ENTRE :
et
Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 18 mars 2009.
Jugement rendu à l’audience à Winnipeg (Manitoba), le 18 mars 2009.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE RYER
Dossier : A-402-08
Référence : 2009 CAF 90
CORAM : LE JUGE EVANS
LE JUGE RYER
LA JUGE TRUDEL
ENTRE :
ERIKA BRIDGET DILKA
demanderesse
et
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l’audience à Winnipeg (Manitoba), le 18 mars 2009.)
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Commission d’appel des pensions (la Commission), rendue le 30 juin 2008, rejetant l’appel interjeté par la demanderesse d’une décision du Tribunal de révision refusant sa demande de pension de survivant en vertu de l’alinéa 44(1)d) du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8 (le RPC) au motif qu’elle n’était pas la survivante d’un cotisant décédé, soit M. Richard Lovell, décédé le 8 mars 2005.
[2] L’alinéa 44(1)d) du RPC permet au survivant d’un cotisant décédé de demander une pension de survivant lorsque certaines conditions, dont aucune n’est pertinente en l’espèce, sont satisfaites. Cette disposition est rédigée ainsi :
d) sous réserve du paragraphe (1.1), une pension de survivant doit être payée à la personne qui a la qualité de survivant d’un cotisant qui a versé des cotisations pendant au moins la période minimale d’admissibilité, si le survivant : (i) soit a atteint l’âge de soixante-cinq ans, (ii) soit, dans le cas d’un survivant qui n’a pas atteint l’âge de soixante-cinq ans : (A) ou bien avait au moment du décès du cotisant atteint l’âge de trente-cinq ans, (B) ou bien était au moment du décès du cotisant un survivant avec enfant à charge, (C) ou bien est invalide;
|
(d) subject to subsection (1.1), a survivor’s pension shall be paid to the survivor of a deceased contributor who has made contributions for not less than the minimum qualifying period, if the survivor (i) has reached sixty-five years of age, or (ii) in the case of a survivor who has not reached sixty-five years of age, (A) had at the time of the death of the contributor reached thirty-five years of age, (B) was at the time of the death of the contributor a survivor with dependent children, or (C) is disabled;
|
[3] Selon le paragraphe 42(1) du RPC, le survivant d’un cotisant décédé (le survivant) s’entend de l’époux du cotisant à son décès à défaut de l’existence d’un conjoint de fait, au sens du paragraphe 2(1) du RPC (conjoint de fait), du cotisant à son décès. Dans ce cas, le survivant sera le conjoint de fait et non l’époux (voir Carter c. Canada (Ministre du Développement social), 2006 CAF 172).
[4] En l’espèce, il est clair que M. Lovell n’était pas marié à son décès. La question en litige consiste à déterminer si la demanderesse était la survivante de M. Lovell parce qu’elle était sa conjointe de fait au décès de celui-ci. La définition du conjoint de fait est rédigée ainsi :
« conjoint de fait » La personne qui, au moment considéré, vit avec un cotisant dans une relation conjugale depuis au moins un an. Il est entendu que, dans le cas du décès du cotisant, « moment considéré » s’entend du moment du décès.
|
"common-law partner" , in relation to a contributor, means a person who is cohabiting with the contributor in a conjugal relationship at the relevant time, having so cohabited with the contributor for a continuous period of at least one year. For greater certainty, in the case of a contributor’s death, the “relevant time” means the time of the contributor’s death.
|
[5] Pour démontrer qu’elle était la conjointe de fait de M. Lovell au décès de celui-ci, la demanderesse doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle a vécu une relation conjugale avec M. Lovell pendant une période continue d’au moins un an avant le décès de celui-ci.
[6] La Commission a examiné attentivement si la demanderesse répondait à la définition de conjoint de fait compte tenu de la preuve dont elle disposait, y compris le témoignage de celle-ci et de son fils. La Commission a noté que la demanderesse et M. Lovell ont vécu ensemble pendant environ quatre ans, mais qu’ils ont eu des résidences séparées à compter d’octobre 1987. La Commission a conclu que la demanderesse et M. Lovell ont certes continué d’entretenir de nombreux rapports à compter d’octobre 1987, mais ils ne se sont jamais présentés comme étant mariés ou vivant en union de fait. Plus particulièrement, ils se sont toujours décrits comme étant célibataires et non conjoints de fait aux responsables de l’aide sociale et aux autorités fiscales.
