Date : 20030624
Dossier : A-723-01
Référence : 2003 CAF 277
CORAM : LA JUGE DESJARDINS
ENTRE :
TREVOR NICHOLAS CONSTRUCTION CO. LIMITED
appelante
et
SA MAJESTÉ LA REINE
REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS DU CANADA
intimée
Audience tenue à Toronto (Ontario), le 5 juin 2003.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le mardi 24 juin 2003.
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE MALONE
Y ONT SOUSCRIT : LA JUGE DESJARDINS
LE JUGE ISAAC
Date : 20030624
Dossier : A-723-01
Référence : 2003 CAF 277
CORAM : LA JUGE DESJARDINS
LE JUGE MALONE
ENTRE :
TREVOR NICHOLAS CONSTRUCTION CO. LIMITED
appelante
et
SA MAJESTÉ LA REINE
REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS DU CANADA
intimée
MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE MALONE
[1] Il s'agit d'un appel d'une décision que la juge Simpson (la juge de première instance) a rendue le 23 novembre 2001 (décision publiée : (2001) 15 C.L.R. (3d) 256, 2001 CFPI 1282). La juge de première instance a décidé que rien ne permettait de conclure que le ministre des Travaux publics du Canada avait manqué à son obligation contractuelle de traiter l'appelante, Trevor Nicholas Construction Co. Limited (Trevor), équitablement. Cette question découle d'une soumission présentée par Trevor pour le dragage et la construction d'un bassin de service maritime à Meaford (Ontario).
[2] Le présent appel a été introduit à Toronto le 10 octobre 2002. Bien que l'appelante ait été représentée par avocat en première instance, c'est M. John Susin, son président, qui l'a représentée en appel. Au cours de l'argumentation, M. Susin est tombé malade et l'affaire a été remise à une date à être fixée par l'administrateur judiciaire. Le 5 juin 2003, l'appel s'est poursuivi et s'est conclu devant notre formation.
[3] Dans ses observations écrites, l'appelante a invoqué vingt-deux moyens d'appel. Dans certains, elle a allégué que la juge de première instance avait commis des erreurs de fait ou des erreurs dans ses inférences de fait; dans d'autres, elle a affirmé que la juge de première instance avait commis des erreurs de droit et, dans un autre encore, elle a allégué une crainte de partialité à l'égard de la juge de première instance.
[4] Les juges Major et Iacobucci, s'exprimant pour la Cour suprême du Canada à la majorité dans Housen c. Nikolaisen (2002), 211 D.L.R. (4th) 577, 2002 CSC 33 (Housen), ont réaffirmé les principes applicables à la révision en appel. Dans l'arrêt Housen, la Cour a expliqué que les questions de droit devaient être contrôlées selon la norme de la décision correcte et que les conclusions et les inférences de fait du juge de première instance ne devaient pas être modifiées en l'absence d'une erreur manifeste et dominante.
[5] Dans l'ensemble, l'appelante ne m'a pas convaincu que la juge de première instance avait commis des erreurs de droit justifiant l'intervention de la Cour, ou qu'elle avait commis des erreurs manifestes et dominantes dans ses conclusions de fait ou dans les inférences qu'elle avait faites à partir de ces conclusions. La Cour n'a pas à réexaminer les conclusions de fait de la juge de première instance, parce qu'il est établi depuis longtemps que les cours d'appel doivent faire preuve d'une grande retenue à l'égard des conclusions de fait du juge de première instance.
[6] Deux questions exigent toutefois des commentaires particuliers.
[7] Premièrement, je note que l'intimée a concédé que la juge de première instance avait mal apprécié la preuve lorsqu'elle avait conclu que l'appelante, en juin 1990, avait refusé d'entreprendre des travaux de nettoyage et de réparation avant le mois d'août 1990
(voir les motifs du jugement, paragraphe 20, point 6). La preuve révèle que l'appelante a sollicité une prorogation de délai pour terminer les travaux. Cela étant dit, je suis convaincu que cette conclusion n'est pas dominante au point qu'elle vicie la conclusion finale de la juge de première instance que l'intimée n'avait pas traité l'appelante de façon inéquitable relativement au projet Meaford. Il y avait amplement d'autres éléments de preuve à l'appui de cette conclusion (voir les motifs du jugement, paragraphes 17 à 27).
[8] Deuxièmement, je me reporte expressément à l'allégation de crainte de partialité contre la juge de première instance. La Cour suprême du Canada a analysé le critère de la crainte raisonnable de partialité dans l'arrêt R. c. R.D.S., [1997] 3 R.C.S. 484. Dans leurs motifs concourants, au par. 111, les juges Cory et Iacobucci ont expliqué le critère applicable pour conclure à une crainte de partialité :
Dans ses motifs de dissidence dans l'arrêt Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la p. 394, le juge de Grandpré a exposé avec beaucoup de clarté la façon dont il convient d'appliquer le critère de la partialité:
[L]a crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. [. . .] [C]e critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. . . » [...]
