Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20011203

Dossier : A-608-00

Référence neutre : 2001 CAF 374

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE LINDEN

LE JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                 SHELDON BLANK & GATEWAY INDUSTRIES LTD.

                                                                                                                                                       appelants

                                                                                   et

                                            LE MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT

                                                                                                                                                            intimé

                                 Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 19 novembre 2001

                                  Jugement prononcé à Ottawa (Ontario), le 3 décembre 2001

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                          LE JUGE SHARLOW

.

                                                                                                                                                                       

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                LE JUGE STRAYER

                                                                                                                                        LE JUGE LINDEN


Date : 20011203

Dossier : A-608-00

Référence neutre : 2001 CAF 374

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE LINDEN

LE JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                 SHELDON BLANK & GATEWAY INDUSTRIES LTD.

                                                                                                                                                       appelants

                                                                                   et

                                            LE MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT

                                                                                                                                                            intimé

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SHARLOW

[1]                 Sheldon Blank et sa société Gateway Industries Ltd. ont demandé, en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, de consulter un certain nombre de documents relevant du contrôle du ministre de l'Environnement. Les documents ont trait à l'enquête et à la poursuite d'accusations criminelles reposant sur une allégation de déversement d'un effluent dans la rivière Rouge par une papeterie de Winnipeg qui appartient à Gateway Industries Ltd. et qui est exploitée par celle-ci.


[2]                 Les accusations criminelles ont été portées en 1995 en vertu de la Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14. Certaines accusations ont été abandonnées, mais d'autres sont demeurées. Concernant les accusations en instance, les appelants se sont adressés aux tribunaux criminels du Manitoba pour que certains documents leur soient communiqués en se fondant sur l'arrêt R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326. Les appelants ne sont pas satisfaits du nombre de documents qui leur ont été communiqués par suite de cette démarche. C'est en partie la raison pour laquelle ils poursuivent leurs efforts en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

[3]                 Le ministre a répondu aux demandes d'information en communiquant la totalité ou une partie de certains documents et en refusant d'en produire d'autres. Les refus étaient fondés sur un certain nombre d'exemptions prévues par la loi. Les appelants ont porté plainte auprès du commissaire à l'information, qui a conclu qu'ils avaient reçu tous les documents auxquels ils avaient droit. Les appelants se sont adressés à la Section de première instance de la présente Cour pour faire examiner les refus fondés sur l'article 41 de la Loi sur l'accès à l'information. Ils ont eu gain de cause en partie. Une ordonnance a été rendue le 19 juillet 2000 obligeant le ministre à produire d'autres documents : Blank c. Canada (Ministre de l'Environnement), [2000] A.C.F. no 1147 (C.F. 1re inst.). Les appelants ne sont toujours pas satisfaits et ils en appellent de l'ordonnance. Il n'y a pas d'appel incident.


[4]                 Quand le commissaire a fait enquête sur la plainte des appelants, environ 7 655 pages de documents avaient été examinées. Avant l'audition de la demande fondée sur l'article 41 devant la Section de première instance, le nombre de documents en cause avait été réduit à 544 pages de dossiers et une bande vidéo. Après deux jours d'audience, le juge a ordonné la communication totale ou partielle de 153 autres pages.

[5]                 L'avis d'appel mentionne environ 113 pages ou parties de pages qui font toujours l'objet d'une contestation. Pour 112 de ces pages, la demande d'exemption est fondée sur l'article 23 de la Loi sur l'accès à l'information (secret professionnel de l'avocat). Pour l'un de ces documents, la demande d'exemption se fonde sur l'alinéa 16(1)c) (renseignements pouvant nuire à une enquête licite).

Dispositions législatives pertinentes - Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1

2. (1) La présente loi a pour objet d'élargir l'accès aux documents de l'administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.

2. (1) The purpose of this Act is to extend the present laws of Canada to provide a right of access to information in records under the control of a government institution in accordance with the principles that government information should be available to the public, that necessary exceptions to the right of access should be limited and specific and that decisions on the disclosure of government information should be reviewed independently of government.

4. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi mais nonobstant toute autre loi fédérale, ont droit à l'accès aux documents relevant d'une institution fédérale et peuvent se les faire communiquer sur demande_:

a) les citoyens canadiens;

b) les résidents permanents au sens de la Loi sur l'immigration.

4. (1) Subject to this Act, but notwithstanding any other Act of Parliament, every person ... has a right to and shall, on request, be given access to any record under the control of a government institution.

16. (1) Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication de documents_:

16. (1) The head of a government institution may refuse to disclose any record requested under this Act that contains ...

c)          contenant des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire aux activités destinées à faire respecter les lois fédérales ou provinciales ou au déroulement d'enquêtes licites, notamment_:

(c)         information the disclosure of which could reasonably be expected to be injurious to the enforcement of any law of Canada or a province or the conduct of lawful investigations, including, without restricting the generality of the foregoing, any such information

(i)     des renseignements relatifs à l'existence ou à la nature d'une enquête déterminée,

(i)    relating to the existence or nature of a particular investigation

(ii) des renseignements qui permettraient de remonter à une source de renseignements confidentielle,

(ii) that would reveal the identity of a confidential source of information, or

(iii) des renseignements obtenus ou préparés au cours d'une enquête; ...

(iii) that was obtained or prepared in the course of an investigation ...

23. Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication de documents contenant des renseignements protégés par le secret professionnel qui lie un avocat à son client.

23. The head of a government institution may refuse to disclose any record requested under this Act that contains information that is subject to solicitor-client privilege.

25. Le responsable d'une institution fédérale, dans les cas où il pourrait, vu la nature des renseignements contenus dans le document demandé, s'autoriser de la présente loi pour refuser la communication du document, est cependant tenu, nonobstant les autres dispositions de la présente loi, d'en communiquer les parties dépourvues des renseignements en cause, à condition que le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes sérieux.

25. Notwithstanding any other provision of this Act, where a request is made to a government institution for access to a record that the head of the institution is authorized to refuse to disclose under this Act by reason of information or other material contained in the record, the head of the institution shall disclose any part of the record that does not contain, and can reasonably be severed from any part that contains, any such information or material.

41. La personne qui s'est vu refuser communication totale ou partielle d'un document demandé en vertu de la présente loi et qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le Commissaire à l'information peut, ... exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour. ...

41. Any person who has been refused access to a record requested under this Act or a part thereof may, if a complaint has been made to the Information Commissioner in respect of the refusal, apply to the Court for a review of the matter ...

48. Dans les procédures découlant des recours prévus aux articles 41 ou 42, la charge d'établir le bien-fondé du refus de communication totale ou partielle d'un document incombe à l'institution fédérale concernée.

48. In any proceedings before the Court arising from an application under section 41 or 42, the burden of establishing that the head of a government institution is authorized to refuse to disclose a record requested under this Act or a part thereof shall be on the government institution concerned.

49. La Cour, dans les cas où elle conclut au bon droit de la personne qui a exercé un recours en révision d'une décision de refus de communication totale ou partielle d'un document fondée sur des dispositions de la présente loi autres que celles mentionnées à l'article 50, ordonne, aux conditions qu'elle juge indiquées, au responsable de l'institution fédérale dont relève le document en litige d'en donner à cette personne communication totale ou partielle; la Cour rend une autre ordonnance si elle l'estime indiqué.

49. Where the head of a government institution refuses to disclose a record requested under this Act or a part thereof on the basis of a provision of this Act not referred to in section 50, the Court shall, if it determines that the head of the institution is not authorized to refuse to disclose the record or part thereof, order the head of the institution to disclose the record or part thereof, subject to such conditions as the Court deems appropriate, to the person who requested access to the record, or shall make such other order as the Court deems appropriate.

  

Questions juridiques préliminaires

[6]                 Le présent appel soulève un certain nombre de questions juridiques. Il convient de traiter de trois de ces questions de façon préliminaire : (1) le traitement des documents incorporés par renvoi dans les dossiers demandés, (2) le degré de pertinence de l'arrêt Stinchcombe, et (3) la question de savoir si le prélèvement prévu à l'article 25 s'applique aux dossiers au titre desquels une exemption est invoquée en vertu de l'article 23 (secret professionnel de l'avocat).

