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Date : 20090331

Dossier : A-502-07

Référence : 2009 CAF 100

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

BENOÎT NADEAU

demandeur

et

MÉTALLURGISTES UNIS D'AMÉRIQUE (F.T.Q.) et

LE GROUPE DE SÉCURITÉ GARDA DU CANADA INC.

défendeurs

 

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 30 mars 2009.

Jugement rendu à Montréal (Québec), le 31 mars 2009.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                     LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LE JUGE NADON

                                                                                                                       LE JUGE PELLETIER


 

Date : 20090331

Dossier : A-502-07

Référence : 2009 CAF 100

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

BENOÎT NADEAU

demandeur

et

MÉTALLURGISTES UNIS D'AMÉRIQUE (F.T.Q.) et

LE GROUPE DE SÉCURITÉ GARDA DU CANADA INC.

défendeurs

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

[1]               Le demandeur s’en prend à une décision du Conseil canadien des relations industrielles (Conseil). Il lui reproche dans un premier temps de ne pas avoir tenu d’audience alors qu’une demande en ce sens lui avait été faite et que, selon lui, la tenue d’une audience était justifiée.

 

[2]               Dans un deuxième temps, il soutient que le Conseil a commis une erreur grave et manifestement déraisonnable en concluant que le syndicat n’avait pas enfreint l’article 37 du Code du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2 (Code) lors de l’administration du grief logé par le demandeur. L’article 37 traite du devoir d’un syndicat de représenter adéquatement et d’une manière équitable les employés de l’unité de négociation.

 

[3]               L’article 16.1 du Code confère au Conseil le pouvoir de trancher toute question dont il est saisi sans tenir d’audience et ce même lorsque demande lui est faite de tenir une audience : voir Nav Canada c. Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2228, 2001 CAF 30, aux paragraphes 10 et 11.

 

[4]               Le procureur du demandeur, qui n’est pas celui qui le représentait devant le Conseil, reconnaît l’existence d’une discrétion dont jouit le Conseil à cet égard. Mais s’inspirant de la décision de notre collègue le juge Décary dans l’affaire Raymond c. Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes et Société canadienne des postes, 2003 CAF 418, il soumet que, dans des circonstances exceptionnelles, il est possible de réviser la décision du Conseil de procéder uniquement sur la base des pièces au dossier, sans tenir d’audience. Il nous réfère au paragraphe 4 de cette décision, lequel se lit ainsi :

 

[4]     Le Code prévoit, à l’article 16.1, que le Conseil peut trancher toute affaire dont il est saisi sans tenir d’audience. Cet article a été introduit par le chapitre 26 des Lois du Canada de 1998, lequel a abrogé l’ancien paragraphe 98(2) qui prévoyait les cas dans lesquels le Conseil pouvait refuser de tenir audience relativement à une plainte fondée sur l’article 37. Le Conseil possède donc maintenant une discrétion accrue à cet égard et cette Cour doit dorénavant être plus respectueuse des décisions du Conseil en matière de tenue d’audience qu’elle ne devait l’être avant la modification législative de 1998. Il s’agit là d’un domaine de pratique interne qui échappe, à moins de circonstances exceptionnelles, au contrôle judiciaire.

                                                                                                                                        [Je souligne]

 

[5]               Le procureur du demandeur soutient qu’en l’espèce, les circonstances exceptionnelles résident dans une question de crédibilité d’un témoin, en l’occurrence la mère du demandeur qui, contrairement à ce qu’affirme l’employeur de son fils, nie avoir reçu de l’employeur un appel téléphonique l’informant qu’il avait été mis fin à l’embauche de son fils.

 

[6]               Avec respect, je ne crois pas que, d’une manière générale, dans le contexte d’une plainte en vertu de l’article 37, les questions de crédibilité constituent des circonstances exceptionnelles nécessitant la tenue d’une audience par le Conseil et que son omission de le faire fonderait un recours valable en révision judiciaire. Presqu’inévitablement, des questions de crédibilité se soulèvent dans les relations conflictuelles employeur/employé, de sorte que l’article 16.1 serait alors dépourvu de tout sens et privé de l’effet recherché par le législateur.

 

[7]               Car il ne faut pas oublier que le débat sous l’article 37 du Code ne porte pas sur le bien-fondé du grief du plaignant, mais sur le processus décisionnel du syndicat. Il s’agit pour le Conseil « d’analyser la conduite du syndicat dans la gestion du grief de l’employé » : voir Virginia McRae Jackson et autres, [2004] CIRB no. 290, aux paragraphes 10 à 12.

 

[8]               Comme le Conseil, le syndicat est confronté à des versions différentes et même contradictoires de l’employeur et de l’employé quant aux événements en litige. Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le syndicat doit, entre autres choses, analyser la preuve et en soupeser la valeur probante afin de déterminer s’il y a lieu pour lui de poursuivre ou non le grief entrepris par le plaignant et de le représenter devant le Conseil. Il doit exercer sa discrétion « de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et des conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part » : voir Guilde de la marine marchande du Canada c. Guy Gagnon et autre, [1984] 1 R.C.S. 509, à la page 527.

