Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20030730

Dossier : A-105-02

Référence : 2003 CAF 312

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                               PIERRE MAILLOUX

                                                                                                                                                        Appelant

                                                                                   et

                                                                 REVENU CANADA

                                                                                                                                                            Intimé

                                       Audience tenue à Montréal (Québec), le 18 juin 2003.

                          Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 30 juillet 2003.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                               LE JUGE DESJARDINS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                               LE JUGE NADON

          LE JUGE PELLETIER


Date : 20030730

Dossier : A-105-02

Référence : 2003 CAF 312

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                               PIERRE MAILLOUX

                                                                                                                                                        Appelant

                                                                                   et

                                                                 REVENU CANADA

                                                                                                                                                            Intimé

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DESJARDINS

[1]                 L'appelant s'en prend à une décision de la Cour canadienne de l'impôt qui a rejeté avec dépens son appel de deux cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), et ce, pour les années d'imposition 1993 et 1994 (Mailloux c. Canada, [2002] A.C.I. no 63 (C.C.I.) (QL), juge Tardif).


1.         LES FAITS

[2]                 L'appelant exploite une entreprise dénommée la Ferme Piluma Enr. (la « ferme » ), laquelle est une société de personnes dont l'appelant détient 98 % des parts. Selon l'appelant, il s'agit là d'une ferme expérimentale privée totalement vouée à la recherche et non d'une « entreprise d'exploitation agricole » comme, dit-il, le soutient l'intimé. L'appelant prétend que le statut d'entreprise totalement vouée à la recherche doit lui être reconnu pour les années d'imposition 1993 et 1994 puisque le ministre l'a reconnu pour les années d'imposition 1991 et 1992 (voir Mailloux c. Canada, [1998] A.C.I. no 856 au para. 2 (C.C.I.) (QL)), et que les projets de la ferme sont demeurés les mêmes pour les années d'imposition 1993 et 1994.

[3]                 Pour les années d'imposition 1993 et 1994, l'appelant a considéré que la totalité des dépenses agricoles de sa ferme, soit 405 836 $ en 1993 et 258 402 $ en 1994, représentaient des dépenses admissibles de recherche scientifique et de développement expérimental

( « RS & DE » ). Il a par conséquent réclamé dans ses déclarations de revenu des crédits d'impôt à l'investissement de 81 167 $ en 1993 et de 51 680 $ en 1994 à l'égard de ces dépenses.


[4]                 Certaines des dépenses ont été refusées par le ministre (voir dossier d'appel de l'appelant, volume I, pp. 179 et 183), soit parce qu'elles étaient personnelles ou non justifiées, soit parce qu'elles n'étaient pas des dépenses déductibles en vertu de l'alinéa 37(1)a) de la Loi, soit qu'elles n'étaient pas des dépenses admissibles à l'égard du crédit d'impôt à l'investissement conformément au paragraphe 127(9) de la Loi et des articles 2900, 2902 et 2903 du Règlement de l'impôt sur le revenu (le « Règlement » ).

[5]                 L'appelant réclame en conséquence que soient reconnues à titre de dépenses de recherche, les sommes suivantes engagées par la ferme :

Pour l'année d'imposition 1993 :

un montant de 117 724 $                       à titre de salaire

un montant de     7 180 $                         à titre de transport de marchandises

un montant de    21 186 $                        à titre d'intérêt

un montant de     9 837 $                         à titre de mise en marché du lait

un montant de    96 863 $                        pour un prototype

Pour l'année d'imposition 1994 :

un montant de    31 290 $                        à titre de salaire

un montant de    20 023 $                        à titre d'intérêt

un montant de    16 085 $                        à titre de mise en marché du lait


2.         LA DÉCISION DE LA COUR CANADIENNE DE L'IMPÔT

[6]                 Le premier juge a noté, tout au long de ses motifs, que l'appelant n'avait pas rempli son fardeau de démontrer que les prétentions du ministre étaient erronées. Il a relevé à ce titre plusieurs manquements dans la preuve de l'appelant. Les paragraphes suivants de ses motifs en font état :

[17]      L'appelant a consacré la majeure partie de son témoignage à faire la démonstration de la qualité, de l'envergure et la spécificité des activités de la Ferme Piluma; il a sous-estimé l'importance de soumettre une preuve adéquate et pertinente à son appel.

