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Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

 

Date : 20090218

Dossier : A-117-08

Référence : 2009 CAF 49

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

TELUS COMMUNICATIONS (EDMONTON) INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Edmonton (Alberta), le 12 février 2009.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 18 février 2009.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                      LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

 


Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20090218

Dossier : A-117-08

Référence : 2009 CAF 49

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

TELUS COMMUNICATIONS (EDMONTON) INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

 

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par Telus Communications (Edmonton) Inc. (l’appelante ou Telus) d’une décision du juge Hershfield de la Cour canadienne de l’impôt (le juge de la Cour de l’impôt) rejetant essentiellement l’appel de Telus à l’égard d'une nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national (le ministre) en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E‑15 (la Loi), pour la période allant du 1er mars au 31 décembre 1995. Plus particulièrement, l’appelante conteste la conclusion du juge de la Cour de l’impôt selon laquelle l’appelante n’a pas droit à un remboursement ou à une réduction d’un montant de 1 849 230,75 $ au titre de la taxe nette conformément au paragraphe 261(1) de la Loi.

 

FAITS PERTINENTS

 

[2]               L’appelante a conclu un contrat visant l’achat de certains actifs liés aux télécommunications d’Edmonton Telephones Corporation (Ed Tel). Avec prise d’effet le 10 mars 1995, l’appelante a acquis l’entreprise, les biens, les actifs et les droits d’Ed Tel dans leur totalité, y compris la survaleur se rapportant aux activités liées à un central téléphonique local autrefois exploité par Ed Tel au moyen d’un arrangement en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par action, L.R.C. 1985, ch. C-44 (l’arrangement).

 

[3]               Des choix conjoints ont été effectués en vertu du paragraphe 167(1) de la Loi et, par conséquent, aucune taxe n’était payable à l’égard de la fourniture des actifs d’Ed Tel à l’intention de l’appelante.

 

[4]               Avant l’acquisition, Ed Tel avait commandé des fournitures dans le cours normal de l’exploitation de l’entreprise. Toutes les fournitures ici en cause (les « Fournitures ») ont été commandées par Ed Tel et effectuées par des fournisseurs avant le 10 mars 1995, date de prise d’effet de l’acquisition. Aucune des Fournitures n’avait été payée lors de l’acquisition.

 

[5]               L’appelante devait payer le prix d’achat de l’entreprise qu’elle avait acquise à la date de prise d’effet en émettant des actions et des titres d’emprunt et en prenant en charge le passif d’Ed Tel, y compris l’obligation qui incombait à Ed Tel de payer les Fournitures.

 

[6]               Ed Tel n’était pas dégagée de son obligation contractuelle envers les fournisseurs et aucune relation contractuelle n’a été établie entre les fournisseurs et l’appelante.

 

[7]               Conformément à son engagement, l’appelante a payé les Fournitures, y compris la TPS facturée à l’égard de celles‑ci, après le 10 mars 1995 dans le cours ordinaire de l’exploitation de l’entreprise qu’elle avait acquise d’Ed Tel.

 

[8]               L’appelante a demandé des crédits de taxe sur les intrants (CTI) à l’égard des paiements ainsi effectués au titre de la TPS au motif qu’elle était l’« acquéreur » des Fournitures et qu’elle n’aurait droit à un remboursement ou à une réduction de ce montant d’aucune manière. Ed Tel, pour sa part, n’a pas demandé de CTI à l’égard des Fournitures.

 

[9]               Le ministre a refusé d’octroyer les CTI demandés par l’appelante au motif que cette dernière n’était pas l’« acquéreur » des Fournitures et qu’elle n’avait donc pas droit aux CTI. De plus, le ministre a refusé de reconnaître à l’appelante le droit à un remboursement ou à une réduction en vertu de la Loi.

 

 

[10]           La nouvelle cotisation a été confirmée ultérieurement et l’appelante a porté l’affaire devant la Cour canadienne de l’impôt.

