Date: 20010110
Dossier: A-13-00
OTTAWA (Ontario), le 10 janvier 2001
DEVANT : MADAME LE JUGE SHARLOW
ENTRE :
LE GOUVERNEMENT DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST
requérant-appelant
et
L'ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA
défenderesse-intimée
et
LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE
défenderesse-intimée
ORDONNANCE
La demande visant à faire suspendre l'instance est rejetée, sous réserve du droit de l'appelant de présenter une nouvelle demande de suspension si, avant le règlement du présent appel, le tribunal canadien des droits de la personne décide de continuer à examiner l'affaire après la présentation de la preuve de la Commission canadienne des droits de la personne et de l'Alliance de la Fonction publique du Canada.
Karen R. Sharlow
J.C.A.
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.
Date: 20010110
Dossier: A-13-00
CORAM : LE JUGE SHARLOW
ENTRE :
LE GOUVERNEMENT DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST
requérant-appelant
et
L'ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA
défenderesse-intimée
et
LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE
défenderesse-intimée
Affaire jugée sur dossier sans comparution des parties
ORDONNANCE rendue à Ottawa (Ontario), le 10 janvier 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE SHARLOW
Date: 20010110
Dossier: A-13-00
CORAM : LE JUGE SHARLOW
ENTRE :
LE GOUVERNEMENT DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST
requérant-appelant
et
L'ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA
défenderesse-intimée
et
LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE
défenderesse-intimée
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE SHARLOW
[1] Un tribunal canadien des droits de la personne entend une plainte déposée par l'Alliance de la Fonction publique du Canada (l'AFPC) contre le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest (le gouvernement) dans laquelle il est allégué qu'il y a eu discrimination dans la classification et la rémunération de groupes principalement composés de femmes, en violation de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6. Dans une demande de contrôle judiciaire, le gouvernement a cherché à contester l'impartialité du tribunal en invoquant l'absence d'indépendance institutionnelle. Le 15 décembre 1999, le juge des requêtes a rejeté la demande de contrôle judiciaire pour le motif que le gouvernement n'avait pas qualité pour faire cette contestation. Le gouvernement en a appelé de cette décision; il demande maintenant la suspension des procédures engagées devant le tribunal en attendant le règlement de l'appel. L'AFPC et la Commission canadienne des droits de la personne s'opposent à la requête.
[2] Les faits pertinents peuvent être brièvement résumés comme suit. La plainte a été déposée en 1989 et la Commission a fait enquête. Le 27 mai 1997, la Commission a décidé de demander qu'un tribunal canadien des droits de la personne soit constitué en vue d'enquêter sur les aspects de la plainte liés aux articles 7 et 11 de la Loi. Un tribunal a finalement été constitué le 20 février 1998, une conférence préparatoire devant avoir lieu le 21 mai 1998.
[3] Avant la conférence préparatoire, une décision a été rendue dans l'affaire Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, [1998] 3 C.F. 244 (1re inst.). Dans cette décision, le juge McGillis a conclu à l'existence d'une crainte raisonnable de partialité à cause de l'absence d'indépendance institutionelle.
[4] Les procédures relatives à la plainte déposée par l'AFPC contre le gouvernement ont été ajournées par le tribunal en attendant que des modifications soient apportées à la Loi canadienne sur les droits de la personne, lesquelles devaient répondre aux questions qui s'étaient posées dans l'affaire Bell Canada. Ces modifications sont entrées en vigueur le 30 juin 1998.
[5] Le gouvernement a soutenu que les modifications légales ne réglaient pas les questions de partialité institutionnelle mentionnées dans la décision du juge McGillis. Le 15 septembre 1998, le gouvernement a déposé un avis de requête devant le tribunal en lui demandant de renvoyer les questions à la Cour fédérale ou subsidiairement de trancher la question lui-même. Le tribunal a décidé de trancher la question lui-même. Dans une décision en date du 4 décembre 1998, le tribunal a conclu qu'il avait l'indépendance institutionnelle nécessaire.
[6] Le gouvernement a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision du tribunal. La demande a été rejetée le 15 décembre 1999 pour le motif que le gouvernement n'avait pas le pouvoir ou la qualité pour agir nécessaires pour présenter la demande. Le juge des requêtes n'a pas traité du bien-fondé des arguments se rapportant à la question de l'indépendance institutionnelle. L'appel que le gouvernement a interjeté contre cette décision soulève la question de la qualité pour agir ainsi que la question de l'indépendance institutionnelle du tribunal.
[7] Après que le juge des requêtes eut rendu sa décision, probablement avec le consentement de toutes les parties, des procédures ont été engagées devant le tribunal au sujet de la plainte que l'AFPC avait déposée contre le gouvernement. Rien ne montre que le gouvernement ait cherché à faire suspendre les procédures ou qu'il ait demandé un ajournement avant le mois de novembre 2000.
