Date : 20031002
Dossier : A-140-03
Référence : 2003 CAF 368
CORAM : LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE SEXTON
LA JUGE SHARLOW
AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. E-5.6
ET la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, art. 18.1, 28
ENTRE :
NICOLE MEECHAN
demanderesse
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
Audience tenue à Edmonton (Alberta), le 2 octobre 2003.
Jugement rendu à Edmonton (Alberta), le 2 octobre 2003.
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE SEXTON
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE ROTHSTEIN
LA JUGE SHARLOW
Date : 20031002
Dossier : A-140-03
Référence : 2003 CAF 368
CORAM : LE JUGE ROTHSTEIN
LE JUGE SEXTON
LA JUGE SHARLOW
AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. E-5.6
ET la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, art. 18.1, 28
ENTRE :
NICOLE MEECHAN
demanderesse
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
LES FAITS
[1] Il s'agit d'un appel de la décision d'un juge-arbitre d'annuler la décision du conseil arbitral qui avait accepté l'argument de la demanderesse suivant lequel la somme de 6 182,19 $ qu'elle avait reçue dans le cadre d'un règlement avec son employeur ne constituait pas une « rémunération » au sens du Règlement sur l'assurance-emploi.
[2] La demanderesse a travaillé pour l'Université de l'Alberta comme employée occasionnelle de 1990 à 1999. Le 11 juin 1999, la demanderesse a reçu une lettre de renvoi motivé. Après avoir reçu une lettre de l'avocate de la demanderesse, l'Université a admis que le renvoi n'était pas justifié et qu'elle réintégrait donc la demanderesse dans ses fonctions. Dans sa lettre, l'Université a également affirmé que la demanderesse serait indemnisée pour toute perte de revenu pendant la période où elle n'avait pas pu travailler, ce que l'Université a fait.
[3] L'Université a informé la demanderesse qu'elle pouvait retourner au travail, mais, au lieu de retourner au travail, la demanderesse a déposé un grief auprès de son syndicat, réclamant notamment :
(1) d'être réintégrée dans ses fonctions;
(2) de recevoir toutes les sommes perdues en raison de son renvoi ainsi que toutes les sommes dues pour les heures supplémentaires exécutées.
[4] Les parties ont comparu devant une commission d'arbitrage chargée de trancher le grief et, après quelques discussions, l'Université et la demanderesse sont parvenues à un règlement. Le règlement a été communiqué à la commission d'arbitrage, qui a dit :
[traduction]
Après avoir examiné les documents et entendu les arguments des parties, notre commission d'arbitrage statue de la façon suivante :
1. La plaignante a droit à la réintégration dans son emploi.
2. À titre d'indemnisation pour la renonciation de la plaignante à son droit de réintégration, l'université doit lui verser un montant de 6 182,19 $ en dommages-intérêts.
[5] La Commission a prétendu que les « dommages-intérêts » découlant du règlement conclu en arbitrage indemnisaient la demanderesse pour la perte de revenu subie durant la période ayant suivi son renvoi. La Commission a soutenu que cette indemnisation était constituée d'un revenu d'emploi, à moins que la demanderesse puisse faire la démonstration contraire, ce qu'elle n'avait pas fait.
[6] Le conseil arbitral a affirmé qu'il incombait à la demanderesse d'établir que le règlement ou toute partie de celui-ci visait à l'indemniser d'autre chose que de sa perte de revenu, mais il a accepté par la suite la preuve soumise par la demanderesse, portant qu'une partie du montant obtenu à titre de dommages-intérêts visait à acquitter ses honoraires d'avocat, que le reste de ce montant visait à l'indemniser pour la renonciation à son droit de réintégration et qu'aucune des sommes reçues ne devait donc être considérée comme une rémunération.
[7] La Commission a interjeté appel de la décision du conseil arbitral auprès du juge-arbitre, qui l'a annulée.
[8] Selon le juge-arbitre, comme la demanderesse avait déjà rejeté l'offre que lui avait faite l'Université de la réintégrer dans ses fonctions, la seule réparation possible pour la demanderesse résidait dans l'aspect financier de son grief. Le juge-arbitre a dit :
La prestataire n'a pas prouvé qu'il existait des circonstances spéciales permettant d'établir que les dommages-intérêts obtenus s'appliquaient à un élément autre que la perte de revenu. Elle n'a pas établi que les dommages-intérêts lui avaient été accordés pour avoir renoncé à son droit de réintégration.
