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Date : 20030122

Dossier : A-446-01

Référence neutre : 2003 CAF 29

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NADON

ENTRE :

                                                                    CAROL LAGACÉ

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                             LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                   

                                                                                                                                                      défendeur

                                 Audience tenue à Québec (Québec), le 20 et 22 janvier 2003.

                          Jugement rendu à l'audience à Québec (Québec), le 22 janvier 2003.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                     LE JUGE DESJARDINS


Date : 20030122

Dossier : A-446-01

Référence neutre : 2003 CAF 29

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NADON

ENTRE :

                                                                    CAROL LAGACÉ

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                             LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                   

                                                                                                                                                      défendeur

                                              MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

                                             (Prononcés à l'audience à Québec (Québec)

                                                                 le 22 janvier 2003.)

LE JUGE DESJARDINS

[1]                 Le demandeur s'en prend à une décision d'un juge suppléant de la Cour canadienne de l'impôt qui a statué que son emploi auprès de la Commission de l'Exposition provinciale de Québec (la « Commission » ), du 2 janvier 1997 au 31 décembre 1997, n'était pas assurable parce qu'exercé en vertu d'un contrat d'entreprise et non d'un contrat de louage de services.


[2]                 Le demandeur plaide que le premier juge a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte, dans son analyse, de tous les critères d'appréciation élaborés par la jurisprudence dans l'affaire Wiebe Door (Wiebe Door Services Ltd c. M.N.R., [1986] 3 C.F. 553 (C.A.)), lesquels permettent de distinguer l'un et l'autre de ces deux types de contrat.

[3]                 Le demandeur, qui avait travaillé auparavant à titre de gérant pour une entreprise qui opérait des sites de restauration détenus par la Commission, accepta l'offre de la Commission d'opérer ces mêmes sites, lorsqu'en 1997, son premier employeur cessa ses opérations. Il signa, à cet effet, sous la raison sociale Gestion Carol Lagacé, une entente avec la Commission, entente que les parties dénommèrent un mandat. Son emploi fut par la suite déterminé non assurable, si bien que le demandeur n'eut d'autre choix que celui d'en appeler de cette décision du Ministre.

[4]                 Le premier juge rejeta son appel en ne retenant de l'entente que les éléments ayant trait à la rémunération.

[5]                 Il était prévu au contrat que le demandeur, dénommé le mandataire, recevrait, en considération de l'exécution de son mandat, un montant de base établi à 6 000 $, ainsi qu'un pourcentage sur les profits nets d'exploitation, le surplus des profits nets d'exploitation devant être remis par le mandataire à la Commission.


[6]                 Le premier juge nota que le revenu de l'appelant était appelé à varier selon les résultats de l'entreprise et qu'ils n'étaient pas garantis. Ainsi, selon lui, la rémunération devenait-elle incertaine et sujette à des variations qui pouvaient être importantes dans un sens ou dans l'autre. Il en conclut qu'il ne s'agissait pas d'un salaire convenu pour un travail déterminé et que le demandeur travaillait plutôt à sa propre entreprise, qui était la réalisation du mandat intervenu entre lui et la Commission.

[7]                 Nous sommes d'avis que le premier juge s'est mépris sur la nature véritable du contrat en l'espèce.

[8]                 Lue dans son ensemble, cette entente prévoyait que le demandeur, ou mandataire, se voyait confier l'opération et l'administration d'une cafétéria, de deux casse-croûte et de quelques comptoirs de restauration, propriétés de la Commission. Toutes les installations et équipements étaient fournis par la Commission.

[9]                 Le mandataire pouvait, à même les revenus d'exploitation, y faire des améliorations à la condition d'avoir obtenu, au préalable, le consentement de la Commission. Les revenus nets d'exploitation, faut-il le rappeler, appartenaient à la Commission.


[10]            D'autres mesures de contrôle importantes étaient présentes au contrat. Ainsi, la liste des prix des articles vendus devait être approuvée par la Commission, laquelle s'assurait aussi que le mandataire respectât la liste des fournisseurs avec qui la Commission avait négocié des ententes. Tous les employés travaillant à l'opération des lieux étaient engagés et payés par le mandataire à même les frais d'exploitation. Toutefois, la liste des employés ainsi que le taux des salaires qui leur étaient versés devaient faire l'objet d'une approbation par la Commission. De plus, aucun contrat ou engagement de personnel ne devait être signé sans l'accord de la Commission.

