ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
et
Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 17 mars 2009.
Jugement rendu à Winnipeg (Manitoba), le 18 mars 2009.
MOTIFS DU JUGEMENT : LA JUGE TRUDEL
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE EVANS
LE JUGE RYER
Dossier : A-62-08
Référence : 2009 CAF 91
CORAM : LE JUGE EVANS
LE JUGE RYER
LA JUGE TRUDEL
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
RONALD BIGLER
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] La Commission de l’assurance-emploi (la Commission) a refusé à M. Bigler des prestations régulières d’assurance-emploi parce qu’elle a conclu que celui-ci avait quitté son emploi ou avait été renvoyé pour inconduite. Par conséquent, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi), la Commission a infligé à M. Bigler (le défendeur ou le prestataire) une exclusion indéterminée du bénéfice des prestations régulières. Le Conseil arbitral (le Conseil) n’était pas de cet avis et il a conclu que la conduite du défendeur était un symptôme de son alcoolisme et non pas une inconduite volontaire et qu’il [TRADUCTION] « n’a pas quitté son emploi mais [que] c’est plutôt une maladie qui l’a empêché de se présenter au travail et de contacter son employeur à ce sujet » (dossier du demandeur, page 118). Le juge-arbitre Goulard a souscrit au point de vue du Conseil (CUB 69656).
[2] La Commission demande en l’espèce le contrôle judiciaire de la décision du juge-arbitre. Monsieur Bigler ne s’est pas présenté devant le juge-arbitre, mais il a comparu devant le Conseil et il a été autorisé à présenter des observations de vive voix à l’audition de la présente demande de contrôle judiciaire, malgré l’absence d’un dossier du défendeur.
[3] L’inconduite, au sens de l’article 30 de la Loi, a été définie comme une conduite intentionnelle, c’est-à-dire une conduite consciente, délibérée ou volontaire. L’employé qui est renvoyé pour une inconduite liée à l’alcoolisme ne sera pas exclu du bénéfice des prestations de chômage suivant le paragraphe 30(1) si l’on établit l’existence de l’alcoolisme et du caractère involontaire de la conduite en question.
[4] Les faits pertinents sont clairs. Le défendeur a été renvoyé le 2 juin 2006 parce que, entre le 3 et le 13 juin 2006, il ne s’est pas présenté au travail ni n’a contacté son employeur. La preuve a établi que le défendeur s’était enivré entre le 3 et le 8 juin. Le 9 juin, il s’est fait lui‑même admettre dans un centre de désintoxication où il est resté pendant 10 jours. L’employeur a présumé que le défendeur avait abandonné son emploi, mais il était disposé à discuter de la possibilité de sa réintégration lorsque le défendeur aurait été déclaré en parfaite santé. Malheureusement, plusieurs problèmes de santé ont privé le défendeur de cette possibilité.
[5] La décision du Conseil selon laquelle [TRADUCTION] « la conduite du prestataire n’était pas volontaire mais simplement un symptôme de sa maladie » (décision du Conseil, dossier du demandeur, page 118) s’appuyait sur les conclusions clés suivantes :
[TRADUCTION] Le Conseil a conclu que le prestataire a été renvoyé. Il était manifestement malade pendant la semaine d’absence du travail et il n’a pas avisé son employeur de son absence pour maladie. Le prestataire a des antécédents de maladie mentale et a reçu un diagnostic de buveur isolé, ce qui signifie que, lorsqu’il est déprimé et prend une cuite, il s’isole complètement du reste du monde. Il a tellement honte de son comportement qu’il n’arrive à parler à personne. Dans ce cas, son propriétaire est entré de force dans l’appartement du prestataire et a pris les choses en main, en l’obligeant à obtenir de l’aide. (Ibid.)
[6] Le juge-arbitre a souscrit au point de vue du Conseil selon lequel [TRADUCTION] « le prestataire souffrait d’un problème grave d’alcoolisme, ce qui explique son comportement » (décision du juge‑arbitre, dossier du demandeur, page 18) et a maintenu sa décision, affirmant que [TRADUCTION] « bien qu’en l’espèce aucun rapport médical ne confirme que le prestataire souffrait d’alcoolisme, ce fait peut être déduit de la preuve » (ibid.) [non souligné dans l’original]. Cela dit, le juge-arbitre a conclu que la décision du Conseil était parfaitement compatible avec la preuve présentée et n’était donc pas déraisonnable. Je ne suis pas d’accord.
[7] La conclusion du Conseil selon laquelle le prestataire était alcoolique ne permettait pas de trancher la question en ce qu’elle ne suffisait pas en soi à supplanter le caractère volontaire de la consommation d’alcool et à rendre l’exclusion prévue au paragraphe 30(1) de la Loi inapplicable au défendeur.
[8] Il n’existe aucune preuve médicale relative à l’alcoolisme du défendeur ou à la question de savoir si les circonstances dans lesquelles M. Bigler a commencé à consommer de l’alcool après la mort de sa mère ont effectivement rendu sa consommation d’alcool à l’époque involontaire.
[9] Bien que je sois sensible à la situation du défendeur, je suis d’avis que le juge-arbitre a commis une erreur susceptible de contrôle en rejetant l’appel de la Commission et en maintenant la décision du Conseil. Je suis d’accord avec le demandeur qu’en l’espèce il n’existe aucune preuve à l’appui de la conclusion du Conseil selon laquelle les actes du prestataire n’étaient pas volontaires.
[10] Par conséquent, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire sans frais, j’annulerais la décision du juge arbitre et je renverrais l’affaire au juge-arbitre en chef ou à un juge-arbitre désigné par ce dernier pour qu’il soit statué à nouveau conformément aux présents motifs.
« Je suis d’accord.
John M. Evans, j.c.a. »
« Je suis d’accord.
C. Michael Ryer, j.c.a. »
Traduction certifiée conforme
Semra Denise Omer
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-62-08
INTITULÉ : LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. RONALD BIGLER
LIEU DE L’AUDIENCE : Winnipeg (Manitoba)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 17 mars 2009
MOTIFS DU JUGEMENT : LA JUGE TRUDEL
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE EVANS
DATE DES MOTIFS : Le 18 mars 2009
COMPARUTIONS :
POUR LE DEMANDEUR
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POUR SON PROPRE COMPTE
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Bureau d’Edmonton, Région des Prairies |
POUR LE DEMANDEUR
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POUR LE DÉFENDEUR |