[...]

[21]      Le docteur Mailloux a semblé croire et prétendre qu'il suffisait de faire la preuve de la vocation de la Ferme Piluma pour avoir droit de façon automatique et sans questionnement à toutes les dépenses inscrites aux livres comptables de la ferme.

[...]

[26]      Au lieu de soumettre une preuve détaillée et étoffée soutenue par des explications précises et une preuve documentaire appropriée, l'appelant a plutôt choisi de faire des affirmations et observations sans effet pertinent et direct sur le bien-fondé de ses prétentions. Bien plus, il a admis plusieurs erreurs et confessé son incapacité à fournir des explications pourtant essentielles à l'analyse de son dossier. Au surplus, il n'a fait témoigner personne pour remédier aux nombreuses lacunes découlant de son absence de contrôle ou de sa méconnaissance de faits importants.

[...]

[52]      Il eût cependant fallu qu'il démontre, au moins par le biais d'une preuve circonstancielle à défaut d'une preuve directe que ses prétentions étaient justifiées et justifiables. Non seulement le docteur Mailloux n'a pas été en mesure de présenter une telle preuve circonstancielle, son témoignage a plutôt confirmé le bien-fondé de plusieurs volets de la cotisation.

[...]

[57]      En l'espèce, la prépondérance de la preuve favorise largement le bien-fondé de la cotisation puisque l'appelant n'a pas cru bon soumettre une preuve pour contester les appréciations de l'intimée. La seule preuve soumise l'appelant a concerné le statut et la vocation de la ferme; il a complété par des commentaires et observations diverses laissant croire que les dispositions légales devraient être ajustées au projet et non l'inverse.


[7]                 Le premier juge a conclu que chacune des bases législatives sur lesquelles l'appelant appuyait ses prétentions était mal fondée. Il a rejeté l'appel pour les deux cotisations.

3.         QUESTION EN LITIGE

[8]                 La question en litige consiste à déterminer si les dépenses de RS & DE engagées par l'appelant sur sa ferme sont admissibles aux fins du calcul du crédit d'impôt à l'investissement.                                                                                       

4.         LÉGISLATION APPLICABLE

[9]                 Il y a lieu d'appliquer, en l'espèce, pour les deux années d'imposition 1993 et 1994, la Loi telle qu'elle se lisait en 1994. Certaines des dispositions qui nous concernent sont les mêmes pour les deux années d'imposition 1993 et 1994. D'autres ont été modifiées en 1994 mais sont applicables aux années d'imposition qui se terminent après le 2 décembre 1992.

[10]            L'article 37 de la Loi prévoit qu'un contribuable qui exploite une entreprise peut déduire, dans le calcul du revenu qu'il tire de cette entreprise pour l'année, des dépenses engagées pour des activités de RS & DE exercées au Canada.


[11]            Le paragraphe 127(5) de la Loi prévoit quant à lui qu'un contribuable peut déduire de son impôt payable en vertu de la partie I pour une année d'imposition, un crédit d'impôt à l'investissement à l'égard de dépenses de RS & DE . La définition de « dépense admissible » aux fins de ce crédit d'impôt à l'investissement est prévue au paragraphe 127(9) de la Loi. Elle énonce ce qui suit pour les années d'imposition 1993 et 1994 :

127 (9) « dépense admissible » - « dépense admissible » Dépense relative à des activités de recherche scientifique et de développement expérimental engagée par un contribuable et qui représente soit une dépense relative à du matériel à vocations multiples de première période ou du matériel à vocations multiples de deuxième période, soit une dépense visée à l'alinéa 37(1)a) ou au sous-alinéa 37(1)b)(i), et comprend un montant de remplacement visé par règlement, à l'exclusion :

a) d'une dépense prévue par règlement;

[...]

(Je souligne)

127(9) "qualified expenditure" - "qualified expenditure" means an expenditure in respect of scientific research and experimental development incurred by a taxpayer that is an expendture in respect of first term shared-use-equipment or second term shared-use-equipment or an expenditure described in paragraph 37(1)(a) or subparagraph 37(1)(b)(i) and includes an amount that is a prescribed proxy amount of a taxpayer, but does not include

(a) a prescribed expenditure,

[...]