 

[9]               Dans le cas qui nous est soumis, le syndicat a sollicité d’un procureur d’expérience une opinion juridique concernant les droits des dix-sept (17) employés en probation, dont le demandeur, et celui de l’employeur de mettre fin à leur contrat de travail : voir le dossier du défendeur Métallurgistes unis d’Amérique, aux pages 133 à 153.

 

[10]           En outre, chacun des dix-sept (17) dossiers fut examiné spécifiquement par ce procureur. Il s’est attardé au statut d’employé du demandeur et aux reproches que lui faisait l’employeur en rapport avec sa période de probation : ibidem, aux pages 154 à 162.

 

[11]           Le procureur a également fait état de la version, contradictoire à celle de l’employeur, qu’a fournie la mère du demandeur et sur la nécessité qu’il y aurait de faire témoigner celle-ci devant l’arbitre si le grief était poursuivi à son mérite : ibidem, à la page 154. L’arbitre, dit le procureur, aurait alors à apprécier la crédibilité des témoins : ibidem, aux pages 155 et 156.

 

[12]           Le fait que la mère du demandeur ait déposé un affidavit contredisant la version de l’employeur voulant qu’elle fut informée par appel téléphonique du congédiement de son fils fut porté à l’attention du Conseil. Le procureur du demandeur a eu l’occasion de fournir au Conseil des commentaires détaillés sur le statut d’emploi du demandeur, la conduite du syndicat dans la gestion du grief, la date de congédiement du demandeur et la divergence de vue exprimée par la mère de ce dernier, les gestes d’indiscipline reprochés par l’employeur, et l’opinion juridique du procureur retenu par le syndicat : ibidem, aux pages 260 à 300, et plus particulièrement aux pages 270, 272, 280, 296 et 297 en ce qui a trait à la question de crédibilité soulevée par l’affidavit divergent de la mère du demandeur.

 

[13]           Enfin, le procureur du demandeur a également fourni au Conseil des commentaires sur le rapport factuel préparé par un agent du Conseil à l’intention de ce dernier : ibidem, aux pages 322 à 326. À la page 326, il écrit en rapport avec la version de la mère du demandeur :

 

Le plaignant rappelle également que, tout au long des procédures devant le Conseil, il a démontré que le syndicat n’avait jamais pris la peine de communiquer avec la mère du plaignant pour obtenir sa version des faits concernant les circonstances entourant le congédiement du plaignant et pour évaluer la crédibilité de cette personne en vue d’un arbitrage éventuel. Cela démontre sans équivoque que le syndicat n’a pas mené une enquête sérieuse sur le congédiement du plaignant et qu’il a plutôt préféré s’en remettre à la position patronale aveuglément et sans vérification. Le rapport devrait faire mention de ces allégations contenues à la réplique du plaignant.

 

 

[14]           À la page 2 des motifs de sa décision, le Conseil s’est dit d’avis qu’il pouvait trancher l’affaire qui lui était soumise « à la lumière de la documentation au dossier et des observations des parties », « sans tenir d’audience » : voir dossier du demandeur, à la page 37. Ayant pris connaissance des nombreuses pièces au dossier et des observations élaborées des parties, je ne saurais dire que la décision du Conseil de ne pas tenir d’audience pour déterminer le bien-fondé de la plainte sous l’article 37 du Code était erronée ou déraisonnable.

 

[15]           Quant à la conclusion du Conseil que le syndicat n’a pas fait preuve de négligence dans le traitement du grief du plaignant et a respecté les obligations que lui impose l’article 37 du Code, elle est amplement supportée par la preuve et l’analyse que le Conseil en a faite.

 

[16]           Pour ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens en faveur du défendeur Le Groupe de sécurité Garda du Canada Inc.

 

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord

            M. Nadon, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

            J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                              A-502-07

 

INTITULÉ :                                             BENOÎT NADEAU c. LES MÉTALLURGISTES

                                                                  UNIS D’AMÉRIQUE (F.T.Q.) et GROUPE DE

                                                                  SÉCURITÉ GARDA DU CANADA INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                       Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                     Le 30 mars 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                  LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Y ONT SOUSCRIT :                               LE JUGE NADON

                                                                  LE JUGE PELLETIER

 

DATE DES MOTIFS :                            Le 31 mars 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me André Legault

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Jean-François Beaudry

 

 

Me Josiane Gratton

POUR LE DÉFENDEUR (Métallurgistes unis d’Amérique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

(Groupe de sécurité Garda)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ALARIE LEGAULT HÉNAULT

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

PHILION LEBLANC BEAUDRY

Montréal (Québec)

 

BCF S.E.N.C.R.L.

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

(Métallurgistes unis d’Amérique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

(Groupe de sécurité Garda)

 

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