Date : 20030424
Dossier : A-208-02
A-311-02
Référence : 2003 CAF 192
LE JUGE SEXTON
LE JUGE PELLETIER
ENTRE :
PETER BROWN
appelant
et
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
Audience tenue à Toronto (Ontario), le 3 mars 2003.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 24 avril 2003.
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE ROTHSTEIN
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE SEXTON
LE JUGE PELLETIER
Date : 20030424
Dossier : A-208-02
A-311-02
Référence : 2003 CAF 192
LE JUGE SEXTON
LE JUGE PELLETIER
ENTRE :
PETER BROWN
appelant
et
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] L'appel et l'appel incident dans le dossier du greffe A-208-02 se rapportent à un jugement dans lequel Monsieur le juge Rip, de la Cour de l'impôt, a accueilli en partie, le 13 mars 2002, l'appel interjeté par l'appelant à l'égard de nouvelles cotisations établies pour ses années d'imposition 1993, 1994, 1995 et 1996. L'appel et l'appel incident dans le dossier du greffe A-311-02 se rapportent à une ordonnance par laquelle le juge Rip a adjugé les dépens à l'intimée, le 22 avril 2002, mais a exclu les dépens à l'égard de deux témoins experts.
LES FAITS
Faits se rapportant aux questions de lien de dépendance et d'évaluation
[2] Le 1er octobre 1993, la société de personnes CEG, qui avait été une société en commandite, a été réorganisée en tant que société de personnes. La société de personnes a été établie compte tenu du fait qu'elle devait se procurer auprès des associés les capitaux nécessaires pour acquérir des logiciels pour des jeux vidéo d'American Softworks Corporation (ASC). Par une entente conclue le 1er octobre 1993, la société de personnes CEG s'est engagée à acquérir, à une date sur laquelle les parties devaient s'entendre, mais au plus tard le 31 décembre 1993, les logiciels d'ASC (l'entente relative aux logiciels). Au 31 décembre 1993, 28 associés, y compris l'appelant, s'étaient engagés à acquérir 825 unités dans la société de personnes CEG au prix de 10 000 $ US l'unité, ce qui représentait en tout une somme de 8 250 000 $ US. L'appelant a acquis 80 unités le 31 décembre 1993.
[3] Le 31 décembre 1993, la société de personnes CEG a acheté les logiciels d'ASC pour la somme de 8 170 000 $ US. Elle a payé ce montant en partie en espèces et en partie au moyen d'un billet d'un montant de 4 950 000 $ US, dû le 31 décembre 2003, et portant intérêt au taux annuel de 6 p. 100 (le billet d'acquisition).
[4] Les associés ont payé en espèces pour leurs unités dans la société de personnes CEG, sur une période de six mois, une somme de 4 000 $ l'unité et ont pris en charge, au pro rata, une partie du billet d'acquisition pour la somme de 6 000 $ US l'unité.
Faits relatifs à l'application des dispositions concernant la fraction à risque
[5] Par une entente modifiant la société de personnes conclue le 31 décembre 1995 entre le gérant, CEG Corporation, et tous les autres commandités de la société de personnes CEG, y compris l'appelant, les commandités ont obtenu le droit d'encaisser les unités qu'ils possédaient dans la société de personnes. En vertu du droit d'encaissement, chaque commandité pouvait obliger le gérant à racheter toutes les unités de l'associé le 31 décembre 2003, au prix de 8 000 $ US l'unité. De plus, à condition que les actions ordinaires d'ASC soient inscrites à la Bourse au 31 décembre 2003, un associé qui exerçait son droit d'encaissement aurait droit, le 31 décembre 2003, à une part au pro rata des actions ordinaires d'ASC qui avaient été émises en faveur de la société de personnes CEG.
[6] Par l'entente no 3 conclue le 31 décembre 1995, modifiant l'entente relative aux logiciels, ASC s'engageait envers la société de personnes CEG, entre autres choses, à fournir à cette dernière l'aide financière nécessaire pour permettre à la société de satisfaire aux obligations qui lui incombaient à l'égard du droit d'encaissement. ASC s'engageait en outre à émettre en faveur de la société de personnes CEG le nombre d'actions ordinaires qui était mentionné dans l'entente modifiant la société de personnes, si elles étaient inscrites le 31 décembre 2003.
Déductions demandées par l'appelant
[7] Aux fins de l'appel et de l'appel incident, l'appelant a déduit de son revenu, en 1993 et en 1994, des pertes d'entreprise, y compris la déduction pour amortissement, en se fondant sur le coût d'acquisition des logiciels et sur les dépenses engagées par la société de personnes après avoir tenu compte du revenu. En 1996, l'appelant avait un report prospectif de perte découlant des pertes qu'il avait subies en tant qu'associé de la société de personnes CEG.
[8] Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant et a refusé les déductions demandées.
JUGEMENT DE LA COUR DE L'IMPÔT
[9] Lors de l'appel devant la Cour de l'impôt, le juge de la Cour de l'impôt a tiré les conclusions ci-après énoncées :
a) conformément au paragraphe 251(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e supp.), ch. 1, l'appelant et le vendeur ASC avaient entre eux un lien de dépendance, de sorte que l'alinéa 69(1)a) de la Loi s'appliquait;
b) en vertu de l'alinéa 69(1)a), l'appelant était réputé avoir acquis sa part au pro rata des logiciels d'ASC pour une juste valeur marchande. Le juge de la Cour de l'impôt a conclu que la juste valeur marchande était de 4 128 000 $ CAN, comparativement au coût d'acquisition de 8 170 000 $ US;
c) en vertu du paragraphe 96(2.4) de la Loi, l'appelant était réputé être commanditaire de la société de personnes CEG;
d) le montant à risque de l'intérêt de l'appelant en tant que commanditaire réputé était la partie du prix d'achat des unités qui avait été payée en espèces à 4 000 $ US l'unité, le montant de 6 000 $ US l'unité pris en charge en vertu du billet d'acquisition n'étant pas à risque;
e) l'appelant pouvait à bon droit tenir compte, dans le calcul de son revenu ou de la perte se rapportant à la société de personnes CEG, de la déduction pour amortissement fondée sur la juste valeur marchande de 4 128 000 $ CAN, puisque la juste valeur marchande était inférieure au montant à risque de l'appelant; et
f) l'appelant pouvait à bon droit déduire des frais d'intérêt en 1994 et en 1995 à l'égard des intérêts versés à ASC sur la fraction du billet d'acquisition qu'il avait prise en charge.
