Date : 20030429
Dossier : A-333-02
Référence : 2003 CAF 194
CORAM : LE JUGE STONE
ENTRE :
ERIC SCHEUNEMAN
appelant
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
intimé
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2003.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2003.
MOTIFS DU JUGEMENT : LA COUR
.
Date : 20030429
Dossier : A-333-02
Référence : 2003 CAF 194
CORAM : LE JUGE STONE
LE JUGE EVANS
LE JUGE MALONE
ENTRE :
ERIC SCHEUNEMAN
appelant
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
intimé
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] M. Scheuneman, l'appelant n'a pas comparu à l'audience d'appel et ne s'est pas fait représenter. L'avocate de la Couronne a informé la Cour qu'elle a en sa possession plusieurs dossiers concernant M. Scheuneman qui, souvent, ne se présente pas aux audiences. La formation a suspendu ses travaux durant quinze minutes au cas où M. Scheuneman aurait été empêché de se présenter à l'heure fixée, soit dix heures. Comme il ne s'est pas manifesté, la formation a procédé à l'étude de sa demande d'ajournement écrite, au sujet de laquelle l'avocate de la Couronne n'a pas pris position.
[2] Nous avons décidé de ne pas donner suite à la demande de M. Scheuneman visant à ajourner l'appel jusqu'à ce que la Cour suprême du Canada statue sur sa requête en autorisation de se pourvoir contre une ordonnance rendue par le juge en chef de la Cour fédérale du Canada. Cette ordonnance rejetait une requête de M. Scheuneman demandant que le présent appel soit entièrement instruit sur dossier.
[3] À notre avis, le pourvoi de M. Scheuneman devant la Cour suprême sur cette question a très peu de chance d'être accueilli. En outre, même s'il l'était, et que la Cour suprême infirmait l'ordonnance du juge en chef, le fait que nous instruisions le présent appel ne lui porterait pas préjudice, car il aurait toujours le loisir de se pourvoir devant la Cour suprême contre une décision défavorable de notre Cour, ou bien de demander à celle-ci de revoir son jugement à la lumière d'une décision de la Cour suprême confirmant la recevabilité de sa requête en « instruction sur dossier » .
[4] Notons également qu'avant de présenter sa demande en autorisation d'appel à la Cour suprême contre l'ordonnance du juge en chef, il avait soumis à deux juges de notre Cour, deux requêtes en ajournement de son appel en raison de son intention de déposer une demande d'autorisation d'appel. Les juges ont rejeté ces requêtes. Le fait qu'il ait sollicité aujourd'hui cette autorisation ne constitue pas à nos yeux une raison d'accueillir une requête déjà par deux fois rejetée.
[5] Passons maintenant au bien-fondé de l'appel. Il s'agit en l'occurrence d'un appel interjeté par Eric Scheuneman d'une décision datée du 20 mai 2002, par laquelle Monsieur le juge Pinard, de la Section de première instance, accueillait une requête du Procureur général visant à faire radier une demande de contrôle judiciaire présentée par M. Scheuneman. Cette demande se rapporte à la décision de la Cour suprême du Canada, datée du 21 juin 2001, concluant au rejet de la demande d'autorisation de M. Scheuneman de porter en appel la décision de notre Cour rendue le 1er décembre 2000, ainsi que le rejet par la Cour suprême, le 1er novembre 2001, de sa requête en réexamen du refus de sa demande d'autorisation d'aller en appel.
[6] M. Scheuneman insiste à dire qu'on a indûment rejeté sa requête en réexamen et sa demande d'autorisation d'appel et requiert de notre Cour qu'elle infirme le refus de ce réexamen et ordonne à la Cour suprême de revoir, conformément à la loi, le rejet de sa demande d'autorisation d'appel.
[7] Ayant soigneusement étudié les pièces versées par les parties, la Cour est unanimement d'avis qu'il faudrait rejeter le présent appel. Comme la demande de contrôle judiciaire de M. Scheuneman n'a aucune chance d'être accueillie, le juge a radié, à juste raison, cette demande : voir David Bull Laboratories (Can.) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588 (C.A.). La demande devait nécessairement échouer vu que la Cour suprême du Canada n'est pas « un office fédéral » au sens des articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7. Ses décisions et ordonnances ne peuvent donc faire l'objet d'un contrôle judiciaire par la Cour fédérale.
[8] Dans ses observations écrites au soutien de sa demande, M. Scheuneman fait valoir que la compétence de la Cour suprême du Canada se fonde sur la Loi sur la Cour suprême, L.R.C.,ch. S-19, une loi fédérale, et, partant, que la définition de « office fédéral, conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale » , objet du paragraphe 2(1) de la Loi sur la Cour fédérale lui est applicable. Il déclare en outre que si les juges nommés aux termes de l'article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867 sont expressément exclus de la définition de « office fédéral, conseil, bureau, commission ou autre organisme » au même paragraphe 2(1), aucune exclusion semblable ne vise les juges de la Cour suprême du Canada qui sont nommés aux termes de l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.
