Date : 20031216
Dossier : A-620-02
Référence : 2003 CAF 479
CORAM : LA JUGE DESJARDINS
ENTRE :
SMX SHOPPING CENTRE LTD.
appelante
et
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 23 octobre 2003.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 16 décembre 2003.
MOTIFS DU JUGEMENT : LA JUGE SHARLOW
Y ONT SOUSCRIT : LA JUGE DESJARDINS
LE JUGE DÉCARY
Date : 20031216
Dossier : A-620-02
Référence : 2003 CAF 479
CORAM : LA JUGE DESJARDINS
ENTRE :
SMX SHOPPING CENTRE LTD.
appelante
et
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] Il s'agit d'un appel interjeté par SMX Shopping Centre Ltd. contre un jugement par lequel la Cour de l'impôt a rejeté, le 8 octobre 2002, un appel d'une nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1. La décision de la Cour de l'impôt est publiée sous l'intitulé SMX Shopping Centre Ltd. c. Canada, [2002] A.C.I. no 698 (QL), 2003 D.T.C. 487, [2003] C.T.C. 2672 (C.C.I.). La seule question dont la Cour est ici saisie est de savoir si la nouvelle cotisation a été établie dans le délai imparti par la loi.
Les faits
[2] SMX est une société résidant au Canada à des fins fiscales. Les actions de SMX sont immatriculées aux noms de M. Amir Malekyazdi et de sa conjointe, Mme Mahin-Touss Malekyazdi, qui pendant la période pertinente vivaient en France. Monsieur et Madame Malekyazdi détenaient les actions en fiducie pour leurs quatre enfants adultes, qui vivaient au Canada. Le juge de la Cour de l'impôt désigne les quatre enfants comme titulaires des actions. Je suppose qu'il veut dire qu'ils en sont les propriétaires bénéficiaires. Monsieur Malekyazdi et son fils Shahram sont administrateurs de SMX. Shahram Malekyazdi était l'unique témoin devant la Cour de l'impôt.
[3] Il est affirmé pour le compte de SMX qu'en 1993, SMX s'est lancée dans une entreprise avec une société iranienne connue sous le nom de Golbanoo Canning Company Limited. Golbanoo comptait deux actionnaires, qui possédaient chacun 50 p. 100 des actions. L'un de ces actionnaires était M. Moussavizadeh, le frère de Mme Malekyazdi. L'autre actionnaire était M. Nahavandi, avec qui M. Malekyazdi entretenait des relations d'affaires. Rien ne montrait qu'il existait un lien de parenté entre M. Nahavandi et un membre de la famille Malekyazdi.
[4] Selon SMX, la coentreprise dans laquelle Golbanoo était en cause s'occupait d'acquérir, en Espagne, des tonneaux aseptiques contenant du concentré de tomates, lesquels devaient être exportés en Iran pour y être vendus. SMX a affirmé que la coentreprise avait échoué en 1994 à cause de la conjoncture difficile, ce qui a entraîné pour SMX une perte de 1 180 542 $.
[5] En produisant ses déclarations de revenu pour les années 1993 et 1994, SMX a déduit les frais de gestion versés à Amir Malekyazdi, d'un montant de 85 500 $ en 1993 et de 42 500 $ en 1994, pour les services rendus à l'égard de la coentreprise Golbanoo. Pour l'année 1994, SMX a également déduit la somme de 1 180 542 $ au titre de la perte subie à l'égard de la coentreprise Golbanoo. Les déductions relatives à l'année 1994 ont entraîné une perte autre qu'en capital pour cette année-là.
[6] La déclaration de revenu de SMX pour l'année 1993 a initialement fait l'objet d'une cotisation le 5 août 1995. SMX a déduit en 1993 la perte autre qu'en capital qu'elle avait subie en 1994, laquelle a été admise au moyen d'une nouvelle cotisation en date du 28 septembre 1995.
[7] Le ministre a par la suite examiné les déclarations de 1993 et de 1994 et a conclu que les frais de gestion et la perte subie par la coentreprise Golbanoo n'étaient pas déductibles; il a établi de nouvelles cotisations en conséquence à l'égard des deux déclarations le 9 novembre 1998. Le refus d'admettre les déductions relatives aux frais de gestion engagés en 1994 et à la perte subie par la coentreprise Golbanoo a entraîné la réduction de la perte autre qu'en capital relative à l'année 1994 et une réduction connexe, en 1993, à l'égard du report rétrospectif de la perte autre qu'en capital relative à l'année 1994.