[9] Le juge-arbitre a dit également que le conseil arbitral était parvenu à sa décision sans tenir compte de l'obligation pour la demanderesse de prouver l'existence de circonstances spéciales, et que le conseil arbitral avait donc commis une erreur de droit.
LA NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE
[10] L'article 115 de la Loi sur l'assurance-emploi prévoit :
115. (1) Toute décision d'un conseil arbitral peut, de plein droit, être portée en appel devant un juge-arbitre par la Commission, le prestataire, son employeur, l'association dont le prestataire ou l'employeur est membre et les autres personnes qui font l'objet de la décision.
Moyens d'appel
(2) Les seuls moyens d'appel sont les suivants :
a) le conseil arbitral n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
c) le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
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115. (1) An appeal as of right to an umpire from a decision of a board of referees may be brought by
(a) the Commission;
(b) a claimant or other person who is the subject of a decision of the Commission;
(c) the employer of the claimant; or
(d) an association of which the claimant or employer is a member.
Grounds of appeal
(2) The only grounds of appeal are that
(a) the board of referees failed to observe a principle of natural justice or otherwise acted beyond or refused to exercise its jurisdiction;
(b) the board of referees erred in law in making its decision or order, whether or not the error appears on the face of the record; or
(c) the board of referees based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it.
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[11] La Cour suprême du Canada dans l'arrêt Dr. Q a dit que le rôle de la Cour d'appel était de décider si le juge de révision avait choisi et appliqué la norme de contrôle appropriée et, si cela n'était pas le cas, d'examiner la décision de l'organisme administratif à la lumière de la norme de contrôle appropriée. La Cour suprême parlait ici d'un juge, et non d'un tribunal administratif. Dans la présente affaire, il s'agit d'un tribunal administratif appelé à examiner la décision d'un autre tribunal administratif. L'analyse de la Cour suprême paraîtrait s'appliquer en l'espèce et, en conséquence, notre rôle est d'examiner la norme de contrôle appliquée par le juge-arbitre à la décision du conseil arbitral et de décider si le juge-arbitre a appliqué la norme de contrôle appropriée à la décision du conseil arbitral.
Dr. Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] A.C.S. no 18, aux paragraphes 33 et 34.
[12] Le juge-arbitre n'a pas dit expressément quelle norme de contrôle il avait appliqué à la décision du conseil arbitral. Cependant, un examen de la décision montre qu'il a appliqué la norme de la décision correcte. Nous tirons cette conclusion en raison des commentaires suivants du juge-arbitre :
La prestataire n'a pas prouvé qu'il existait des circonstances spéciales permettant d'établir que les dommages-intérêts obtenus s'appliquaient à un élément autre que la perte de revenu. Elle n'a pas établi que les dommages-intérêts lui avaient été accordés pour avoir renoncé à son droit de réintégration.
En outre, le juge-arbitre a dit :
Il semble que le conseil arbitral a été influencé par la décision de la commission d'arbitrage. Il a rendu sa décision sans tenir compte de l'obligation pour la prestataire de prouver l'existence de « circonstances spéciales » permettant d'exclure les dommages-intérêts accordés à la prestataire de la catégorie de la rémunération. Le conseil a donc commis une erreur de droit. En conséquence, j'accueille l'appel.
[13] Le juge-arbitre n'a pas du tout parlé de l'article 115 de la Loi sur l'assurance-emploi. Il n'a pas conclu non plus que la décision du conseil arbitral s'appuyait sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire. Il a toutefois conclu que le conseil arbitral avait commis une erreur de droit.
[14] Nous ne sommes pas d'accord que le conseil arbitral a commis une erreur de droit. Le juge-arbitre a dit que l'erreur de droit consistait à ne pas avoir tenu compte de l'obligation pour la demanderesse de prouver que les dommages-intérêts n'étaient pas une rémunération. À notre avis, le juge arbitre a commis une erreur. Le conseil arbitral a dit expressément que la demanderesse avait un tel fardeau de preuve et il a conclu que la demanderesse s'en était acquittée dans les circonstances de l'espèce.