[9] Il poursuit en disant que n'était-ce cette exemption particulière, la définition figurant au paragraphe 2(1) de la Loi sur la Cour fédérale se serait étendue aux juges nommés en vertu de l'article 96. Par conséquent et en l'absence d'une telle exclusion les concernant, les juges de la Cour suprême s'inscrivent dans la définition de « office fédéral, conseil, bureau, commission ou autre organisme » . M. Scheuneman affirme, d'autre part, qu'il est contraire à la règle de droit qu'un tribunal ou une cour quelconque, y compris la Cour suprême du Canada, puisse rendre des décisions, notamment celle de rejeter une requête en réexamen, qui privent illégalement les individus de leurs garanties juridiques ou constitutionnelles sans bénéfice pour eux d'un quelconque droit d'appel ou de contrôle.
[10] La Cour est convaincue qu'il faut rejeter cet argument. À notre avis, il serait tellement absurde d'étendre à la Cour suprême du Canada la définition de « office fédéral, conseil, bureau, commission ou autre organisme » que le législateur n'a pas cru nécessaire d'en exclure expressément les juges de cette Cour. L'organisation judiciaire au Canada et ailleurs est de nature hiérarchique. Au Canada, la Cour suprême siège au sommet de notre ordre judiciaire. Sous réserve de son pouvoir discrétionnaire résiduel de revoir ses propres décisions (R. c. Hinse, [1997] 1 R.C.S. 3), les arrêts de cette Cour (y compris les décisions de ne pas revenir sur une demande d'autorisation) sont définitives et sans appel : article 52 de la Loi sur la Cour suprême du Canada. Ils ne sont pas susceptibles d'appel. Interpréter la définition de « office fédéral, conseil, bureau, commission ou autre organisme » de façon à y inclure la Cour suprême du Canada et permettre ainsi à la Cour fédérale de revoir les arrêts de ladite Cour, porterait atteinte au caractère définitif de ses décisions et renverserait l'ordre hiérarchique des tribunaux judiciaires.
[11] Si, comme le soutient M. Scheuneman, la Cour fédérale pouvait revoir un arrêt ou une ordonnance de la Cour suprême du Canada, la décision qu'elle prendrait serait elle-même sujette à pourvoi devant l'instance judiciaire suprême. De plus, advenant que celle-ci rejette l'autorisation d'appel, ce refus pourrait théoriquement faire lui aussi l'objet d'une nouvelle demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale. Il serait absurde d'interpréter la Loi sur la Cour fédérale comme donnant compétence à la Cour de revoir la décision d'un organisme, alors que le résultat de ce contrôle pourrait ensuite être porté en appel devant le même organisme auteur de la décision sous examen. Le litige n'aurait plus de fin.
[12] M. Scheuneman a contesté, sans succès, son congédiement par la Couronne devant un arbitre dont la décision a fait l'objet de contrôle par les deux sections de la Cour fédérale. De même, il n'a pas réussi à persuader la Cour suprême d'entendre son pourvoi ou de revoir sa décision de lui refuser l'autorisation d'appel. Même s'il est peut-être en désaccord sur toutes les décisions rendues en l'espèce, M. Scheuneman ne peut plausiblement affirmer que sa cause n'a pas été pleinement entendue. Nul n'est en droit d'utiliser les ressources limitées du public en vue de poursuivre indéfiniment une action quelle que soit l'importance que peuvent revêtir les questions en cause pour l'intéressé. L'irrévocabilité est un élément indispensable de tout système de justice.
[13] Pour ces motifs, l'appel sera rejeté avec dépens fixés à 1 000 $ incluant les débours.
« A.J. Stone »
Juge
« John M. Evans »
Juge
« B. Malone »
Juge
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION D'APPEL
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-333-02
INTITULÉ : ERIC SCHEUNEMAN
c.
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : le 29 avril 2003
MOTIFS DU JUGEMENT : le juge Stone
le juge Evans
le juge Malone
DATE DES MOTIFS : le 29 avril 2003
COMPARUTIONS :
Marie-Josée Montreuil POUR L'INTIMÉ
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Eric Scheuneman APPELANT,
POUR SON PROPRE COMPTE
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada POUR L'INTIMÉ
Date : 20030429
Dossier : A-333-02
Ottawa (Ontario), le 29 avril 2003
CORAM : LE JUGE STONE
LE JUGE EVANS
LE JUGE MALONE
ENTRE :
ERIC SCHEUNEMAN
appelant
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
intimé
JUGEMENT
L'appel est rejeté avec dépens fixés à 1 000 $ incluant les débours.
« A.J. Stone »
Juge
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.