[8] Les nouvelles cotisations ont eu pour effet d'augmenter la dette fiscale de SMX pour l'année 1993. Il n'y a pas eu de changement dans l'impôt exigible pour l'année 1994. SMX a interjeté appel contre les deux nouvelles cotisations devant la Cour de l'impôt. Étant donné qu'il n'y avait pas d'impôt exigible pour l'année 1994, la Cour de l'impôt était uniquement saisie de la nouvelle cotisation relative à l'année 1993. La Cour de l'impôt a rejeté l'appel; SMX interjette maintenant appel devant la présente cour.
[9] La question préliminaire dont était saisie la Cour de l'impôt, et la seule question qui est soulevée devant la présente cour, est de savoir si la nouvelle cotisation du 9 novembre 1998 relative à l'année 1993 a été établie en dehors du délai imparti.
Analyse
[10] La plupart des règles régissant les cotisations et les nouvelles cotisations figurent à l'article 152 de la Loi de l'impôt sur le revenu. L'article 152 est long, et il a été modifié à maintes reprises au fil des ans. En examinant la façon dont l'article 152 s'applique dans un cas particulier, il faut veiller à se reporter à la bonne version. En l'espèce, la version applicable est celle qui était en vigueur après l'adoption de la loi figurant dans L.C. 1998, ch. 19 (dont les parties pertinentes s'appliquent après le 27 avril 1989).
[11] Le paragraphe 152(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu traite du pouvoir du ministre d'établir une nouvelle cotisation à l'égard de l'impôt exigible pour une année d'imposition particulière. Le début du paragraphe 152(4) confère au ministre le pouvoir illimité d'établir une nouvelle cotisation pendant la « période normale de nouvelle cotisation » , expression qui est définie au paragraphe 152(3.1). Les alinéas 152(4)a) et b) limitent le pouvoir du ministre d'établir une nouvelle cotisation après la période normale de nouvelle cotisation.
[12] La période normale de nouvelle cotisation pour une année d'imposition particulière commence à la date de la première cotisation pour cette année-là, ou à la date de la première notification indiquant qu'aucun impôt n'est exigible pour cette année, selon l'événement qui se produit en premier lieu. La période normale de nouvelle cotisation prend fin quatre ans plus tard si le contribuable est une fiducie de fonds communs de placement ou une société autre qu'une société privée à contrôle canadien, ou trois ans plus tard dans tout autre cas.
[13] Les actions de SMX ont été immatriculées aux noms d'Amir Malekyazdi et de sa conjointe, qui sont tous deux non-résidents, mais il ne semble pas être contesté que, pour l'année d'imposition 1993 de SMX, la période normale de nouvelle cotisation était de trois ans à compter de la date de la cotisation d'impôt initiale pour cette année-là. Je suppose que SMX a déclaré être une société privée dont le contrôle est canadien au moment pertinent, et que le ministre en a convenu.
[14] La déclaration de revenu de 1993 de SMX a fait l'objet d'une cotisation pour la première fois le 9 août 1995. La période normale de nouvelle cotisation a donc expiré le 9 août 1998. La nouvelle cotisation visée par l'appel a été établie le 9 novembre 1998. Elle a été établie trop tardivement, à moins que les alinéas 152(4)a) ou b) ne permettent la chose.
[15] L'alinéa 152(4)a) permet l'établissement d'une nouvelle cotisation n'importe quand dans la mesure où le degré nécessaire de fraude ou de négligence est établi, ou dans la mesure où le contribuable a formellement renoncé à son droit d'invoquer un délai de prescription. Le ministre n'a pas fait d'allégation qui pourrait étayer l'application de l'alinéa 152(4)a).
[16] L'alinéa 152(4)b) permet l'établissement de nouvelles cotisations dans les trois ans qui suivent l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation (je désignerai cette période comme étant la « période prorogée de nouvelle cotisation » ). Pour l'année d'imposition 1993 de SMX, la période prorogée de nouvelle cotisation a expiré le 9 août 2001. La nouvelle cotisation visée par l'appel est datée du 9 novembre 1998. Cette nouvelle cotisation peut donc uniquement être maintenue dans la mesure où l'alinéa 152(4)b) le permet.
[17] Le ministre a soutenu devant la Cour de l'impôt que le sous-alinéa 152(4)b)(iii), dont les parties pertinentes sont ci-après reproduites, autorisait l'établissement de la nouvelle cotisation visée par l'appel :
152. (4) [...] Pareille cotisation ne peut être établie après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année que dans les cas suivants : |
152. (4) ... an assessment, reassessment or additional assessment may be made after the taxpayer's normal reassessment period in respect of the year only if |
[...] |
... |
b) la cotisation est établie avant le jour qui suit de trois ans la fin de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année et, selon le cas : |
(b) the assessment, reassessment or additional assessment is made before the day that is 3 years after the end of the normal reassessment period for the taxpayer in respect of the year and |
[...] |
... |
(iii) est établie par suite de la conclusion d'une opération entre le contribuable et une personne non résidente avec laquelle il avait un lien de dépendance [...] |
(iii) is made as a consequence of a transaction involving the taxpayer and a non-resident person with whom the taxpayer was not dealing at arm's length ... |
[18] Aux termes du sous-alinéa 152(4)b)(iii), il convient de se demander s'il y a lieu, « par suite de la conclusion d'une opération entre le contribuable et une personne non résidente avec laquelle il avait un lien de dépendance » d'établir une cotisation ou une nouvelle cotisation à l'égard de l'impôt du contribuable pour une année d'imposition pertinente. Dans l'affirmative, la nouvelle cotisation peut être établie pendant la période prorogée de nouvelle cotisation mais, selon le sous-alinéa 152(4.01)b)(iii), uniquement dans la mesure où la nouvelle cotisation peut avec raison être considérée comme se rapportant à l'opération mentionnée au sous-alinéa 152(4)b)(iii).
[19] Les cas dans lesquels les parties sont considérées, à des fins fiscales, comme n'ayant pas entre elles de lien de dépendance sont énoncés au paragraphe 251(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu qui, pendant la période pertinente, était ainsi libellé :
251. (1) Pour l'application de la présente loi : |
251. (1) For the purposes of this Act, |
a) des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance; |
(a) related persons shall be deemed not to deal with each other at arm's length; and |
b) la question de savoir si des personnes non liées entre elles n'avaient aucun lien de dépendance à un moment donné est une question de fait. |
(b) it is a question of fact whether persons not related to each other are at a particular time dealing with each other at arm's length. |
[20] Le paragraphe 251(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu précise les liens qui doivent exister entre des personnes pour qu'elles soient considérées comme étant liées entre elles à des fins fiscales. L'alinéa 251(2)a) prévoit que les personnes qui sont liées par le sang, par le mariage ou par l'adoption sont liées entre elles. Par conséquent, Amir Malekyazdi, sa conjointe, Mahin-Touss Malekyazdi, et leurs quatre enfants sont liés entre eux. Une société est liée à chaque membre d'un groupe lié qui la contrôle (sous-alinéa 251(2)b)(ii)) et est également liée à toute personne qui est liée à un membre de ce groupe lié (sous-alinéa 251(2)b)(iii)). Un groupe lié est défini au paragraphe 251(4) comme un groupe de personnes dont chaque membre est lié à tous les autres membres. Le « contrôle » dans ce contexte est un contrôle de droit. En ce qui concerne SMX, c'est un groupe lié composé d'Amir Malekyazdi et de sa conjointe, Mahin-Touss Malekyazdi, qui sont légalement propriétaires des actions de SMX, ou leurs quatre enfants, qui sont propriétaires bénéficiaires de ces actions, qui exerce un contrôle de droit sur la société. Dans un cas comme dans l'autre, SMX est liée à Amir Malekyazdi.
[21] SMX a concédé avec raison que le ministre était autorisé à établir une nouvelle cotisation à son égard, pendant la période prorogée de nouvelle cotisation, en vue de refuser la déduction des frais de gestion. SMX devait apparemment verser les frais de gestion à Amir Malekyazdi, qui résidait en France. Par conséquent, le paiement des frais effectué en faveur de M. Malekyazdi constituait une opération entre SMX et M. Malekyazdi, une personne non résidente avec qui SMX avait un lien de dépendance. Il s'ensuit que le ministre pouvait à bon droit établir une nouvelle cotisation pendant la période prorogée de nouvelle cotisation en vue de refuser la déduction des frais de gestion.
[22] Toutefois, SMX soutient qu'il n'en va pas de même pour le refus de la déduction de la perte autre qu'en capital de 1994 qui découlait de la perte subie par la coentreprise Golbanoo. Le juge de la Cour de l'impôt n'était pas d'accord avec SMX sur ce point, et il a également conclu que SMX n'avait pas établi qu'elle avait subi la perte alléguée, ou que les montants qui représentaient apparemment les frais de gestion étaient des montants payés aux fins de la réalisation d'un revenu. Il a rejeté l'appel interjeté par SMX pour ce motif.
[23] Devant la présente cour, l'avocat de SMX a invoqué deux arguments à l'appui de la prétention selon laquelle le sous-alinéa 152(4)b)(iii) n'autorisait pas l'établissement de la nouvelle cotisation. En premier lieu, il a soutenu que le ministre ne s'était pas acquitté de l'obligation qu'il avait de prouver que la perte subie par la coentreprise Golbanoo était attribuable à une opération conclue entre SMX et une personne avec qui SMX n'avait pas de lien de dépendance. En second lieu, il a soutenu qu'une fois que le juge de la Cour de l'impôt avait conclu que SMX n'avait pas subi la perte relative à la coentreprise Golbanoo, il n'y avait pas d'opération qui pouvait servir de fondement pour l'application du sous-alinéa 152(4)b)(iii).
[24] Le deuxième argument n'est pas fondé. Dans le contexte du sous-alinéa 152(4)b)(iii) de la Loi de l'impôt sur le revenu, le mot « opération » doit être interprété comme comprenant une opération qui, selon le contribuable, constitue le fondement factuel d'une déduction qui est faite dans une déclaration de revenu. Ainsi, si le contribuable affirme avoir droit à une déduction pour des frais particuliers qu'il a engagés, et si le paiement des frais (à supposer qu'ils aient été engagés) met en cause le contribuable et une personne non résidente avec qui le contribuable avait un lien de dépendance, le ministre est légalement autorisé à établir une nouvelle cotisation, pendant la période prorogée de nouvelle cotisation, en vue de refuser la déduction. Ce pouvoir légal ne disparaît pas si le contribuable nie par la suite que les frais ont été engagés ou qu'il omet de prouver qu'ils ont été engagés.
[25] En l'espèce, SMX a déduit un montant de 1 180 542 $, représentant apparemment les frais engagés par SMX dans le cadre de l'exploitation de la coentreprise qui avait échoué. SMX a tenté de prouver qu'Amir Malekyazdi avait fait en sorte que ces frais soient engagés envers Golbanoo pour le compte de SMX, et que Golbanoo avait dépensé et perdu l'argent dans le cadre de l'exploitation de la coentreprise. Ces présumés frais se rapportaient aux opérations sur lesquelles SMX fondait sa déduction, et ils se rapportaient donc également aux opérations qui permettent au ministre de se fonder sur le sous-alinéa 152(4)b)(iii) pour refuser la déduction en établissant une nouvelle cotisation pendant la période prorogée de nouvelle cotisation.