[11]            Il est vrai que le demandeur opérait les lieux sous sa propre raison sociale, qu'il devait souscrire une assurance-responsabilité au bénéfice de ses employés, du public et de la Commission, qu'il lui incombait d'obtenir tous les permis d'exploitation requis et qu'il devait fournir une lettre de garantie. Mais les frais encourus, le cas échéant, étaient toujours tirés à même les revenus d'exploitation. Ce qui faisait dire au demandeur, dans son témoignage, qu'il n'avait pas eu à verser un sous pour son contrat avec la Commission (transcriptions, dossier du défendeur, page 58).

[12]            Le travail du demandeur était supervisé par madame Nicole Bilodeau, directrice générale adjointe d'Expo-Cité (transcriptions, dossier du défendeur, page 36). C'est elle qui recevait, entre autres, les états financiers de l'opération du demandeur. Celle-ci a affirmé que l'information sur les opérations du demandeur faisaient implicitement partie des états financiers de la Commission « du fait qu'il (monsieur Carol Lagacé), gérait pour nous » (transcriptions, dossier de défendeur, page 66).


[13]            Il apparaît donc nettement de l'entente que le contrôle sur les salaires des employés, sur l'approvisionnement et sur les prix à la consommation formaient un cadre rigide d'opération étranger au contrat d'entreprise. La propriété des outils demeurait totalement entre les mains de la Commission si bien que cet élément favorise la rétention de la notion de contrat de travail.

[14]            Les chances de profit étaient sérieusement limitées du fait que le mandataire devait remettre à la Commission tous les profits nets d'exploitation, une fois retenue sa rémunération de base et son pourcentage sur les profits nets d'exploitation. Il est vrai, comme l'a noté le premier juge, que le pourcentage sur les profits nets pouvait donner lieu à des variations, mais la présence de ces variations ne constitue pas une caractéristique absolue d'un contrat d'entreprise. La notion de revenus variables n'est pas incompatible avec la notion de salaire et n'écarte pas le statut d'employé.

[15]            Par ailleurs, fait passé sous silence par le premier juge, la remise par le demandeur des profits nets d'exploitation, une fois sa rémunération payée, est un facteur important. Elle constitue une obligation qui parait incompatible avec la notion de contrat d'entreprise.

[16]            Enfin, les risques de perte étaient, selon toute apparence, minimes, vu la présence presque assurée de consommateurs sur les lieux des expositions tenues par la Commission.


[17]            Les critères d'appréciation de l'affaire Wiebe Door, supra, à savoir la propriété des outils, le contrôle, les chances de profits, les risques de perte et le degré d'intégration nous amènent à conclure que le demandeur était davantage un exécutant plutôt qu'un travailleur autonome.

[18]            Les caractéristiques d'un contrat de travail sont à ce point dominantes qu'il y a matière à intervention par notre Cour.

[19]            La demande de contrôle judiciaire sera accueillie avec dépens, la décision du juge suppléant de la Cour canadienne de l'impôt sera annulée et l'affaire sera retournée au juge en chef de la Cour canadienne de l'impôt ou à un juge qu'il désignera pour qu'il la décide en tenant pour acquis que l'emploi du demandeur auprès de la Commission, en 1997, constituait un emploi assurable.

  

                                                                                                                                          "Alice Desjardins"            

____________________________

       j.c.a.                        


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                                 SECTION D'APPEL

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                                 A-446-01

  

INTITULÉ :                                                Carol Lagacé c. Le ministre du revenu national

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                        Québec (Québec)

  

DATE DE L'AUDIENCE :                      Les 20 et 22 janvier 2003

  

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                        (Desjardins, Létourneau et Nadon j.c.a.)

  

PRONONCÉS À L'AUDIENCE

DU 22 JANVIER 2003 PAR :                 Le juge Desjardins

   

COMPARUTIONS :

Me Denis Gingras                                                                           POUR LE DEMANDEUR

Me Marie-Andrée Legault                                                             POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                                                                                                 

Gingras, Vallerand, Barma, Laroche, Amyot                                POUR LE DEMANDEUR

Québec (Québec)

Ministère de la justice Canada                                                        POUR LE DÉFENDEUR

Montréal (Québec)

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