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Date : 20090123

Dossier : A-455-07

Référence : 2009 CAF 18

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

JEAN-MARC BERGEVIN

demandeur

et

L'AGENCE CANADIENNE DE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL

défenderesse

 

 

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Québec (Québec), le 2 octobre 2008.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 23 janvier 2009.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                     LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LE JUGE NADON

                                                                                                                       LE JUGE PELLETIER

 


Date : 20090123

Dossier : A-455-07

Référence : 2009 CAF 18

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

JEAN-MARC BERGEVIN

demandeur

et

L'AGENCE CANADIENNE DE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

La question en litige

 

[1]               Cette demande de contrôle judiciaire vise en définitive à faire déterminer si l’Agence canadienne de développement international (ACDI) s’est rendue coupable d’une violation de l’article 2.3 de la Demande de proposition sommaire (DDPS) faite en rapport avec un projet de développement avec le Maroc.

 

[2]               Elle remet en cause l’interprétation que le Tribunal canadien du commerce extérieur (Tribunal) a faite de cette disposition. La question est importante car la disposition vise à prévenir le favoritisme dans le processus d’adjudication des contrats et à promouvoir la transparence des organismes publics qui les émettent.

 

[3]               Je la reproduis telle qu’elle apparaît dans les motifs de la décision du Tribunal, au paragraphe 28 :

 

Lorsque cette [DDPS] est pour la réalisation de la première ou la seule phase du présent projet, le Consultant, y compris CHAQUE membre d’un consortium, d’une co-entreprise ou d’une autre forme d’association, son personnel et les sous-traitants ne doivent pas avoir participé, conjointement ou individuellement, à la planification (par ex. conceptualisation, études de faisabilité, spécifications, conception) du présent projet, ni avoir reçu l’aide dans la préparation de la proposition déposée de tiers qui ont participé à la planification du présent projet.

 

Lorsque cette [DDPS] est pour la surveillance, l’évaluation ou la vérification d’un projet, le Consultant, y compris CHAQUE membre d’un consortium, d’une co-entreprise ou d’une autre forme d’association, son personnel et les sous-traitants ne doivent pas avoir participé, conjointement ou individuellement, à la réalisation du projet, ni avoir reçu l’aide dans la préparation de la proposition déposée de tiers qui ont participé à la réalisation du projet qui fera l’objet de surveillance, d’évaluation ou de vérification.

 

                                                                                                                                        [Je souligne]

 

[4]               Je m’empresse d’ajouter que le demandeur qui se représente seul a soulevé les trois autres questions suivantes à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire : le caractère déraisonnable des mesures correctives suggérées par le Tribunal, l’invalidation de l’article 2.3 de la DDPS et l’insuffisance de la version publique de la proposition de M. Stéphane Courtemanche, le soumissionnaire qui a obtenu le contrat en litige. Je disposerai sommairement de ces trois dernières questions plus loin. Pour le moment, il importe de résumer succinctement les faits à la source du litige, en me limitant à ceux pertinents aux questions soulevées et nécessaires à une bonne compréhension des présents motifs.

 

Les faits à la source du litige

 

[5]               L’ACDI s’est impliquée dans la réalisation d’un projet de Gouvernance locale au Maroc (GLM). Elle en décrit l’objectif en ces termes :

 

Le but du projet est de renforcer les capacités locales pour soutenir un développement local inclusif, optimal et durable dans les régions cibles (Tanger-Tétouan et de Al Hoceima-Taza-Taounate) et outiller le Maroc en vue d’une généralisation éventuelle d’approches de gestion innovantes auprès de l’ensemble de ses Collectivités locales.

 

                                                                                [Dossier de la défenderesse, volume 1, page 357]

 

[6]               La mise en œuvre de ce projet requérait la planification et l’exécution d’un contrat avec le Royaume du Maroc. Elle emportait la sélection d’une agence canadienne d’accompagnement (ACA) qui réaliserait le projet et celle d’un conseiller en gouvernance locale et agent de suivi du projet qui en ferait la surveillance, la vérification et l’évaluation. Dans la mesure où les fonctions ci-auparavant décrites n’étaient pas exercées par des employés de l’ACDI, elles furent attribuées par contrats soumis à la procédure de passation d’un marché public.