[8] L'audience avait jusqu'alors duré 76 jours et s'était déroulée presque exclusivement à Ottawa, ce qui avait obligé les représentants du gouvernement à engager des frais de déplacement élevés. Soixante-deux journées additionnelles étaient prévues aux fins de l'audition de l'affaire entre le 14 novembre 2000 et le 6 juillet 2001.
[9] Vers la même époque, le tribunal a été saisi d'une autre plainte déposée contre Bell Canada dans laquelle cette dernière avait également invoqué l'absence d'indépendance institutionnelle du tribunal et avait présenté une demande de contrôle judiciaire afin d'obtenir une décision sur ce point. Le 2 novembre 2000, le juge Tremblay-Lamer a accueilli la demande en disant ce qui suit, au paragraphe 128 :
Je conclus que le vice-président du tribunal a commis une erreur de droit et a décidé à tort que le tribunal était une entité organiquement indépendante et impartiale, eu égard au pouvoir de la Commission d'émettre des directives qui le lient et au pouvoir du président de prolonger le mandat expiré d'un membre jusqu'à la conclusion de l'affaire dont celui-ci a été saisi en cours de mandat.
[10] Le juge Tremblay-Lamer a ordonné la cessation des procédures engagées devant le tribunal à l'égard de la plainte déposée contre Bell Canada, et ce, tant que les problèmes qu'elle avait décelés n'étaient pas corrigés. Les plaignants ont demandé à cette cour de suspendre la décision afin de permettre au tribunal de continuer à entendre l'affaire en attendant le règlement de l'appel. J'ai rejeté cette demande le 29 novembre 2000. L'appel de la décision que le juge Tremblay-Lamer a rendue dans l'affaire Bell Canada doit être entendu le 3 avril 2001 (appel no A-698-00). Dans ce cas-ci, l'appel doit être entendu immédiatement après l'appel de Bell Canada.
[11] Le 10 novembre 2000, après avoir été mis au courant de la décision du juge Tremblay-Lamer, le gouvernement a présenté une requête devant le tribunal en vue de faire ajourner les procédures en attendant le règlement de cet appel. Les autres parties se sont opposées à cette requête. Le tribunal a rejeté la requête le 14 novembre 2000. La transcription des motifs fournis par le président explique la décision de refuser l'ajournement et révèle également l'état de l'instance ce jour-là. Elle se lit en partie comme suit (dossier de la requête du gouvernement, pages 167-168) :
[TRADUCTION]
J'aimerais tout d'abord dire qu'à notre avis, les deux parties subissent un préjudice. Toutefois, en ce moment, nous croyons qu'il serait injuste d'ajourner l'instance. Nous en arrivons à la fin de la présentation de la preuve de la Commission et du plaignant et il ne reste qu'à entendre M. Davis et M. Crook. Nous devons également nous arrêter à la procédure de communication qui soulèvera peut-être des questions additionnelles sur le plan de la preuve.
Ceci dit, nous ne voulons pas obliger les parties à répondre à l'ensemble de la preuve ou à traiter de points de droit fondamentaux sans bénéficier d'une décision de la Cour d'appel. À notre avis, il existe un préjudice sérieux pour toutes les parties – et je tiens à souligner que ce préjudice existe pour toutes les parties – si la Commission et le plaignant finissent de présenter leur preuve avant que nous ayons pris connaissance de la décision de la Cour d'appel.
Nous croyons donc qu'il serait injuste d'ajourner l'audience lorsque la Commission et le plaignant en arrivent à la fin de la présentation de leur preuve, mais qu'ils ne l'ont pas encore complétée. Cela permettrait au défendeur de soulever toute question qui se pose devant la Cour d'appel avant de présenter sa défense.
Nous souscrivons à l'avis du défendeur selon lequel l'affaire dont la Cour d'appel est saisie soulève une question sérieuse en l'espèce. Nous estimons donc être obligés aux fins de la justice naturelle de donner à toutes les parties qui comparaissent devant nous la possibilité de traiter de toute modification apportée à la loi.
Je ne veux pas réellement en dire plus. Je me contenterai de dire que, telle que nous concevons l'affaire à ce stade, nous devrions selon toute probabilité réexaminer la question lorsque la Commission et le plaignant auront fini de présenter leur preuve. Nous entendrons les arguments des avocats à ce moment-là, mais en ce moment, nous croyons qu'il serait injuste d'aller plus loin sans que la Cour d'appel n'ait donné de précisions au sujet de la question de l'indépendance et de l'impartialité.
Ceci dit, nous aimerions aller de l'avant. Nous aimerions entendre la preuve présentée par M. Davis cette semaine. Lors de la dernière séance, nous avons clairement fait savoir aux parties que nous aimerions en finir avec la preuve présentée par M. Davis cette semaine. Nous sommes prêts à prolonger la durée des séances au besoin.
Il y a ensuite la question de la preuve présentée par M. Crook. Si je comprends bien, il faudra au plus une semaine, selon les estimations du plaignant, pour entendre la preuve. Il faut également nous arrêter à la question de la communication des documents. Je n'en dirai pas plus long pour le moment.
