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Date : 20030414

Dossier : A-111-02

Référence : 2003 CAF 188

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                           CHARLOTTE RHÉAUME

                                                                                                                                                      Appelante

                                                                                   et

                                              PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA       

                                                                                                                                                            Intimé

                                       Audience tenue à Montréal (Québec), le 2 avril 2003.

                                       Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 14 avril 2003.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                               LE JUGE NADON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                                  LE JUGE PELLETIER


Date : 20030414

Dossier : A-111-02

Référence neutre : 2003 CAF 188

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                           CHARLOTTE RHÉAUME

                                                                                                                                                      Appelante

                                                                                   et

                                              PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA       

                                                                                                                                                            Intimé

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

[1]                 Il s'agit d'un appel d'une décision du juge Rouleau de la Section de première instance en date du 29 janvier 2002 qui rejetait la demande de contrôle judiciaire de l'appelante, déposée à l'encontre d'une sentence arbitrale, datée le 27 novembre 2000, rendue par l'arbitre Jean-Pierre Tessier.


[2]                 L'arbitre, qui siégeait aux termes de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R., ch. P-35 (la « Loi » ), concluait au rejet du grief de l'appelante, déposé le 2 février 1998, selon lequel son employeur avait illégalement refusé de lui verser le salaire et les avantages auxquels elle avait droit durant la période du 1er avril 1991 au 2 août 1993 (la « période en litige » ). Selon l'arbitre, le grief était prescrit, n'ayant pas été déposé dans le délai prévu à l'article M-38-10 de la Convention entre le Conseil du trésor et l'Alliance de la fonction publique du Canada, soit dans les 25 jours suivant la date à laquelle l'employée prend connaissance des circonstances donnant lieu au grief.

[3]                 Selon l'arbitre, la preuve ne laissait aucun doute que l'appelante savait, au plus tard le 16 juillet 1993, que son employeur n'avait pas l'intention de la rémunérer pour la période en litige. Au soutien de cette conclusion, l'arbitre s'appuyait, inter alia, sur trois éléments de preuve, à savoir :

1.         une lettre de l'appelante adressée à son employeur, en date du 6 décembre 1991, dans laquelle elle note qu'elle sera sans revenu à compter du 1er janvier 1991;

2.         un grief déposé par l'appelante le 22 janvier 1992, par lequel elle demande, inter alia, que son employeur lui « verse un montant d'argent couvrant la totalité du salaire perdu et tous les avantages qui s'y rattachent rétroactivement au 1er avril 1991 » ; et


3,         une lettre, datée le 11 juillet 1996, dans laquelle la compagnie d'assurance Sun Life du Canada, l'assureur invalidité de l'appelante, refuse de compenser l'appelante pour la période de 1991 à 1993, au motif qu'en date du 1er avril 1991, elle était apte à retourner au travail.

[4]                 Vu le dépôt du grief de l'appelante le 2 février 1998, l'arbitre concluait qu'il était prescrit.

[5]                 Non satisfaite de cette décision, l'appelante déposait une demande de contrôle judiciaire devant la Section de première instance de cette Cour, qui soulevait les quatre points suivants :

1.         L'arbitre avait-il contrevenu à la règle audi alteram partem en refusant d'entendre ses objections aux exceptions déclinatoires soulevées par son employeur et avait-il ainsi porté atteinte à son droit d'être entendue?

2.         L'arbitre avait-il erré en disposant de son grief sans avoir entendu quelque preuve de l'employeur quant au non-versement de son salaire, quant à son statut, quant à l'existence d'une offre réelle d'emploi?

3.         L'arbitre avait-il rendu une décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive et sans tenir compte des divers éléments de preuve dont il disposait et avait-il refusé d'exercer sa compétence en ne se penchant pas sur le fond du grief, soit le « congédiement déguisé » ou le droit au salaire de la demanderesse?

4.         L'arbitre avait-il manqué aux principes de justice naturelle en refusant d'admettre en preuve deux documents qu'elle avait présentés?


[6]                 En premier lieu, le juge Rouleau rejetait la prétention de l'appelante selon laquelle l'arbitre avait contrevenu à la règle audi alteram partem en refusant d'entendre ses objections concernant les exceptions déclinatoires soulevées par son employeur. Puisqu'il ressortait clairement de la décision de l'arbitre que l'appelante avait eu l'occasion de soumettre ses arguments, le juge Rouleau concluait que les principes de justice naturelle avaient été respectés.