 

[7]               La DDPS qui contient l’article 2.3 en cause a été publiée le 10 octobre 2006 par l’intermédiaire du Service électronique d’appel d’offres du Canada. Le but recherché par celle-ci était d’obtenir les services d’un consultant agissant à titre de conseiller en gouvernance locale et d’agent de suivi pour le projet de GLM : ibidem, à la page 213. C’est au processus suivi et à la sélection faite que le demandeur s’en prend pour les raisons suivantes. J’ajouterais que la valeur du contrat octroyé était estimée à 465 000 $ excluant la TPS, et d’une durée prévue de cinq ans.

 

[8]               Au début de l’année 2006, l’ACDI s’est affairée dans un premier temps à sélectionner l’ACA pour le projet. Le 19 janvier, elle a fait un appel d’offres à cette fin. Le mois suivant, M. Courtemanche a été engagé pour participer à l’équipe d’évaluation chargée de sélectionner l’ACA. L’engagement de M. Courtemanche s’est fait au moyen d’un contrat de services de consultants et de professionnels.

 

[9]               La sélection d’un consortium (CRC SOGEMA / COWATER International Inc.) au titre d’ACA eut lieu au terme de ce premier processus. Le consortium s’est vu octroyer un contrat d’une durée de cinq ans, d’une valeur de 13 197 000 $ canadiens. Ce contrat est présentement en cours d’exécution.

 

[10]           Or, lors de la DDPS qui a suivi en octobre pour la sélection du conseiller en gouvernance et agent de suivi des travaux de l’ACA, M. Courtemanche et le demandeur, ainsi que cinq autres consultants, ont soumis une proposition pour l’obtention du contrat. Au terme du processus de sélection, le demandeur est arrivé troisième, mais le contrat fut octroyé à M. Courtemanche, lequel serait alors appelé à surveiller l’exécution et la réalisation du projet par l’ACA qu’il avait, comme membre de l’équipe d’évaluation, contribué à choisir.

 

[11]           Devant ce fait, le demandeur a déposé devant le Tribunal deux plaintes fondées sur plusieurs motifs. La première portait sur le non-respect de l’article 2.3 de la DDPS et sur l’absence de compétence en gouvernance locale de M. Courtemanche. La deuxième, faite sur la base d’informations obtenues après le dépôt de la première, reprochait à l’ACDI d’avoir violé les règles d’attribution du contrat touchant la grille d’évaluation détaillée des propositions et de ne pas avoir fourni d’explications à l’appui des notes attribuées aux soumissionnaires.

 

[12]           Le Tribunal a donné raison au demandeur. Au paragraphe 76 des motifs de sa décision, il conclut que l’ACDI avait manqué de transparence et, par son comportement, violé certaines de ses propres dispositions, causé un préjudice au demandeur et terni le mécanisme d’adjudication au sein de l’ACDI, sans toutefois remettre en question la bonne foi de celle-ci. En conséquence, il a recommandé plusieurs mesures correctives dont, à titre d’aperçu, une réévaluation de toutes les propositions techniques auxquelles une note de 60 % et plus avait été attribuée lors de la première évaluation, une élimination des exigences 10 et 11 de la DDPS lors de la réévaluation, une modification quant aux facteurs à prendre ou à omettre de prendre en compte relativement aux exigences 4 et 7 de la DDPS, la résiliation du contrat à M. Courtemanche et l’octroi de celui-ci au demandeur s’il obtient le plus grand nombre de points, et, à titre subsidiaire, une indemnisation du demandeur si l’ACDI décidait de ne pas résilier le contrat avec M. Courtemanche.