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

 

[11]           L’article 165 de la Loi prévoit que l’« acquéreur » d’une fourniture taxable est tenu de payer une taxe (TPS). La règle générale régissant le droit aux CTI et le calcul de ceux-ci sont énoncés au paragraphe 169(1) :

 

169(1) – Sous réserve de la présente partie, le crédit de taxe sur les intrants d’une personne, pour sa période de déclaration au cours de laquelle elle est un inscrit, relativement à un

bien ou à un service qu’elle importe ou qui lui est fourni, correspond au résultat du calcul suivant si, au cours de cette période, la taxe relative à l’importation ou à la fourniture devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable :

 

A × B

où :

 

A représente la taxe relative à l’importation ou à la fourniture qui, au cours de la période de déclaration, devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable;

 

B représente :

 

a) dans le cas où la taxe est réputée, par le paragraphe 202(4), avoir été payée relativement au bien le dernier jour d’une année d’imposition de la personne, le pourcentage que représente l’utilisation que la personne faisait du bien dans le cadre de ses activités commerciales au cours de cette année par rapport à l’utilisation totale qu’elle faisait alors dans le cadre de ses activités commerciales et de ses entreprises;

 

b) dans le cas où le bien ou le service est acquis ou importé par la personne pour l’utilisation dans le cadre d’améliorations apportées à une de ses immobilisations, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne utilisait l’immobilisation dans le cadre de ses activités commerciales immédiatement après sa dernière acquisition ou importation de tout ou partie de l’immobilisation;

 

c) dans les autres cas, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne a acquis ou importé le bien ou le service pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.

 

169. (1) –  Subject to this Part, where property or a service is supplied to or imported by a person and, during a reporting period of the person during which the person is a registrant, tax in respect of the supply or importation becomes payable by the person or is paid by the person without having become payable, the input tax credit of the person in respect of the property or service for the period is the amount determined by the formula:

 

 

A × B

Where

 

A is the total of all tax in respect of the supply or importation that becomes payable by the person during the reporting period or that is paid by the person during the period without having become payable; and

 

B is

 

(a) where the tax is deemed under subsection 202(4) to have been paid in respect of the property on the last day of a taxation year of the person, the extent (expressed as a percentage of the total use of the property in the course of commercial activities and businesses of the person during that taxation year) to which the person used the property in the course of commercial activities of the person during that taxation year,

 

(b) where the property or service is acquired or imported by the person for use in improving capital property of the person, the extent (expressed as a percentage) to which the person was using the capital property in the course of commercial activities of the person immediately after the capital property or a portion thereof was last acquired or imported by the person, and

 

 

 

(c) in any other case, the extent (expressed as a percentage) to which the person acquired or imported the property or service for consumption, use or supply in the course of commercial activities of the person.

 

[12]           L’article 123 de la Loi définit le mot « acquéreur » comme suit :

 

 « acquéreur »

 

a) Personne qui est tenue, aux termes d’une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

 

 

b) personne qui est tenue, autrement qu’aux termes d’une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

 

c) si nulle contrepartie n’est payable pour une fourniture :

(i) personne à qui un bien, fourni par vente, est livré ou à la disposition de qui le bien est mis,

 

 

(ii) personne à qui la possession ou l’utilisation d’un bien, fourni autrement que par vente, est transférée ou à la disposition de qui le bien est mis,

 

(iii) personne à qui un service est rendu.

 

 

 

Par ailleurs, la mention d’une personne au profit de laquelle une fourniture est effectuée vaut mention de l’acquéreur de la fourniture.

“recipient” of a supply of property or a service means

(a) where consideration for the supply is payable under an agreement for the supply, the person who is liable under the agreement to pay that consideration,

 

(b) where paragraph (a) does not apply and consideration is payable for the supply, the person who is liable to pay that consideration, and

 

(c) where no consideration is payable for the supply,

(i) in the case of a supply of property by way of sale, the person to whom the property is delivered or made available,

 

(ii) in the case of a supply of property otherwise than by way of sale, the person to whom possession or use of the property is given or made available, and

 

(iii) in the case of a supply of a service, the person to whom the service is rendered,

 

and any reference to a person to whom a supply is made shall be read as a reference to the recipient of the supply;

 

 

[13]           Le remboursement ou la réduction de la taxe nette est prévu au paragraphe 261(1) :

 

261. (1) Dans le cas où une personne paie un montant au titre de la taxe, de la taxe nette, des pénalités, des intérêts ou d’une autre obligation selon la présente partie alors qu’elle n’avait pas à le payer ou à le verser, ou paie un tel montant qui est pris en compte à ce titre, le ministre lui rembourse le montant, indépendamment du fait qu’il ait été payé par erreur ou autrement.