(I underline)

Ainsi, une dépense est admissible aux fins du crédit d'impôt à l'investissement si elle est une dépense visée à l'alinéa 37(1)a) ou au sous-alinéa 37(1)b)(i) de la Loi et si elle n'est pas exclue par règlement.

[12]            Les sous-alinéas 37(1)a)(i) et 37(1)b)(i) de la Loi disposent :



37(1) Le contribuable qui exploite une entreprise au Canada au cours d'une année d'imposition peut, en présentant le formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits avec sa déclaration de revenu prévue à la présente partie pour l'année, déduire dans le calcul du revenu qu'il tire de cette entreprise pour l'année un montant qui ne dépasse pas l'excédent éventuel du total des montants suivants :

a) le total des montants dont chacun représente une dépense de nature courante qu'il a faite au cours de l'année ou d'une année d'imposition antérieure se terminant après 1973:

(i) soit pour des activités de recherche scientifique et de développement expérimental exercées au Canada directement par le contribuable ou pour son compte, en rapport avec une entreprise du contribuable,

[...]

b) le moins élevé des montants suivants :

(i) le total des montants dont chacun représente une dépense en capital que le contribuable a faite au cours de l'année ou d'une année d'imposition antérieure se terminant après 1958 quant à des biens acquis qui seraient, si le présent article, des biens amortissables du contribuable - autres que des fonds de terre ou des droits de tenure à bail dans ces fonds -, pour des activités de recherche scientifique et de développement exercées au Canada directement par le contribuable ou pour son compte, en rapport avec une entreprise du contribuable,

[...]

37(1) Where a taxpayer carried on a business in Canada in a taxation year and files with the taxpayer's return of income under this Part for the year a prescribed form containing prescribed information, there may be deducted in computing the taxpayer's income from the business for the year such amount as the taxpayer may claim not exceeding the amount, if any, by which the total of:           

(a) the total of all amounts each of which is an expenditure of a current nature made by the taxpayer in the year or in a preceding taxation year ending after 1973

(i) on scientific research and experimental development carried on in Canada, directly undertaken by or on behalf of the taxpayer, and related to a business of the taxpayer,

[...]

(b) the lesser of

(i) the total of all amounts each of which is an expenditure of a capital nature made by the taxpayer (in respect of property acquired that would be depreciable property of the taxpayer if this section were not applicable in respect of the property, other than land or a leasehold interest in land) in the year or in a preceding taxation year ending after 1958 on scientific research and experimental development carried on in Canada, directly undertaken by or on behalf of the taxpayer, and related to a business of the taxpayer, and

[...]


[13]            Pour qu'une dépense courante soit visée à l'alinéa 37(1)a) de la Loi, le contribuable doit en établir la nature et il doit établir qu'elle est attribuable en totalité ou presque à des activités de RS & DE exercées au Canada. La division 37(8)a)(ii)(A) déclare ce qui suit :


37(8)a) [Dépenses afférentes aux activités de recherche scientifique et de développement expérimental] - les mentions des dépenses afférentes aux activités de recherche scientifique et de développement expérimental:

[...]       

(ii) lorsqu'elles figurent ailleurs qu'au paragraphe (2), se limitent :

(A) aux dépenses engagées par un contribuable au cours d'une années d'imposition, sauf une année d'imposition pour laquelle le contribuable a fait le choix prévu à la division (B), représentant chacune:

(I)     soit une dépense courante attribuable en totalité, ou presque, à des activités de recherche scientifique et de développement expérimentale exercées au Canada, ou à la fourniture, à ces fins, de locaux, installations ou de matériel,

(II)    soit une dépense courante directement attribuable, selon ce qui est prévu par règlement, à des activités de recherche scientifique et de développement expérimentale exercées au Canada, ou à la fourniture, à ces fins, de baux, d'installations ou de matériel,

[...]

37(8)(a) references to expenditures on or in respect of scientific research and experimental development

[...]