[26] L'autre argument invoqué par SMX est plus substantiel. Il exige l'examen du lien existant entre SMX et Golbanoo. Ces deux sociétés sont réputées, par suite de l'alinéa 251(1)a), ne pas avoir entre elles de lien de dépendance si elles sont « liées entre elles » à des fins fiscales, et elles sont liées entre elles uniquement si le lien est l'un des liens décrits à l'alinéa 251(2)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui est ainsi libellé :
251.(2) Pour l'application de la présente loi, soit des « personnes liées » ou des personnes liées entre elles : |
251.(2) For the purpose of this Act, "related persons", or persons related to each other, are |
[...] |
... |
c) deux sociétés : |
(c) any two corporations |
(i) si elles sont contrôlées par la même personne ou le même groupe de personnes, |
(i) if they are controlled by the same person or group of persons, |
(ii) si chacune des sociétés est contrôlée par une personne et si la personne contrôlant l'une des sociétés est liée à la personne qui contrôle l'autre société, |
(ii) if each of the corporations is controlled by one person and the person who controls one of the corporations is related to the person who controls the other corporation, |
(iii) si l'une des sociétés est contrôlée par une personne et si cette personne est liée à un membre d'un groupe lié qui contrôle l'autre société, |
(iii) if one of the corporations is controlled by one person and that person is related to any member of a related group that controls the other corporation, |
(iv) si l'une des sociétés est contrôlée par une personne et si cette personne est liée à chaque membre d'un groupe non lié qui contrôle l'autre société, |
(iv) if one of the corporations is controlled by one person and that person is related to each member of an unrelated group that controls the other corporation, |
(v) si l'un des membres d'un groupe lié contrôlant une des sociétés est lié à chaque membre d'un groupe non lié qui contrôle l'autre société, |
(v) if any member of a related group that controls one of the corporations is related to each member of an unrelated group that controls the other corporation, or |
(vi) si chaque membre d'un groupe non lié contrôlant une des sociétés est lié à au moins un membre d'un groupe non lié qui contrôle l'autre société. |
(vi) if each member of an unrelated group that controls one of the corporations is related to at least one member of an unrelated group that controls the other corporation. |
[27] Lors de l'audition de l'appel, la question de savoir si le ministre avait la charge de prouver que les deux sociétés étaient liées ou si c'était SMX qui était chargée de prouver que les deux sociétés n'étaient pas liées a été vivement débattue. Le résultat de certains appels de nature fiscale peut bien dépendre de la résolution de cette question, mais pas dans ce cas-ci.
[28] En l'espèce, la preuve établit (1) que ni l'une ni l'autre société n'est contrôlée par une seule personne, (2) que les deux sociétés ne sont pas contrôlées par le même groupe de personnes, et (3) que SMX est contrôlée par un groupe lié (les membres de la famille Malekyazdi), mais que Golbanoo ne l'est pas. Le juge de la Cour de l'impôt a donc commis une erreur en concluant que SMX et Golbanoo sont liées entre elles à des fins fiscales. Il s'ensuit que ces deux sociétés ne sont pas réputées, selon l'alinéa 251(1)a), ne pas avoir entre elles de lien de dépendance.
[29] Par conséquent, le sous-alinéa 152(4)b)(iii) de la Loi de l'impôt sur le revenu ne permet pas au ministre d'établir une nouvelle cotisation à l'égard de la déclaration de 1993 de SMX en vue de refuser la déduction de la perte de la coentreprise Golbanoo pendant la période prorogée de nouvelle cotisation.
Lien de dépendance factuel
[30] À l'audition de l'appel, l'avocate du ministre a soutenu qu'il est loisible à la Cour de déterminer si, en fait, SMX et Golbanoo avaient entre elles un lien de dépendance. Elle a mentionné l'alinéa 251(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (parfois désigné sous le nom de « règle relative au lien de dépendance factuel » ), qui est ci-dessus cité.
[31] Cet argument est fondé sur les conclusions de fait tirées par le juge de la Cour de l'impôt dans le contexte d'une question différente, à savoir si SMX avait de fait subi la perte qu'elle alléguait avoir subie. Aucun des éléments de preuve présentés devant la Cour de l'impôt ne visait à établir si la règle relative au lien de dépendance factuel pouvait s'appliquer. C'est sans doute parce que SMX ne savait pas avant l'instance engagée devant la Cour de l'impôt que la règle relative au lien de dépendance factuel serait invoquée. La règle relative au lien de dépendance factuel ne figure pas dans les plaidoiries qui ont été présentées devant la Cour de l'impôt. La règle a été invoquée par l'avocate du ministre dans l'argumentation finale qu'elle a présentée devant la Cour de l'impôt, apparemment sans que l'avocat de SMX s'y oppose, mais le juge de la Cour de l'impôt n'a pas examiné cet argument. Il ne dit pas s'il a refusé de l'examiner parce qu'il jugeait inutile de le faire, ou parce que l'argument n'avait pas été invoqué dans les plaidoiries.