 

 

261. (1) Where a person has paid an amount

(a) as or on account of, or

(b) that was taken into account as,

tax, net tax, penalty, interest or other obligation under this Part in circumstances where the amount was not payable or remittable by the person, whether the amount was paid by mistake or otherwise, the Minister shall, subject to subsections (2) and (3), pay a rebate of that amount to the person.

 

[14]           Lorsque le ministre établit qu’une personne a droit à un remboursement conformément au paragraphe 261(1), mais qu’elle ne l’a pas demandé, le paragraphe 296(4.1), dans sa version en vigueur à l’époque pertinente (maintenant le paragraphe 296(2.1)), permet au ministre de déduire le remboursement non demandé de toute obligation non réglée conformément à la partie IX de la Loi :

 

296. (4.1)  Si le ministre établit, en déterminant la taxe nette d’une personne ou la taxe payable par une personne, que celle-ci a inclus, dans le calcul de son crédit de taxe sur les intrants, un montant qui excède celui qu’elle pouvait ainsi inclure et qu’un montant aurait été payable en remboursement de tout ou partie de cet excédent à la personne en application de la présente partie si elle avait demandé le remboursement en conformité avec cette partie, il peut, selon le cas :

 

a)      déduire ce montant de la cotisation établie relativement à l’excédent comme si la personne avait demandé ce montant le jour où elle était tenue de produire la déclaration concernant cet excédent;

b)   verser ce montant à la personne ou le déduire de la taxe payable ou de la taxe nette à verser par celle-ci pour une période de déclaration pour laquelle une déclaration a été produite avant l’établissement de la cotisation, sauf si :

(i)   le montant est remboursable en application du paragraphe 216(6) relativement à des produits importés et la cotisation n’est pas établie dans les deux ans suivant le dédouanement des produits,

 

(ii)  la cotisation est établie en application du paragraphe 298(4) après l’expiration du délai imparti au paragraphe 298(1).

 

296. (4.1)  Where, in assessing the net tax of a person or the tax payable by a person, the Minister determines that the person included, in determining an input tax credit of the person, an amount that exceeds the amount that the person was entitled to so include (which excess is referred to in this subsection as the “excess amount”) and a rebate or refund provided for under this Part of all or part of the excess amount would have been payable to the person if the person had applied for the rebate or refund in accordance with this Part, the Minister may

 

(a)  apply the amount of the rebate or refund against the amount assessed on account of the excess amount as if the person had filed an application for the rebate or refund on the day on

      or before which the person was required to file the return in which the excess amount was claimed; or

 

(b)   except where

 

(i)     the rebate is payable under subsection 216(6) in respect of imported goods and the assessment is not made within two years after the goods were released, or

 

(ii)   the assessment is made under subsection 298(4) after the time otherwise limited therefore by subsection 298(1),

 

      pay the rebate or refund to the person or apply it against any net tax remittable or tax payable by the person for any reporting period of the person for which a return was filed before the day the assessment is made.

 

 

 

[15]           Le paragraphe 296(2.1), qui remplace le paragraphe 296(4.1) depuis le 1er juillet 1996, a essentiellement le même sens :

 

296(2.1) Le ministre, s’il constate les faits suivants relativement à un montant (appelé « montant de remboursement déductible » au présent paragraphe) lors de l’établissement d’une cotisation concernant la taxe nette d’une personne pour une période de déclaration de celle-ci ou concernant un montant (appelé « montant impayé » au présent paragraphe) qui est devenu payable par une personne en vertu de la présente partie, applique, sauf demande contraire de la personne, tout ou partie du montant de remboursement déductible en réduction de la taxe nette ou du montant impayé comme si la personne avait payé ou versé, à la date visée aux sous-alinéas a)(i) ou (ii), le montant ainsi appliqué au titre de la taxe nette ou du montant impayé :

a) le montant de remboursement déductible aurait été payable à la personne à titre de remboursement s’il avait fait l’objet d’une demande produite aux termes de la présente partie à la date suivante et si, dans le cas où le remboursement vise un montant qui fait l’objet d’une cotisation, la personne avait payé ou versé ce montant :

(i)  si la cotisation concerne la taxe nette pour la période de déclaration, la date limite de production de la déclaration aux termes de la section V pour la période.

