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Date : 20090123

Dossier : A-167-08

Référence : 2009 CAF 21

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE BLAIS

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

FATEH KAMEL

intimé

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 12 janvier 2009.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 23 janvier 2009.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                 LE JUGE DÉCARY

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                 LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                                 LE JUGE BLAIS

 


                                                                                                                                   Date : 20090123

Dossier : A-167-08

Référence : 2009 CAF 21

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE BLAIS

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

FATEH KAMEL

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE DÉCARY

[1]               Cet appel porte essentiellement sur la validité constitutionnelle de l’article 10.1 du Décret sur les passeports canadiens (Décret), qui autorise le ministre des Affaires étrangères du Canada (le Ministre) à refuser la délivrance d’un passeport « s’il est d’avis que cela est nécessaire pour la sécurité nationale du Canada ou d’un autre pays. » (TR/81-86 tel que modifié par TR /2004-113).

 

[2]               Les circonstances qui constituent la toile de fond de ce litige sont relativement simples et à l’abri de toute contestation. Je n’en relate que les plus pertinentes.

[3]               L’intimé, M. Kamel, est né en Algérie en 1960. Il immigre au Canada en 1988. Il obtient la citoyenneté canadienne le 27 janvier 1993.

 

[4]               Le 29 janvier 1993, un passeport canadien est délivré à M. Kamel. En octobre 1995,            M. Kamel informe les autorités canadiennes que son passeport a été volé. Un nouveau passeport est délivré, valide jusqu’au 10 novembre 2001. En juillet 1997, il retrouve le passeport volé et fait une nouvelle demande de passeport. Un nouveau passeport est alors délivré, valide jusqu’en juillet 2002.

 

[5]               En mai 1999, M. Kamel est arrêté en Jordanie, puis extradé en France. Après un procès de plusieurs jours, il est déclaré coupable par le Tribunal de grande instance de Paris, le 6 avril 2001, d’avoir participé à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme et de complicité dans la falsification de trois passeports qu’il avait apportés du Canada. L’acte de terrorisme en question était l’attentat perpétré à Roubaix, en France, en 1998. M. Kamel était représenté par avocat. Le Tribunal a décrit M. Kamel comme le « … principal animateur des réseaux internationaux déterminé à préparer des attentats et à procurer des armes et des passeports à des terroristes agissant partout dans le monde ». Une vingtaine d’accusés ont subi leur procès en même temps que M. Kamel. Il se vit imposer la peine la plus lourde, soit huit (8) ans d’emprisonnement et l’interdiction définitive du territoire français.

 

[6]               M. Kamel est emprisonné en France. Il est libéré après avoir purgé la moitié de sa peine. Il revient à Montréal, lieu de sa résidence au Canada, le 29 janvier 2005, avec un « passeport provisoire valable pour un seul voyage » délivré exceptionnellement pour lui permettre de revenir au Canada (d.a. vol. 7, p. 1441).

 

[7]               Le 13 juin 2005, M. Kamel demande un nouveau passeport aux autorités canadiennes. Il projetait un voyage d’affaires en Thaïlande. La preuve au dossier indique que « la Thaïlande est un pays où le trafic des passeports est intense. » (Affidavit Rudner, motifs du jugement, par. 40).

 

[8]               Éventuellement, après de nombreux échanges qui ne sont pas pertinents aux fins de cet appel, le Bureau des passeports du Canada recommande au Ministre de refuser la demande de passeport de M. Kamel. Le 1er décembre 2005, le Ministre refuse de délivrer le passeport.

 

[9]               M. Kamel s’adresse alors à la Cour fédérale et demande le contrôle judiciaire de la décision du Ministre. Il prétend dans un premier temps qu’il y a eu manquement aux principes d’équité procédurale. Il prétend dans un deuxième temps que les articles 4 et 10.1 du Décret portent atteinte aux droits que lui reconnaissent les articles 6, 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »).

 

[10]           Le juge Simon Noël accueille dans sa quasi-totalité la demande de M. Kamel (2008 CF 338). Il conclut : 1) que la Cour fédérale a compétence pour contrôler la légalité d’une décision prise par le Ministre dans le cadre de l’exercice d’une prérogative royale; 2) qu’il y a eu manquement, en l’espèce, aux exigences de l’équité procédurale; 3) que l’article 10.1 du Décret porte atteinte à la liberté de circulation protégée par le paragraphe 6(1) de la Charte; et, 4) que le Procureur général du Canada ne peut chercher à justifier cette atteinte aux termes de l’article 1 de la Charte puisque l’article 10.1 du Décret, vu son imprécision, n’est pas une « règle de droit » au sens de l’article 1. En raison de cette conclusion, le juge Noël ne se penche pas sur la question de savoir si l’article 10.1 du Décret porte atteinte aux droits garantis par les articles 7 et 15 de la Charte. Le juge ne fait pas, non plus, parce qu’elle n’est alors pas nécessaire, l’analyse de la justification permise par l’article 1 de la Charte. Il refuse par ailleurs d’obliger le Ministre à délivrer un passeport à M. Kamel. Il annule la décision du Ministre et renvoie le dossier à ce dernier pour un nouvel examen qui respecte les exigences de l’équité procédurale. Il prononce l’invalidité de l’article 10.1 du Décret et donne au Procureur général du Canada une période de six mois pour rédiger un texte qui respectera la Charte.

 

[11]           Le Procureur général du Canada interjette appel. La suspension de la déclaration d’invalidité est prolongée jusqu’à ce que cette Cour dispose de l’appel. Le Procureur général limite l’appel aux seuls points suivants : la violation de l’article 6 de la Charte et la justification en vertu de l’article 1 de la Charte. Je ne passerai en conséquence aucun commentaire relativement aux autres aspects de ce dossier et rien dans mes motifs ne doit être interprété comme ayant un impact sur la décision qui sera éventuellement rendue par le Ministre après réexamen de la demande de passeport de M. Kamel. Par ailleurs, l’intimé n’ayant pas invoqué dans son mémoire les allégations relatives à l’article 15 de la Charte, je n’en traiterai pas davantage. En ce qui a trait à l’article 7, l’intimé s’est contenté d’indiquer dans une note en bas de page qu’il s’en remettait à son mémoire en Cour fédérale. C’est là une façon de faire inappropriée et inacceptable. Je ne traiterai pas non plus de l’article 7.

 

[12]           Je précise, d’entrée de jeu, que le débat porte véritablement sur l’article 10.1 du Décret et que même si l’intimé s’en prend également à l’article 4, notamment à ses paragraphes 4(3) et (4), cette attaque accessoire est dénuée de tout fondement et ne mérite pas qu’on s’y arrête.

 

[13]           Je précise, aussi, que bien qu’il s’agisse ici d’un Décret et non d’une disposition législative, il m’arrivera d’employer le mot « législateur » pour faciliter la lecture des motifs.

 

Dispositions pertinentes

Décret sur les passeports canadiens

 

4. (1) Sous réserve du présent décret, un passeport peut être délivré à toute personne qui est citoyen canadien en vertu de la Loi.