(ii) where the references occur in subsection (2), include only

(A) expenditures incurred by a taxpayer in a taxation year (other than a taxation year for which the taxpayer has elected under clause (B)), each of which is

(I) an expenditure of a current nature all or substantially all of which was attributable to the prosecution, or to the provision of premises, facilities or equipment for the prosecution, of scientific research and experimental development in Canada,

(II) an expenditure of a current nature directly attributable, as determined by regulation, to the prosecution, or to the provision of premises, facilities or equipment for the prosecution, of scientific research and experimental development in Canada, or

[...]

Le sous-alinéa 37(8)d)(i) exclut cependant certaines dépenses des dépenses afférentes aux activités de RS & DE:


37(8)d)[Dépenses non admissibles] malgré l'alinéa a), les dépenses afférentes aux activités de recherche scientifique et de développement expérimental ne comprennent pas:

(i)     les dépenses en capital faites pour l'acquisition d'un bâtiment - sauf s'il s'agit d'un bâtiment destiné à une fin particulière visée par règlement - , y compris un droit de tenure à bail dans ce bâtiment,

[...]

37(8)(d) notwithstanding paragraph (a), references to expenditures on or in respect of scientific research and experimental development shall not include

(i)    any capital expenditure made in respect of the acquisition of a building, other than a prescribed special-purpose building, including a leasehold interest therein,

[...]


[14]            Les articles 2900, 2902 et 2903 du Règlement applicables aux années d'imposition 1993 et 1994 se lisent comme suit :



2900. (1) Aux fins de la présente partie et des alinéas 37(7)b) et 37.1(5)e) de la Loi « recherches scientifiques et développement expérimental » désigne une investigation ou recherche systématique d'ordre scientifique ou technologique, effectuée par voie d'expérimentation ou d'analyse, c'est-à-dire,

a) la recherche pure, à savoir le travail entrepris pour l'avancement de la science sans aucune application pratique en vue,

b) la recherche appliquée, à savoir le travail entrepris pour l'avancement de la science avec une application pratique en vue, ou

c) la mise au point, à savoir l'utilisation des résultats de la recherche pure ou appliquée dans le but de créer de nouveaux matériaux, dispositifs, produits ou procédés ou encore d'améliorer ceux qui existent,

et, lorsque ces activités sont entreprises pour appuyer directement les activités mentionnées à l'alinéa a), b) ou c), comprend les activités relatives au génie ou au dessin, à la recherche opérationnelle, à l'analyse mathématique ou à la programmation des ordinateurs et à la recherche psychologique, mais elle n'englobe pas les activités se rattachant à

d) la prospection du marché ou la simulation de la vente;

[...]

2902. Pour l'application de la définition « dépense admissible » , au paragraphe 127(9) de la Loi, une dépense prescrite est

a) une dépense de nature courante engagée par un contribuable

(i) pour l'administration générale ou la gestion d'une entreprise, y compris

[...]

(C) une somme visée à l'un des alinéas 20(1)c) à g) de la Loi,

[...]

à l'exception des dépenses engagées par un contribuable qui tire la totalité ou la quasi-totalité de ses revenus de la poursuite de recherches scientifiques ou de la vente de droits dans des recherches scientifiques et développement expérimental ou découlant de telles recherches poursuivies par lui;

[...]

2903. Pour l'application de l'alinéa 37(7)f) de la Loi, est un bâtiment destiné à une fin particulière le bâtiment dont les aires de travail sont conçues et construites de telle sorte que leur déplacement, dans toute direction, ne dépasse pas 0,02 micromètre et que l'air intérieur de celles-ci ne contienne, par 0,028 mètre cube d'air :

[...]

2900. (1) For the purposes of this Part and paragraphs 37(7)(b) and 37.1(5)(e) of the Act, "scientific research and experimental development" means systematic investigation or search carried out in a field of science or technology by means of experiment or analysis, that is to say,

(a) basic research, namely, work undertaken for the advancement of scientific knowledge without a specific practical application in view,

(b) applied research, namely, work undertaken for the advancement of scientific knowledge with a specific practical application in view, or

(c) development, namely, use of the result of basic or applied research for the purpose of creating new, or improving existing, materials, devices, products or processes,

and, where such activities are undertaken directly in support of activities described in paragraph (a), (b) or (c), includes activities with respect to engineering or design, operations research, mathematical analysis or computer programming and psychological research, but does not include activities with respect to

(d) market research or sales promotion;

[...]