(ii) si la cotisation concerne un montant impayé, la date à laquelle ce montant est devenu payable par la personne;

b) le montant de remboursement déductible n’a pas fait l’objet d’une demande produite par la personne avant le jour où l’avis de cotisation lui est envoyé;

c) le montant de remboursement déductible serait payable à la personne s’il faisait l’objet d’une demande produite aux termes de la présente partie le jour où l’avis de cotisation lui est envoyé, ou serait refusé s’il faisait l’objet d’une telle demande du seul fait que le délai dans lequel il peut être demandé a expiré avant ce jour.

296(2.1) Where, in assessing the net tax of a person for a reporting period of the person or an amount  (in this subsection referred to as the “overdue amount”) that became payable by a person under this Part, the Minister determines that

        (a) an amount (in this subsection referred to as the "allowable rebate") would have been payable to the person as a rebate if it had been claimed in an application under this Part filed on the particular day that is

                 (i)  if the assessment is in respect of net tax for the reporting period, the day on or before which the return under Division V for the period was required to be filed, or

                 (ii) if the assessment is in respect of an overdue amount, the day on which the overdue amount became payable by the person,

        and, where the rebate is in respect of an amount that is being assessed, if the person had paid or remitted that amount,

(b) the allowable rebate was not claimed by the person in an application filed before the day notice of the assessment is sent to the person, and

(c) the allowable rebate would be payable to the person, if it were claimed in an application under this Part filed on the day the notice of the assessment is sent to the person or would be disallowed if it were claimed in that application only because the period for claiming the allowable rebate expired before that day,

the Minister shall, unless otherwise requested by the person, apply all or part of the allowable rebate against that net tax or overdue amount as if the person had, on the particular day, paid or remitted the amount so applied on account of that net tax or overdue amount.

 

 

[16]           Il convient également de reproduire l’alinéa 263b), lequel prévoit qu’un remboursement en application du paragraphe 261(1) de la Loi est assujetti à la restriction suivante :

263. Le remboursement d’un montant en application […] de l’un des articles 252 à 261.31 […] n’est pas effectué au profit d’une personne dans la mesure où il est raisonnable de considérer qu’une des situations suivantes existe :

[…]

b) elle a demandé, ou a le droit de demander, un crédit de taxe sur les intrants relativement au montant;

[…]

263. A rebate of an amount under …  any of sections 252 to 261.31 … shall not be paid or granted to a person to the extent that it can reasonably be regarded that:

 

      …

 

(b) the person has claimed or is entitled to claim an input tax credit in respect of the amount;

 

 

DÉCISION DE LA COUR DE L’IMPÔT

 

[17]           En ce qui concerne le premier motif de rejet, le juge de la Cour de l’impôt a conclu que seul l’« acquéreur » des Fournitures peut demander un CTI. Même si le paragraphe 169(1) ne contient aucune mention expresse d’un « acquéreur », la disposition permet d’accorder un CTI à une personne « relativement à un bien ou à un service qu’elle importe ou qui lui est fourni ». La définition du mot « acquéreur » comprend « la mention d'une personne au profit de laquelle une fourniture est effectuée ». Les Fournitures en l’espèce ont été effectuées à l’intention d’Ed Tel, donc la personne à laquelle on fait référence au paragraphe 169(1) doit être considérée comme étant Ed Tel à titre d’« acquéreur » (paragraphes 7 à 24 des motifs).

 

[18]           Après avoir conclu que l’appelante avait droit à certains rajustements qui ne sont plus en litige dans le présent appel (paragraphes 25 à 37 des motifs), le juge de la Cour de l’impôt a alors examiné la question de savoir si l’appelante avait par ailleurs droit au montant demandé au titre du paragraphe 261(1). Il a tout d’abord reconnu que le libellé de la disposition, interprété isolément, pourrait permettre à l’appelante d’obtenir un remboursement ou une réduction. Toutefois, une telle interprétation donnerait des résultats absurdes. Plus particulièrement, le juge a noté que pour permettre un remboursement lorsque l’obligation d’un « acquéreur » au sens de la Loi a été acquittée par un non-acquéreur de la fourniture, il faudrait que le ministre examine la source de chaque versement afin de s’assurer que le montant versé pour une fourniture n’aura pas à être rendu en tant que remboursement avant que l’« acquéreur » fasse l’objet d’une cotisation (paragraphe 43 des motifs).