[7] En examinant la question de savoir si la demanderesse et M. Lovell vivaient ensemble dans une relation conjugale, la Commission a expressément renvoyé à la décision de la Cour Suprême du Canada que le juge Binnie a rendue dans l’affaire Hodge c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines), [2004] 3 S.C.R. 357, en citant son paragraphe 42, lequel est rédigé ainsi :
42 L'intimée a mis fin à la cohabitation. Or, la cohabitation est un élément essentiel de l'union de fait. La « cohabitation », dans ce contexte, n'est pas synonyme de corésidence. Deux personnes peuvent cohabiter même si elles ne vivent pas sous le même toit et, inversement, elles peuvent ne pas cohabiter au sens où il faut l'entendre même si elles vivent sous le même toit. Les périodes de séparation physique comme celle que l'intimée et le défunt ont vécue en 1993 ne mettent pas fin à l'union de fait s'il existe une intention commune de continuer. Je partage l'opinion du juge Morden dans Re Sanderson and Russell (1979), 24 O.R. (2d) 429 (C.A.), p. 432, selon laquelle, sous réserve de toute disposition contenue dans une loi, l'union de fait prend fin [TRADUCTION] « lorsque l'une ou l'autre des parties la considère comme terminée et affiche un comportement qui démontre, de manière convaincante, que cet état d'esprit particulier a un caractère définitif ».
[8] Ayant examiné la preuve en tenant compte de la définition du conjoint de fait prévue par la loi et de l’enseignement de la Cour Suprême du Canada dans l’arrêt Hodge, la Commission a conclu que la demanderesse ne s’était pas acquittée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle a vécu une relation conjugale avec M. Lovell pendant une période continue d’un an avant le décès de celui-ci. Par conséquent, la Commission a rejeté l’appel interjeté par la demanderesse de la décision du Tribunal de révision refusant sa demande de pension de survivant.
[9] La demanderesse demande à la Cour de rejeter la décision de la Commission refusant sa demande de pension de survivant. La demande est fondée sur le fait que la Commission aurait commis une erreur en concluant que la demanderesse n’était pas la survivante de M. Lovell parce qu’elle n’était pas sa conjointe de fait au décès de celui-ci.
[10] Selon ce motif, la Commission aurait commis une erreur dans l’application des éléments juridiques de la définition du conjoint de fait aux circonstances factuelles de la demanderesse. Or, un tel motif soulève une question mixte de fait et de droit qui commande l’application de la norme de la décision raisonnable à moins que la question ne contienne une question juridique isolable, auquel cas la norme de contrôle dépendra de la nature de la question juridique isolable (voir Dunsmuir c. New Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190). La demanderesse n’a pas indiqué que la question soulevée par ce motif contenait une telle question juridique isolable.
[11] L’arrêt Dunsmuir précise également que la norme de la décision raisonnable exige que la Cour fasse preuve de déférence et de retenue à l’égard d’une décision de la Commission qui appartient aux issues possibles pouvant se justifier au regard des faits et du droit.
[12] Nous éprouvons beaucoup de sympathie pour la demanderesse. Toutefois, après l’examen de ses documents et l’audition de son témoignage, nous ne sommes pas convaincus que la conclusion de la Commission portant qu’elle n’était pas la conjointe de fait de M. Lovell au décès de celui-ci n’appartenait pas aux issues possibles pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La conclusion de la Commission selon laquelle la demanderesse et M. Lovell ne se sont jamais présentés comme étant mariés ou vivant en union de fait et celle portant qu’ils se sont toujours décrits comme étant célibataires et non conjoints de fait aux responsables de l’aide sociale et aux autorités fiscales sont étayées par le dossier dont la Commission disposait et constituent un fondement raisonnable, en fait et en droit, à la décision de la Commission.
[13] Pour les motifs qui précèdent, la demande sera rejetée, sans frais.
« C. Michael Ryer »
Traduction certifiée conforme
Mélanie Lefebvre, trad.a., LL.B.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-402-08
(DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE DÉCISION DE LA COMMISSION D’APPEL DES PENSIONS RENDUE LE 30 JUIN 2008)
INTITULÉ : ERIKA BRIDGET DILKA c.
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : WINNIPEG (MANITOBA)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 18 MARS 2009
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : (LES JUGES EVANS, RYER et TRUDEL)
PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR : LE JUGE RYER
COMPARUTIONS :
LA DEMANDERESSE POUR SON PROPRE COMPTE
|
|
POUR LE DÉFENDEUR
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
|
POUR LA DEMANDERESSE |
Sous-procureur général du Canada |
POUR LE DÉFENDEUR
|