C'est ce critère qui a été adopté et appliqué au cours des deux dernières décennies. Il comporte un double élément objectif: la personne examinant l'allégation de partialité doit être raisonnable, et la crainte de partialité doit elle-même être raisonnable eu égard aux circonstances de l'affaire. Voir les décisions Bertram, précitée, aux pp. 54 et 55; Gushman, précitée, au par. 31. La personne raisonnable doit de plus être une personne bien renseignée, au courant de l'ensemble des circonstances pertinentes, y compris [TRADUCTION] « des traditions historiques d'intégrité et d'impartialité, et consciente aussi du fait que l'impartialité est l'une des obligations que les juges ont fait le serment de respecter » : R. c. Elrick, [1983] O.J. No. 515 (H.C.), au par. 14. Voir aussi Stark, précité, au par. 74; R. c. Lin, [1995] B.C.J. No. 982 (C.S.), au par. 34.
[9] À l'appui de son allégation de partialité en l'espèce, l'appelante invoque deux choses : (1) les entretiens entre M. Susin et la juge de première instance, où la juge de première instance a demandé à M. Susin, lorsqu'il témoignait, de clarifier ses réponses; et (2) le fait que la juge de première instance a autorisé l'admission de la preuve par ouï-dire de l'intimée, alors qu'elle n'a pas permis à l'appelante de produire une telle preuve. L'appelante cite également deux arrêts de la Cour d'appel de l'Ontario à l'appui de son allégation de partialité : Sorger c. Bank of Nova Scotia, 160 D.L.R. (4th) 66 (C.A.), et J.M.W. Recycling Inc. c. Attorney General of Canada (1982), 35 O.R. (2d) 355 (C.A.).
[10] Dans ces deux affaires citées par l'appelante, le juge de première instance a fait de nombreuses interventions partiales et il a préjugé de la crédibilité des témoins et de certaines questions en litige. Ce n'est pas clairement pas le cas en l'espèce. Les questions que la juge de première instance a posées à M. Susin ne visaient qu'à clarifier les éléments de preuve pertinents, et ne peuvent être qualifiées de contre-interrogatoire, comme le prétend l'appelante. En fait, la juge de première instance a également posé des questions de clarification au témoin de l'intimée.
[11] En outre, en l'espèce, l'acceptation par la juge de première instance d'une preuve par ouï-dire et d'un rapport d'expertise préparé par Colin B. Fairn pour l'intimée n'établit pas que celle-ci a fait preuve de partialité ou de favoritisme envers l'une ou l'autre des parties au litige. En fait, en première instance, l'appelante était représentée par avocat et celui-ci n'a soulevé aucune objection quant à l'admissibilité des éléments de preuve soumis par l'intimée, admissibilité que conteste maintenant l'appelante. L'admissibilité de l'ensemble de ces éléments de preuve et le poids, s'il en est, qu'il faut leur accorder, sont des questions sur lesquelles la juge de première instance s'est prononcée à bon droit en l'absence d'objections de l'appelante. Dans ces circonstances, il n'y a aucun fondement à l'allégation de crainte de partialité de l'appelante.
[12] Je rejetterais le présent appel avec dépens.
« B. Malone »
Juge
« Je souscris aux présents motifs
Alice Desjardins, juge »
« Je souscris aux présents motifs
Julius A. Isaac, juge »
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION D'APPEL
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-723-01
INTITULÉ : TREVOR NICHOLAS CONSTRUCTION CO. LTD.
c.
SA MAJESTÉ LA REINE REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS
APPEL D'UNE ORDONNANCE QU'A DÉCERNÉE LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE LE 23 NOVEMBRE 2001 DANS LE DOSSIER T-2034-91
LIEU DE L'AUDIENCE : VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE OTTAWA ET TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 5 JUIN 2003
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE MALONE
Y ONT SOUSCRIT : LA JUGE DESJARDINS
LE JUGE ISAAC
DATE DES MOTIFS : LE 24 JUIN 2003
COMPARUTIONS :
John Susin POUR L'APPELANTE
Christopher Parke POUR L'INTIMÉE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada POUR L'INTIMÉE
Date : 20030624
Dossier : A-723-01
Ottawa (Ontario), le 24 juin 2003
CORAM : LA JUGE DESJARDINS
LE JUGE ISAAC
LE JUGE MALONE
ENTRE :
TREVOR NICHOLAS CONSTRUCTION CO. LIMITED
appelante
et
SA MAJESTÉ LA REINE
REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS DU CANADA
intimée
JUGEMENT
L'appel est rejeté avec dépens.
« Alice Desjardins »
Juge
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.