[32] Dans certains cas, un nouvel argument peut être soulevé pour la première fois devant la présente cour. En général, cela peut se faire si l'argument est étayé par la preuve versée au dossier, et si l'autre partie ne subit pas de préjudice du fait qu'elle n'a pas eu la possibilité de soumettre des éléments de preuve qui pourraient, s'ils étaient retenus, réfuter l'argument. Habituellement, c'est ce qui arrive si le nouvel argument porte purement sur un point de droit. De toute évidence, l'application de la règle relative au lien de dépendance factuel figurant à l'alinéa 251(5)b) peut aller jusqu'à viser une question mixte de fait et de droit. À mon avis, il est impossible de dire que SMX ne subirait aucun préjudice si la présente cour tenait compte de l'argument du ministre selon lequel la règle relative au lien de dépendance factuel s'applique en l'espèce. Je refuse donc d'examiner cet argument.
Nouvelle cotisation pendant la période prorogée de nouvelle cotisation concernant la réduction d'une perte autre qu'en capital
[33] Une autre nouvelle question a été soulevée dans le cadre de la requête présentée devant la Cour, compte tenu des faits ci-après énoncés établis selon le dossier : (1) SMX a produit ses déclarations de revenu pour les années 1993 et 1994; (2) la déclaration de 1993 a initialement fait l'objet d'une cotisation le 5 août 1995; (3) une perte autre qu'en capital a été déclarée dans la déclaration de 1994; (4) la déduction de cette perte autre qu'en capital a été demandée pour l'année 1993 (les reports de perte rétrospectifs sont autorisés en vertu de l'article 111); (5) la déduction de 1993 pour la perte autre qu'en capital de 1994 a été admise au moyen de la nouvelle cotisation du 28 septembre 1995; (6) la déduction de la perte autre qu'en capital a été refusée au moyen de la nouvelle cotisation en date du 8 novembre 1998 qui fait l'objet du présent appel.
[34] Compte tenu de ces faits, il s'agit de savoir si le ministre pouvait à bon droit établir une nouvelle cotisation pour l'année 1993 pendant la période prorogée de nouvelle cotisation en vue de refuser la déduction de la perte autre qu'en capital de 1994 à cause de l'application combinée du sous-alinéa 152(4)b)(i), du sous-alinéa 152(4.01)b)(i) et de l'alinéa 152(6)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Les parties pertinentes de ces dispositions sont ainsi libellées :
152. (4) [...] Pareille cotisation ne peut être établie après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année que dans les cas suivants : |
152. (4) ... an assessment, reassessment or additional assessment may be made after the taxpayer's normal reassessment period in respect of the year only if |
[...] |
... |
b) la cotisation est établie avant le jour qui suit de trois ans la fin de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année et, selon le cas : |
(b) the assessment, reassessment or additional assessment is made before the day that is 3 years after the end of the normal reassessment period for the taxpayer in respect of the year and |
(i) est à établir en conformité au paragraphe (6) ou le serait si le contribuable avait déduit un montant en présentant le formulaire prescrit visé à ce paragraphe au plus tard le jour qui y est mentionné, [...] |
(i) is required pursuant to subsection 152(6) or would be so required if the taxpayer had claimed an amount by filing the prescribed form referred to in that subsection on or before the day referred to therein, .... |
152. (4.01) Malgré les paragraphes (4) et (5), la cotisation, la nouvelle cotisation ou la cotisation supplémentaire à laquelle s'appliquent les alinéas [...] b) relativement à un contribuable pour une année d'imposition ne peut être établie après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année que dans la mesure où il est raisonnable de considérer qu'elle se rapporte à l'un des éléments suivants : [...] |
152. (4.01) Notwithstanding subsections 152(4) and 152(5), an assessment, reassessment or additional assessment to which paragraph ... 152(4)(b) applies in respect of a taxpayer for a taxation year may be made after the taxpayer's normal reassessment period in respect of the year to the extent that, but only to the extent that, it can reasonably be regarded as relating to, ... |
b) en cas d'application de l'alinéa (4)b) : |