  (2) Aucun passeport n'est délivré à une personne qui n'est pas citoyen canadien en vertu de
la Loi.


  (3) Le présent décret n'a pas pour effet de limiter, de quelque manière, la prérogative royale que possède Sa Majesté du chef du Canada en matière de passeport.

  (4) La prérogative royale en matière de passeport peut être exercée par le gouverneur en conseil ou le ministre au nom de Sa Majesté du chef du Canada.

 

[…]

 

REFUS DE DÉLIVRANCE ET RÉVOCATION

 

9. Passeport Canada peut refuser de délivrer un passeport au requérant qui :

 

a) ne lui présente pas une demande de passeport dûment remplie ou ne lui fournit pas les renseignements et les documents exigés ou demandés

(i) dans la demande de passeport, ou

(ii) selon l'article 8;

 

b) est accusé au Canada d'un acte criminel;

 

c) est accusé dans un pays étranger d'avoir commis une infraction qui constituerait un acte criminel si elle était commise au Canada;

 

d) est assujetti à une peine d’emprisonnement au Canada ou est frappé d’une interdiction de quitter le Canada ou le ressort d’un tribunal canadien selon les conditions imposées :

(i) à l’égard d’une permission de sortir, d’un placement à l’extérieur, d’une libération conditionnelle ou d’office, ou à l’égard de tout régime similaire d’absences ou de permissions, d’un pénitencier, d’une prison ou de tout autre lieu de détention, accordés sous le régime de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, de la Loi sur les prisons et les maisons de correction ou de toute loi édictée au Canada prévoyant des mesures semblables de mise en liberté,

(ii) à l’égard de toutes mesures de rechange, d’une mise en liberté provisoire par voie judiciaire, d’une mise en liberté ou à l’égard d’une ordonnance de sursis ou de probation établie sous le régime du Code criminel ou de toute loi édictée au Canada prévoyant des mesures semblables de mise en liberté,

(iii) dans le cadre d’une permission de sortir sans escorte d’une prison ou d’un pénitencier accordée en vertu de toute loi édictée au Canada;

 

d.1) est assujetti à une peine d’emprisonnement à l’étranger ou est frappé d’une interdiction de quitter un pays étranger ou le ressort d’un tribunal étranger selon les conditions imposées dans le cadre de dispositions privatives de liberté comparables à celles énumérées aux sous-alinéas d)(i) à (iii);

 

e) a été déclaré coupable d’une infraction prévue à l’article 57 du Code criminel ou, à l’étranger, d’une infraction qui constituerait une telle infraction si elle avait été commise au Canada;

 

f) est redevable envers la Couronne par suite des dépenses engagées en vue de son rapatriement au Canada ou d'une autre assistance financière consulaire qu'il a demandée et que le gouvernement du Canada lui a fournie à l'étranger; ou

 

g) détient un passeport qui n'est pas expiré et n'a pas été révoqué.

Canadian Passport Order

 

4. (1) Subject to this Order, any person who is a Canadian citizen under the Act may be issued a passport.

  (2) No passport shall be issued to a person who is not a Canadian citizen under the Act.


  (3) Nothing in this Order in any manner limits or affects Her Majesty in right of
Canada's royal prerogative over passports.

  (4) The royal prerogative over passports can be exercised by the Governor in Council or the Minister on behalf of Her Majesty in right of
Canada.

 

 

REFUSAL OF PASSPORTS AND REVOCATION

9. Passport Canada may refuse to issue a passport to an applicant who

 

(a) fails to provide the Passport Office with a duly completed application for a passport or with the information and material that is required or requested

(i) in the application for a passport, or

(ii) pursuant to section 8;

 

(b) stands charged in Canada with the commission of an indictable offence;

 

(c) stands charged outside Canada with the commission of any offence that would, if committed in Canada, constitute an indictable offence;

 

(d) is subject to a term of imprisonment in Canada or is forbidden to leave Canada or the territorial jurisdiction of a Canadian court by conditions imposed with respect to

(i) any temporary absence, work release, parole, statutory release or other similar regime of absence or release from a penitentiary or prison or any other place of confinement granted under the Corrections and Conditional Release Act, the Prisons and Reformatories Act or any law made in Canada that contains similar release provisions,

(ii) any alternative measures, judicial interim release, release from custody, conditional sentence order or probation order granted under the Criminal Code or any law made in Canada that contains similar release provisions, or

(iii) any absence without escort from a penitentiary or prison granted under any law made in Canada;

 

(d.1) is subject to a term of imprisonment outside Canada or is forbidden to leave a foreign state or the territorial jurisdiction of a foreign court by conditions imposed with respect to any custodial release provisions that are comparable to those set out in subparagraphs (d)(i) to (iii);

 

(e) has been convicted of an offence under section 57 of the Criminal Code or has been convicted in a foreign state of an offence that would, if committed in Canada, constitute an offence under section 57 of the Criminal Code;

 

(f) is indebted to the Crown for expenses related to repatriation to Canada or for other consular financial assistance provided abroad at his request by the Government of Canada; or

 

(g) has been issued a passport that has not expired and has not been revoked.

 

 

10. (1) Passeport Canada peut révoquer un passeport pour les mêmes motifs que le refus d’en délivrer un.

(2) Il peut en outre révoquer le passeport de la personne qui :

 

a) étant en dehors du Canada, est accusée dans un pays ou un État étranger d'avoir commis une infraction qui constituerait un acte criminel si elle était commise au Canada;

 

b) utilise le passeport pour commettre un acte criminel au Canada, ou pour commettre, dans un pays ou État étranger, une infraction qui constituerait un acte criminel si elle était commise au Canada;

 

c) permet à une autre personne de se servir du passeport;

 

d) a obtenu le passeport au moyen de renseignements faux ou trompeurs;

e) n'est plus citoyen canadien.

 

10. (1) Passport Canada may revoke a passport on the same grounds on which it may refuse to issue a passport.

(2) In addition, Passport Canada may revoke the passport of a person who

 

(a) being outside Canada, stands charged in a foreign country or state with the commission of any offence that would constitute an indictable offence if committed in Canada;

 

(b) uses the passport to assist him in committing an indictable offence in Canada or any offence in a foreign country or state that would constitute an indictable offence if committed in Canada;

 

(c) permits another person to use the passport;

 

(d) has obtained the passport by means of false or misleading information; or

(e) has ceased to be a Canadian citizen.

 

10.1 Sans que soit limitée la généralité des paragraphes 4(3) et (4), il est entendu que le ministre peut refuser de délivrer un passeport ou en révoquer un s'il est d'avis que cela est nécessaire pour la sécurité nationale du Canada ou d'un autre pays.

 

 

10.1 Without limiting the generality of subsections 4(3) and (4) and for greater certainty, the Minister may refuse or revoke a passport if the Minister is of the opinion that such action is necessary for the national security of Canada or another country.