ERREURS ALLÉGUÉES
[10] L'appelant affirme que le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur :
a) en concluant que l'appelant et ASC avaient entre eux un lien de dépendance;
b) en concluant que la juste valeur marchande des logiciels était inférieure au prix d'achat de 8 170 000 $ US; et
c) en concluant que le montant à risque de l'appelant était de 4 000 $ US l'unité plutôt que le plein apport à la société de personnes CEG, qui s'élevait à 10 000 $ US l'unité.
[11] Aux fins de l'appel incident qu'il a interjeté, le ministre affirme que le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur en concluant que seul le montant de 6 000 $ US l'unité représenté par la prise en charge du billet d'acquisition n'était pas à risque. Il affirme que le juge de la Cour de l'impôt aurait également dû conclure que le montant de 4 000 $ US l'unité que l'appelant avait payé en espèces n'était pas à risque. Le ministre affirme que l'appelant ne devrait donc pas avoir droit à une déduction à l'égard des pertes relatives à la société de personnes CEG parce que son apport à la société de personnes n'était pas une fraction à risque.
[12] L'appelant et l'intimée interjettent tous deux appel contre la décision que le juge de la Cour de l'impôt a rendue au sujet des dépens.
ANALYSE
Y avait-il absence de lien de dépendance entre la société de personnes CEG et ASC au moment pertinent?
[13] Les parties s'entendent pour dire que le 31 décembre 1993 était la date pertinente aux fins de la détermination de la question du lien de dépendance. À l'audition de l'appel, elles s'entendaient également pour dire que CEG Corporation, le gérant de la société de personnes CEG, et un autre associé avaient un lien de dépendance avec le vendeur ASC. Toutefois, il est soutenu que le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur de droit en concluant que, simplement parce que le vendeur et le gérant ainsi qu'un autre associé avaient entre eux un lien de dépendance, tous les associés, et en particulier l'appelant, avaient eux aussi un lien de dépendance avec ASC.
[14] L'alinéa 69(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit que le contribuable qui a acquis un bien auprès d'une personne avec laquelle il avait un lien de dépendance pour une somme supérieure à la juste valeur marchande au moment de son acquisition est réputé l'avoir acquis pour une somme égale à cette juste valeur marchande. L'alinéa 69(1)a) est ainsi libellé :
69. (1) Sauf disposition contraire expresse de la présente loi : a) le contribuable qui a acquis un bien auprès d'une personne avec laquelle il avait un lien de dépendance pour une somme supérieure à la juste valeur marchande de ce bien au moment de son acquisition est réputé l'avoir acquis pour une somme égale à cette juste valeur marchande; |
69. (1) Except as expressly otherwise provided in this Act, (a) where a taxpayer has acquired anything from a person with whom the taxpayer was not dealing at arm's length at an amount in excess of the fair market value thereof at the time the taxpayer so acquired it, the taxpayer shall be deemed to have acquired it at that fair market value;
|
L'alinéa 69(1)a) est une disposition anti-évitement. Il vise à décourager les parties qui ont entre elles un lien de dépendance de traiter l'une avec l'autre à des prix autres que la juste valeur marchande.
[15] La question de savoir si des personnes non liées traitent entre elles sans qu'il y ait lien de dépendance est une question de fait. L'alinéa 251(1)c) est ainsi libellé :
251. (1) Pour l'application de la présente loi :
[...]
c) [...] la question de savoir si des personnes non liées entre elles n'ont aucun lien de dépendance à un moment donné est une question de fait. |
251. (1) For the purposes of this Act,
...
c) ... it is a question of fact whether persons not related to each other are at a particular time dealing with each other at arm's length. |
[16] Les parties ne sont pas considérées comme n'ayant pas entre elles de lien de dépendance si une personne dicte les conditions du marché pour les deux parties. (Voir Minister of National Revenue c. Merritt Estate, [1969] 2 Ex. C.R. 51, citant le juge Locke dans Canada (Minister of National Revenue) c. Sheldon's Engineering Ltd., [1955] R.C.S. 637.)
[17] Le 1er octobre 1993, les deux associés de la société de personnes CEG étaient Garth Turner et CEG Corporation. M. Turner était l'unique administrateur et actionnaire de CEG Corporation. Il était également l'avocat d'ASC. À l'audience, l'appelant a concédé qu'au 1er octobre 1993, ASC et la société de personnes CEG avaient entre elles un lien de dépendance.
[18] Toutefois, l'appelant affirme que même si l'entente relative aux logiciels stipule qu'elle a été conclue le 1er octobre 1993, l'entente n'a pas réellement été conclue tant que les vingt-huit personnes qui sont devenues des associés ne s'étaient pas engagées à souscrire à des unités de la société de personnes le 31 décembre 1993. En s'engageant à souscrire à des unités de la société de personnes, chaque associé agissait d'une façon indépendante et n'était pas sous le contrôle d'une personne qui agissait ou avait agi pour le compte du vendeur ASC.
[19] Premièrement, en vertu de l'alinéa 96(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, lorsqu'un contribuable est un associé d'une société de personnes, son revenu ou le montant de sa perte est calculé comme si la société de personnes était une personne distincte. L'alinéa 96(1)a) est ainsi libellé :
96. (1) Lorsqu'un contribuable est un associé d'une société de personnes, son revenu, le montant de sa perte autre qu'une perte en capital, de sa perte en capital nette, de sa perte agricole restreinte et de sa perte agricole, pour une année d'imposition, ou son revenu imposable gagné au Canada pour une année d'imposition, selon le cas, est calculé comme si : a) la société de personnes était une personne distincte résidant au Canada; |
96. (1) Where a taxpayer is a member of a partnership, the taxpayer's income, non-capital loss, net capital loss, restricted farm loss et farm loss, if any, for a taxation year, or the taxpayer's taxable income earned in Canada for a taxation year, as the case may be, shall be computed as if
(a) the partnership were a separate person resident in Canada; |
[20] En vertu du paragraphe 96(1), une société de personnes est considérée comme si elle était un contribuable; son revenu ou le montant de sa perte est calculé comme s'il s'agissait d'une personne distincte. Le revenu ou le montant de la perte calculé sera alors attribué à chaque associé en proportion de son intérêt dans la société de personnes. Toute question se rapportant au calcul du montant de la perte de la société, y compris l'effet de toute acquisition ou disposition de bien, doit être tranchée comme si la société était une personne distincte. Lorsque l'acquisition du bien est pertinente, il s'agit de savoir si le vendeur et la société traitaient entre eux sans avoir de lien de dépendance. Lorsqu'une société de personnes est l'une des parties, il s'agit de savoir si l'âme dirigeante de cette société est la même que l'âme dirigeante de l'autre partie à l'opération. Il ne s'agit pas de savoir si un particulier qui a décidé de devenir associé de la société de personnes qui a acquis le bien a décidé d'une façon indépendante de faire partie de la société.