(b) where paragraph 152(4)(b) applies to the assessment, reassessment or additional assessment, |
(i) la cotisation, la nouvelle cotisation ou la cotisation supplémentaire à laquelle s'applique le sous-alinéa (4)b)(i) [...] |
(i) the assessment, reassessment or additional assessment to which subparagraph 152(4)(b)(i) applies .... |
152. (6) Lorsqu'un contribuable a produit la déclaration de revenu exigée par l'article 150 pour une année d'imposition et que, par la suite, une somme est demandée pour l'année par lui ou pour son compte à titre de : [...] |
152. (6) Where a taxpayer has filed for a particular taxation year the return of income required by section 150 and an amount is subsequently claimed by the taxpayer or on the taxpayer's behalf for the year as ... |
c) déduction [...] en application de l'article 111, relativement à une perte subie pour une année d'imposition ultérieure; |
(c) a deduction ... under section 111 in respect of a loss for a subsequent taxation year, |
[...] en présentant au ministre, au plus tard le jour où le contribuable est tenu, ou le serait s'il était tenu de payer de l'impôt en vertu de la présente partie pour cette année d'imposition ultérieure, de produire en vertu de l'article 150 une déclaration de revenu pour cette année d'imposition ultérieure, un formulaire prescrit modifiant la déclaration, le ministre doit fixer de nouveau l'impôt du contribuable pour toute année d'imposition pertinente (autre qu'une année d'imposition antérieure à l'année donnée) afin de tenir compte de la déduction demandée. |
... by filing with the Minister, on or before the day on or before which the taxpayer is, or would be if a tax under this Part were payable by the taxpayer for that subsequent taxation year, required by section 150 to file a return of income for that subsequent taxation year, a prescribed form amending the return, the Minister shall reassess the taxpayer's tax for any relevant taxation year (other than a taxation year preceding the particular taxation year) in order to take into account the deduction claimed. |
[35] Le ministre ne s'est pas fondé sur ces dispositions en établissant la nouvelle cotisation dont il est ici question, ou dans les arguments qu'il a soumis devant la Cour de l'impôt. À l'audition de l'appel, l'avocate du ministre a expliqué qu'à sa connaissance, il n'avait pas été tenu compte de ces dispositions. On a demandé aux deux parties de fournir des observations écrites au sujet des questions ci-après énoncées :
[`TRADUCTION] (1) Le sous-alinéa 152(4)b)(i) de la Loi de l'impôt sur le revenu accorde-t-il au ministre un délai de six ans pour établir une nouvelle cotisation à l'égard de l'année 1993 en vue de refuser le report rétrospectif de la perte autre qu'en capital de 1994?
(2) Y a-t-il lieu pour la Cour de ne pas examiner cette question à ce stade?
[36] Les observations ont été reçues et elles ont été examinées. Comme on pouvait s'y attendre, l'avocat de SMX soutient que la Cour ne devrait pas examiner cette nouvelle question, alors que l'avocate du ministre adopte le point de vue contraire. J'ai examiné les observations et j'ai tenu compte de l'historique de l'instance; j'ai conclu que la Cour ne devrait pas examiner cette nouvelle question.
Conclusion
[37] L'appel devrait être accueilli avec dépens, le jugement de la Cour de l'impôt devrait être annulé et la nouvelle cotisation faisant l'objet du présent appel devrait être renvoyée au ministre pour qu'il établisse une nouvelle cotisation en tenant compte du fait qu'il n'était pas autorisé à établir une nouvelle cotisation à l'égard de l'année 1993 en vue de refuser la déduction de la perte autre qu'en capital de 1994.
« K. Sharlow »
Juge
« Je souscris aux présents motifs.
Alice Desjardins, juge »
« Je souscris aux présents motifs.
Robert Décary, juge »
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad.a., LL.L.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-620-02
INTITULÉ : SMX Shopping Centre Ltd.
c.
Sa Majesté la Reine
LIEU DE L'AUDIENCE : Vancouver (C.-B.)
DATE DE L'AUDIENCE : le 23 octobre 2003
MOTIFS DU JUGEMENT : la juge Sharlow
Y ONT SOUSCRIT : les juges Desjardins et Décary
DATE DES MOTIFS : le 16 décembre 2003
COMPARUTIONS :
Timothy Clarke POUR L'APPELANTE/DEMANDERESSE
Linda Bell POUR L'INTIMÉE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Bull Housser et Tupper POUR L'APPELANTE/DEMANDERESSE
Ministère de la Justice POUR L'INTIMÉE