 

[19]           Le paiement effectué par l’appelante visait à éteindre l’obligation d’Ed Tel en vertu de la Loi. Le mécanisme des CTI énoncé dans la Loi (c.-à-d. le paragraphe 169(1)) constitue le seul moyen aux fins du rapprochement de pareils paiements (paragraphe 44 des motifs). Le juge de la Cour de l’impôt a conclu qu’en fin de compte, Ed Tel n’a jamais coopéré avec l’appelante en vue de lui permettre de bénéficier de la réparation que cette dernière aurait dû obtenir aux termes de l’arrangement si celui‑ci avait été structuré d’une façon appropriée (idem).

 

[20]           Le juge de la Cour de l’impôt a poursuivi en concluant que la personne mentionnée dans le paragraphe 261(1) de la Loi comme étant la personne qui a effectué le paiement n’est pas celle qui fait le paiement, mais plutôt la personne pour le compte de laquelle le paiement est effectué. En l’espèce, le paiement a été effectué pour le compte d’Ed Tel et, par conséquent, l’appelante n’avait pas droit au remboursement (paragraphe 45 des motifs).

 

ERREURS ALLÉGUÉES

 

[21]           L’appelante ne conteste plus la partie de la décision du juge de la Cour de l’impôt portant qu’Ed Tel étant le seul « acquéreur » des Fournitures, elle avait droit de demander des CTI conformément au paragraphe 169(1). L’appel vise uniquement la conclusion du juge de la Cour de l’impôt selon laquelle l’appelante n’avait pas droit à un remboursement ou à une réduction du montant demandé au titre du paragraphe 261(1).

 

[22]           L’appelante soutient que la question pertinente sur laquelle le juge de la Cour de l’impôt était appelé à se prononcer en vertu du paragraphe 261(1) et de l’ancien paragraphe 296(4.1), était de savoir si l’appelante avait payé un montant au titre de la TPS qui n’était pas un montant dont elle était redevable selon la Loi. Les circonstances dans lesquelles le paiement a été effectué ne sont pas pertinentes puisque le paragraphe 261(1) de la Loi prévoit qu’un tel montant puisse avoir été payé « par erreur ou autrement ».

 

[23]           L’examen du droit au remboursement en vertu de l’article 261(1) doit se concentrer sur la personne qui a payé un montant, soit l’appelante en l’espèce. Une fois cet élément établi, la seule question qui reste à trancher consiste à déterminer si le paiement a été fait : 1) au titre de la taxe et 2) alors qu’elle n’avait pas à le payer ou à le verser. L’appelante soutient qu’il n'est pas nécessaire de pousser l'examen plus loin. Cette approche est conforme aux décisions récentes de cette Cour dans West Windsor Urgent Care Centre Inc. c. Canada, 2008 CAF 11 (West Windsor), et Canada c. United Parcel Service Canada Ltd., 2008 CAF 48 (UPS).

 

[24]           L’appelante conteste la conclusion du juge de la Cour de l’impôt selon laquelle le mécanisme des CTI constitue le seul moyen disponible pour empêcher qu’un « gain fortuit » ne profite au ministre si aucun remboursement n’était accordé. Cette conclusion ne prend pas en compte le fait que l’objectif des dispositions relatives au remboursement est de nature réparatrice. Cette approche adoptée par le juge de la Cour de l’impôt restreint effectivement l’interprétation du paragraphe 261(1) à des situations limitées (c.-à-d. lorsqu’une personne tenue de payer la TPS verse un montant excessif).

 

[25]           La conclusion du juge de la Cour de l’impôt portant que la personne mentionnée au paragraphe 261(1) de la Loi n’est pas « celle qui fait le chèque ou qui transfère les fonds au ministre », mais plutôt « la personne pour le compte de laquelle le paiement est effectué », ne s’appuie sur aucune interprétation textuelle, contextuelle ou téléologique du paragraphe 261(1) de la Loi.

