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Date : 20030313

                                                                                                                                       Dossier : A-365-02

Toronto (Ontario), le jeudi 13 mars 2003

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NADON

LE JUGE SHARLOW

ENTRE :

HELMUT OBERLANDER

appelant

-et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

JUGEMENT

L'appel est rejeté.

« Gilles Létourneau »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


Date : 20030313

Dossier : A-365-02

Référence neutre : 2003 CAF 134

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NADON

LE JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                             HELMUT OBERLANDER

appelant

- et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

                                Audience tenue à Toronto (Ontario), le mercredi 12 mars 2003.

                                   Jugement rendu à Toronto (Ontario), le jeudi 13 mars 2003.         

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LE JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                   LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                                      LE JUGE NADON


                                                                                                                                           Date : 20030313

                                                                                                                                       Dossier : A-365-02

                                                                                                            Référence neutre : 2003 CAF 134

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NADON

LE JUGE SHARLOW

ENTRE :

                          HELMUT OBERLANDER

appelant

- et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

                                                                                   

LE JUGE SHARLOW


[1]                 Il s'agit d'un appel d'une décision de la Section de première instance en date du 11 juillet 2002, rejetant une demande de surseoir à une enquête qui avait été commencée conformément au paragraphe 27(3) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2. Les motifs du jugement se trouvent dans la décision Oberlander c. Canada (Procureur général) (2002), 22 Imm. L.R. (3d) 122 (C.F.1re inst.).

Les faits

[2]                 L'appelant a perdu sa citoyenneté le 12 juillet 2001 par décret C.P. 2001-1227 pris en vertu du paragraphe 10(1) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29. L'appelant a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision du gouverneur en conseil de prendre ce décret (dossier de la Section de première instance T-1505-01). L'audition de la demande de contrôle judiciaire est prévue pour le 23 juin 2003.

[3]                 Le 27 août 2001, un agent d'immigration a fait un rapport en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi sur l'immigration indiquant que l'appelant est une personne décrite à l'alinéa 27(2)i) de la Loi sur l'immigration. L'alinéa 27(2)i) se lit comme suit :

[...] a perdu sa citoyenneté canadienne conformément au paragraphe 10(1) de la Loi sur la citoyenneté en raison de l'existence des circonstances visées au paragraphe 10(2) de cette loi [...]

... a person who ceased to be a Canadian citizen pursuant to subsection 10(1) of the Citizenship Act in the circumstances described in subsection 10(2) of that Act ...


[4]                 Le rapport fait en vertu du paragraphe 27(2) a automatiquement donné lieu à une directive en vertu du paragraphe 27(3) de la Loi sur l'immigration suivant laquelle il devait y avoir une enquête devant la Section d'arbitrage de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Cette enquête peut mener à une conclusion suivant laquelle l'appelant a le droit de demeurer au Canada, ou peut mener à une mesure d'expulsion contre l'appelant.

[5]                 Si une mesure d'expulsion est prise, l'appelant fera l'objet de certaines restrictions en ce qui a trait à ses déplacements. Toutefois, la mesure d'expulsion ne sera pas exécutoire avant que certaines procédures additionnelles ne soient complétées conformément à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (qui a remplacé la Loi sur l'immigration ). De plus, lors de l'audition du présent appel, l'avocat de l'appelant a mentionné que l'épouse et la fille de l'appelant ont fait une demande pour le parrainer, et que dans le cadre de cette demande, elles ont demandé un redressement pour l'application de certaines dispositions de la loi pour des raisons d'ordre humanitaire. Je comprends que si ce redressement est accordé, l'appelant pourra demeurer au Canada pendant que la demande de parrainage de sa famille est sous étude.

[6]                 L'enquête en matière d'immigration a commencé le 27 novembre 2001 et s'est poursuivie le 26 mars 2002. On n'a pas demandé à l'arbitre dirigeant l'enquête de suspendre l'enquête jusqu'à ce que la demande de contrôle judiciaire de la décision du gouverneur en conseil soit tranchée. Une troisième séance de l'enquête était prévue pour le 16 mai 2002, mais avant cette date l'appelant a présenté un requête dans le dossier T-1505-01 visant à obtenir une ordonnance qui suspendrait l'enquête jusqu'à ce que la demande de contrôle judiciaire de la décision du gouverneur en conseil soit tranchée. La requête a été rejetée, ce qui a donné lieu au présent appel.


[7]                 Comme il a déjà été indiqué, l'enquête en matière d'immigration a débuté sous la Loi sur l'immigration, et a été automatiquement continuée par la Section de l'immigration lors de l'entrée en vigueur de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Ni l'une ni l'autre des parties n'a dit que les disparités entre les deux lois n'avaient de pertinence quant aux questions soulevées dans cet appel.

[8]                 L'enquête en matière d'immigration n'est pas encore complétée. L'appelant n'a jamais demandé à l'arbitre de remettre ou de suspendre les procédures. L'appelant n'a pas non plus demandé l'autorisation d'entamer une demande de contrôle judiciaire de quelque décision rendue en vertu de la Loi sur l'immigration ou de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés dans le cadre de l'enquête.