 

Charte canadienne des droits et libertés

 

 

1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.

 

[…]

 

Canadian Charter of Rights and Freedoms

 

1. The Canadian Charter of Rights and Freedoms guarantees the rights and freedoms set out in it subject only to such reasonable limits prescribed by law as can be demonstrably justified in a free and democratic society.

 

 

6. (1) Tout citoyen canadien a le droit de demeurer au Canada, d'y entrer ou d'en sortir.

 

(2) Tout citoyen canadien et toute personne ayant le statut de résident permanent au Canada ont le droit :

 

a) de se déplacer dans tout le pays et d'établir leur résidence dans toute province;

b) de gagner leur vie dans toute province.[…]

6. (1) Every citizen of Canada has the right to enter, remain in and leave Canada.

 

(2) Every citizen of Canada and every person who has the status of a permanent resident of Canada has the right

 

a) to move to and take up residence in any province; and

b) to pursue the gaining of a livelihood in any province. […]

I.  L’article 6 de la Charte

[14]           L’appelant soutient que le paragraphe 6(1) de la Charte, qui confère à tout citoyen canadien « le droit de demeurer au Canada, d’y entrer ou d’en sortir », n’impose pas à l’État l’obligation de faciliter les déplacements internationaux des citoyens canadiens et que l’intimé n’a pas fait la preuve qu’un passeport soit nécessaire pour entrer au Canada ou en sortir.

 

[15]           Nous n’avons pas jugé utile, à l’audience, d’entendre l’intimé sur cette question. Nous sommes en effet substantiellement d’accord sur ce point avec les propos du juge Noël. Ce serait interpréter la Charte dans un monde irréel que de conclure que le refus de délivrer un passeport à un citoyen canadien ne porte pas atteinte à son droit d’entrer au Canada ou d’en sortir. Il se peut qu’en théorie un citoyen canadien n’ait pas à être muni d’un passeport pour entrer au Canada ou en sortir. En réalité, toutefois, il est bien peu de pays dans lesquels le citoyen canadien qui veut sortir du Canada puisse entrer s’il n’a pas de passeport et il est bien peu de pays qui permettent à un canadien non muni d’un passeport de rentrer au Canada (d.a. vol. 7, p. 1406, affidavit Thomas). Le fait de ne pouvoir aller à peu près nulle part sans passeport et le fait de ne pouvoir rentrer au Canada d’à peu près nulle part sans passeport constituent à leur face même une restriction au droit d’un citoyen canadien d’entrer au Canada ou d’en sortir, ce qui suffit, bien sûr, pour qu’entre en jeu la protection de la Charte. Le paragraphe 6(1) établit un droit concret qui doit être apprécié en fonction de la réalité politique contemporaine. Que signifie un droit qu’on n’a pas en pratique la possibilité d’exercer?

 

[16]           Il est d’ailleurs ironique, ainsi que le constate le juge Noël, que ce même État qui cherche à minimiser les conséquences d’une absence de possession de passeport, ait senti le besoin de délivrer à M. Kamel un passeport provisoire valide pour les seules fins de son retour au Canada.

 

[17]           Le paragraphe 6(1) ne confère pas, faut-il le préciser, le droit d’entrer dans un autre pays non plus que le droit de sortir d’un autre pays. Ce sont les autorités de cet autre pays qui déterminent leurs propres conditions d’entrée et de sortie. Le gouvernement canadien ne se voit imposer, par le paragraphe 6(1), aucune obligation de garantir l’entrée dans un autre pays ou la sortie d’un autre pays.

 

[18]           J’ajoute, toutefois, que ma conclusion, favorable à l’intimé, est une arme à double tranchant. Car si les cours peuvent, et même doivent tenir compte des réalités politiques contemporaines pour interpréter la nature de la protection accordée par le paragraphe 6(1) de la Charte, elles pourront, et même devront tenir compte de ces mêmes réalités, avec le fardeau de preuve approprié, quand viendra le temps de déterminer si la restriction est justifiée « dans le cadre d’une société libre et démocratique » (article 1 de la Charte).

 

II.  La justification en vertu de l’article premier de la Charte

            a) Y a-t-il « règle de droit » (« law »)?

[19]           Je suis d’avis que le juge Noël a erré en concluant que l’article 10.1 du Décret ne constituait pas une « règle de droit » permettant à l’État d’invoquer le bénéfice de l’article premier de la Charte pour le motif que la disposition était imprécise et avait une portée excessive.

[20]           Des enseignements de la Cour suprême du Canada relativement à l’invalidité constitutionnelle de dispositions législatives ou réglementaires pour cause d’imprécision, je retiens les principes suivants :

 

1)      le critère selon lequel une loi sera jugée imprécise est assez exigeant. La conduite de l’État est guidée par l’approximation. Le processus de l’approximation aboutit parfois à un ensemble assez restreint d’options, parfois à un ensemble plus large (R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1992] 2 R.C.S. 606, 626, 638-639);

 

2)      une règle de droit est constitutionnellement imprécise si elle ne constitue pas un fondement adéquat pour un débat judiciaire et une analyse, si elle ne délimite pas suffisamment une sphère de risque ou si elle n’est pas intelligible. La règle de droit doit donner prise au pouvoir judiciaire. La certitude n’est pas requise. (Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur général), 2004 CSC 4, [2004] 1 R.C.S. 76, par. 15; Harper c. Canada (Procureur général), 2004 CSC 33, [2004] 1 R.C.S. 827, par. 90);

 

3)      les cours peuvent faire usage de plusieurs sources afin de déterminer si les termes utilisés peuvent guider un débat judiciaire, tenant toujours compte de l’intention du législateur. Les cours doivent premièrement examiner les termes employés dans leur contexte juridique et social. Elles peuvent également faire usage, notamment, de la doctrine et d’opinions données par des experts, que celles-ci soient exprimées avant ou après l’adoption de la disposition en cause (Canada (Procureur général) c. JTI‑Macdonald Corp., 2007 CSC 30, [2007] 2 R.C.S. 610, par. 80);

 

4)      même si, dans un cas donné, le constituant aurait pu adopter une définition plus détaillée, la disposition n’est pas constitutionnellement imprécise pour autant;

 

5)      certains domaines, tels les relations internationales et la sécurité, se prêtent difficilement à une codification précise, dans la mesure où les situations visées sont variables et imprévisibles. En ce sens, un niveau de généralité et de flexibilité est nécessaire afin de préserver l’efficacité de la loi pour le futur (Ontario c. Canadien Pacifique Ltée, [1995] 2 R.C.S. 1031, par. 48; Nova Scotia Pharmaceutical, supra, pages 641-642; Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 R.C.S. 3, par. 85);

 

6)      en matière, plus précisément, de sécurité du Canada ou de sécurité nationale (dans un contexte canadien ces expressions me paraissent interchangeables et l’expression sécurité nationale du Canada m’apparaît redondante; dans un contexte mondial, l’expression « sécurité nationale » me paraît être celle le plus largement utilisée), les termes « sécurité nationale du Canada » permettent de guider un débat judiciaire. Dans l’affaire Suresh, où l’expression « danger pour la sécurité du Canada » n’était pas définie dans l’alinéa 53(1)b) de la Loi sur l’immigration, la Cour suprême du Canada, au par. 85, a reconnu que l’expression était difficile à définir et a convenu que la conclusion qu’il existe ou non un tel danger repose en grande partie sur les faits et ressortit à la politique, au sens large. La Cour n’en a pas moins conclu, aux paragraphes 82 et 85 à 90, que l’expression était suffisamment intelligible pour faire l’objet d’une interprétation judiciaire et, ainsi, satisfaire au critère de la précision constitutionnelle.