 

[13]           Mais le Tribunal n’a pas retenu l’interprétation de l’article 2.3 de la DDPS que soutenait le demandeur. C’est vers cette question que je me tourne maintenant.

 

Analyse de la décision du Tribunal

 

a)         L’interprétation de l’article 2.3 de la DDPS

 

[14]           Devant le Tribunal, comme devant nous, le demandeur a prétendu que la soumission de M. Courtemanche était irrecevable en vertu de l’article 2.3 de la DDPS. Selon sa lecture et compréhension du deuxième paragraphe de cet article, le fait que M. Courtemanche ait participé au choix de l’ACA le disqualifiait pour l’étape de la surveillance, de l’évaluation ou de la vérification du projet réalisé par l’ACA. Je crois qu’il est approprié de citer à nouveau le texte de cet article :

 

Lorsque cette [DDPS] est pour la réalisation de la première ou la seule phase du présent projet, le Consultant, y compris CHAQUE membre d’un consortium, d’une co-entreprise ou d’une autre forme d’association, son personnel et les sous-traitants ne doivent pas avoir participé, conjointement ou individuellement, à la planification (par ex. conceptualisation, études de faisabilité, spécifications, conception) du présent projet, ni avoir reçu l’aide dans la préparation de la proposition déposée de tiers qui ont participé à la planification du présent projet.

 

Lorsque cette [DDPS] est pour la surveillance, l’évaluation ou la vérification d’un projet, le Consultant, y compris CHAQUE membre d’un consortium, d’une co-entreprise ou d’une autre forme d’association, son personnel et les sous-traitants ne doivent pas avoir participé, conjointement ou individuellement, à la réalisation du projet, ni avoir reçu l’aide dans la préparation de la proposition déposée de tiers qui ont participé à la réalisation du projet qui fera l’objet de surveillance, d’évaluation ou de vérification.

 

                                                                                                                                        [Je souligne]

 

[15]           Pour le demandeur, la sélection de l’ACA faisait partie de la phase de la réalisation du projet. L’ACDI soutenait plutôt que la sélection de l’ACA faisait partie de la planification du projet.

 

[16]           Le Tribunal s’est montré en désaccord avec l’une et l’autre des prétentions des parties. Il a plutôt conclu que le processus de sélection de l’ACA constituait une étape charnière, une sorte de « no man’s land » entre la phase de la planification et celle de la réalisation. Voici comment il s’exprime au paragraphe 34 des motifs de sa décision :

 

34.     Le Tribunal a examiné en profondeur la portée de l’article 2.3 de la DDPS ainsi que les arguments présentés par les parties. Le Tribunal est d’avis qu’il est très difficile, voire impossible de compartimenter l’étape du choix de l’ACA dans l’une de ces deux catégories hermétiques. Le processus de sélection de l’ACA est une étape charnière entre la phase de la planification et celle de la réalisation. En d’autres mots, lorsqu’on effectue le choix de l’ACA, la planification du projet est habituellement déjà effectuée et sa réalisation n’a pas encore débuté. De l’avis du Tribunal, il n’y a donc pas eu violation de l’article 2.3 tel qu’il est formulé dans la DDPS.

 

                                                                                                                                        [Je souligne]

 

[17]           Avec respect, je crois que le Tribunal s’est mépris quant à l’interprétation à donner à l’article 2.3. Cette méprise se situe au niveau des principes, de l’objectif recherché par l’article 2.3 et des pièces apparaissant au dossier.

 

[18]           La phase de planification d’un projet consiste à en définir les paramètres et à prévoir les instruments ou les mécanismes nécessaires à sa réalisation : voir Mitchell L. Springer, A Concise Guide to Program Management: Fundamental Concepts and Issues, West Lafayette, IN, Purdue University Press, 2005 à la page 55 où l’auteur écrit :

 

The planning function involves the process of identifying the work to be performed, determining which of the requirements of the job are required by the customer (stated requirements) and which are required by internal processes or required in support of the customer’s stated requirements (derived requirements). The basic premise is to identify what is required to satisfy the program’s overall goal and objectives.