(1) Documents incorporés par renvoi

[7]                 Les appelant soutiennent qu'ils devraient avoir le droit de consulter tous les documents « incorporés par renvoi » dans les dossiers qui ont été ou devraient avoir été communiqués en totalité ou en partie. Pour traiter de cet argument, il faut reconnaître que chacune des demandes de renseignements des appelants fait référence à des dossiers précis qui sont sous le contrôle du ministre. Certains des documents dans les dossiers demandés sont des lettres ou des notes de service qui font référence à des pièces jointes ou à d'autres documents qui étaient peut-être, ou peut-être pas, dans les dossiers demandés. Les appelants soutiennent que ces pièces jointes ou autres documents devraient être considérés comme étant visés par les demandes parce que, s'ils ne se trouvaient pas réellement dans les dossiers demandés, ils auraient dû y être et devraient être traités comme s'ils s'y trouvaient.


[8]                 Cet argument suppose que les dossiers du ministre étaient en quelque sorte incomplets. Les faits ne permettent pas de soutenir cette hypothèse. Au contraire, le commissaire à l'information qui a fait enquête sur l'affaire a conclu que tous les dossiers visés par la demande avaient été identifiés et avaient été soit communiqués, soit refusés en s'appuyant sur une exemption bien précise. Les appelants n'ont pas produit de preuve pour contredire la conclusion du commissaire à l'information. Cet argument ne peut donc être retenu.

(2) Principe de l'arrêt Stinchcombe

[9]                 Les appelants affirment que la réponse non appropriée du ministre concernant les demandes de renseignements est motivée par le désir de limiter la consultation des documents à ceux qui ont été produits dans la procédure criminelle, ce que les appelants considèrent également comme inadéquat, comme il a été indiqué ci-dessus. D'après ce que je comprends, la plainte des appelants s'articule sur le fait que tous les documents qui auraient dû être communiqués dans le cadre de la poursuite criminelle en vertu des principes énoncés dans l'arrêt Stinchcombe, et qui n'ont pas été communiqués à ce jour, devraient maintenant l'être en réponse à leur demande fondée sur la Loi sur l'accès à l'information.


[10]            Il n'y a pas de preuve que la réponse du ministre aux demandes de renseignements formulées par les appelants soit motivée par des raisons non appropriées, mais, quoi qu'il en soit, il serait injuste en principe d'utiliser l'arrêt Stinchcombe comme le souhaite les appelants. Le fondement du droit à la communication reconnu dans Stinchcombe est le droit d'une personne accusée d'un délit criminel d'obtenir une audience équitable et de présenter une défense pleine et entière (Sopinka, Lederman, Bryant, The Law of Evidence in Canada, 2e éd. 1999, Butterworths Canada Ltd. à § 15.30). Ce droit à la communication est un des droits qui est maintenant garanti par l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés en tant que principe de justice fondamentale.

[11]            Le droit à la communication reconnu dans l'arrêt Stinchcombe est d'une importance capitale pour les personnes faisant l'objet d'un procès criminel, mais c'est un droit qui doit être administré par les tribunaux ayant compétence en matière criminelle. Essayer d'appliquer les règles de l'arrêt Stinchcombe dans le contexte d'une instance fondée sur la Loi sur l'accès à l'information équivaudrait à inviter le commissaire à l'information, et au bout du compte la présente Cour, à essayer d'anticiper sur les décisions qui devraient être prises, ou à revoir des décisions qui ont déjà été prises, par une cour criminelle. En l'espèce, par exemple, un juge de première instance du Manitoba s'est déjà prononcé sur certaines requêtes ayant trait à la communication de documents fondées sur l'arrêt Stinchcombe.