[12] Lorsqu'on lui a demandé des précisions, le président a dit ce qui suit (dossier de la requête du gouvernement, page 170) :
[TRADUCTION]
Nous décidons que, sous réserve des arguments des avocats, étant donné que nous ne savons pas ce qui arrivera devant la Cour d'appel et que nous ne savons pas si votre position continuera à être la même, mais sous réserve des arguments des avocats, nous allons nous arrêter avant de demander à la Commission et au plaignant de clore leur preuve. Nous ne permettrons pas au plaignant et à la Commission de clore leur preuve tant que nous n'aurons pas pris connaissance de la décision de la Cour d'appel fédérale et tant que vous ne comprendrez pas votre position en ce qui concerne les lignes directrices et la nature de ce tribunal.
[13] Il n'y a rien dans les documents mis à ma disposition qui laisse entendre que cette décision du tribunal ait de quelque façon été infirmée ou modifiée.
[14] Une requête visant à la suspension de l'instance engagée devant le tribunal en attendant le règlement de cet appel ne peut être accueillie que si les critères énoncés dans l'arrêt RJR-Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, à la page 344, sont satisfaits. Il faut effectuer une appréciation préliminaire du bien-fondé de l'appel de façon à s'assurer qu'il existe une question sérieuse à trancher. S'il existe une question sérieuse à trancher, il faut déterminer si le gouvernement subira un préjudice irréparable advenant le cas où la suspension ne serait pas accordée et où l'appel serait accueilli. Si le gouvernement devait subir un préjudice irréparable, il faut déterminer quelle partie subirait le préjudice le plus grave par suite de l'octroi de la suspension ou du refus d'accorder la suspension.
[15] Le premier critère exige une appréciation préliminaire provisoire des motifs pour lesquels les appelants soutiendront que la décision visée par l'appel est correcte. Je ne doute pas que ce critère ait été satisfait.
[16] Le deuxième critère exige que je détermine si le refus d'accorder la suspension causerait un préjudice irréparable advenant le cas où l'appel interjeté par le gouvernement serait en fin de compte accueilli. Le préjudice est irréparable s'il ne peut y être remédié ou s'il ne peut pas être quantifié du point de vue monétaire : RJR-Macdonald (supra), à la page 341.
[17] Le gouvernement soutient que l'appel, s'il est accueilli, établira finalement que le tribunal est incapable en tant qu'institution d'assurer une audience équitable et que, si la suspension est refusée, sa participation forcée à l'instance engagée devant le tribunal constituerait un déni irrémédiable de son droit à une audience équitable.
[18] Je ne puis retenir cet argument compte tenu en particulier de la décision que le tribunal a prise d'ajourner l'instance en attendant l'issue de cet appel une fois que la Commission et l'AFPC auront présenté toute leur preuve avant la clôture de l'affaire (à moins que les avocats ne le convainquent que l'instance devrait se poursuivre). Le gouvernement n'a proposé aucun fondement me permettant de conclure que le fait de simplement permettre à la Commission et à l'AFPC de présenter le reste de leur preuve lui causera un préjudice irréparable. À cet égard, je note que le gouvernement n'a pas soutenu que la façon dont il pourrait contre-interroger les autres témoins de la Commission et de l'AFPC, ou que la façon dont il pourrait aborder les arguments relatifs à la preuve, dépendra de l'effet juridique des lignes directrices.
[19] Le gouvernement soutient également qu'advenant le cas où la suspension ne serait pas accordée, mais où l'appel serait en fin de compte accueilli, il aura gaspillé tout son temps et tout son argent en vue de se préparer pour une audience et d'y comparaître (y compris les voyages à Ottawa, où la plupart des audiences ont lieu) et qu'il ne pourrait pas recouvrer les sommes ainsi gaspillées. Je ne suis pas d'accord pour dire que les ressources qui sont inutilement consacrées à un litige causent un préjudice irréparable : Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, [1997] 127 F.T.R. 44, à la p. 56 (C.F. 1re inst.).
[20] Puisque j'ai conclu que le critère relatif au préjudice irréparable n'est pas satisfait, cette demande de suspension de l'instance engagée devant le tribunal est rejetée, sous réserve du droit du gouvernement de présenter une nouvelle demande de suspension si le tribunal décide de continuer à examiner l'affaire après la présentation de la preuve de la Commission et de l'AFPC.
Karen R. Sharlow
J.C.A.
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU DOSSIER : A-13-00
INTITULÉ DE LA CAUSE : LE GOUVERNEMENT DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST
et
l'AFPC et autre
REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES
MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Sharlow en date du 10 janvier 2001
ARGUMENTATION ÉCRITE :
Earl Johnson pour l'appelant
Andrew Raven
David Yazbeck pour l'AFPC, intimée
René Duval
Philippe Dufresne pour la CCDP, intimée
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest
Yellowknife, (T.N.-O.) pour l'appelant
Raven, Allen, Cameron & Ballantyne
Ottawa (Ontario) pour l'AFPC, intimée
Commission canadienne des droits de la personne
Ottawa (Ontario) pour la CCDP, intimée