[21] L'appelant s'est fondé sur la décision Chutka c. La Reine, [2001] D.T.C. 5093, pour soutenir qu'il devrait être considéré qu'il a pris sa propre décision compte tenu de ses propres intérêts financiers et que personne ou aucun groupe de personnes n'a décidé de conclure l'entente relative aux logiciels pour le compte de la société de personnes. Selon l'approche préconisée par l'appelant, le calcul du montant de la perte qu'il a subie à l'égard de la société de personnes devrait être déterminé au niveau des associés et non comme si la société était le contribuable. L'appelant affirme qu'étant donné qu'il avait un lien de dépendance avec ASC, l'alinéa 69(1)a) ne s'applique pas.
[22] La présente cour a eu l'occasion d'examiner la décision Chutka dans l'arrêt Deptuck c. La Reine, 2003 CAF 177. Dans l'arrêt Deptuck, la Cour a conclu que rien ne fait obstacle à l'application du paragraphe 69(1) à une société de personnes et que la règle de l'absence de lien de dépendance, soit une règle qui est fondamentale dans le calcul du revenu, s'applique à une société de personnes. Au paragraphe 13, Monsieur le juge Noël a dit ce qui suit :
Toutefois, il semble évident que, considérant le paragraphe 96(1), la règle du lien de dépendance, laquelle intervient à l'étape du calcul du revenu, doit être appliquée à la société de personnes plutôt qu'aux associés. Le paragraphe 96(1) prévoit le simple calcul du revenu au niveau de la société de personnes, lequel exige que le bien de la société de personnes soit maintenu à un coût uniforme [...]
[23] Une fois qu'il est conclu que la société de personnes et le vendeur avaient entre eux un lien de dépendance, les conséquences de cette conclusion s'appliquent à tous les associés, même si, selon les faits, certains d'entre eux n'avaient pas de lien de dépendance avec le vendeur, alors que d'autres avaient avec lui un lien de dépendance. La question de savoir si la société de personnes n'avait aucun lien de dépendance avec le vendeur est une question à trancher compte tenu de la relation existant entre les âmes dirigeantes de chacun au moment où l'opération a été structurée. Une fois que la conclusion est tirée, elle s'applique à tous les associés, même à ceux qui, comme l'appelant, ont subséquemment adhéré à la société. Les faits qui permettent de déterminer la question du lien de dépendance ne changent pas simplement parce que de nouvelles personnes souscrivent à des unités de la société.
[24] Même si l'on retient l'interprétation de l'appelant, à savoir que l'effet obligatoire de l'entente relative aux logiciels dépendait de ce qu'il était souscrit à un nombre suffisant d'unités de la société de personnes, je ne crois pas que cela change quoi que ce soit au fait que les conditions de l'entente avaient été établies lorsque ASC et la société de personnes CEG avaient entre elles un lien de dépendance. Même si les associés qui ont souscrit à des unités ont peut-être fait preuve d'une diligence raisonnable d'une façon indépendante pour s'assurer qu'ils devraient souscrire à des unités de la société de personnes CEG, il est établi qu'ils acceptaient l'entente relative aux logiciels telle qu'elle avait été négociée lorsque la société de personnes CEG et ASC avaient entre elles un lien de dépendance. Dans ces conditions, l'appelant a adhéré à la société de personnes CEG à un moment où la société était déjà partie à une opération entre parties ayant entre elles un lien de dépendance.
[25] Le juge de la Cour de l'impôt s'est fondé sur un certain nombre d'autres faits pour justifier sa conclusion relative au lien de dépendance, mais il n'est pas nécessaire de les examiner.
[26] Rien ne montre que l'appelant ait eu quelque influence à l'égard de l'opération qui avait déjà été négociée entre ASC et la société de personnes CEG, à un moment où ces dernières avaient entre elles un lien de dépendance. Par conséquent, la conclusion du juge de la Cour de l'impôt selon laquelle il y avait un lien de dépendance entre l'appelant et ASC ne devrait pas être modifiée.
Évaluation
[27] Le juge de la Cour de l'impôt a analysé à fond la question de l'évaluation des logiciels. Il a retenu la méthode de la valeur actualisée. Il a apporté certaines modifications aux hypothèses émises par les témoins experts. Enfin, il a conclu que la juste valeur marchande des logiciels au 31 décembre 1993 était de 4 128 000 $ CAN plutôt que le prix d'achat de 8 170 000 $ US payé par la société de personnes CEG.
[28] L'appelant affirme qu'en l'espèce, la détermination de la juste valeur marchande était [traduction] « fort complexe et presque impossible » . Il avance ensuite un certain nombre de raisons pour lesquelles le juge de la Cour de l'impôt aurait dû rejeter certains éléments de preuve et il affirme que, si le juge l'avait fait, il aurait conclu que la juste valeur marchande était à peu près égale au prix d'achat.
[29] Il ressort de l'examen des motifs du juge de la Cour de l'impôt qu'il s'est acquitté de la tâche difficile qui lui incombait d'estimer la juste valeur marchande d'une façon diligente et exhaustive. Il n'est pas soutenu que le juge ne comprenait pas la preuve. Dans ses motifs, le juge de la Cour de l'impôt a expliqué d'une façon passablement détaillée l'analyse qu'il avait effectuée au sujet de la question de l'évaluation. Après qu'une série de téléconférences eurent été tenues et que les deux parties eurent fait leurs commentaires, le juge a rédigé des directives et des motifs à l'appui de directives dans lesquels, entre autres choses, il déterminait la juste valeur marchande des logiciels.
[30] La question de l'évaluation est une question d'appréciation de la preuve présentée par les experts et d'autres éléments de preuve; en l'absence d'une erreur manifeste dominante, la présente cour n'interviendra pas. L'appelant soutient qu'une norme de retenue moins stricte s'applique à l'appréciation par un juge de première instance de la preuve présentée par un expert. Toutefois, depuis que la décision Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, a été rendue, ce n'est plus le cas. Les conclusions de fait et les inférences factuelles d'un juge de première instance, qu'elles se rapportent à la preuve présentée par un expert ou à d'autres éléments de preuve, doivent être examinées selon la norme de l'erreur manifeste dominante. Or, l'appelant n'a pas démontré que le juge de la Cour de l'impôt avait commis une erreur manifeste dominante au sujet de la question de l'évaluation.