[12]            Je conclus que pour déterminer si les documents appropriés ont été communiqués en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, la Cour ne doit examiner que la Loi et la jurisprudence qui en guide l'interprétation et l'application. Les lois exigeant la communication de documents dans d'autres procédures juridiques ne peuvent restreindre ni élargir la portée de la communication exigée par la Loi sur l'accès à l'information.


(3) Prélèvement d'une partie des documents qui contiennent des renseignements protégé par le secret professionnel de l'avocat

[13]            Le ministre fait valoir qu'un dossier protégé par le secret professionnel de l'avocat n'est pas assujetti à la disposition relative au prélèvement de l'article 25. Je ne suis pas d'accord. L'article 25 s'applique « nonobstant les autres dispositions de la présente loi » . Si un document renferme un renseignement visé par le secret professionnel prévu par la common law et renferme également des renseignements qui échappent au secret professionnel, le ministre ne peut refuser de communiquer ces derniers renseignements.

Question principale - Concernant les 112 pages de documents pour lesquelles le ministre a invoqué le secret professionnel, le juge a-t-il correctement jugé de l'application des articles 23 et 25?

[14]            En essayant de déterminer si l'ordonnance faisant l'objet de l'appel était fondée sur une erreur quelconque qui exigerait l'intervention de la présente Cour, l'avocat de l'appelant était considérablement désavantagé. On lui a refusé l'accès aux documents. Il n'avait qu'une liste des détails fournis par l'avocat du ministre.


[15]            Les appelants font valoir que le ministre aurait dû être tenu de fournir des détails supplémentaires et plus précis concernant les documents au sujet desquels le secret professionnel a été invoqué. Ayant revu la totalité des documents au regard de la liste révisée des détails, j'ai conclu que la communication des détails est suffisante, et qu'elle est également assez exacte, à l'exception d'un document sur lequel je reviendrai ci-dessous.

[16]            Comme autre motif d'appel, l'avocat des appelants fait valoir qu'il devrait être autorisé à examiner les documents pour lesquels le secret professionnel de l'avocat a été invoqué afin de pouvoir décider par lui-même s'il peut présenter un argument selon lequel le secret professionnel ne s'applique pas. Il reconnaît qu'il serait tenu de donner des engagements appropriés pour assurer la confidentialité des informations que l'examen des documents pourrait lui révéler. Toutefois, la partie qui réclame le privilège ne peut être certaine que l'avocat de la partie adverse, quelle que soit sa bonne volonté et son honnêteté, sera en mesure de ne pas tenir compte des informations dont elle aura pris connaissance en consultant les documents. De façon pratique, autoriser l'avocat de la partie adverse à consulter les documents présente le risque d'annihiler le privilège.


[17]            Les revendications du secret professionnel de l'avocat sont en général traitées comme elles l'ont été en l'espèce, c'est-à-dire qu'on fournit à la partie qui le conteste des détails au sujet des documents plutôt que de lui donner accès aux documents eux-mêmes. Il s'ensuit que les documents sont examinés en détail par la Cour seulement. En première instance, la partie qui conteste ne peut faire autrement que de se fier au juge ou, comme ce fut le cas en l'espèce, de former un appel sans être en mesure de préciser les erreurs qui ont pu être commises. La Cour d'appel est alors forcée de reprendre l'examen du juge de première instance et de décider par elle-même si le privilège s'applique. Il n'existe aucune autre procédure qui puisse assurer un examen raisonnable du privilège du secret professionnel sans le réduire à néant. Il n'y a pas de raison de s'éloigner de cette pratique en l'espèce.

[18]            Par conséquent, la Cour a revu la totalité des documents en cause dans le but d'examiner à nouveau les exemptions fondées sur le secret professionnel de l'avocat et invoquées par le ministre. Pour les motifs ci-dessous, les privilèges invoqués seront maintenus à l'exception du dossier 1878.

[19]            Presque tous les documents en cause sont des lettres et des notes de service constituant des communications entre un avocat et son client (l'avocat étant le ministère de l'Environnement représenté par différents fonctionnaires qui ont fait enquête sur des allégations de délits criminels, l'avocat étant un avocat du ministère de la Justice ou un avocat du ministère de l'Environnement). Ces communications donnent ou demandent des avis juridiques, ou représentent une partie intégrale du dialogue continu ayant généralement trait aux accusations criminelles auxquelles les avis juridiques réfèrent expressément ou implicitement.