 

Celle de la réalisation se caractérise par l’actualisation du plan ou des prévisions. Sous le titre « Execution and Control », l’auteur, James P. Lewis, dans son volume intitulé Fundamentals of Project Management, WorkSmart Series, 3e éd. (New York Amacom Books, 2007), à la page 14, rappelle que la phase d’exécution débute lorsque le plan a été fait et approuvé et que la surveillance d’un projet fait partie de la phase exécution ou réalisation. Il écrit :

 

Execution and Control

 

Once the plan has been developed and approved, the team can begin work. This is the execution phase, but it also includes control, because while the plan is being implemented, progress is monitored to ensure that the work is progressing according to the plan.

 

                                                                                                                                        [Je souligne]

 

[19]           Dans le cas présent, il fut planifié de sélectionner et d’embaucher une ACA de même qu’un conseiller et agent de suivi pour fins de surveillance et de vérification. C’est à l’étape de la réalisation que cet élément de la planification fut actualisé par l’émission d’une DDPS pour l’embauche de l’ACA et par la constitution d’un comité d’évaluation des soumissions.

 

[20]           L’activité de sélection d’une ACA pour la réalisation du projet étant une activité planifiée, je suis d’accord avec le demandeur qu’elle ne pouvait, contrairement à ce qu’a décrété le Tribunal, se situer à l’extérieur des deux phases du projet, soit la planification et la réalisation.

 

[21]           L’article 2.3 de la DDPS visait à éviter les situations de conflit d’intérêts actuels ou d’apparence de tels conflits pouvant porter ombrage à la qualité et à la crédibilité des opérations de surveillance, de vérification et d’évaluation du projet. Elle visait également à assurer l’équité du processus d’adjudication du contrat en évitant qu’un soumissionnaire puisse bénéficier d’un avantage indu sur les autres par suite de sa participation à la phase de réalisation et d’informations privilégiées ou avantageuses qu’il aurait pu obtenir à cette occasion. En somme, l’article 2.3 visait, entre autres, précisément une situation comme celle qui s’est produite en l’instance.

 

[22]           En faisant une interprétation littérale et restrictive de l’article 2.3, le Tribunal a créé un vide qui permet et favorise la répétition de ce qui s’est produit, et ce au détriment non seulement des soumissionnaires, mais aussi du mécanisme et processus d’adjudication des contrats de marché public. Même abstraction faite des principes, en s’inspirant de l’objectif recherché, il était non seulement possible et souhaitable, mais nécessaire de classifier la sélection de l’ACA, et par conséquent, le travail du comité d’évaluation des soumissions, dans la phase de réalisation du projet.

 

[23]           De fait, l’opération de sélection de l’ACA constituait la première étape de la phase de réalisation du projet. La phase antérieure de planification, à ce moment-là complétée, prévoyait qu’une personne ou un groupe serait embauché pour réaliser le projet. Mais c’est à la phase de la réalisation du projet que se situait et se concrétisait le processus de sélection déjà planifié. Je prends aussi appui pour cette conclusion sur les pièces suivantes au dossier.

 

[24]           La version publique du Rapport de l’institution fédérale (RIF) déposé devant le Tribunal décrit les rôles et fonctions respectifs de l’ACDI et de l’ACA dans le projet de GLM. On y voit au paragraphe 12 de ce Rapport que l’ACA a charge de réaliser le projet, ibidem à la page 186 :

 

12.     L’ACA doit réaliser le projet de GLM et gérer l’ensemble des activités financées à même le budget du projet. Pour ce faire, l’ACA doit, entre autres, produire un plan de mise en œuvre, préparer un plan de travail annuel, participer aux comités regroupant les différents acteurs de ce projet, fournir un appui technique aux partenaires marocains et produire des rapports;

 

 

Nous sommes donc à l’étape de la réalisation du projet lorsqu’il s’agit de choisir qui sera l’ACA chargée de fournir les services décrits au contrat et requis par le projet de GLM. C’est, à mon sens, ce que confirme le paragraphe 52 du RIF lorsqu’il énonce que : « En d’autres mots, l’ACDI est en charge de la planification et l’ACA est en charge de la réalisation du projet de GLM. ».