[31] L'appelant exprime également son mécontentement à l'égard de la procédure adoptée lors d'une téléconférence qui a été tenue le 18 décembre 2001 parce que, après avoir prononcé ses motifs le 15 novembre 2001, le juge de la Cour de l'impôt devait déterminer la juste valeur marchande des logiciels. Toutefois, l'appelant n'allègue pas que l'équité procédurale n'a pas été respectée et, dans le dossier, rien n'indique qu'il se soit vu refuser la possibilité de participer à la téléconférence. De fait, l'appelant a subséquemment présenté des observations sur les points dont il avait été question au cours de la téléconférence. Je ne puis constater aucune erreur susceptible de révision à l'égard de la procédure adoptée par le juge de la Cour de l'impôt.
Conclusion relative aux questions de lien de dépendance et d'évaluation
[32] L'appelant est d'accord pour dire que si la présente cour ne souscrit pas à sa position à l'égard des questions de lien de dépendance et d'évaluation, l'appel devrait être rejeté. Puisque j'ai conclu que la présente cour ne devrait pas modifier les conclusions du juge de la Cour de l'impôt sur ces points, il est inutile d'examiner les autres arguments invoqués par l'appelant.
[33] En ce qui concerne les questions de lien de dépendance et d'évaluation, l'appel devrait être rejeté.
APPEL INCIDENT
Conclusions du juge de la Cour de l'impôt et position des parties relatives au montant à risque que l'appelant a engagé
[34] Le juge de la Cour de l'impôt a conclu que la fraction du coût des unités de la société de personnes qui a été engagée par l'appelant, représentée par la prise en charge de sa part au pro rata du billet d'acquisition sur la base de 6 000 $ US l'unité, n'était pas un montant à risque. Toutefois, il a conclu que le montant de 4 000 $ US l'unité déjà payé par l'appelant était un montant à risque. Le ministre affirme que le montant au complet de l'apport effectué par l'appelant dans la société de personnes CEG, à savoir un montant de 10 000 $ US l'unité, n'était pas un montant à risque.
[35] Il affirme que l'entente modifiant la société de personnes en date du 31 décembre 1995 prévoyait l'encaissement des unités que l'appelant possédait dans la société de personnes au prix de 8 000 $ US l'unité. L'entente modificatrice no 3 prévoyait qu'ASC fournirait une aide financière à la société de personnes CEG en vue d'honorer l'exercice du droit d'encaissement par les associés. En outre, l'entente modificatrice no 3 stipulait que les associés recevraient des actions d'ASC lorsque celles-ci seraient émises, ce qui selon le ministre valait 2 000 $ US l'unité. Par conséquent, le ministre affirme que le montant en entier de 10 000 $ US l'unité que l'appelant avait apporté à la société de personnes CEG n'était pas un montant à risque. L'appelant ne devrait donc avoir droit à aucune déduction à l'égard des pertes de la société de personnes CEG.
[36] L'appelant affirme que le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur en présumant qu'il était un commanditaire. Il ajoute que même s'il a avec raison été présumé qu'il était commanditaire, l'entente modifiant la société de personnes et l'entente modificatrice no 3 n'influeraient pas sur le montant à risque qu'il avait engagé pour l'année 1993 ou 1994 étant donné que l'entente modifiant la société de personnes et l'entente modificatrice no 3 n'ont commencé à exister que le 31 décembre 1995.
Les dispositions concernant la fraction à risque qui s'appliquent en l'espèce
[37] D'une façon générale, les dispositions concernant la fraction à risque de la Loi de l'impôt sur le revenu restreignent au capital de risque, aux fins de l'impôt, les pertes subies par les commanditaires à l'égard d'une société en commandite. Aux fins de la présente espèce, un commandité est réputé être un commanditaire pour l'application des dispositions concernant la fraction à risque si le commandité a le droit de recevoir un avantage qui supprime ou réduit l'effet d'une perte parce que le commandité est associé de la société de personnes.
[38] Pour déterminer si les dispositions concernant la fraction à risque s'appliquent à l'appelant, il faut d'abord déterminer si, conformément à l'alinéa 96(2.4)b), il est réputé être un commanditaire, et ce, bien qu'il soit commandité dans la société de personnes CEG. Dans l'affirmative, l'alinéa 96(2.2)d) s'applique pour déterminer le montant à risque du contribuable.
[39] Pour l'année d'imposition 1993 de l'appelant, la partie pertinente de l'alinéa 96(2.4)b) était ainsi libellée :
(2.4) Pour l'application du présent article [...] le contribuable qui est, à un moment donné, un associé d'une société de personnes est commanditaire de cette société de personnes [...] si, à ce moment ou dans les trois ans suivants :
[...]
b) soit le contribuable [...] a le droit de recevoir un montant ou avantage visé à l'alinéa (2.2)d) [...] |
(2.4) For the purposes of this section ... a taxpayer who is a member of a partnership at a particular time is a limited partner of that partnership at that time ... if, at that time or within three years after that time,
...
(b) the taxpayer ... is entitled to receive an amount or obtain a benefit that would be described in paragraph (2.2)(d) ... |
[40] Pour l'exercice de l'appelant ayant pris fin après le mois de novembre 1994 et pour les années d'imposition subséquentes, la partie pertinente de l'alinéa 96(2.4)b) était ainsi libellée :
(2.4) Pour l'application du présent article [...], le contribuable qui est, à un moment donné, un associé d'une société de personnes est commanditaire de cette société de personnes si [...] à ce moment ou dans les trois ans suivants :
[...] b) soit l'associé [...] a le droit, immédiat ou futur et absolu ou conditionnel, de recevoir un montant ou un avantage qui serait visé à l'alinéa (2.2)d), [...] |
(2.4) For the purposes of this section ... a taxpayer who is a member of a partnership at a particular time is a limited partner of the partnership at that time ... if, at that time or within 3 years after that time,
... (b) the member ... is entitled, either immediately or in the future et either absolutely or contingently, to receive an amount or to obtain a benefit that would be described in paragraph 96(2.2)(d) ...
|
[41] Pour l'année d'imposition 1993 de l'appelant, la partie pertinente de l'alinéa 96(2.2)d) était ainsi libellée :
d) le montant ou l'avantage que le contribuable [...] a le droit immédiat ou futur, absolu ou conditionnel, de recevoir - sous forme de remboursement, compensation, garantie de recettes, produit de disposition ou autre - et qui est accordé en vue de supprimer ou réduire l'effet d'une perte dont le contribuable serait tenu en tant qu'associé de la société de personnes [...] |
(d) where the taxpayer ... is entitled, either immediately or in the future, et either absolutely or contingently, to receive or obtain any amount or benefit, whether by way of reimbursement, compensation, revenue guarantee or proceeds of disposition or in any other form or manner whatever, granted or to be granted for the purpose of reducing the impact, in whole or in part, of any loss that the taxpayer may sustain by virtue of the taxpayer's being a member of the partnership ...
|
[42] Après le mois de novembre 1994, et pour les années d'imposition subséquentes, la partie pertinente de l'alinéa 96(2.2)d) était ainsi libellée :
(2.2)d) le montant ou l'avantage que le contribuable [...] a le droit, immédiat ou futur et absolu ou conditionnel, de recevoir - sous forme de remboursement, de compensation, de garantie de recettes, de produit de disposition, de prêt ou autre forme de dette ou sous toute autre forme - et qui est accordé en vue de supprimer ou de réduire l'effet d'une perte que le contribuable peut subir en tant qu'associé de la société de personnes [...]
|
(2.2)(d) any amount or benefit that the taxpayer ... is entitled, either immediately or in the future and either absolutely or contingently, to receive or to obtain, whether by way of reimbursement, compensation, revenue guarantee, proceeds of disposition, loan or any other form of indebtedness or in any other form or manner whatever, granted or to be granted for the purpose of reducing the impact, in whole or in part, of any loss that the taxpayer may sustain because the taxpayer is a member of the partnership ... |
[43] Comme nous l'expliquerons ci-dessous, les versions de 1993 et de 1994 de l'alinéa 96(2.4)b) et de l'alinéa 96(2.2)d) mènent au même résultat.
[44] En ce qui concerne en premier lieu la question de savoir s'il était correct de présumer que l'appelant était un commanditaire, le paragraphe 96(2.4) parle du contribuable qui est associé d'une société de personnes « à un moment donné » et « à ce moment » . Le moment en question est n'importe quel moment au cours d'une année d'imposition dans laquelle les pertes que le contribuable cherche à déduire font l'objet d'une restriction en vertu du paragraphe 96(2.1). Aux fins qui nous occupent, le moment en question est n'importe quel moment dans les années d'imposition 1993 et 1994 de l'appelant. Si l'appelant était commanditaire le 31 décembre 1993 ou en 1994, ses pertes de société de personnes admissibles, aux fins de l'impôt sur le revenu, ne peuvent pas excéder son montant à risque à l'égard de la société de personnes CEG dans ces années. La partie pertinente du paragraphe 96(2.1) est ainsi libellée :
(2.1) Malgré le paragraphe (1), dans le cas où un contribuable est commanditaire d'une société de personnes au cours d'une année d'imposition, l'excédent éventuel : a) du total des montants dont chacun représente la part, dont il est tenu, d'une perte de la société de personnes résultant d'une entreprise - à l'exclusion d'une entreprise agricole - ou d'un bien, calculée conformément au paragraphe (1), pour un exercice de la société de personnes se terminant au cours de l'année, sur : b) l'excédent éventuel : (i) de la fraction à risques de l'intérêt du contribuable dans la société de personnes à la fin de l'exercice,sur le total des montants suivants : [...] est à la fois : c) non déductible dans le calcul de son revenu pour l'année; d) exclu du calcul de sa perte autre qu'une perte en capital pour l'année;
e) réputé être la perte comme commanditaire subie par le contribuable dans la société de personnes pour l'année. |
(2.1) Notwithstanding subsection (1), where a taxpayer is, at any time in a taxation year, a limited partner of a partnership, the amount, if any, by which (a) the total of all amounts each of which is the taxpayer's share of the amount of any loss of the partnership, determined in accordance with subsection (1), for a fiscal period of the partnership ending in the taxation year from a business (other than a farming business) or from property exceeds
(b) the amount, if any, by which (i) the taxpayer's at-risk amount in respect of the partnership at the end of the fiscal periodexceeds the total of ... shall (c) not be deducted in computing the taxpayer's income for the year, (d) not be included in computing the taxpayer's non-capital loss for the year, and (e) be deemed to be the taxpayer's limited partnership loss in respect of the partnership for the year.
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Les ententes du 31 décembre 1995 sont-elles pertinentes lorsqu'il s'agit de savoir si l'appelant est réputé être commanditaire?
[45] L'appelant affirme qu'il ne devrait pas être conclu que le paragraphe 96(2.4) a un effet rétroactif. Il affirme que le paragraphe 96(2.4) devrait plutôt être interprété comme reliant la qualité de commanditaire présumé à la survenance de l'événement qui a créé cette qualité. Il déclare que selon cette interprétation, il s'agit de déterminer si l'on savait, le 31 décembre 1993, qu'il aurait le droit d'obtenir des avantages en vertu de l'entente modifiant la société de personnes et de l'entente modificatrice no 3 dans le délai de trois ans qui est prévu par le paragraphe 96(2.4), à savoir au plus tard le 31 décembre 1996. Il affirme qu'étant donné que ces ententes n'ont commencé à exister que le 31 décembre 1995, on ne savait pas qu'il aurait le droit d'obtenir des avantages en vertu des ententes et qu'il ne devrait donc pas être présumé qu'il est commanditaire pour les années d'imposition 1993 et 1994.
[46] L'appelant reconnaît qu'il existe une autre interprétation des mots « dans les trois ans » figurant au paragraphe 96(2.4), à savoir que, si un contribuable se voit accorder le droit de recevoir un avantage dans les trois ans qui suivent l'année dans laquelle il cherche à déduire les pertes de la société de personnes, il est réputé être un commanditaire dans l'année d'imposition pour laquelle il cherche à déduire les pertes. Telle était l'interprétation donnée par le juge de la Cour de l'impôt et par le ministre. Toutefois, l'appelant affirme que l'interprétation qui le favorise est celle qu'il convient de retenir.