[20]            L'avocat de l'appelant a signalé que ce ne sont pas toutes les communications entre avocat et client qui sont confidentielles et que, précisément dans le cas des avocats engagés par le gouvernement, les avis recherchés ou donnés peuvent parfois avoir trait à des questions de politique plutôt que de droit. Bien que cela soit théoriquement vrai, en l'espèce, je n'ai pu identifier d'avis recherchés ou donnés qui ne pouvaient pas à proprement parler être qualifiés d'avis juridiques.


[21]            Pour la totalité des documents en cause en l'espèce qui constituent des communications entre avocat et client, le juge pouvait à juste titre faire droit au privilège invoqué pour la totalité du document. Il l'a fait dans la plupart des cas, alors que dans d'autres cas, il a exigé qu'une partie du document soit communiquée.

[22]            Les cas dans lesquels une communication partielle a été ordonnée se classent en deux catégories. Dans la première catégorie, on a ordonné la communication de certains énoncés qui étaient purement factuels. Il est possible de prétendre qu'on n'aurait pas dû ordonner la communication de ces énoncés de faits parce que dans chacun des cas ils sont inextricablement liés à la question juridique discutée et qu'ils auraient dû être traités comme faisant partie d'une communication confidentielle. Dans cette mesure, il se peut qu'il y ait eu une trop grande communication de certains documents confidentiels. Toutefois, comme le ministre n'a pas déposé d'appel incident, l'ordonnance du juge ne sera pas modifiée sur ce point.

[23]            Dans la deuxième catégorie, on retrouve des lettres et des notes de service dont la partie visée par l'ordonnance porte sur ce que je caractériserais de renseignements d'identification générale : la description du document (par exemple, l'en-tête de la « note de service » et l'identification du dossier interne), le nom, le titre et l'adresse de la personne à qui était adressée la communication, l'objet, le préambule et la conclusion généralement sans grande importance et la signature. Les communications partielles dans cette catégorie permettent aux appelants de savoir qu'il y a eu une communication entre certaines personnes à une certaine date sur un certain sujet, mais rien de plus.


[24]            Il peut y avoir des cas où des renseignements d'identification générale de cette nature pourraient être visés par le secret professionnel. Toutefois, le ministre n'a fourni aucun élément de preuve à partir duquel je pourrais conclure que tel est le cas. À strictement parler, par conséquent, le juge aurait pu et aurait dû ordonner la communication des renseignements d'identification générale pour chaque lettre ou note de service contenant une communication confidentielle. En pratique, toutefois, les renseignements d'identification les plus importants se trouvent déjà dans la liste des détails fournis. Modifier l'ordonnance du juge pour exiger une plus grande communication des renseignements d'identification n'est pas nécessaire à cette étape et je refuserais de le faire.

[25]            Il convient de noter ici que, même s'il n'a été autorisé à consulter que la liste des détails, l'avocat de l'appelant a été en mesure de déterminer que le juge est parvenu à différentes conclusions sur différentes copies du même document (par exemple, les dossiers 254 et 2323), pour lesquelles il a ordonné une communication partielle pour un document et aucune communication pour l'autre. Un examen plus attentif révèle un certain nombre d'autres cas de conclusions contradictoires de cette nature.


[26]            Les cas dans lesquels le juge est parvenu à des conclusions contradictoires se classent en deux catégories qui ressemblent aux catégories décrites ci-dessus pour les communications entre avocat et client. C'est-à-dire qu'il y a quelques lettres et notes de service qui ont été complètement exemptées de la communication, alors que l'on a permis la communication de renseignements d'identification générale pour une autre copie identique. Il y a d'autres lettres ou notes de service dont une copie a été exemptée complètement de la communication alors que certains énoncés de faits ont été communiqués pour l'autre copie. Je n'ai pas trouvé de cas de conclusions contradictoires où le juge aurait commis une erreur en appliquant le secret professionnel à des renseignements qui n'étaient pas confidentiels (à l'exception de ceux qui ont trait aux renseignements d'identification générale). Par conséquent, le fait qu'il y ait des conclusions contradictoires dans certains cas ne signifie pas que le juge a commis une erreur qui justifie que son ordonnance soit modifiée.