[7]                 En deuxième lieu, le juge concluait que l'arbitre n'avait pas manqué aux principes de justice naturelle en refusant d'admettre en preuve deux documents présentés par l'appelante. Selon le juge, la pertinence de la preuve étant du ressort de l'arbitre, ce dernier pouvait, s'il le jugeait approprié, refuser d'admettre des éléments de preuve. Sa décision, en l'instance, de refuser d'admettre en preuve les deux documents présentés par l'appelante ne pouvait être qualifié de manifestement déraisonnable. De toute façon, puisque ces documents portaient uniquement sur le fond du litige, ils n'étaient, selon le juge, d'aucune pertinence à la décision de l'arbitre concernant la prescription.


[8]                 Quant aux deuxième et troisième points soulevés par l'appelante, le juge concluait qu'il ne pouvait intervenir puisque la décision de l'arbitre n'était pas manifestement déraisonnable. Spécifiquement, le juge concluait que l'arbitre n'avait pas point excédé sa juridiction en entendant la preuve testimoniale de l'intimé concernant le contre-rendu d'une rencontre le 4 février 1991 entre l'appelante et les représentants de l'employeur, Marc Millard et Joanne Desjardins. Le juge concluait aussi que l'arbitre n'avait point erré en concluant que l'appelante savait, au plus tard le 16 juillet 1993, que son employeur n'avait pas l'intention de la rémunérer pour la période en litige et que, par conséquent, le grief était prescrit.

[9]                 Selon le juge Rouleau, puisque l'article 71(3) des Règles de procédures de la Commission et l'article M-38.10 de la Convention collective entre le Conseil du trésor et l'Alliance de la fonction publique prévoyaient qu'un grief devait être déposé dans les 25 jours suivant la prise de connaissance ou de la notification de l'employée de l'acte ou l'omission donnant lieu au grief, la décision de l'arbitre ne pouvait être qualifiée de manifestement déraisonnable.

[10]            Peu importe les arguments présentés par l'appelante, que ce soit sa maladie ou un congédiement déguisé, il ne pouvait faire de doute, selon le juge, que l'historique du dossier démontrait clairement que l'appelante savait depuis 1991 que'elle ne serait pas rémunérée à compter du 1er avril 1991.

[11]            Pour ces motifs, le juge rejetait la demande de contrôle judiciaire de l'appelante.

[12]            Devant nous, l'appelante soulève deux questions:

1.         Le juge de première instance a-t-il erré en concluant que le refus de l'arbitre d'admettre en preuve deux documents qu'elle avait présentés lors de l'audition ne constituait pas une erreur manifestement déraisonnable?


2.         Le juge de première instance a-t-il erré en concluant que l'arbitre avait correctement décidé que le grief était prescrit?

[13]            Quant à la première question, je suis d'avis que puisque les documents soumis par l'appelante ne portaient que sur le fond du grief, le juge Rouleau n'a commis aucune erreur.

[14]            Quant à la deuxième question, je suis satisfait, comme l'était le juge Rouleau, que l'appelante savait depuis 1991 que son employeur n'avait aucune intention de la rémunérer pour la période en litige. Il suffit de comparer le grief déposé par l'appelante le 22 janvier 1992 avec celui qu'elle déposait le 2 février 1998 pour s'en convaincre. Je suis donc d'avis que ni l'arbitre, ni le juge n'ont commis d'erreur en concluant que le grief de l'appelante était prescrit.

[15]            Pour ces motifs, l'appel devrait être rejeté.

                                                                                                                                                    "M. Nadon"

                                                                                                                                                                 j.c.a.

"Je suis d'accord.

Gilles Létourneau j.c.a."

"Je suis d'accord.

J.D. Denis Pelletier j.c.a."


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                                 SECTION D'APPEL

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                                                                                                       

DOSSIER :                                                 A-111-02

INTITULÉ :                                                Charlotte Rhéaume c. P.G.C.

LIEU DE L'AUDIENCE :                        Montréal (Québec

DATE DE L'AUDIENCE :                      Le 2 avril 2003

MOTIFS DU JUGEMENT :                  Le juge Nadon

Y ONT SOUSCRIT :                                 Le juge Létourneau

Le juge Pelletier

DATE DES MOTIFS :                              Le 14 avril 2003

COMPARUTIONS :

Mme Charlotte Rhéaume                                                  LA DEMANDERESSE AGISSANT

POUR SON PROPRE COMPTE

Me Carole Bidal                                                                POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                                                                                                 

Mme Charlotte Rhéaume                                                  LA DEMANDERESSE AGISSANT

POUR SON PROPRE COMPTE

Morris Rosenberg                                                              POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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