de 2004, soit dans seulement quelques mois. La demande de protection de M. Jaballah est déjà en suspens depuis plus de deux ans, et le ministère ne m'a fait part de rien qui permette de conclure qu'on statuera incessamment sur la demande, ou même qu'une décision sera vraisemblablement rendue avant l'audition de l'appel.
[27] Le ministère public soutient également que, si une suspension n'est pas accordée, M. Jaballah aura droit de demander l'examen des motifs de la détention prévu après 120 jours, en vertu du paragraphe 84(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, un examen auquel il n'aurait pas droit si l'ordonnance du juge désigné est jugée erronée en droit. Je ne suis pas persuadée qu'un examen des motifs de détention occasionne, en soi, un préjudice irréparable au ministère public. On ne peut que spéculer sur le résultat probable d'un tel examen.
[28] Je conclus que le ministère public n'a pas démontré que, si la suspension n'est pas accordée, il en résulterait un préjudice irréparable. Cela suffit à justifier le rejet de la requête pour suspension. Pour ces motifs, la requête pour suspension de l'ordonnance du 23 mai 2003 du juge désigné sera rejetée.
Frais
[29] M. Jaballah demande que lui soient adjugés les frais procureur-client relatifs aux présentes requêtes, quoi qu'il en soit de l'appel, au motif que celles-ci sont frivoles. Les frais procureur-client ne sont pas attribués en l'absence d'un acte répréhensible ou scandaleux, ce qui peut viser dans certaines circonstances une requête pour motifs frivoles. Bien que le ministère public n'ait pas eu gain de cause avec ses requêtes, je n'estime pas que celles-ci étaient frivoles. La requête pour octroi des frais procureur-client sera rejetée.
[30] En vertu de l'article 22 des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et de protection des réfugiés, DORS/98-235, tel que modifié par DORS/2002-232, la présente affaire ne donne pas lieu à des dépens, sauf pour « raisons spéciales » . Il n'y a pas de raisons spéciales en l'espèce. Aucuns frais ne seront adjugés à l'égard des présentes requêtes.
« Karen R. Sharlow »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION D'APPEL
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIERS : A-287-03
A-288-03
INTITULÉ : LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION ET LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA
appelants
et
MAHMOUD JABALLAH
intimé
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 25 AOÛT 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LA JUGE SHARLOW
ORDONNANCE PRONONCÉE À TORONTO (ONTARIO) LE MARDI 26 AOÛT 2003.
DATE DES MOTIFS ET
DE L'ORDONNANCE : LE 26 AOÛT 2003
COMPARUTIONS :
M. Donald A. MacIntosh / M. David Tyndale Pour les appelants
M. Rocco Galati Pour l'intimé
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Morris Rosenberg Pour les appelants
Sous-procureur général du Canada
Galati, Rodrigues & Associates Pour l'intimé
Toronto (Ontario)