 

[25]           Pour conclure sur ce premier motif de contestation, je suis d’avis que le Tribunal s’est mépris sur l’interprétation de l’article 2.3 et sur le fait que, contrairement à ce qu’il a conclu, une violation de cet article a eu lieu lorsque le contrat de conseiller et d’agent de suivi fut octroyé à M. Courtemanche.

 

[26]           Ceci m’amène à discuter du deuxième grief du demandeur.

 

b)         Le caractère déraisonnable des mesures correctives suggérées par le Tribunal

 

[27]           Le demandeur soumet que les mesures correctives suggérées par le Tribunal en sa faveur sont déraisonnables.

 

[28]           L’article 30.15 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, S.R.C. 1985 (4e Supp.), c. 47 (Loi) confère au Tribunal une grande discrétion dans le choix des mesures correctives qu’il peut accorder, en tenant compte de nombreux facteurs dont le degré et stade d’exécution du contrat contesté :

 

Conclusions et recommandations

 

30.15 (1) Lorsqu’il a décidé d’enquêter, le Tribunal, dans le délai réglementaire suivant le dépôt de la plainte, remet au plaignant, à l’institution fédérale concernée et à toute autre partie qu’il juge être intéressée ses conclusions et ses éventuelles recommandations.

 

 

Mesures correctives

 

(2) Sous réserve des règlements, le Tribunal peut, lorsqu’il donne gain de cause au plaignant, recommander que soient prises des mesures correctives, notamment les suivantes :

 

a) un nouvel appel d’offres;

 

b) la réévaluation des soumissions présentées;

 

c) la résiliation du contrat spécifique;

 

 

d) l’attribution du contrat spécifique au plaignant;

 

e) le versement d’une indemnité, dont il précise le montant, au plaignant.

 

Critères

 

(3) Dans sa décision, le Tribunal tient compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché de fournitures ou services visé par le contrat spécifique, notamment des suivants :

 

 

a) la gravité des irrégularités qu’il a constatées dans la procédure des marchés publics;

 

b) l’ampleur du préjudice causé au plaignant ou à tout autre intéressé;

 

 

c) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication;

 

d) la bonne foi des parties;

 

 

e) le degré d’exécution du contrat.

 

 

Indemnité

 

(4) Le Tribunal peut, sous réserve des règlements, accorder au plaignant le remboursement des frais entraînés par la préparation d’une réponse à l’appel d’offres.

Findings and recommendations

 

30.15 (1) Where the Tribunal decides to conduct an inquiry, it shall, within the prescribed period after the complaint is filed, provide the complainant, the relevant government institution and any other party that the Tribunal considers to be an interested party with the Tribunal’s findings and recommendations, if any.

 

Remedies

 

(2) Subject to the regulations, where the Tribunal determines that a complaint is valid, it may recommend such remedy as it considers appropriate, including any one or more of the following remedies:

 

(a) that a new solicitation for the designated contract be issued;

 

(b) that the bids be re-evaluated;

 

(c) that the designated contract be terminated;

 

(d) that the designated contract be awarded to the complainant; or

 

(e) that the complainant be compensated by an amount specified by the Tribunal.

 

Criteria to be applied

 

(3) The Tribunal shall, in recommending an appropriate remedy under subsection (2), consider all the circumstances relevant to the procurement of the goods or services to which the designated contract relates, including

 

(a) the seriousness of any deficiency in the procurement process found by the Tribunal;

 

(b) the degree to which the complainant and all other interested parties were prejudiced;

 

(c) the degree to which the integrity and efficiency of the competitive procurement system was prejudiced;

 

(d) whether the parties acted in good faith; and

 

(e) the extent to which the contract was performed.

