Date : 20031023
Dossier : A-671-02
Référence : 2003 CAF 393
CORAM : LA JUGE DESJARDINS
LE JUGE DÉCARY
LA JUGE SHARLOW
ENTRE :
JOANNE SCHURMAN
demanderesse
et
SA MAJESTÉ LA REINE
défenderesse
Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 22 octobre 2003.
Jugement rendu à Vancouver (Colombie-Britannique), le 23 octobre 2003.
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE DÉCARY
Y ONT SOUSCRIT : LA JUGE DESJARDINS
LA JUGE SHARLOW
Date : 20031023
Dossier : A-671-02
Référence : 2003 CAF 393
ENTRE :
JOANNE SCHURMAN
demanderesse
et
SA MAJESTÉ LA REINE
défenderesse
MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE DÉCARY
[1] La demanderesse, qui se représente elle-même, sollicite le contrôle judiciaire de la décision d'un juge de la Cour de l'impôt qui a rejeté son appel en se fondant sur son défaut de comparaître à l'audition du 30 septembre 2002 de l'appel qu'elle avait interjeté. L'appel devant la Cour de l'impôt était régi par les règles de la procédure informelle.
[2] L'audition de l'appel de la demanderesse était initialement prévue pour le 27 février 2002. Le 15 février 2002, elle a demandé un ajournement en invoquant comme motif qu'elle avait été appelée à agir comme jurée. La défenderesse a consenti à l'ajournement mais l'ajournement a été refusé. La demanderesse s'est présentée à l'audience du 27 février 2002 et a encore sollicité un ajournement. L'ajournement a été accordé et une audition de l'appel a été [TRADUCTION] _ péremptoirement prévue _ pour le 30 septembre 2002.
[3] Le 23 septembre 2002, la demanderesse a demandé un ajournement au motif, cette fois-ci, que sa mère avait eu un accident cérébrovasculaire et que sa famille déménageait à la date prévue pour l'audience. La défenderesse s'est opposée et l'ajournement a été refusé.
[4] Le 29 septembre 2002, la nuit précédant l'audience, dans une lettre envoyée par télécopieur à 23 h 14 min, la demanderesse a encore demandé un ajournement. Le motif additionnel qu'elle a invoqué était que, dans les circonstances, [TRADUCTION] _ préparer et présenter [sa très bonne défense] est impossible _. Le 30 septembre 2002, la demanderesse n'a pas comparu à l'audience. Sa Majesté a présenté une requête visant le rejet de l'appel en application du paragraphe 18.21(1) de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, qui dispose que, sauf si elle est d'avis que les circonstances justifient que l'appel soit entendu à une date ultérieure, la Cour est tenue d'ordonner le rejet de l'appel si l'appelant ne comparaît pas à la date fixée pour l'audition.
[5] Le juge de la Cour de l'impôt a accueilli la requête visant le rejet de l'appel.
[6] Il est bien établi que la décision d'accorder ou non un ajournement relève de l'exercice du pouvoir discrétionnaire et n'entraînera pas l'intervention de la Cour à moins qu'il n'existe des circonstances exceptionnelles. En l'espèce, vu l'historique de l'affaire et le peu d'éléments de preuve dont il disposait, le juge de la Cour de l'impôt ne peut faire l'objet d'aucun reproche pour avoir accueilli la requête visant le rejet de l'appel. Les ajournements ne sont pas accordés sur le simple fondement de la sympathie et le fait qu'une personne se représente elle-même, bien qu'il ne soit pas sans pertinence, aura généralement peu de poids. Comme l'a fait remarquer le juge Pelletier dans l'arrêt Wagg c. Canada, [2003] A.C.F. no 1115, 2003 CAF 303 :
[24] La décision de se représenter soi-même n'est pas irrévocable, et elle n'est pas sans importance non plus. Ceux qui entreprennent de se représenter eux-mêmes dans des affaires aussi complexes que la Loi de l'impôt sur le revenu ou la Loi sur la taxe d'accise doivent s'arranger pour être prêts à se faire entendre quand leur appel est sur le point d'être plaidé. [...]