2902. For the purposes of the definition "qualified expenditure" in subsection 127(9) of the Act, a prescribed expenditure is

(a) an expenditure of a current nature incurred by a taxpayer in respect of

(i) the general administration or management of a business, including

[...]

(C) an amount described in any of paragraphs 20(1)(c) to (g) of the Act,

[...]

except any such expenditure incurred by a tax-payer who derives all or substantially all of his revenue from the prosecution of scientific research and experimental development or the sale of rights in or arising out scientific research and experimental development carried on by him;

[...]

2903. For the purposes of paragraph 37(7)(f) of the Act, a special-purpose building is a building the working areas of which are designed and constructed to have a displacement in any direction of no more than .02 micrometre and to have, per .028 cubic metre of interior airspace,

[...]


5.         ANALYSE

[15]            D'entrée de jeu, l'appelant a prétendu devant nous, comme devant la Cour canadienne de l'impôt, que la position de l'intimé était contradictoire puisque la reconnaissance du statut de ferme expérimentale totalement vouée à la recherche scientifique lui a été refusée par le ministre pour les années d'imposition 1993 et 1994 alors qu'elle lui a été accordée pour les années d'imposition 1991 et 1992.

[16]            Il importe pourtant de noter que, dans sa réponse à l'avis d'appel modifié, le ministre indique que « durant les années en litige, la Ferme Piluma Enr. s'est livrée à des travaux de recherches scientifiques visant l'efficience en agriculture relativement à la culture et la production fourragère, la régie du troupeau laitier, des essais d'hybridation, des tentatives de nouvelles productions telles celles du veau de lait et du fromage » et que « ces travaux ont été jugés admissibles à titre de projets de recherche scientifiques et développement expérimental par le ministre du Revenu national. » (dossier d'appel de l'appelant, volume I, p. 24).


[17]            Le ministre a fait une admission semblable dans le cadre d'un litige antérieur devant la Cour canadienne de l'impôt à l'égard des années d'imposition 1991 et 1992. Le juge Archambault a fait écho à cette admission au début de son jugement en déclarant que le ministre « reconnaissait, d'une part, que Ferme Piluma Enr. exploitait une entreprise entièrement consacrée à la recherche scientifique au cours des années 1991 et 1992 et, d'autre part, que monsieur Mailloux avait droit à une partie de ses crédits d'impôt. » (Mailloux c. Canada [1998] A.C.J. no 856 au para. 2 (C.C.I.) (QL)).

[18]            Ce que le ministre conteste devant nous, tout comme il l'a fait devant le juge Archambault, est que certaines dépenses engagées par la ferme ne sont pas admissibles et ne donnent pas ouverture à des crédits d'impôt.

[19]            Les dépenses refusées par le ministre peuvent être groupées sous les cinq thèmes suivants:

(a)     amélioration de terrain, fonds de terre, prototype

(b)     intérêts

(c)      salaires

(d)     mise en marché du lait

(e)     transports et marchandises


(a)        Amélioration de terrain, fonds de terre, prototype

[20]            L'appelant a reconnu que les mots « amélioration de terrain » et « fonds de terre » ne lui sont pas applicables puisqu'il n'y a pas eu achat de terre (dossier d'appel de l'appelant, volume I, p. 46). Il allègue cependant que le terme « « prototype » est pertinent en l'espèce.

[21]            L'appelant a longuement expliqué devant le premier juge que l'objectif poursuivi à la ferme était la recherche et le développement de nouveaux produits de consommation, dont la viande de boeuf et divers fromages fabriqués à partir du lait produit sur place.

[22]            L'appelant visait la production, à prix raisonnable, d'une viande et de fromages contenant des matières grasses exceptionnelles, bénéfiques pour la santé des consommateurs et ce, en remplacement des matières grasses traditionnelles souvent néfastes pour la santé. Selon lui, il était possible de produire une viande et des fromages contenant des matières grasses nutritives, saines et excellentes pour la santé, alors que les produits existants sont souvent composés de matières grasses ayant des effets nocifs sur la santé des consommateurs.