 

ANALYSE ET DÉCISION

 

[26]           Lorsqu’elle contrôle une décision judiciaire, la Cour d’appel applique à l’égard des questions de droit la norme de la décision correcte, tandis que les conclusions de fait et les conclusions mixtes de fait et de droit ne sont rejetées que si le juge de première instance a commis une erreur manifeste et dominante (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235). À mon avis, la question de savoir si les CTI que l’« acquéreur » des Fournitures peut demander au titre du paragraphe 169(1) peuvent également être demandés par la personne qui a payé la taxe pour le compte de l’« acquéreur » en vertu de l’article 261(1) est une question d’interprétation législative pure qui doit être examinée selon la norme de la décision correcte.

 

[27]           Comme le précise le juge de la Cour de l’impôt, le contexte d’application du paragraphe 261(1) inclut le paragraphe 169(1) et l’alinéa 263b). Le paragraphe 169(1), interprété conjointement avec la définition du mot « acquéreur », prévoit effectivement que seule la personne au profit de laquelle une fourniture est effectuée peut demander le CTI s’y rapportant. L’alinéa 263b) prévoit qu’un remboursement d’un montant en application du paragraphe 261(1) n’est pas effectué au profit d’une personne dans la mesure où il est raisonnable de considérer que la personne a demandé, ou a le droit de demander, un CTI relativement au montant. Si le ministre détermine que la personne avait droit à un remboursement au titre du paragraphe 261(1) de la Loi, mais que cette personne ne l’a pas fait, le paragraphe 296(4.1) permet alors au ministre de déduire le remboursement non demandé de toute obligation non réglée en vertu de la partie IX de la Loi.

 

[28]           En l’espèce, le prix d’achat versé par l’appelante conformément à l’arrangement incluait la prise en charge du passif relativement aux Fournitures qui avaient été commandées par Ed Tel. Comme l’a conclu le juge de la Cour de l’impôt, les paiements ont été effectués pour le compte d’Ed Tel et l’objectif de l’arrangement était de libérer Ed Tel de son obligation en vertu de la Loi au moment où l’appelante effectuerait les paiements.

 

[29]           Le juge de la Cour de l’impôt a conclu qu’Ed Tel était l’acquéreur des Fournitures, ce qui n’a pas été contesté en appel. Il s’ensuit qu’Ed Tel était la seule personne ayant le droit de demander les CTI pour la TPS payée à ses fournisseurs en vertu du paragraphe 169(1) de la Loi. L’appelante avance l’argument que le paragraphe 261(1) devrait être interprété de façon à lui permettre également de demander réparation pour le même montant.

 

[30]           Selon ce raisonnement, deux personnes pourraient demander réparation pour la même taxe, soit l’acquéreur au moyen des CTI et un tiers qui a effectué le paiement pour le compte de l’acquéreur au moyen d’un remboursement ou d’une réduction. À mon avis, le juge de la Cour de l’impôt était parfaitement fondé de conclure que différentes personnes ne peuvent avoir droit à des réclamations pour le même montant en vertu du régime mis en œuvre par le législateur. Il ne fait aucun doute qu’il est nécessaire d’appliquer une approche rationnelle, comme l’a précisé le juge de la Cour de l’impôt (paragraphe 43 des motifs) :

[…] pour permettre un remboursement, lorsque l’obligation des acquéreurs en vertu de la Loi a été acquittée par un non‑acquéreur de la fourniture qui s’est engagé à l’assumer, il faudrait que le ministre examine la source de chaque versement afin de s’assurer que le montant versé pour une fourniture n’aura pas à être rendu en tant que remboursement avant que l’acquéreur fasse l’objet d’une cotisation. Si l’on ne procédait pas à un tel examen impossible, tous les acquéreurs de fournitures taxables pourraient se soustraire à la TPS, et ce, indépendamment de la question de savoir si des CTI pouvaient être demandés.

 

[31]           Le paragraphe 261(1) s’applique à une personne qui effectue un paiement « au titre de la taxe, de la taxe nette, des pénalités, des intérêts ou d’une autre obligation selon la présente partie ». Il est admis que l’appelante n’avait aucune obligation de payer une taxe en vertu de la Loi lorsqu’elle a payé les fournisseurs. Le paragraphe 261(1) ne s’applique pas à un paiement de taxe effectué pour le compte de quelqu’un d’autre.