 

Cost of preparing response

 

(4) Subject to the regulations, the Tribunal may award to the complainant the reasonable costs incurred by the complainant in preparing a response to the solicitation for the designated contract.

 

 

[29]           Notre Cour a reconnu que la résiliation du contrat n’est pas une mesure corrective automatique lors d’une adjudication irrégulière d’un contrat à un soumissionnaire non-conforme : voir Seprotech Systems Inc. c. Peacock Inc., 2003 CAF 71. Il s’agit pour le Tribunal de concilier l’intérêt du soumissionnaire lésé à se voir compenser adéquatement pour le préjudice subi et l’intérêt public à ce que le contrat soit exécuté dans les meilleurs délais et, si possible, sans interruption, à moins qu’elle ne soit justifiée par, notamment, les autres facteurs du paragraphe 30.15(3) de la Loi.

 

[30]           Le Tribunal ne dispose en matière de mesures correctives que d’un pouvoir de recommandation à l’égard de l’institution fédérale, laquelle, si elle doit les mettre en œuvre dans toute la mesure du possible, peut néanmoins ne pas le faire en totalité : voir le paragraphe 30.15(1) et l’article 30.18 de la Loi.

 

[31]           Le demandeur n’a pas établi en l’espèce que le Tribunal, sur la foi des conclusions auxquelles il en était arrivé, avait exercé sa discrétion d’une manière abusive, déraisonnable ou contraire à la Loi. De fait, le Tribunal a appliqué les critères prévus à l’article 30.15 de la Loi. En l’absence d’erreur par le Tribunal dans l’exercice de sa discrétion, rien ne nous justifie d’intervenir et encore moins de nous livrer à l’exercice d’une discrétion et, au terme de celle-ci, de substituer nos conclusions à celles du Tribunal.

 

[32]           Mais, suite à notre conclusion qu’il y a eu violation de l’article 2.3 et, en conséquence, à l’irrecevabilité de la proposition de M. Courtemanche, se pose la question du remède approprié en l’instance.

 

[33]           L’on se rappellera que le demandeur s’était classé troisième et que le Tribunal avait ordonné une réévaluation des propositions. Il avait suggéré la résiliation du contrat accordé à M. Courtemanche et l’octroi de celui-ci au demandeur s’il obtenait maintenant le plus grand nombre de points. Le Tribunal avait également proposé une indemnisation du demandeur si l’ACDI décidait de ne pas résilier le contrat de M. Courtemanche.

 

[34]           Nous avons été informés à l’audience que la réévaluation des propositions avait eu lieu conformément à la décision du Tribunal et que M. Courtemanche s’était encore mérité la palme. Nous ignorons cependant le nouveau classement du demandeur. Mais nous savons que la proposition de M. Courtemanche était irrecevable et aurait dû être écartée dès le départ de sorte qu’elle n’aurait pas pu et dû être soumise à la réévaluation.

 

[35]           Nous sommes également conscients, comme l’était le Tribunal, que le contrat est en cours d’exécution, et à ce jour depuis une période de temps tout de même assez importante, et qu’il peut s’avérer fort problématique d’ainsi opérer en cours de route une substitution du conseiller et agent de suivi du projet. Une indemnisation adéquate du demandeur peut peut-être s’avérer le seul remède raisonnable dans les circonstances.

 

[36]           Compte tenu du peu, pour ne pas dire de l’absence, d’information dont nous disposons suite à la réévaluation qui a eu cours, je crois que la façon la plus juste et équitable de disposer de la question serait de retourner le dossier au Tribunal pour qu’il propose un remède approprié pour le demandeur qui tient compte du fait que la proposition de M. Courtemanche était irrecevable, des résultats obtenus par le demandeur lors de la réévaluation des propositions et de l’opportunité ou non de résilier le contrat de M. Courtemanche compte tenu de l’avancement des travaux.