 

[21]           L’article 10.1 doit être lu dans le contexte de la nature de la prérogative royale en cause et dans le contexte du Décret lui-même, particulièrement de l’ajout, en septembre 2004, des paragraphes 4(3) et (4) et de l’article 10.1.

 

[22]           Tenant pour acquis, pour les fins du débat et sans en décider, que le Décret sur les passeports canadiens adopté en 1981, (TR/81-86), qui ne faisait pas référence à la sécurité nationale, n’en préservait pas moins la prérogative royale en matière de passeport dans les cas de sécurité nationale, il ne saurait faire de doute que les modifications apportées au Décret en 2004, (TR/2004-113), soit l’ajout des paragraphes 4(3) et (4) et de l’article 10.1, confirment le maintien de cette prérogative royale.

 

[23]           Le paragraphe 4(3) affirme l’existence d’une prérogative royale en matière de passeport qui est plus vaste que celle visée par le Décret.

 

[24]           Le paragraphe 4(4) indique que la prérogative royale en matière de passeport peut être exercée par le gouverneur en conseil ou le ministre des Affaires extérieures.

 

[25]           L’article 10.1 précise que le ministre a le pouvoir de refuser la délivrance d’un passeport pour cause de sécurité nationale ou internationale. Il ressort de ce nouvel article qu’en matière de sécurité nationale ou internationale, c’est le ministre, plutôt que Passeport Canada, qui exerce le pouvoir. On sait, en effet, qu’en vertu de l’article 9 du Décret et relativement aux motifs de refus de délivrance qui y sont identifiés, c’est Passeport Canada qui exerce le pouvoir. Il y a là manifestation évidente, par le gouverneur en conseil, de son intention de placer le refus de délivrance d’un passeport pour cause de sécurité nationale dans une catégorie particulière.

 

[26]           Il est curieux qu’on prétende aujourd’hui que sont imprécises des dispositions qui sont venues préciser l’effet du Décret et identifier expressément une cause de refus de passeport qui n’était pas mentionnée précédemment. Lus dans le contexte des articles 9 et 10, les paragraphes 4(3) et 4(4) et l’article 10.1 apportent une clarification importante, qui n’était peut-être pas nécessaire (ce que, je le rappelle, je ne décide pas) mais qui est désormais incontournable.

 

[27]           L’intimé, si je comprends bien son argument, prétend que c’est l’expression « s’il est d’avis que cela est nécessaire pour la sécurité nationale du Canada ou d’un autre pays », à l’article 10.1, ou l’une de ses composantes qui sont imprécises. Je ne suis pas d’accord.

 

[28]           Les mots « s’il est d’avis » (« is of the opinion ») font partie du langage usuel du droit administratif canadien. Ils confèrent à un décideur le pouvoir d’exercer un pouvoir discrétionnaire. Il est acquis, en jurisprudence, que le décideur doit exercer ce pouvoir de manière raisonnable et en tenant compte de facteurs pertinents. Il n’y a pas là imprécision au sens constitutionnel du terme.

[29]           Les mots « cela est nécessaire » sont aussi des mots qu’on retrouve dans moult dispositions législatives et réglementaires. Ils donnent ouverture à « un débat judiciaire ». Ils viennent même encadrer, donc restreindre, la discrétion dont est investi le décideur. Ainsi que le notait le juge en chef Lamer dans R. c. Morales, [1992] 3 R.C.S. 711, à la page 737, le mot « nécessaire » fait en sorte que le décideur ne peut se satisfaire simplement que sa décision est « seulement commode ou avantageuse ». Ces mots viennent imposer à l’État un fardeau additionnel.

 

[30]           Les mots « pour la sécurité nationale du Canada ou d’un autre pays » doivent s’interpréter à la lumière de la conclusion de la Cour suprême du Canada dans Suresh eu égard à l’expression « danger pour la sécurité du Canada ». Si la notion de « sécurité du Canada » a été jugée suffisamment précise dans Suresh, à plus forte raison doit-elle l’être dans le cas présent où :              1) l’adjectif « nécessaire » précise la disposition en ce qu’il introduit l’exigence d’un lien causal entre la sécurité nationale et le refus de délivrance d’un passeport; et où 2) la disposition en cause précise que la menace pour la sécurité d’un autre pays est envisagée, répondant ainsi aux inquiétudes exprimées par la Cour suprême du Canada aux par. 87 et 88 de ses motifs dans Suresh.

 

[31]           J’en arrive à la conclusion que l’article 10.1 du Décret répond au critère de précision requis pour constituer une « règle de droit » (« law ») au sens de l’article premier de la Charte. Le juge Noël a commis une erreur de droit en confondant la validité constitutionnelle d’une disposition avec la validité de la décision prise en vertu de cette disposition. Si la cour estime que le lien entre le refus de délivrer un passeport dans un cas donné et la sécurité nationale du Canada ou d’un autre pays n’a pas été établi ou que la décision du Ministre ne rencontre pas les autres exigences du droit administratif canadien, le remède n’est pas d’invalider la disposition habilitante, mais d’invalider la décision.

 

            b) la justification proprement dite

[32]           L’analyse visant à déterminer si une restriction à un droit énoncé dans la Charte est justifiée en vertu de l’article premier requiert que l’on réponde par l’affirmative aux deux questions suivantes :

1)      la restriction vise-t-elle un objectif suffisamment important?

 

2)      les moyens choisis sont-ils proportionnels à l’objectif visé?

 

                        (R .c. Oakes [1986] 1 R.C.S. 103, p. 138-139)

                        (Trociuk c. Colombie-Britannique (Procureur général), 2003 CSC 34,

[2003] 1 R.C.S. 835, au par. 33)

 

[33]           Le deuxième volet – la proportionnalité – comporte à son tour ce que le juge en chef Dickson, dans Oakes, à la page 139, décrit comme « trois éléments importants » :

-       la mesure doit avoir un lien rationnel avec l’objectif poursuivi : elle doit être soigneusement conçue pour atteindre cet objectif et n’être ni arbitraire, ni inéquitable;

 

-       le moyen choisi pour atteindre l’objectif doit être de nature à porter le moins possible atteinte au droit ou à la liberté en question; et

 

-       il doit y avoir proportionnalité entre les effets de la mesure et l’objectif recherché.

 

 

[34]           L’analyse suppose « un examen approfondi de la nature du problème social en cause » (Thomson Newspapers Co. c. Canada (Procureur général), [1998] 1 R.C.S. 877, par. 87). Seule une analyse contextuelle permettra de dégager l’objectif de la disposition contestée, de mesurer la proportionnalité des moyens utilisés et de déterminer le type de preuve que le tribunal peut demander au législateur d’apporter pour justifier ses mesures.

 

[35]           L’analyse doit être menée avec souplesse. La norme de preuve que doit satisfaire le Procureur général est celle de la balance des probabilités, laquelle s’établit par application du bon sens à ce qui est connu, même si ce qui est connu peut comporter des lacunes du point de vue scientifique (RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199, par. 63 et 137).

 

[36]           Les tribunaux, dira le juge Bastarache dans Harper, supra, aux paragraphes 77 et 78, « peuvent se fonder sur une crainte raisonnée du préjudice lorsqu’ils sont en présence de preuves relevant des sciences sociales qui sont contradictoires ou non concluantes quant au lien entre le préjudice et les mesures prises ». Il ajoutera : « En l’absence de preuves scientifiques déterminantes, notre Cour a maintes fois fait appel à la logique, à la raison et à certaines preuves relevant des sciences sociales dans le cours de l’analyse de la justification ». Dans R. c. Bryan, 2007 CSC 12, [2007] 1 R.C.S. 527, au par. 29, il acceptera une preuve consistant en des approximations et des extrapolations.

 

[37]           Ce qui m’amène à examiner le contexte de la mesure contestée.

 

[38]           La mesure en cause est la discrétion conférée au ministre des Affaires extérieures de refuser de délivrer un passeport à un citoyen canadien lorsque cela est nécessaire pour la sécurité du Canada ou d’un autre pays.

[39]           Il ressort de la note explicative qui accompagne la publication des modifications apportées au Décret en 2004, que ces modifications s’inscrivent dans le « cadre stratégique et plan d’action » du gouvernement du Canada déposé à la Chambre des communes le 27 avril 2004 et intitulé « Protéger une société ouverte : la politique canadienne de sécurité nationale » :

La politique de sécurité nationale établit une démarche cohérente et globale, visant à garantir la sécurité des Canadiens et à contrer les nouvelles menaces à la sécurité nationale et internationale. Le Canada évolue dans un monde où le cadre de sécurité est de plus en plus complexe et changeant et où la menace terroriste et les activités criminelles organisées s’intensifient sans cesse, tant au plan national qu’international. Le renforcement de la sécurité des frontières, notamment à l’aide de la technologie biométrique de reconnaissance faciale, est l’un des six secteurs d’importance stratégique où des mesures doivent être prises. Le programme de passeports fait partie intégrante de la politique de sécurité nationale et doit être adapté pour faire face aux menaces grandissantes.

 

[40]           Le Procureur général du Canada a déposé en preuve deux affidavits.

 

[41]           L’un, de Jody Thomas, directrice générale par intérim du Bureau de la sécurité à Passeport Canada, relate les circonstances entourant la demande de passeport de M. Kamel et établit les pratiques suivies à Passeport Canada relativement à la délivrance, au refus de délivrance et à la révocation de passeports (d.a. vol. 7, p. 1398 à 1411). Les pièces à l’appui de l’affidavit s’étendent sur quelques sept cents pages (d.a. vol. 7 à vol. 10).

 

[42]           Madame Thomas décrit les types de passeports qui sont délivrés et fait état de développements législatifs et réglementaires récents au Royaume-Uni, en Australie, en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis. Elle explique le rôle que joue Passeport Canada dans la lutte contre le terrorisme. L’utilisation de passeports canadiens à mauvais escient préoccupe particulièrement le gouvernement canadien, qui participe à l’effort international visant à mieux contrôler l’utilisation frauduleuse de passeports. Cet effort se manifeste par l’adoption de nombreuses résolutions par INTERPOL, par le sommet du G-8, par l’Union européenne et par l’Organisation de l’aviation civile internationale.

 

[43]           Passeport Canada est l’agence gouvernementale chargée d’assurer la sécurité, l’intégrité et la valeur du passeport canadien. Son bureau de sécurité conseille le ministre relativement à un refus possible de délivrance d’un passeport pour cause de sécurité nationale. Dans le contexte actuel, nous dit le Plan d’affaires de Passeport Canada pour les années 2005-2008, « … les exigences en matière de sécurité sont devenues les principaux moteurs de notre activité et l’aspect le plus important de notre produit. » (d.a. vol. 9, p. 1690).

 

[44]           L’autre affidavit est déposé par le professeur Martin Rudner, qui enseignait à l’Université Carleton (Ottawa) où il dirigeait le « Canadian Centre of Intelligence and Securities Studies ». Son affidavit de trente-quatre pages (d.a. vol. 1, p. 92 à 125) est accompagné de quarante-deux documents qui couvrent plus de mille deux cents pages (d.a. vol. 1, p. 162, à vol 7, p. 1397). Il formule ses conclusions comme suit, aux paragraphes 2 et 54 (d.a. vol. 1, p. 93 et 125) :

            [traduction]

2.             On m'a demandé d'examiner le terrorisme international en ce qui concerne la question du passeport et de son utilisation malveillante. Je suis d'avis que l'utilisation malveillante d'un passeport et l'utilisation de documents de voyages frauduleux quant à l'identité de leurs détenteurs permettent aux réseaux internationaux de terroristes de fonctionner et de menacer la sécurité nationale des pays et leurs citoyens. Il est donc important, voire nécessaire, de maintenir en place un système fort capable de protéger le droit au passeport et le processus de sa délivrance afin de s'assurer que les passeports sont utilisés de façon appropriée, et ce, dans l'intérêt de la sécurité du public, de la sécurité nationale et de la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme.

 

                   54.     Je suis d'avis que l'utilisation malveillante de passeports est un outil de première importance pour le terrorisme international. Les documents de voyage sont aussi importants pour les terroristes que leurs armes. Les groupes terroristes ont besoin de voyager pour se rencontrer, s'organiser, s'entraîner, planifier, agir comme éclaireurs, se déployer et attaquer. Pour leurs déplacements, les militants et les agents sur le terrain utilisent des passeports illégalement obtenus ou modifiés ou encore des passeports et des visas contrefaits et ils ont souvent des liens avec les réseaux de passeurs de clandestins, de fraudeurs d'identité et de fraudeurs de l'immigration. Un passeport apparemment en règle, mais qui a été irrégulièrement acquis et qui est frauduleusement utilisé, peut fournir une couverture presque parfaite aux militants et aux agents terroristes lors de leurs missions internationales.