[23]            Quant aux fromages, l'appelant a expliqué devant le premier juge les embûches et le cheminement qui a conduit à la mise en marché de deux fromages, le St-Basile et le Chevalier Mailloux. Il a décrit avec une grande fierté méritée les médailles et reconnaissances obtenues à l'échelle canadienne pour la qualité exceptionnelle de ces deux fromages (dossier d'appel de l'appelant, volume I, pp. 43 et 44, paras. 7 à 11). Il a précisé que le Chevalier Mailloux avait été déclaré, à Halifax, le meilleur fromage fermier lait cru au Canada pour l'année 1998 (dossier d'appel de l'appelant, volume II, p. 254, lignes 3 et 4).

[24]            La recherche et la fabrication de ces deux fromages ont nécessité la construction d'une fromagerie. Il s'agissait d'un bâtiment avec un toit, des murs, une fondation, des portes, des fenêtres mais construit dans le sol, douze pieds sous terre (dossier d'appel de l'appelant, volume II, pp. 309 et 310).

[25]            L'appelant prétend que la fromagerie est un prototype expérimental d'usine et que ses coûts de construction sont admissibles aux crédits d'impôts à l'investissement en vertu du bulletin d'interprétation IT-151R (3 novembre 1975), d'une part, et de la circulaire d'information 86-4R2 (29 août 1988), d'autre part.

[26]            Selon lui, les termes « prototype » de fromagerie artisanale ou « usine pilote » de fabrication de fromage fermier pourraient être synonymes. Il soutient que le bulletin d'interprétation IT-151R, du 3 novembre 1975, et la circulaire d'information 86-4R2, du 29 août 1988, reconnaissent que la construction et l'exploitation d'une usine pilote représentent une dépense pour recherches scientifiques.


[27]            Le bulletin d'interprétation IT-151R, sur lequel se fonde l'appelant, a été émis en 1975. Il n'est cependant plus valide puisqu'il a été remplacé successivement par les bulletins d'interprétation IT-151R2 (16 décembre 1980), IT-151R3 (24 juin 1988), IT-151R4 (16 août 1993) et IT-151R5 (17 octobre 2000). Les bulletins d'interprétation IT-151R, IT-151R2 et IT-151R3 ne tiennent pas compte de l'alinéa 37(7)f) de la Loi de 1993, qui porte sur les dépenses qui ne constituent pas des dépenses de RS & DE. L'alinéa 37(7)f) de la Loi de 1993 fut ajouté par la Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, L.C. 1988, c.55, para. 18(14), sanctionnée le 13 septembre 1988. Il est devenu le sous-alinéa 37(8)d)(i) de la Loi de 1994. C'est à ce dernier sous-alinéa qu'il faut se référer dans ce litige (Gustavson Drilling (1964) Limited c. Canada (Le ministre du Revenu national, [1977] 1 R.C.S. 271, pp. 282 et 283). Il exclut spécifiquement les dépenses en capital faites pour l'acquisition d'un bâtiment - sauf s'il s'agit d'un bâtiment destiné à une fin particulière visée par règlement.

[28]            L'appelant a admis que la fromagerie était un bâtiment mais qu'il n'en était pas un destiné à une fin particulière visée à l'article 2903 du Règlement (dossier d'appel de l'appelant, volume II, pp. 304 et 305, ligne 17). Le premier juge, par conséquent, a conclu à bon droit que la somme de 96 863 $ réclamée par l'appelant pour la construction du prototype était une dépense exclue par le sous-alinéa 37(8)d)(i) des dépenses admissibles.


[29]            La circulaire d'information 86-4R2 [annulée], intitulée « Recherches scientifiques et développement expérimental » , du 29 août 1988, sur laquelle s'appuie également l'appelant, définit une « usine pilote » comme étant « une usine d'envergure non commerciale où les étapes de traitement sont spécifiquement étudiées dans des conditions simulant d'une unité de pleine production » . Selon le même document, un « prototype » est un « modèle expérimental de base qui possède les caractéristiques essentielles du produit visé » . La circulaire décrit cinq étapes possibles dans l'élaboration d'un projet de développement expérimental. Elle ne mentionne cependant pas que toute dépense en capital engagée est une dépense de RS & DE admissible. Quoi qu'il en soit, l'admissibilité ou l'inadmissibilité d'une telle dépense trouve son fondement dans la Loi et non dans la circulaire.