[15] Le juge-arbitre n'a pas estimé que le conseil arbitral avait tiré ses conclusions de fait de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
[16] En outre, la Cour dans Budhai c. Canada, [2002] A.C.F. no 1089, a jugé que la norme de contrôle que doit appliquer le juge-arbitre à une décision du conseil arbitral qui comporte une question de fait et de droit est la décision raisonnable. Nous concluons que le juge-arbitre n'a pas appliqué la norme de contrôle appropriée lorsqu'il a examiné la décision du conseil arbitral, et il nous incombe donc d'examiner la décision du conseil arbitral en appliquant la norme de la décision raisonnable aux questions de fait et aux questions de fait et de droit et la norme de la décision correcte aux questions de droit.
[17] Pour ce qui est de la question de fait, le conseil arbitral a dit :
[traduction] Le conseil accepte l'argument de la Commission suivant lequel si le prestataire soutient qu'un règlement ne vise pas à l'indemniser pour la perte de son revenu, la jurisprudence exige qu'il prouve que ce règlement vise à l'indemniser d'autre chose, c.-à-d. qu'il a le fardeau de prouver que le règlement ou toute partie de celui-ci vise à l'indemniser d'autre chose que de sa perte de revenu. Le conseil accepte la preuve soumise par la prestataire suivant laquelle une partie du montant reçu à titre de dommages-intérêts visait à acquitter ses honoraires d'avocat et que le reste de ce montant visait à l'indemniser pour la renonciation à son droit de réintégration, c.-à-d. à lui donner suffisamment de temps pour qu'elle puisse trouver un autre emploi. Le conseil estime que la prestataire s'est acquittée de son fardeau de preuve en l'espèce.
[18] Nous reconnaissons que le conseil arbitral n'était aucunement lié par la décision de la commission d'arbitrage. Nous reconnaissons également que le fait que les parties aient qualifié les dommages-intérêts accordés n'est pas concluant. Cependant, il paraît que des témoignages ont été entendus par le conseil arbitral et nous ne pouvons conclure qu'il était déraisonnable pour lui d'accepter le témoignage soumis par la demanderesse, portant que les dommages-intérêts accordés visaient à l'indemniser pour la renonciation à son droit de réintégration. En fait, il semble y avoir eu peu d'éléments de preuve, s'il y en a eu, portant que les dommages-intérêts accordés aient pu viser à indemniser la demanderesse de quelque chose d'autre. En particulier, le conseil arbitral ne semble pas avoir été saisi d'éléments de preuve indiquant que les dommages-intérêts accordés visaient à indemniser la demanderesse de sa perte de revenu.
[19] La Cour dans l'arrêt Canada c. Plasse, [2000] A.C.F. no 1671, au paragraphe 18, a décidé qu'un paiement reçu pour la renonciation à un droit de réintégration ne constituait pas une rémunération au sens du Règlement sur l'assurance-emploi. Le conseil arbitral s'est référé à cet acte législatif pertinent et récent et l'a appliqué correctement. Il y a lieu de noter que le juge-arbitre ne s'est pas référé à ce règlement.
[20] Nous estimons donc que le juge-arbitre a commis une erreur en faisant droit à l'appel interjeté contre la décision du conseil arbitral.
[21] Nous accueillerions donc la demande de la demanderesse, nous annulerions la décision du juge-arbitre et nous rendrions un jugement déclaratoire suivant lequel les dommages-intérêts accordés à la demanderesse par la commission d'arbitrage ne constituaient pas une rémunération et ne devaient donc pas faire l'objet d'une répartition en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi.
[22] Nous ferions donc droit à la demande, nous annulerions la décision du juge-arbitre et nous renverrions l'affaire au juge-arbitre en chef pour qu'il rende une nouvelle décision conformément aux présents motifs.
[23] Les dépens de la présente demande, fixés à 1 500 $, seront adjugés à la demanderesse.
« J. Edgar Sexton »
Juge
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-140-03
INTITULÉ : NICOLE MEECHAN
c.
LE PROCUREUR GÉNÉRAL
DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE : EDMONTON (ALBERTA)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 2 OCTOBRE 2003
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE SEXTON
Y ONT SOUSCRIT : LES JUGES ROTHSTEIN ET SHARLOW
DATE DES MOTIFS : LE 2 OCTOBRE 2003
COMPARUTIONS :
Yessy Byl POUR LA DEMANDERESSE
Carla Lamash POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Blair, Chahley, Seveny POUR LA DEMANDERESSE
Edmonton (Alberta)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada