|
Federal Court of Appeal |
LE JUGE NADON
LE JUGE PELLETIER
ENTRE :
et
Audience tenue à Montréal (Québec), le 18 juin 2003.
Jugement rendu à l’audience à Montréal (Québec), le 18 juin 2003.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE PELLETIER
|
Federal Court of Appeal |
Date : 20030618
Dossier : A-551-01
Référence : 2003 CAF 276
CORAM : LE JUGE DESJARDINS
LE JUGE NADON
LE JUGE PELLETIER
ENTRE :
JAY BASSILA
demandeur
et
SA MAJESTÉ LA REINE
défenderesse
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l’audience à Montréal (Québec),
LE JUGE PELLETIER
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision du 24 août 2001 par
laquelle la juge Lamarre de la Cour canadienne de l’impôt a rejeté les appels interjetés par le demandeur à l’encontre des nouvelles cotisations établies par le ministre pour les années d’imposition 1990 à 1993. La question soulevée en appel a trait à la déductibilité de dons de bienfaisance dont le demandeur veut se prévaloir à l’égard de paiements versés à 1’Ordre
Antonien Libanais des Maronites (1’Ordre).
[2] La demande repose sur deux motifs. Le demandeur affirme que la juge de première
instance a commis une erreur en admettant une preuve par ouï-dire visant a démontrer
l’implication de l’Ordre dans une fraude concernant l’émission de reçus d’impôt pour dons de bienfaisance. II soutient également que certains commentaires de la juge de première instance ont fait naître une crainte raisonnable de partialité; par suite, les règles de justice naturelle requièrent qu’on ordonne la tenue d’un nouveau procès.
[3] La juge de première instance était assujettie au paragraphe 18.15(4) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, L.R.C (1985), ch. T-2, lequel prévoit que, dans le cas d’une procédure informelle devant la Cour, les règles de preuve ne s’appliquent pas. Malgré tout, le dossier révèle que la juge de première instance a pris soin de mentionner que certaines déclarations ayant soulevé objection ne seraient pas considérées comme preuve de la véracité de leur teneur.
[4] En outre, le demandeur a sollicité et obtenu un ajournement afin de passer en revue les documents sur lesquels la défenderesse désirait se fonder pour démontrer la manœuvre frauduleuse de l’Ordre. Lorsque le procès a repris, le demandeur aurait pu contre-interroger les enquêteurs de la défenderesse au sujet de leurs méthodes et de leurs conclusions, mais il ne l’a pas fait. S’il l’avait fait, toute carence de la preuve aurait pu être mise au jour et son incidence atténuée.
[5] Nous ne relevons aucune erreur dans le traitement par la juge de première instance de la preuve par ouï-dire.
[6] Le second motif du demandeur concerne deux commentaires formulés par la juge de première instance — « Je suis obligée de réécouter toute la preuve » et « Je vais accepter la preuve de la fraude » —, qui démontreraient que la juge de première instance avait une idée préconçue quant à l’issue de l’affaire. Le demandeur soutient qu’il en résulte une crainte raisonnable de partialité.
[7] Lorsqu’on examine le premier commentaire dans son contexte, il est clair que la juge de première instance fait allusion à la proposition de la défenderesse de présenter sous forme de rapport écrit le témoignage en interrogation principal de ses témoins. Après que 1’avocat du demandeur s’est objecté, la juge de première instance a accepté d’entendre le témoignage de vive voix des témoins. Nous ne déduirons rien d’autre du commentaire de la juge de première instance que la reconnaissance par celle-ci du droit du demandeur de faire témoigner les témoins en personne.
[8] Quant au passage où la juge de première instance dit qu’elle « accepte » la preuve de la fraude, nous estimons que les mots suivant immédiatement — « Je vais accepter d’écouter la preuve sur la fraude » — les mots sur lesquels le demandeur s’appuie font ressortir clairement l’état d’esprit de la juge de première instance, et s’avèrent conformes à ce qu’elle a véritablement fait.
[9] Nous sommes tous d’avis qu’il n’y a rien au dossier qui conduirait un observateur raisonnable, pleinement informé de la situation, à conclure qu’il y avait des motifs raisonnables de croire en la partialité de la juge de première instance.
[10] Quoi qu’il en soit, il est clair en droit qu’il faut alléguer à la première occasion une crainte de partialité. La personne qui croit que le juge président a fait naître une crainte raisonnable de partialité doit le faire savoir à la première occasion. On ne peut entretenir secrètement une crainte raisonnable de partialité en vue de la faire valoir en cas d’issue
défavorable. On peut consulter à cet égard le passage suivant de In re Tribunal des droits de la personne, [1986] 1 C.F. 103 (C.AF.):
Toutefois, même si l’on écarte cette renonciation expresse, toute la manière d’agir d’EACL devant le Tribunal constituait une renonciation implicite de toute affirmation d’une crainte raisonnable de partialité de la part du Tribunal. La seule manière d’agir raisonnable pour une partie qui éprouve une crainte raisonnable de partialité serait d’alléguer la violation d’un principe de justice naturelle à la première occasion. En l’espèce, EACL a cité des témoins, a contre-interrogé les témoins cités par la Commission, a présenté un grand nombre d’arguments au Tribunal et a engagé des procédures devant la Division de première instance et cette Cour sans contester 1’indépendance de la Commission. Bref, eIle a participé d’une manière complète à l’audience et, par conséquent, on doit tenir pour acquis qu’elle a implicitement renoncé à son droit de s’opposer.
[11] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée avec dépens.
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR D' APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-551-01
INTITULÉ : JAY BASSILA
demandeur
et
SA MAJESTÉ LA REINE
défenderesse
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal, Québec
DATE DE L’AUDIENCE : Le 18 juin 2003
MOTIFS DU JUGEMENT LA JUGE DESJARDINS, LE JUGE NADON, LE JUGE PELLETIER
PRONONCÉS PAR : LE JUGE PELLETIER
DATE DES MOTIFS : Le 18 juin 2003
COMPARUTIONS :
Angelo Caputo |
POUR LE DEMANDEUR |
Simon-Nicolas Crépin |
POUR LA DÉFENDERESSE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Cavaliere & Caputo Westmount (Québec) |
POUR LE DEMANDEUR |
Morris Rosenberg Sous-procureur général du Canada Ottawa (Ontario) |
POUR LA DÉFENDERESSE |