[47] Je ne puis retenir l'interprétation du paragraphe 96(2.4) que l'appelant privilégie. Les mots « à un moment donné » en l'espèce se rapportent à n'importe quel moment en 1993, y compris le 31 décembre 1993, et à n'importe quel moment en 1994, étant donné que ce sont les années pour lesquelles l'appelant a cherché à déduire les pertes de la société de personnes. L'entente modifiant la société de personnes et l'entente modificatrice no 3 ont toutes les deux commencé à exister le 31 décembre 1995. Il s'agissait des « trois ans suivants » à l'égard des années dans lesquelles l'appelant a cherché à déduire les pertes de la société de personnes, à savoir les années 1993 et 1994.
[48] L'interprétation que l'appelant privilégie pose deux problèmes. En premier lieu, cela exige que les mots « à un moment donné » et « à ce moment » figurant au paragraphe 96(2.4) s'entendent du moment où l'appelant est devenu associé de la société de personnes CEG. Toutefois, au paragraphe 96(2.4), les mots « à un moment donné » et « à ce moment » se rapportent à l'année d'imposition dans laquelle le contribuable cherche à déduire les pertes de la société de personnes.
[49] En second lieu, l'interprétation de l'appelant ne tient pas compte du fait qu'il existe deux moments différents qui sont mentionnés à l'alinéa 96(2.4)b), l'un étant le moment où le droit à l'avantage prend naissance et l'autre étant le moment où l'avantage est obtenu. L'interprétation de l'appelant a pour effet de réunir les deux moments même si la disposition en question envisage des moments différents.
[50] L'alinéa 96(2.4)b) figurant dans la version de 1993, où sont incorporés entre parenthèses les mots de l'alinéa 96(2.2)d), est ainsi libellé :
[...] dans les trois ans suivants :
[...]
b) [...] le contribuable [...] a le droit de recevoir [...] un avantage (immédiat ou futur).
Ces mots signifient que le droit à l'avantage doit prendre naissance dans les trois ans qui suivent « ce moment » , c'est-à-dire dans les trois ans qui suivent le 31 décembre 1993 ou le 31 décembre 1994. Toutefois, l'avantage peut être obtenu à n'importe quel moment dans l'avenir. Interpréter les mots en question de la façon dont l'appelant le veut aurait pour effet de restreindre les mots « dans l'avenir » à une période de trois ans. Or, cette restriction n'est pas prévue par le libellé de l'alinéa 96(2.4)b), et ce, que ce soit expressément ou implicitement.
[51] Le même problème se pose dans la version de 1994 de l'alinéa 96(2.4)b). La modification prévoit expressément que le droit à l'avantage doit prendre naissance dans les trois ans suivant l'année pour laquelle le contribuable veut déduire ses pertes de la société de personnes, même si l'avantage sera peut-être obtenu à un moment donné dans l'avenir.
[...] dans les trois ans suivants :
[...]
b) [...] l'associé [...] a le droit immédiat ou futur [...] de recevoir [...] un avantage.
[52] En vertu des versions de 1993 et 1994 de l'alinéa 96(2.4)b), le délai de trois ans se rapporte aux trois années qui suivent l'année d'imposition pour laquelle le contribuable cherche à déduire les pertes de la société de personnes. Le contribuable qui se voit accorder le droit de recevoir l'avantage dans les trois ans qui suivent le moment où il cherche à déduire les pertes de la société de personnes est réputé être un commanditaire, et ce, peu importe que l'avantage lui-même soit obtenu immédiatement ou à un moment donné dans l'avenir.
[53] Selon l'interprétation correcte de l'alinéa 96(2.4)b), l'entente modifiant la société de personnes du 31 décembre 1995 et l'entente modificatrice no 3 ont commencé à exister au cours de la période de trois ans qui a suivi le moment où l'appelant a cherché à déduire les pertes de la société de personnes, à savoir le 31 décembre 1993 et le 31 décembre 1994. Cela est donc pertinent lorsqu'il s'agit de déterminer le montant à risque de l'appelant dans la société de personnes CEG.
L'effet des ententes
[54] Quel est donc l'effet de l'entente modifiant la société de personnes et de l'entente modificatrice no 3 sur le montant à risque de l'appelant à l'égard de son apport à la société de personnes CEG? L'alinéa 5b) de l'entente modificatrice no 3 stipulait qu'ASC fournirait à la société de personnes CEG l'aide financière nécessaire pour permettre à cette dernière de satisfaire aux obligations qui lui incombaient à l'égard du droit d'encaissement conféré aux associés par l'entente modifiant la société de personnes. Le droit d'encaissement permettait à l'appelant d'obtenir de la société de personnes un montant de 8 000 $ US l'unité en échange des unités qu'il détenait dans la société.
[55] De plus, en vertu de l'alinéa 5c) de l'entente modificatrice no 3, à l'appui du droit d'encaissement, ASC s'est engagée à émettre en faveur de la société de personnes CEG des actions ordinaires d'ASC représentant le solde du prix d'encaissement qui, de son côté, serait attribué aux associés qui exerçaient leur droit d'encaissement pour des montants proportionnels au nombre d'unités qu'ils possédaient dans la société de personnes.
[56] L'article 5 de l'entente modificatrice no 3 est ainsi libellé :
[TRADUCTION]
5. Encaissement des unités
a) ASC reconnaît que la société de personnes confère en même temps aux associés de la société de personnes (les associés) un droit d'encaissement défini à l'article 5.12 de l'entente relative à la société de personnes, telle qu'elle est modifiée et telle qu'elle prend effet le 31 décembre 1995, dont une copie est jointe à l'annexe A des présentes (le droit d'encaissement), à 8 000 $ US l'unité plus, si l'alinéa c) ci-dessous s'applique, des actions ordinaires d'ASC;
b) ASC s'engage par les présentes, en raison de la modification qui est effectuée en vertu des présentes, à fournir à la société de personnes l'aide financière nécessaire pour permettre à cette dernière de satisfaire aux obligations qu'elle a à l'égard des droits d'encaissement et en tant que garantie continue des obligations qu'elle a envers la société de personnes en vertu du présent alinéa b), ASC donnera en gage les billets d'acquisition des associés qui sont à l'heure actuelle donnés en gage à ASC. Ce gage sera remis à ASC au plus tard le 31 décembre 2003 pour les associés dont les unités n'ont pas été encaissées;
c) De plus, à l'appui du droit d'encaissement, ASC s'engage à émettre en faveur de la société de personnes, conformément aux lois applicables aux valeurs mobilières, pour un montant nominal en espèces, des actions ordinaires d'ASC représentant le solde du prix d'encaissement jusqu'à 1/4 d'un pour cent (dans l'ensemble après dilution totale) du cours de clôture des actions ordinaires négociées d'ASC le 31 décembre 2003 (le nombre exact étant déterminé conformément à la formule prévue). Ces actions ordinaires seront utilisées en tant que partie intégrante du produit payable aux associés en vertu du droit d'encaissement; toutefois, si les actions ordinaires d'ASC ne sont pas cotées en bourse pour négociation publique le 31 décembre 2003, le présent alinéa c) ne s'appliquera pas.