[25] En d'autres termes, les plaideurs qui choisissent de se représenter eux-mêmes doivent accepter les conséquences de leur choix :
[TRADUCTION]
[16] La cour tiendra donc compte du manque d'expérience et de formation du plaideur, mais ce plaideur doit également comprendre que, dans la décision qu'il a prise de se représenter lui-même, il y a aussi la volonté d'accepter les conséquences qui peuvent découler de son manque d'expérience ou de formation.
(Lieb c. Smith, [1994] N.J. no 199)
[26] Les nécessités administratives du système judiciaire ne sauraient faire obstacle à une
audience équitable, mais elles ne sont pas des considérations hors de propos lorsque vient le temps de décider ce qui est raisonnable eu égard aux circonstances. Il n'est pas dans l'intérêt de la justice que les juges soient inactifs et que les salles d'audience soient vides afin que les plaideurs puissent faire ce qu'ils étaient tenus de faire avant que leur cause ne soit appelée. Il ne peut en résulter que des délais dans la liquidation des affaires dont les tribunaux sont saisis, outre que les autres plaideurs doivent attendre encore davantage l'audition de leurs causes et que les coûts de fonctionnement du système judiciaire s'accroissent.
[7] Les termes suivants que le juge Hugessen de la Cour d'appel fédérale a employés dans l'arrêt Adams c. Canada (Gendarmerie royale), (1994) 174 N.R. 314 (C.A.F.), sont particulièrement appropriés pour la présente affaire :
Le temps est révolu où les tribunaux pouvaient accorder aux plaignants le luxe de se tenir à leur service. Les tribunaux, qui sont des institutions publiques chargées du règlement des litiges, nécessitent une dépense considérable de fonds publics. La congestion des tribunaux et les retards qui s'ensuivent constituent un grave problème pour le public. Aussi les parties qui engagent des procédures, à quelque niveau que ce soit, avec l'intention de les [TRADUCTION] _ tenir en suspens _ pour servir leurs propres fins pourront avoir à répondre de leur gaspillage et de leur abus d'une ressource publique. Elles s'exposent également au rejet de leur affaire.
(p. 317 et 318).
[8] À l'audience, la demanderesse a informé notre Cour que le greffe de la Cour de l'impôt l'a renvoyée à la procédure de contrôle judiciaire prévue par la Loi sur la Cour fédérale et qu'elle n'avait pas été informée de l'existence d'une procédure de révision moins formelle, prévue par le paragraphe 18.21(2) de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt. Nous ne pouvons évidemment pas vérifier l'exactitude de cette affirmation, mais présumant sa véracité, nous pouvons regretter qu'un conseil plus approprié n'ait pas été donné, mais il n'y a rien que nous puissions faire pour aider la demanderesse.
[9] Je rejetterais la demande de contrôle judiciaire, sans frais dans les circonstances.
_ Robert Décary _
Juge
_ Je souscris aux présents motifs
Alice Desjardins, juge _
_ Je souscris aux présents motifs
Karen R. Sharlow, juge _
Traduction certifiée conforme
Jean Maurice Djossou, LL.D.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-671-02
INTITULÉ : JOANNE SCHURMAN
c.
SMR
LIEU DE L'AUDIENCE : VANCOUVER (C.-B.)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 22 OCTOBRE 2003
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE DÉCARY
Y ONT SOUSCRIT : LES JUGES DESJARDINS ET SHARLOW
DATE DES MOTIFS : LE 23 OCTOBRE 2003
COMPARUTIONS :
pour son propre compte |
POUR LA DEMANDERESSE |
Thomas Torrie |
POUR LA DÉFENDERESSE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sous-procureur général du Canada |
POUR LA DÉFENDERESSE |
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