 

[45]           Le juge Noël, aux paragraphes 36 à 43 de ses motifs, a résumé comme suit le contenu de l’affidavit de M. Rudner :

[36] La réponse du Canada au terrorisme international se retrouve dans l’énoncé politique du gouvernement d’avril 2004 intitulé: « Protéger une société ouverte: la politique canadienne de sécurité nationale. » (« L’énoncé politique canadien de 2004 »).  Il s’agit d’un cadre stratégique et un plan d’action mettant le gouvernement en mesure de faire face aux menaces présentes et futures.  Elle est axée sur trois intérêts fondamentaux en matière de sécurité:

1. Protéger le Canada et les canadiens dans le pays et à l’étranger;

2. S’assurer que le Canada n’est pas une source de menace pour nos alliés; et

3. Contribuer à la sécurité internationale.  (Nous verrons plus loin les engagements internationaux pris par le Canada à ce sujet).

 

[37] Dans le cadre de sa préoccupation pour la sécurité à la frontière, le gouvernement canadien déploie « … la technologie de la biométrie de reconnaissance faciale sur les passeports canadiens, le tout conformément aux normes internationales » (à nouveau, nous verrons que le Canada est signataire d’une entente internationale à ce sujet).  Ayant comme objectif de protéger le Canada et la sécurité des canadiens sur le territoire canadien et à l’étranger, l’énoncé politique précise que « … le gouvernement a par ailleurs l’obligation d’offrir de l’aide aux Canadiens travaillant ou voyageant à l’étranger ».

[38] Pour assurer la sécurité à la frontière, l’énoncé de politique canadien de 2004 exige, pour  les passeports canadiens le recours à la technologie de la biométrie de reconnaissance faciale (photo numérique).  La communauté internationale utilise de plus en plus cette nouvelle technologie pour faciliter la circulation des voyageurs à faible risque et entraver celle des voyageurs à risque élevé.  Suite à une entente des pays participants avec l’OACI, en mai 2003, il fut annoncé que la norme applicable internationale, applicable aux documents de voyage à capacité biométrique serait la reconnaissance faciale.  Depuis 2005, le Canada utilise cette technologie sophistiquée pour les passeports canadiens.

[39] L’énoncé de politique canadien d’avril 2004 explique que le Canada est touché par quatre formes de terrorisme:

- l’extrémisme religieux;

- les mouvements sécessionnistes violents;

- le terrorisme poussé par un état; et

- l’extrémisme à l’intérieur du pays.

De plus, il constate que le terrorisme est mondial et qu’il rend nécessaire la collaboration internationale pour le contrôler ou le neutraliser.

[40] Les groupes terroristes doivent pouvoir se procurer des passeports pour leurs activités.  Ils consacrent temps et argent pour les obtenir.  Ils le font en volant des passeports authentiques, en les empruntant, louant ou encore en les achetant.  En outre, ils en font des faux.  Ces passeports ont pour eux une importance aussi grande que les armes.  Ils les utilisent pour voyager à l’étranger sous de faux noms ou autrement, afin de ne pas être détecté aux frontières.  La clandestinité est requise pour les membres de ces groupes.  Les passeports leur permettent de circuler sans dévoiler leurs identités réelles dans le but de s’organiser, s’entraîner, planifier ou identifier des objectifs et concrétiser leurs projets.  Selon M. Rudner, la Thaïlande est un pays où le trafic des passeports est intense.

[41] Pour le Canada, il est essentiel que la gestion des passeports canadiens soit faite de façon à ne pas donner à la communauté internationale l’impression que le passeport canadien est facile à obtenir pour quiconque et qu’il n’est pas octroyé à des gens à la réputation douteuse.  Il y va de l’intérêt du Canada.  Sinon, la communauté internationale n’accordera pas la confiance voulue aux passeports canadiens, et les citoyens canadiens en subiront les conséquences lors de voyages à l’étranger.  Ils pourraient s’exposer à l’étranger à des interrogatoires, à la détention préventive et même à l’arrestation jusqu’à ce que les autorités du pays visité reconnaissent l’authenticité du document de voyage.  En matière de passeport, il faut suivre des normes strictes tendant à la perfection, répondant aux exigences internationales, et ainsi susciter la confiance sans réserve de la communauté internationale.

[42] En avril 2005, le Premier Ministre, Paul Martin, signait « un énoncé de politique internationale » (« énoncé de politique internationale d’avril 2005 ») dans lequel on expliquait la vocation internationale du Canada dans le monde et on réitérait l’engagement ferme du gouvernement de combattre le terrorisme, d’assurer la sécurité nationale et internationale.

[43] Le Canada est signataire de conventions des Nations-Unies qui prévoient des moyens de lutte contre le terrorisme et il a pris acte des nombreuses résolutions du Conseil de sécurité à ce sujet.  Certaines de ces résolutions (1624 (2005)) appellent les États à coopérer afin de renforcer les frontières internationales, à lutter contre la falsification des documents de voyage et améliorer la détection des terroristes.  Le Conseil de sécurité (résolution 1617 (2005)) a salué l’OACI dont les efforts ont empêché les terroristes de mettre la main sur des documents de voyage, il a signalé qu’elle a réussi à promouvoir la capacité biométrique à reconnaissance faciale.  Le Canada est aussi signataire de conventions et ententes impliquant les pays formant les Amériques qui ont pour but de renforcer la sécurité aux frontières, améliorer les communications entre les pays.  Bref, les énoncés politiques canadiens de 2004 et 2005 répondent aux engagements pris internationalement et ils reflètent les mesures prises pour les respecter.

 

 

[46]           M. Kamel a déposé un affidavit de cinq pages (d.a. vol. 11, p. 2115), accompagné de documents qui s’étalent sur quelque six cents pages (d.a. vol. 11 p. 2120 à vol. 12, p. 2706). Cet affidavit et ces documents traitent principalement du volet « administratif » de ce dossier, lequel n’est plus en litige devant nous. Ils revêtent peu d’intérêt en ce qui a trait au volet constitutionnel.

 

[47]           Il résulte de cette mise en contexte que les modifications apportées au programme des passeports en 2004 doivent être analysées sous l’éclairage sans cesse fuyant, parfois insaisissable de la sécurité nationale et internationale et en complémentarité avec d’autres mesures prises à cet égard par le Canada, les autres pays et la communauté internationale. Les efforts constants de perfectionnement du programme des passeports sont un maillon d’une longue chaîne que les menaces terroristes ont forcé le Canada et le reste du monde à forger au cours des dernières années.

 

[48]           Il s’ensuit que les tribunaux appelés à évaluer les choix faits par le gouvernement canadien, que ces choix prennent la forme de lois, de règlements, de décrets ou de programmes, doivent faire preuve d’humilité – car il s’agit d’un domaine d’initiés – , de retenue – car il s’agit d’un domaine qui implique des efforts marqués par la solidarité internationale – , de prudence – car il s’agit d’un domaine en constante mouvance – , mais aussi de vigilance – car il s’agit d’un domaine dans lequel l’information se fait rare et secrète et où la tentation de démesure, même de bonne foi, est présente.

 

[49]           Il s’ensuit, dès lors, que les tribunaux devront se satisfaire, dans une analyse menée en vertu de l’article premier de la Charte, de preuves documentaires et orales, limitées, incomplètes, imparfaites et non-concluantes et les jauger avec souplesse, bon sens et pragmatisme.

 

            i)  un objectif suffisamment important

[50]           Je retiens de la preuve que l’article 10.1 du Décret vise un objectif général, celui de contribuer à la lutte internationale contre le terrorisme et de respecter les engagements du Canada en ce domaine, et un objectif spécial, celui de maintenir la bonne réputation du passeport canadien.

 

[51]           Ces objectifs sont, à leur face même, suffisamment importants pour qu’une mesure restreignant le droit d’un citoyen canadien d’entrer au pays ou d’en sortir soit adoptée. La procureure de l’intimé a d’ailleurs reconnu, à l’audience, que si nous en arrivions à la conclusion que l’article 10.1 du Décret était suffisamment précis pour constituer une règle de droit, l’objectif visé était suffisamment important.

 

            ii)  la proportionnalité

            a) le lien rationnel

[52]           Depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, le terrorisme, et les moyens de le contrer, sont devenus une préoccupation majeure et une priorité première de la communauté internationale. De nombreux pays, dont le Canada, se sont munis de politiques, de programmes, de lois et de règlements destinés à renforcer leur sécurité nationale ainsi que la sécurité internationale.

 

[53]           L’affidavit du professeur Rudner brosse un tableau du contexte dans lequel s’inscrit la lutte contre le terrorisme, tant sur le plan national que sur le plan international. Son témoignage démontre, particulièrement, que le passeport constitue un outil essentiel de travail pour les groupes terroristes. Ainsi, ces groupes vont utiliser les passeports valides, falsifiés, forgés ou volés afin de voyager clandestinement, ce qui facilite le recrutement de membres, la transmission de renseignements, l’obtention de fonds, la mise en place de cellules, et ce, dans le but éventuel de perpétrer des attaques.

 

[54]           Il est dès lors très important pour le Canada de mettre en place un système de délivrance de passeport qui soit sécuritaire et sans faille. Comme le souligne le professeur Rudner,

[traduction] « Tout ce qui peut mettre en danger l'intégrité du système canadien de délivrance des passeports et leur utilisation régulière peut mettre ces intérêts de sécurité nationale en péril. Les autorités gouvernementales de partout dans le monde sont maintenant conscientes des dangers liés à l'utilisation irrégulière des passeports et à la fraude d'identité comme catalyseurs du terrorisme. » (d. a., vol. 1, p. 98)

 

[traduction] « S'il s'avérait que des terroristes sont en possession de passeports canadiens, cela porterait un dur coup au Canada, à ses intérêts et à l'intégrité de son système de délivrance des passeports. » (d. a., vol. 1 p. 101)

 

Le juge Noël en arrivait à la conclusion de fait suivante, au par. 41 de ses motifs, que je crois utile de reproduire de nouveau :

[41] Pour le Canada, il est essentiel que la gestion des passeports canadiens soit faite de façon à ne pas donner à la communauté internationale l’impression que le passeport canadien est facile à obtenir pour quiconque et qu’il n’est pas octroyé à des gens à la réputation douteuse.  Il y va de l’intérêt du Canada.  Sinon, la communauté internationale n’accordera pas la confiance voulue aux passeports canadiens, et les citoyens canadiens en subiront les conséquences lors de voyages à l’étranger.  Ils pourraient s’exposer à l’étranger à des interrogatoires, à la détention préventive et même à l’arrestation jusqu’à ce que les autorités du pays visité reconnaissent l’authenticité du document de voyage.  En matière de passeport, il faut suivre des normes strictes tendant à la perfection, répondant aux exigences internationales, et ainsi susciter la confiance sans réserve de la communauté internationale.

 

[55]           Le Canada a signé et ratifié douze des treize conventions des Nations-Unis sur le terrorisme, qui témoignent de la solidarité de la communauté internationale en matière de lutte contre le terrorisme. Le Conseil de sécurité des Nations-Unis y est allé de plusieurs résolutions, dont la Résolution 1624 en 2005, qui, à l’article 2,

2.  Appelle tous les États à coopérer, notamment en vue de renforcer la sécurité de leurs frontières internationales, en particulier en luttant contre la falsification des documents de voyage, et, dans la mesure du possible, en améliorant la détection des terroristes et les formalités visant à assurer la sécurité des passagers, en vue d’empêcher les auteurs des agissements mentionnés à l’alinéa a) du paragraphe 1 d’entrer sur leur territoire.

 

[56]           Cette preuve, combinée à la logique, à la raison, au bon sens, permet aisément d’établir un lien causal entre la violation – le refus de délivrer un passeport – et l’avantage recherché – le maintien de la bonne réputation du passeport canadien et la participation du Canada à la lutte internationale contre le terrorisme.

 

            b)  l’atteinte minimale

[57]           Le législateur a l’obligation de porter « le moins possible » atteinte au droit protégé par la Charte. La juge Deschamps a récemment expliqué comme suit la démarche que devait suivre le tribunal à cet égard :

36   Même si les moyens choisis par le législateur ont un lien rationnel avec l’objectif visé par la loi, ils ne satisferont pas au critère de proportionnalité de l’arrêt Oakes (précité, p. 139) s’il ressort qu’ils ne constituent pas une atteinte minimale au droit en cause.  Dans l’étude du critère de l’atteinte minimale, le tribunal doit accorder au législateur une certaine latitude (Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927, p. 999).  Le fait qu’un tribunal puisse proposer des moyens moins attentatoires que la mesure législative contestée ne suffit pas pour conclure que l’exigence n’est pas remplie (Renvoi relatif à l’art. 193 et à l’al. 195.1(1)c) du Code criminel (Man.), précité, p. 1138).  Toutefois, si la loi contestée ne restreint pas les droits d’une personne « aussi peu qu’il est raisonnablement possible de le faire » (R. c. Edwards Books and Art Ltd., [1986] 2 R.C.S. 713, p. 772), autrement dit, si elle se situe à l’extérieur « d’une gamme de mesures raisonnables » (RJR-Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199, par. 160), elle ne satisfait pas à l’exigence de l’atteinte minimale.