[57] Dans ses motifs, le juge de la Cour de l'impôt a indiqué que le montant à risque de l'appelant était nul. il a subséquemment ajouté à ses motifs un addenda dans lequel il indiquait qu'il ne voulait pas que le montant à risque de l'élément versé en espèces du coût des unités de la société de personnes, à savoir 4 000 $ US l'unité, soit nul, c'est-à-dire que l'élément versé en espèces était un montant à risque. En d'autres termes, il a uniquement conclu qu'un montant de 6 000 $ US l'unité représenté par la prise en charge du billet d'acquisition n'était pas un montant à risque. Étant donné qu'il a conclu que la juste valeur marchande des logiciels représentait uniquement deux pour cent de moins que les apports en espèces effectués dans la société de personnes, qui selon lui étaient un montant à risque, l'appelant avait le droit de déduire les pertes compte tenu du calcul de la juste valeur marchande des logiciels.
[58] L'examen de l'entente modifiant la société de personnes et de l'entente modificatrice no 3 du 31 décembre 1995 permet difficilement de voir pourquoi l'élément versé en espèces au complet du coût des unités de la société de personnes était un montant à risque. Si le droit d'encaissement est pris en compte, le montant de 8 000 $ US l'unité dont les associés peuvent se prévaloir a pour effet de réduire à 2 000 $ US le montant à risque de l'apport de 10 000 $ US l'unité qu'ils ont effectué dans la société de personnes. Le droit d'encaissement, de 8 000 $ US l'unité, permet d'obtenir un avantage aux fins de la réduction de l'effet des pertes que l'appelant peut subir du fait qu'il est associé de la société de personnes CEG. L'aide financière fournie par ASC, conformément à l'entente modificatrice no 3, garantit que le droit d'encaissement sera honoré. Il s'ensuit que le montant de 8 000 $ US l'unité s'applique pour réduire à 2 000 $ US l'unité le montant à risque de l'appelant.
[59] En ce qui concerne les 2 000 $ US restants par unité, le ministre a soutenu que, conformément à l'alinéa 5c), le droit de la société de personnes aux actions d'ASC constituait le produit payable aux associés de CEG en vertu de leurs droits d'encaissement. Ce droit constituait donc un avantage décrit à l'alinéa 96(2.2)d) et le droit aux actions devrait être traité comme représentant le solde de 2 000 $ US l'unité, de sorte que le montant à risque de l'appelant devrait être considéré comme nul.
[60] Il est certain que l'on voulait que les actions viennent s'ajouter au droit au montant de 8 000 $ US l'unité. La preuve fournie par le chef des services financiers d'ASC, W.J. Kosovitch, donne à entendre que celui-ci croyait que les actions qui étaient offertes à la société de personnes auraient une valeur maximale de 2 000 $ l'unité. Toutefois, c'est là une faible preuve de la valeur. Il n'y avait certes aucune façon de savoir quelle serait la capitalisation boursière d'ASC le 31 décembre 2003, date à laquelle les actions, si elles étaient émises, seraient mises à la disposition de la société de personnes CEG.
[61] Je reconnais que le ministre a supposé que le montant à risque de l'appelant dans la société de personnes était nul et qu'implicitement, cela voulait dire que le ministre présumait que les actions valaient 2 000 $ US l'unité. Toutefois, la preuve qui a été présentée au sujet de la valeur des actions m'amène à inférer qu'il n'est tout simplement pas possible d'en déterminer la valeur. J'estime que la preuve qui a été soumise sur ce point démontre que l'avantage relatif aux actions est tout simplement trop vague pour qu'il soit possible de lui attribuer une valeur. L'alinéa 96(2.2)d) est libellé d'une façon générale, mais il me semble que lorsque, selon la preuve, le montant de l'avantage mentionné n'est pas déterminé ou déterminable, l'alinéa 96(2.2)d) ne peut pas s'appliquer. Compte tenu de la preuve qui a été présentée sur ce point, je suis convaincu que la valeur de l'avantage sous forme d'actions que le ministre a présumée est exagérée puisque cette valeur n'est pas déterminable.
[62] Je reconnais qu'en tirant cette conclusion, je soupèse la preuve dont disposait le juge de la Cour de l'impôt. Toutefois, le juge n'a pas examiné la question. Dans ces conditions, il est loisible à la présente cour de le faire. Voir Gronnerud (Tuteurs à l'instance de) c. Succession Gronnerud, 2002 CSC 38, au paragraphe 33.
[63] Je conclus que, compte tenu du fait que l'appelant a droit à 8 000 $ US l'unité en vertu du droit d'encaissement qui lui est conféré par la société de personnes CEG et de l'aide financière fournie par ASC à l'appui du droit d'encaissement, le montant à risque de l'appelant était de 2 000 $ US l'unité.
LES INTÉRÊTS
[64] Le juge Rip a admis les déductions que l'appelant avait effectuées pour les frais d'intérêt en 1994 et en 1995 à l'égard des intérêts versés à ASC sur la fraction du billet d'acquisition prise en charge par l'appelant. Le ministre n'a pas interjeté d'appel incident à l'égard de l'année d'imposition de 1995 de l'appelant et la déduction relative aux intérêts en 1995 n'est donc pas en litige dans le présent appel.
[65] En ce qui concerne l'année 1994, le ministre demande que sa cotisation soit rétablie. Selon la cotisation, la déduction que l'appelant avait effectuée pour les intérêts en 1994 avait été refusée. Les motifs du juge Rip ne renferment pas d'analyse au fond de la question des intérêts et il ne semble pas que la question des intérêts ait sérieusement été en litige devant lui. Devant la présente cour, le ministre n'a présenté aucun argument au fond sur la question des intérêts, que ce soit dans son mémoire ou dans les plaidoiries orales.