[27]            Les documents en question renferment également des communications qui n'ont pas eu lieu entre avocat et client, mais entre les fonctionnaires du ministère client. Dans chaque cas, le document ou la portion du document qui a été exempté de la communication renferme une description ou une discussion de l'avis juridique recherché ou à rechercher, ou de l'avis juridique obtenu. Ces portions non communiquées sont confidentielles.


[28]            J'en viens maintenant au document, savoir le dossier 1878, pour lequel la description des détails était inexacte. L'énoncé des détails donne l'impression qu'il s'agit d'une copie d'une communication entre des fonctionnaires du ministère client. En fait, il s'agit d'une copie d'une lettre d'un fonctionnaire du ministère de l'Environnement à la ville de Winnipeg dans laquelle il demande des renseignements au sujet des accusations portées par la ville de Winnipeg contre Gateway Industries Ltd. relativement à la trop grande quantité de rejets industriels municipaux. La communication pourrait théoriquement être exemptée de la communication en invoquant le privilège touchant les renseignements qui serviront à la poursuite du litige, qui, d'après ce que je comprends, sont inclus dans le privilège des communications entre client et avocat, à l'exception du principe suivant énoncé par Sopinka, Lederman, Bryant, The Law of Evidence in Canada, 2e éd., 1999, Butterworths Canada Ltd., au § 14.44 :

[TRADUCTION]

La création d'un privilège est assujettie à la condition préalable que la communication soit faite de façon confidentielle.

  

[29]            Dans le cas de la plupart des communications entre avocat et client, y compris celles qui sont visées en l'espèce, l'élément de confidentialité se déduit du sujet de la communication et des circonstances qui entourent cette communication. Toutefois, il est plus difficile d'appuyer une telle inférence pour une communication avec un tiers. Il n'y a rien dans le dossier 1878 lui-même, ni dans les circonstances qui ont entouré cette communication, qui puisse appuyer une telle inférence pour ce dossier. Le ministre n'a fourni aucune preuve à partir de laquelle l'élément de confidentialité pouvait se déduire pour le dossier 1878. Je conclus que le ministre ne s'est pas acquitté du fardeau d'établir que l'exemption prévue à l'article 23 s'applique au dossier 1878.

Dossier 4144 - Exemption visée à l'alinéa 16(1)c)

[30]            Pour ce qui est du dossier 4144, le juge a à bon droit ordonné la seule communication des parties de ce document qui ont trait à des enquêtes terminées.


Ordonnance par consentement pour obtenir la production de certains documents scellés

[31]            Les redressements recherchés par les appelants incluent une ordonnance les autorisant à examiner 176 dossiers scellés par la Cour pour lesquels le ministre a retiré sa demande d'exemption le ou vers le 20 avril 1999. L'avocat des appelants indique que les dossiers en question sont ceux qui sont énumérés à la page 183 du volume II du dossier d'appel des appelants.

[32]            L'avocat du ministre a indiqué à l'audition de l'appel, apparemment sans examiner lui-même les documents, qu'il consentirait à une ordonnance dans ce sens au motif que la totalité de ces documents ont déjà été communiqués dans le cadre de la poursuite criminelle. Je conviens que l'ordonnance demandée devrait être rendue.