 

 

 

c)         L’invalidation de l’article 2.3 de la DDPS

 

[37]           Le demandeur soumet que le Tribunal n’a pas bien compris les arguments qu’il présentait en matière de conflit d’intérêts. De là, il demande l’invalidation du deuxième paragraphe de l’article 2.3.

 

[38]           Compte tenu de la conclusion à laquelle j’en suis venu sur l’article 2.3, il est évident que sa demande d’invalidation, si elle devait être acceptée, porte à conséquence pour lui. Mais elle porte également à conséquence pour les autres soumissionnaires et pour les garanties concernant les conflits d’intérêts et l’équité du processus d’adjudication. La suppression du deuxième paragraphe de l’article 2.3 ouvrirait la porte toute grande au genre d’abus qu’elle veut justement prévenir.

 

[39]           Au-delà de ces conséquences prévisibles et indésirables, le demandeur n’a fourni aucune base juridique nous permettant d’invalider le deuxième paragraphe de l’article 2.3.

 

d)         L’insuffisance de la version publique de la proposition de M. Stéphane Courtemanche

 

[40]           Le demandeur sollicite de notre part un jugement déclaratoire quant aux normes légales régissant la production de documents devant le Tribunal. Essentiellement, il soumet qu’il aurait pu présenter ses arguments au Tribunal d’une manière plus persuasive s’il avait eu un plus grand et un meilleur accès à l’information pertinente. Il en énonce pour preuve le fait qu’il a obtenu, selon lui, une version publique plus complète de la proposition de M. Courtemanche par le biais de la Loi sur l’accès à l’information que celle qu’il a obtenue par le truchement du Tribunal, laquelle, dit-il, avait été soumise par un procureur de l’ACDI à M. Courtemanche pour son approbation avant qu’elle ne soit transmise.

 

[41]           La communication de renseignements aux parties est régie par les articles 43 à 49 de la Loi. L’article 46 permet d’assurer la confidentialité de certains renseignements. D’où, au besoin, une version publique épurée d’un document soumis au Tribunal.

 

[42]           Dans le cas présent, le Tribunal a conclu que la version publique de la proposition technique de M. Courtemanche était conforme à l’article 46 de la Loi. À juste titre, le Tribunal a souligné la difficulté que posait au plan de l’accès à de l’information confidentielle le fait que le demandeur se représentait seul et que, ce faisant, il restreignait par le fait même son accès à l’information publique au dossier : voir dossier de la défenderesse, volume 2, pages 818 et 819, la réponse du Tribunal à la plainte du demandeur relative à cette question.

 

[43]           Compte tenu du fait que le jugement déclaratoire que réclame le demandeur ne vise pas le présent dossier, mais bien des possibilités futures, je crois qu’il est plus avisé pour cette Cour de ne pas spéculer sur ces possibilités et d’attendre qu’elle soit saisie d’un cas concret requérant une analyse et révision des règles de communication des renseignements.

 

 

 

Conclusion

 

[44]           Pour ces motifs, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire, je déclarerais qu’il y a eu violation de l’article 2.3 de la Demande de proposition sommaire SEL : 2007-A-032436-1 et que la proposition de M. Courtemanche était irrecevable. Je retournerais le dossier au Tribunal pour qu’il tienne compte des présents motifs dans l’exercice de sa compétence d’octroyer au demandeur un remède approprié dans les circonstances.

 

[45]           J’octroierais au demandeur pour ses déboursés en demande de contrôle judiciaire la somme de 1 500 $ payable par la défenderesse.

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord

            Marc Nadon, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

            J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

 

 


 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A-455-07

 

 

INTITULÉ :                                                   JEAN-MARC BERGEVIN c. L’AGENCE

                                                                        CANADIENNE DE DÉVELOPPEMENT

                                                                        INTERNATIONAL

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 2 octobre 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE NADON

                                                                        LE JUGE PELLETIER

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 23 janvier 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jean-Marc Bergevin

POUR LUI-MÊME

 

Me Bernard Letarte

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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