 

[32]           J’accorde peu de poids à la prétention de l’appelante selon laquelle le paragraphe 261(1) devrait être interprété de manière à éviter le gain fortuit au profit du fisc découlant de cette interprétation. Lors d’une opération, comme celle en l’espèce, tout ce qui doit être fait pour éviter la difficulté à laquelle est exposée l’appelante est de s’assurer que la personne autorisée à faire la demande, la fait. En l’espèce, la preuve démontre que les CTI impayés n’étaient pas suffisamment importants dans le contexte général de l’opération pour attirer l’attention, de sorte que la question des CTI impayés n’a pas été traitée (transcription de l’interrogatoire de M. McGillicuddy, dossier d’appel, vol. 1, p. 189). Cette situation n’explique pas pour autant qu’il faille interpréter le paragraphe 261(1) d’une manière contraire à son objectif.

 

[33]           Dans les affaires UPS et West Windsor, la décision de la Cour portait sur des faits très différents. Il conviendrait mieux de comparer la présente espèce avec l’affaire 2955‑4201 Québec Inc. c. Canada., [1997] A.C.F. no 1536 (QL), [1997] G.S.T.C. 100 (2955-4201 Québec). Dans l’affaire 2955-4201 Québec, la requérante avait fait l’acquisition des actifs d’une entreprise de vente et distribution de voitures automobiles, comprenant une flotte de véhicules neufs. Les parties ont fait un choix en application de l’article 167 pour qu’aucune TPS ne soit payable relativement à la vente. Le montant total payé incluait la valeur des stocks de véhicules neufs, qui comprenait par erreur la TPS payée par la venderesse pour les véhicules. Lorsque la requérante s’en est rendu compte, elle a fait valoir qu’elle avait droit à des CTI ou à un remboursement en application du paragraphe 261(1). Le juge de première instance a conclu que ni l’article 169 ni le paragraphe 261(1) ne pouvaient trouver application. S’exprimant au nom de la Cour, le juge Décary a souscrit à l’opinion du juge de première instance en déclarant ce qui suit (à la p. 100-4) :

 

[5]      Le juge Lamarre-Proulx, de la Cour canadienne de l'impôt, a décidé que ni l'article 169 ni l'article 261 ne pouvaient trouver application puisque l'un et l'autre supposaient un montant de taxe payé ou payable par la requérante et qu'en l'espèce aucune taxe n'avait été payée ou n'était payable par celle-ci. Le juge s'est dite [sic] d'avis que le litige portait en réalité non pas sur un paiement de taxe qu'aurait fait la requérante au ministre, mais sur la valeur réelle du prix de vente que la requérante aurait dû verser à la venderesse; c'était là, concluait-elle, un litige auquel le ministre était étranger.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[34]           En l’espèce, comme dans l’arrêt 2955-4201 Québec, le paiement des Fournitures (et la TPS s’y rapportant) faisait partie du prix d’achat. La seule différence est que dans l’arrêt 2955-4201 Québec, les Fournitures ont été payées par l’acquéreur directement tandis que dans la présente affaire, elles ont été payées par l’acheteur pour le compte de l’acquéreur. Cette différence ne justifie pas un traitement différent.

 

[35]           Je rejetterais l’appel, avec dépens.

 

« Marc Noël »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

       M. Nadon, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

       J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

 

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre, trad. a., LL.B.


 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                A-117-08

 

APPEL D’UN JUGEMENT DE MONSIEUR LE JUGE HERSHFIELD DATÉ DU 10 MARS 2008, No 2003-1066(GST)G.

 

INTITULÉ :                                                               TELUS COMMUNICATIONS (EDMONTON) INC. et

                                                                                    SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       Le 12 février 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                    LE JUGE NOËL

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                 LE JUGE NADON

                                                                                    LE JUGE PELLETIER

 

DATE DES MOTIFS :                                              Le 18 février 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Curtis Stewart

POUR L’APPELANTE

 

Margaret Irving

Connie Mah

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bennett Jones LLP

Calgary (Alberta)

 

POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

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