[33]            Toutefois, je note que l'un des documents que l'on prétend avoir communiqué au cours de la poursuite criminelle est le dossier 1759. Selon l'avis d'appel et l'ordonnance du juge des requêtes, le dossier 1759 renferme certains renseignements qui, dans la présente instance, continuent de faire l'objet d'une revendication du secret professionnel. Je suppose que la copie du document 1759 qui a déjà été communiquée à l'appelant au cours de la poursuite criminelle n'incluait pas la partie confidentielle, mais je ne sais pas si tel est le cas. L'ordonnance devrait indiquer que la copie du dossier 1759 qui est communiquée à l'appelant n'inclura aucune partie du dossier pour laquelle le privilège du secret professionnel a été reconnu et maintenu au cours du présent appel, à moins que la partie confidentielle ait déjà été communiquée à l'appelant dans le cadre de la poursuite criminelle.


Adjudication des dépens en Section de première instance

[34]            Le juge a accordé les dépens aux appelants, mais il n'a donné aucune directive spéciale concernant l'échelle des frais à utiliser. Les appelants contestent l'adjudication des dépens au motif que le juge aurait dû accorder les dépens sur la base des frais entre avocat et client. Il semble que les appelants ont eu la possibilité de présenter des observations sur les dépens avant que le jugement soit rendu, mais qu'ils ont refusé de le faire. Ils n'ont également pas invoqué la règle 403. À mon avis, cela m'oblige à conclure que le juge n'a pas commis d'erreur en adjugeant les dépens comme il l'a fait. Toutefois, j'ajouterais qu'il n'y a rien au dossier ayant trait à la conduite de cette affaire qui justifierait l'octroi des dépens sur la base des frais entre avocat et client en Section de première instance.

Conclusion

[35]            L'appel devrait être rejeté à l'exception de ce qui suit :

a)    Les appelants devraient avoir droit de consulter le dossier 1878.


b)    Les intimés y ayant consenti, les appelants devraient être autorisés à examiner les dossiers dont la liste figure à la page 183 du volume II du dossier d'appel des appelants, à l'exception de la partie du dossier 1795 pour laquelle la revendication du privilège du secret professionnel de l'avocat a été maintenue dans le présent appel, à moins que cette partie confidentielle ait déjà été communiquée à l'appelant dans le cadre de la procédure criminelle.

[36]            Étant donné que l'appel est en grande partie rejeté, il n'y a pas lieu d'accorder de dépens.

    

« K. Sharlow »

JUGE

« Je souscris à ces motifs

B.L. Strayer, juge »

« Je souscris à ces motifs

A.M. Linden, juge »

   

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

    

DOSSIER :                                                                                   A-608-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                      Sheldon Blank & Gateway

Industries Ltd.

- et -

Le ministre de l'Environnement

LIEU DE L'AUDIENCE :                                            Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           le 19 novembre 2001

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                              le juge Sharlow

(comme indiqué dans les motifs)

Y ONT SOUSCRIT :                                        le juge Strayer

le juge Linden

DATE :                                                                             le 3 décembre 2001

  

COMPARUTIONS :

Mark M. Schulman                                                                         POUR L'APPELANT

Brian Hay                                                                                        POUR L'INTIMÉ

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Schulman & Schulman                                                     POUR L'APPELANT

Winnipeg (Manitoba)

Morris Rosenberg                                                                           POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


Date : 20011203

Dossier : A-608-00

Ottawa (Ontario), le 3 décembre 2001

CORAM : LE JUGE STRAYER

LE JUGE LINDEN

LE JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                 SHELDON BLANK & GATEWAY INDUSTRIES LTD.

                                                                                                                                                        appelants

                                                                                   et

                                             LE MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT

                                                                                                                                                            intimé

                                                                        JUGEMENT

  

L'appel est rejeté, à l'exception de ce qui suit :

a)    Les appelants ont droit de consulter le dossier numéro 1878.

b)    Les intimés y ayant consenti, les appelants sont autorisés à examiner les dossiers dont la liste figure à la page 183 du volume II du dossier d'appel des appelants, à l'exception de la partie du dossier 1795 pour laquelle la revendication du privilège du secret professionnel de l'avocat a été maintenue dans le présent appel, à moins que cette partie confidentielle ait déjà été communiquée à l'appelant dans le cadre de la procédure criminelle.


Il n'y a pas d'adjudication de dépens.

« B.L. Strayer »

JUGE

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.

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