[30]            Notre cour a d'ailleurs statué sur les principes applicables dans une cause antérieure impliquant les mêmes parties (Mailloux v. Canada, [2000] A.C.F. no 694 (C.A.F.) (QL), en appel de la décision du juge Archambault, précitée). Le débat portait sur le droit de l'appelant à des crédits d'impôt à l'investissement à l'égard de dépenses de RS & DE engagées par la ferme pour les années d'imposition 1991 et 1992, notamment un séchoir à foin et des intérêts.


[31]            Le juge Létourneau, au nom de la Cour, a conclu que le juge Archambault de la Cour canadienne de l'impôt n'avait commis aucune erreur en décidant que le séchoir à foin était un bâtiment dont la dépense, de nature capitale, était inadmissible en vertu du sous-alinéa 37(7)f)(i) de la Loi alors applicable pour les années d'imposition 1991 et 1992. Le juge Létourneau précisa que le séchoir à foin était un « bâtiment » et non une structure, et qu'il n'était pas un bâtiment qui tombait sous l'exception applicable aux bâtiments destinés à une fin particulière visée par l'article 2903 du Règlement.

[32]            Le traitement fiscal de la fromagerie, en l'espèce, est au même effet que celui du séchoir à foin.

(b)        Les intérêts

[33]            Le premier juge a conclu que la portion des intérêts correspondant aux intérêts payés pour les dépenses admissibles de RS & DE étaient déductibles et qu'ils avaient été admis et reconnus par l'intimé. Il a conclu par ailleurs, que les intérêts sur les emprunts effectués à des fins autres que la RS & DE n'étaient pas déductibles et qu'ils n'avaient pas été acceptés par l'intimé.

[34]            La première affirmation du premier juge est incorrecte puisque le ministre n'a pas reconnu que les intérêts étaient une dépense admissible de RS & DE.

[35]            Dans sa réponse à l'avis d'appel modifié (dossier d'appel de l'appelant, volume I, onglet 6, paras. 8 m) et 10, pp. 25 et 26) le ministre a en effet refusé la dépense d'intérêt qui était réclamée et ce, tant aux fins du calcul du crédit d'impôt à l'investissement qu'à celles du calcul des dépenses de RS & DE déductibles du revenu tiré de la ferme.


[36]            Je conclus que le ministre avait raison d'agir comme il l'a fait et que l'erreur du premier juge n'affecte pas, sur ce point, le bien fondé des cotisations.

[37]            La dépense d'intérêt n'est pas admissible dans le calcul du crédit d'impôt à l'investissement car il s'agit d'une dépense prévue par le sous-alinéa 2902a)(i)(C) du Règlement, qui indique qu'une somme visée à l'alinéa 20(1)c) de la Loi (soit une déduction d'intérêts) est une dépense prescrite. Elle est donc expressément exclue dans la définition de « dépense admissible » à l'alinéa 127(9)a) de la Loi, qui exclut « une dépense prévue par règlement » .

[38]            Le règlement 2902 prévoit par ailleurs une exception à ce principe lorsqu'il s'agit de « dépenses engagées par un contribuable qui tire la totalité ou la quasi-totalité de ses revenus de la poursuite de recherches scientifiques ou de la vente de droits dans des recherches scientifiques et développement expérimental ou découlant de telles recherches poursuivies par lui. » Cette exception ne peut s'appliquer à la ferme. Les revenus de celle-ci, durant les années en litige, ne provenaient pas en totalité ou en quasi-totalité de la poursuite de recherches scientifiques mais également de la vente de foin, de bovins de lait, fromages et crème, de ristournes et de subventions (états des revenus et dépenses agricoles, dossier d'appel de l'appelant, volume I, onglet 9, pp. 103-127).

[39]            Quant aux dépenses d'intérêt refusées dans le calcul des dépenses de RS & DE, il ne s'agit pas là d'une dépense visée à l'alinéa 37(1)a) de la Loi.


[40]            La seule preuve documentaire produite par l'appelant concernant les intérêts consiste dans un prêt personnel de 25 000$ consenti par la Banque Nationale du Canada le 1er février 1994 (dossier d'appel de l'appelant, volume I, p. 97).