Compétence de la Section de première instance

[9]                 Le substitut du procureur général prétend que la Cour n'a pas compétence pour entendre le présent appel. Avant d'examiner cette prétention, je vais examiner la question de savoir si la Section de première instance a compétence pour entendre la demande de surseoir à l'enquête en matière d'immigration. Apparemment, le juge de première instance a entendu des arguments ayant trait à la compétence et a conclu qu'il avait la compétence requise.


[10]            Le substitut du procureur général allègue que la Section de première instance n'avait pas compétence pour entendre la requête visant à surseoir à l'enquête en matière d'immigration. Son argumentation repose sur l'idée que, bien que la requête afin de surseoir à l'enquête en matière d'immigration se veut une procédure interlocutoire dans la demande de contrôle judiciaire de la décision du gouverneur en conseil, qui est une procédure en vertu de la Loi sur la citoyenneté, il s'agit en substance d'une demande de contrôle judiciaire en matière d'immigration, ce qui est interdit à moins d'avoir obtenu une autorisation aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (ou aux termes du paragraphe 82.1(1) de la Loi sur l'immigration qui l'a précédée). Le paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection de réfugiés se lit comme suit :

72(1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure - décision, ordonnance, question ou affaire - prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d'une demande d'autorisation.

72(1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter - a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised - under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

[11]            Le substitut du procureur général soumet que cette disposition ne pourrait être une affirmation plus claire de la volonté du législateur que les procédures en matière d'immigration puissent aller de l'avant sans intervention judiciaire sauf si une autorisation est accordée par un juge de la Section de première instance.


[12]            L'avocate de l'appelant allègue que la requête afin de surseoir est une requête interlocutoire dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire de la décision du gouverneur en conseil et que, à ce titre, elle n'est pas touchée par les exigences en matière d'autorisation contenues dans la Loi sur l'immigration ou la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Elle plaide que puisque la requête afin de surseoir était reliée à l'affaire concernant le gouverneur en conseil, la compétence de la Section de première instance d'entendre la requête afin de surseoir est tirée de l'article 18.2 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, qui se lit comme suit :

18.2    La Section de première instance peut, lorsqu'elle est saisie d'une demande de contrôle judiciaire, prendre les mesures provisoires qu'elle estime indiquées avant de rendre sa décision définitive.

18.2    On an application for judicial review, the Trial Division may make such interim orders as it considers appropriate pending the final disposition of the application.

[13]            Subsidiairement, elle se fonde sur le paragraphe 50(1) de la Loi sur la Cour fédérale, qui se lit comme suit :

50(1)    La Cour a le pouvoir discrétionnaire de suspendre les procédures dans toute affaire :

50(1)    The Court may, in its discretion, stay proceedings in any cause or matter,

a) au motif que la demande est en instance devant un autre tribunal;

(a) on the ground that the claim is being proceeded with in another court or jurisdiction; or

b) lorsque, pour quelque autre raison, l'intérêt de la justice l'exige.

(b) where for any other reason it is in the interest of justice that the proceedings be stayed.


[14]            Un argument comme celui de l'avocate de l'appelant a été retenu dans la décision Kindler c. Canada (Ministre de la Justice), [1989] 2 C.F. 38 (1re inst.). Cette affaire concernait un sursis à une procédure entreprise par le ministre de la Justice en vertu de la Loi sur l'extradition S.R.C. 1970, ch. E-21. Cependant, la Loi sur l'extradition ne contenait aucune disposition comparable à l'exigence en matière d'autorisation contenue dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

[15]            L'avocate de l'appelant fait également valoir qu'il existe de nombreuses décisions dans lesquelles la Section de première instance a adopté la position qu'elle a compétence pour surseoir à l'exécution de mesures d'expulsion lorsqu'il n'y a aucune demande d'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de la mesure d'expulsion elle-même. Je ne me propose pas d'examiner la jurisprudence abondante se rapportant à cette question. Il suffit de dire que dans toutes les causes citées par l'avocate de l'appelant, la requête afin de surseoir à l'exécution de la mesure d'expulsion partait d'une quelconque demande de contrôle judiciaire dans le cadre de laquelle on avait au moins fait une demande d'autorisation en vertu de la Loi sur l'immigration.


[16]            Le but de la requête qui fait l'objet de la présente affaire était de reporter l'enquête en matière d'immigration. Le moyen le plus direct d'atteindre ce but aurait été de demander à l'arbitre de reporter l'enquête jusqu'à ce que le contrôle judiciaire de la décision du gouverneur en conseil soit complété. Un ajournement aurait pu être accordé, ce qui aurait exclu tout besoin de recourir à la Section de première instance. Si l'ajournement avait été refusé, ce refus aurait pu faire l'objet d'une demande de contrôle judiciaire, ce qui exigerait une autorisation.