[66] En l'absence d'arguments avancés par le ministre au sujet de la raison pour laquelle le juge Rip a commis une erreur (s'il en a commis une) en accueillant la déduction des frais d'intérêt de l'appelant pour l'année 1994, je ne suis pas prêt à présumer qu'une erreur a été commise. Par conséquent, en ce qui concerne la déduction effectuée par l'appelant à l'égard des intérêts en 1994, je rejetterais l'appel interjeté par le ministre.
LES DÉPENS ADJUGÉS PAR LA COUR DE L'IMPÔT
[67] L'appelant et l'intimée interjettent appel contre la décision que le juge de la Cour de l'impôt a rendue au sujet des dépens. Le juge de la Cour de l'impôt a adjugé les dépens à l'intimée, mais il a exclu certains frais des témoins experts.
[68] L'appelant affirme qu'il a en bonne partie eu gain de cause devant la Cour de l'impôt et que le juge de la Cour de l'impôt aurait dû lui adjuger les dépens plutôt que de les adjuger au ministre. Le ministre affirme que le juge de la Cour de l'impôt n'aurait pas dû refuser au ministre les frais de témoin expert qu'il a refusé d'adjuger.
[69] Il est de droit constant que les dépens relèvent du pouvoir discrétionnaire du juge de la Cour de l'impôt; en l'absence d'une conclusion selon laquelle pareil pouvoir discrétionnaire n'a pas été exercé conformément au droit, la Cour ne modifiera pas la décision.
[70] Quant à l'argument selon lequel l'appelant a en bonne partie eu gain de cause devant la Cour de l'impôt, le juge de la Cour de l'impôt a adopté un avis différent. Le juge considérait que le ministre avait en bonne partie eu gain de cause parce que, selon sa conclusion, le montant des déductions demandées par l'appelant avait été réduit d'environ la moitié. Le juge a expressément traité de ce point dans les motifs d'ordonnance qu'il a prononcés au sujet des dépens. Même si cela n'est pas commun, il avait le pouvoir discrétionnaire de tirer la conclusion à laquelle il est arrivé.
[71] Quoi qu'il en soit, puisque la présente cour a accueilli en partie l'appel incident du ministre et a réduit encore plus le montant à risque de l'appelant par rapport à celui qui avait été fixé par le juge de la Cour de l'impôt, le résultat net de l'instance est beaucoup plus favorable au ministre. Rien ne permet de modifier la décision relative aux dépens que le juge de la Cour de l'impôt a rendue en faveur du ministre.
[72] L'appelant affirme qu'il n'aurait pas dû payer certains frais associés au fait que l'instruction avait été tenue en différents endroits. Toutefois, il semble que c'est la demande de l'appelant, qui voulait que l'instruction soit tenue là où la Cour était disponible, qui a occasionné les frais dont l'appelant demande maintenant à être libéré. Je ne ferais pas droit à cette demande.
[73] Quant à l'appel incident que le ministre a interjeté au sujet des frais associés aux deux experts, le juge de la Cour de l'impôt a traité expressément de la question dans les motifs relatifs aux dépens. Le juge a conclu qu'il y avait des lacunes importantes dans les rapports des deux experts. Cela étant, il a conclu que l'appelant ne devrait pas avoir à payer ces rapports.
[74] Le ministre déclare que le critère juridique correct est de savoir si les frais sont raisonnablement nécessaires aux fins de la prise de position d'une partie. Je ne remets pas en question le critère juridique. Toutefois, lorsque les frais des témoins experts sont en cause et qu'il est constaté que les rapports comportent de graves lacunes, il incombe au juge qui préside l'instruction de déterminer dans quelle mesure il imposera à la partie perdante les frais relatifs aux experts.
[75] Je reconnais que le juge de la Cour de l'impôt semble avoir adopté un point de vue plutôt strict en ce qui concerne les frais des deux experts. Toutefois, je ne suis pas convaincu qu'il ait tenu compte de considérations non pertinentes ou qu'il ait omis de tenir compte des considérations pertinentes.
[76] Pour ces motifs, je ne modifierais pas la décision que le juge de la Cour de l'impôt a rendue au sujet des dépens.
CONCLUSION
[77] Je rejetterais l'appel avec dépens. J'accueillerais l'appel incident avec dépens, mais uniquement afin de réduire le montant à risque de l'appelant à 2 000 $ US l'unité. À tous les autres égards, je rejetterais l'appel incident. L'affaire devrait être renvoyée au ministre du Revenu national pour qu'il établisse une nouvelle cotisation conformément aux présents motifs.
[78] Les chiffres employés dans ces motifs sont presque exclusivement exprimés en dollars américains. Étant donné qu'il est préférable que les chiffres, dans le jugement, soient libellés en dollars canadiens et puisqu'il peut y avoir des rajustements en résultant en ce qui concerne le report prospectif de perte fiscale de l'appelant, les parties disposeront d'un délai de 21 jours à compter de la date des présents motifs pour soumettre un projet de jugement en dollars canadiens, y compris les rajustements en résultant au besoin. Si les avocats n'arrivent pas à s'entendre, chacun déposera un projet de jugement ainsi que des observations d'au plus trois pages, à double interligne, et d'au plus 30 lignes par page, expliquant pourquoi il ne souscrit pas au projet de l'avocat de la partie adverse.
[79] L'avocat du ministre soumettra en outre une somme forfaitaire pour les honoraires et les débours relatifs à l'appel, de préférence sur consentement de l'avocat de l'appelant. Si les parties n'arrivent pas à s'entendre au sujet des dépens, chacune présentera des observations d'au plus deux pages, à double interligne, et d'au plus 30 lignes par page, justifiant le projet qui est présenté au sujet des dépens.
« Marshall Rothstein »
Juge
« Je souscris aux présents motifs.
J.Edgar Sexton, juge »
« Je souscris aux présents motifs.
J.D. Denis Pelletier, juge »
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-208-02
A-311-02
INTITULÉ : PETER BROWN
c.
SA MAJESTÉ LA REINE
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 3 MARS 2003
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE ROTHSTEIN
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE SEXTON
LE JUGE PELLETIER
DATE DES MOTIFS : LE 24 AVRIL 2003
COMPARUTIONS:
M. Craig C. Sturrock POUR L'APPELANT
M. David Davies POUR L'APPELANT
M. Michel Mathieu POUR L'INTIMÉE
Mme Lisa Macdonell POUR L'INTIMÉE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Thorsteinssons POUR L'APPELANT
Fiscalistes
Vancouver (C.-B.)
M. Morris Rosenberg POUR L'INTIMÉE
Sous-procureur général du Canada