[41]            L'appelant a indiqué que les intérêts versés dans le cadre de ce prêt étaient reliés soit à la construction de la fromagerie, soit pour payer les salaires, les matériaux ou l'équipement (transcription du témoignage de monsieur Mailloux, dossier d'appel de l'appelant, volume II, onglet 11, p. 320).

[42]            La portion des intérêts ayant trait à la construction de la fromagerie est exclue des dépenses admissibles selon le sous-alinéa 37(8)d)(i) de la Loi de 1994 puisqu'il s'agit de dépenses en capital relatives à l'acquisition d'un bâtiment.

[43]            Les dépenses d'intérêt devaient donc être refusées.


(c)        les salaires

[44]            Les montants réclamés à titre de salaire sont composés en partie de dépenses de nature personnelle et sans pièces justificatives et en partie par des montant versés à des sous-traitants pour la construction de la fromagerie (réponse à l'avis d'appel modifié, dossier d'appel de l'appelant, volume I, onglet 6, p. 25, para. 8j).

[45]            L'appelant a reconnu que ces dépenses qui lui ont été refusées étaient composées en partie de dépenses sans pièces justificatives et en partie de dépenses faites pour la construction de la fromagerie (transcription du témoignage de M. Mailloux, dossier d'appel de l'appelant, volume I, onglet 11, p. 239, ligne 14, pp. 311-312).

[46]            Le premier juge était donc pleinement justifié de déclarer inadmissible ce genre de dépenses.

(d)         la mise en marché du lait


[47]            L'appelant a expliqué que ces dépenses comprennent des cotisations versées à la Fédération des producteurs de lait du Québec ( « FPLQ » ), à l'Union des producteurs agricoles ( « UPA » ) et à un organisme exerçant le contrôle laitier ( « PATLQ » ) (transcription du témoignage de M. Mailloux, dossier d'appel de l'appelant, volume I, onglet 11, p. 326). L'appelant n'a cependant fourni aucune preuve justificative à leur égard.

[48]            Le premier juge était donc justifié de décrire ces cotisations comme étant des dépenses obligatoires pour tous les producteurs de lait et par conséquent des dépenses qui ne sont pas directement attribuables à des RS & DE.

[49]            Le premier juge a ensuite conclu que le reste des déboursés pour la mise en marché du lait ont été effectuées « dans un but de prospection du marché et pour le contrôle de la qualité ou de l'échantillonnage normal des produits au sens des alinéas 2900(1)d) et e) du Règlement » (dossier de l'appelant, volume I, p. 78). Il s'agit là d'une conclusion mixte de fait et de droit au sujet de laquelle il nous est difficile d'intervenir (Housen v. Nikolaisen, [2002] 2 S.C.R. 235).

(e)        transport de marchandises et camionnage

[50]            Ces dépenses sont, selon l'admission de l'appelant, reliées à la construction de la fromagerie durant l'année d'imposition 1993.

[51]            Le premier juge se devait de conclure à leur exclusion en vertu du sous-alinéa 37(8)d)i) de la Loi. C'est d'ailleurs ce qu'il fit.


6.         CONCLUSION

[52]            Je rejetterais l'appel avec dépens.

                                                                                                                                         "Alice Desjardins"

                                                                                                                                                                 j.c.a.

« Je suis d'accord

    M. Nadon, j.c.a. »

« Je suis d'accord

   J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                                 SECTION D'APPEL

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                 A-105-02

INTITULÉ :                                                PIERRE MAILLOUX c. REVENU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                        Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                      le 18 juin 2003

MOTIFS DU JUGEMENT :                  LE JUGE DESJARDINS

Y ONT SOUSCRIT :                                 LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

DATE DES MOTIFS :                              le 30 juillet 2003

COMPARUTIONS :

M. Pierre Mailloux                                                                          POUR L'APPELANT

Me Janie Payette                                                                            POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                                                                                                 

Ministère de la Justice - Canada                                                    POUR L'INTIMÉ

Montréal (Québec)


                                                  

                                                  

                                                  

Date : 20030730

Dossier : A-105-02

Entre :

PIERRE MAILLOUX

et

REVENU CANADA

                                                                                                                              

                          MOTIFS DU JUGEMENT

                                                                                                                              

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