(Trociuk c. Colombie Britannique (Procureur général), 2003 CSC 34, [2003] 1 R.C.S. 835, par. 36)

 

 

[58]           Par ailleurs, il est des domaines où une « certaine déférence » s’impose davantage. Le domaine de la sécurité nationale et de la lutte contre le terrorisme est très certainement de ceux-là. Ces propos prononcés par la juge en chef McLachlin dans Canada (Procureur général) c. JTI-Macdonald Corp., 2007 CSC 30, [2007] 2 R.C.S. 610,  par. 43-44, où il était question d’interdiction de publicité commerciale, s’appliquent à plus forte raison au cas présent :

43  Là encore, une certaine déférence peut être indiquée lorsque le problème auquel s’attaque le législateur est un problème social complexe.  Il peut exister plusieurs façons d’aborder un problème, sans qu’on l’on sache avec certitude laquelle sera la plus efficace.  Il peut être possible, dans le calme de la salle d’audience, d’imaginer une solution qui porte moins atteinte au droit en cause que celle adoptée par le législateur.  Toutefois, il faut également se demander si, au regard des moyens choisis par le législateur, cette solution serait raisonnablement efficace.  Pour compliquer les choses, il se peut qu’un régime législatif vise un certain nombre d’objectifs et que l’atteinte minimale portée à un droit dans la poursuite d’un objectif particulier empêche la réalisation d’un autre objectif.  La formulation de solutions législatives à des problèmes complexes est forcément une tâche complexe, qui commande une évaluation et une mise en balance.  C’est pourquoi notre Cour a conclu que, en ce qui touche les questions sociales complexes, l’exigence d’atteinte minimale est respectée si le législateur a choisi l’une des diverses solutions raisonnables qui s’offraient : R. c. Edwards Books and Art Ltd., [1986] 2 R.C.S. 713, et Irwin Toy.

 

44  L’analyse de l’atteinte minimale en l’espèce sera également influencée par le lien entre l’examen constitutionnel et l’interprétation législative.  Avant d’entreprendre l’examen constitutionnel, il faut interpréter la loi.  Cela peut avoir un effet crucial à l’étape de l’analyse de l’atteinte minimale, lorsque la portée excessive est alléguée.  Le processus d’interprétation peut permettre de résoudre une ambiguïté en faveur d’un sens plus limité.  Cela n’est possible que si la loi comporte une véritable ambiguïté.  Par conséquent, dans les cas où il existe une ambiguïté, les arguments de portée excessive peuvent être tranchés au moyen de l’interprétation correcte : R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45, 2001 CSC 2, par. 32.

 

[59]           Dès lors qu’il est établi que le refus de délivrer un passeport pour cause de sécurité nationale ou internationale sert de manière rationnelle un objectif suffisamment important, il devient difficile de concevoir comment le refus de délivrer un passeport pourrait, substantiellement, s’effectuer autrement que de la manière prescrite par le Décret.

 

[60]           Le refus ministériel, je l’ai déjà souligné, ne peut s’exercer qu’en conformité avec les règles du droit administratif canadien. Le cas présent constitue une belle illustration de ce principe puisque la demande de M. Kamel devra faire l’objet d’un nouvel examen, l’examen original n’ayant point, selon le juge Noël, rencontré les règles de l’équité procédurale. La justification de l’article 10.1 du Décret doit s’évaluer en fonction d’une décision ministérielle qui rencontre les exigences de la loi et de la jurisprudence.

 

[61]           Par ailleurs, ce refus ne peut s’exercer que là où il constitue une mesure « nécessaire ». Comme je l’ai mentionné plus haut, cette exigence d’un lien nécessaire rend plus difficile pour l’État la prise d’une mesure qui porte atteinte à un droit protégé par la Charte.

 

[62]           Enfin, ce refus d’un passeport général n’a pas nécessairement pour effet de priver de façon absolue le citoyen canadien de son droit de sortir du pays. Il est d’autres types de passeport qui, à la rigueur, pourraient être délivrés, dont le passeport à durée de validité limitée délivré pour des raisons urgentes et de compassion.

 

[63]           Le Procureur général a fait référence à des dispositions législatives adoptées en Australie, en Grande-Bretagne, en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis pour souligner leur similitude avec le Décret canadien. La procureure de l’intimé a souligné, en retour, les différences de texte et soutenu que le texte canadien ne contenait pas les mêmes exigences que certains des autres textes.

 

[64]           Cet exercice comparatif est utile dans la mesure où l’analogie témoigne d’une même préoccupation et d’un recours au même type de moyens. Que le moyen, ou la façon de l’exprimer, retenu dans l’un ou l’autre des pays soit quelque peu différent ne signifie d’aucune manière que le moyen retenu au Canada n’est pas raisonnable. Il n’appartient pas à la Cour de spéculer sur ce qui serait, pour elle, la solution parfaite, dès lors que celle retenue se situe parmi la gamme de solutions raisonnables.

 

[65]           Je conclus qu’il y a, ici, atteinte minimale.

 

c)  proportionnalité entre les effets de la mesure et l’objectif de la loi

[66]           Il s’agit, pour reprendre les mots de la juge en chef McLachlin dans JTI-Macdonald, au par. 45, d’un examen « axé sur l’effet pratique de la loi » :

45. … Quels effets bénéfiques la mesure aura-t-elle sur le plan du bien collectif recherché?  Quelle est l’importance de la restriction du droit?  La restriction est-elle justifiée lorsque les avantages qu’elle procure sont mis en balance avec la mesure dans laquelle elle limite le droit en question?

 

[67]           Dès lors que le Ministre est d’avis, dans l’exercice légal de sa discrétion, qu’il est nécessaire, pour cause de sécurité nationale ou internationale, de refuser de délivrer un passeport à un citoyen canadien, la privation d’un passeport ne pèse pas lourd dans la balance quand on la compare au renforcement de la sécurité qu’elle procure. La Cour n’a pas à spéculer sur le préjudice que pourrait causer cette personne à la sécurité des Canadiens, du Canada et de la communauté internationale. La preuve est claire : le Ministre faillirait à son devoir de protéger les Canadiens et le Canada et de respecter les engagements internationaux du Canada s’il délivrait le passeport demandé. Il n’y a pas lieu d’attendre que le risque se concrétise. La Cour doit se satisfaire, ici, d’hypothèses et de spéculations réalistes et se fonder, pour reprendre les mots du juge Bastarache dans Harper, « sur une crainte raisonnée du préjudice ». Le bon sens veut, ici, que le préjudice collectif possible l’emporte sur le préjudice individuel réel.

 

Dispositif

[68]           Pour ces motifs, j’en arrive à la conclusion que l’article 10.1 du Décret sur les passeports canadiens porte atteinte au droit d’un citoyen canadien, en vertu de l’article 6 de la Charte, d’entrer au Canada ou d’en sortir, mais que cette atteinte est justifiée aux termes de l’article premier de la Charte.

 

[69]           J’accueillerais l’appel avec dépens et j’annulerais cette partie de la décision du juge Noël qui déclare invalide l’article 10.1 du Décret.

 

« Robert Décary »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

      Gilles Létourneau j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

      Pierre Blais j.c.a. »

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-167-08

 

(APPEL D’UN JUGEMENT DU JUGE SIMON NOËL DE LA COUR FÉDÉRALE DU 13 MARS 2006, N° DU DOSSIER T-100‑06).

 

INTITULÉ :                                                                           Procureur général du Canada c. Fateh Kamel

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 12 janvier 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE DÉCARY

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                LE JUGE BLAIS

 

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 23 janvier 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Nathalie Benoit

POUR L’APPELANT

 

Johanne Doyon

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’APPELANT

 

Doyon et Associés

Montréal (Québec)

POUR L’INTIMÉ

 

 

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