[17]            Je suis en accord avec le substitut du procureur général que la requête afin de surseoir à l'enquête en matière d'immigration constituait une tentative de faire intervenir la Cour dans une affaire d'immigration sans avoir obtenu au préalable l'autorisation requise aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Une telle tactique tend à miner l'objectif de l'exigence d'obtenir une autorisation. Le juge aurait eu raison de conclure à un abus de procédure et, uniquement pour ce motif, de refuser d'entendre la requête ou d'accorder le redressement demandé. Cependant, dans les circonstances, je suis disposée à supposer sans toutefois le décider, que la Section de première instance avait compétence, en vertu de l'article 18.2 de la Loi sur la Cour fédérale, pour examiner la requête et statuer sur le fond de l'affaire.

Compétence de la Section d'appel


[18]            Selon le paragraphe 27(1) de la Loi sur la Cour fédérale, cette Cour a compétence pour entendre un appel de tout jugement de la Section de première instance sauf s'il y a interdiction de la loi. La règle concernant la certification d'une question représente une telle interdiction dans le cadre de contrôles judiciaires en matière d'immigration (alinéa 74d) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ou le paragraphe 83(1) de laLoi sur l'immigration qui l'a précédée). Aucune question n'a été certifiée dans la présente affaire. Cependant, la présente affaire a été entendue en Section de première instance sur la base qu'il ne s'agissait pas d'une affaire d'immigration. Par conséquent, aucune question certifiée n'était nécessaire et cette Cour a compétence pour entendre l'appel.

Bien-fondé de la décision de rejeter la requête afin de surseoir à l'enquête en matière d'immigration

[19]            Il y a trois questions à examiner en ce qui a trait au bien-fondé de la requête afin de surseoir à l'enquête en matière d'immigration. Premièrement, la demande de contrôle judiciaire de la décision du gouverneur en conseil a-t-elle des chances de réussir? Deuxièmement, l'appelant subira-t-il un préjudice irréparable si l'enquête en matière d'immigration n'est pas suspendue? Troisièmement, le préjudice subi par l'appelant si l'enquête en matière d'immigration n'est pas suspendue sera-t-il plus important que le préjudice subit par l'État si la même enquête est suspendue? Une ordonnance de surseoir à l'enquête en matière d'immigration n'est justifiée que si la réponse à chacune des trois questions est affirmative.


[20]            Dans le cadre du contrôle judiciaire de la décision du gouverneur en conseil, l'avocate de l'appelant se propose d'avancer plusieurs arguments. Pour les fins de la requête afin de surseoir à l'enquête en matière d'immigration, elle avance que deux de ces arguments ont des chances de réussir. Le premier est que le gouverneur en conseil a mal interprété le mandat que lui confère l'article 10 de la Loi sur la citoyenneté. Le second est que le gouverneur en conseil a commis une erreur en ne donnant pas de motifs à l'appui de sa décision. À mon avis, ces arguments satisfont aux exigences peu élevées de la cause qui a des chances de réussir dans le contexte d'une demande de sursis.

[21]            La documentation soumise par l'appelant en ce qui a trait au préjudice irréparable visait à démontrer les conditions stressantes engendrées par l'enquête et la perspective d'expulsion. Le juge a conclu qu'il n'y avait pas de préjudice irréparable. Il a donné plusieurs raisons, mais à mon avis la plus convaincante est que la requête afin de surseoir à l'enquête est prématurée parce que l'enquête ne mènera pas nécessairement à une mesure d'expulsion, et encore moins à une expulsion comme telle. Je suis d'accord avec lui sur cette question. À mon avis, cela justifie la conclusion que l'appelant n'a pas réussi à démontrer un préjudice irréparable.


[22]            Il n'est pas nécessaire d'étudier les autres arguments se rapportant au préjudice irréparable, ni les arguments se rapportant à la prépondérance des inconvénients. L'appel devrait être rejeté.

« Karen R. Sharlow »

Juge

« Je souscris aux présents motifs

Gilles Létourneau, juge »

« Je souscris aux présents motifs

Marc Nadon, juge »

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION D'APPEL

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         A-365-02

INTITULÉ :                                                        HELMUT OBERLANDER

c.                                                                                                                                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                                       

DATE DE L'AUDIENCE :                              le mercredi 12 mars 2003

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

MOTIFS DU JUGEMENT :                          le juge Sharlow

Y ONT SOUSCRIT :                           le juge Létourneau

le juge Nadon

RENDUS À TORONTO (ONTARIO) LE JEUDI 13 MARS 2003.

DATE DES MOTIFS :                                     le jeudi 13 mars 2003

COMPARUTIONS :             

Barbara Jackman                                                  POUR L'APPELANT                          

Eric Hafemann

Donald MacIntosh                                                POUR L'INTIMÉ

John Loncar

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

Barbara Jackman                                                  POUR L'APPELANT

Avocate

596, avenue St.Clair Ouest, unité 3

Toronto (Ontario)

M6C 1A6

Eric Hafemann

Avocat

500, Dutton Drive

Waterloo (Ontario)

N2L 4C6

Morris Rosenberg                                                 POUR L'INTIMÉ                                               

Sous-procureur général du Canada


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