ENTRE :
et
GENERAL MOTORS DU CANADA LIMITÉE
intimée
Audience tenue à Toronto (Ontario), le 2 décembre 2008.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 16 avril 2009.
MOTIFS DU JUGEMENT : LA JUGE DESJARDINS
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE NADON
LE JUGE BLAIS
Date : 20090416
Dossier : A-136-08
Référence : 2009 CAF 114
CORAM : LA JUGE DESJARDINS
LE JUGE NADON
LE JUGE BLAIS
ENTRE :
SA MAJESTÉ LA REINE
appelante
et
GENERAL MOTORS DU CANADA LIMITÉE
intimée
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] Le présent appel interjeté contre la décision de la juge Campbell (juge de la Cour de l’impôt), Sa Majesté la Reine c. General Motors du Canada Limitée, 2008 CCI 117, a été entendu consécutivement à l’appel A-243-08, à l’encontre d’un jugement rendu par le juge en chef Bowman, Sa Majesté la Reine c. L’Association canadienne de protection médicale, 2008 CCI 33.
[2] La question à trancher est de savoir si General Motors du Canada Ltée (GMCL) avait, pendant la période en cause, le droit de demander des crédits de taxe sur les intrants (CTI) en vertu du paragraphe 169(1) de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15 (la Loi), à l’égard de la TPS payée à des gestionnaires de placements.
[3] Si GMCL n’a pas le droit de demander des CTI, la question à trancher devient alors celle de savoir si GMCL a droit à un remboursement de la TPS payée par erreur, conformément au paragraphe 296(2.1) de la Loi, au motif que les services de placements ne seraient pas du tout assujetties à la TPS, vu qu’ils constitueraient une « fourniture exonérée » au sens du paragraphe 123(1) de la Loi.
[4] La juge de la Cour de l’impôt a conclu que GMCL avait droit aux CTI en se fondant sur le critère à trois volets énoncé au paragraphe 169(1), à savoir (1) que GMCL a acquis la fourniture (les services de gestion de placements), (2) que la TPS était payable ou avait été payée par GMCL à l’égard de la fourniture (les services de gestion de placements) et (3) que la fourniture (les services de gestion de placements) a été acquise pour consommation ou utilisation dans le cadre des activités commerciales de GMCL.
[5] La juge de la Cour de l’impôt a rejeté la prétention de GMCL selon laquelle elle avait droit à un remboursement de la TPS payée par erreur. La juge a conclu que les services des gestionnaires de placements ne comportaient pas un service financier exonéré d’achat et de vente de titres ou la prise de mesures aux fins d’achat et de vente de titres.
[6] L’appelante (la Couronne) interjette appel sur la première question. L’intimée soulève la deuxième question à titre subsidiaire pour le cas où nous trancherions la première question en faveur de la Couronne.
LES FAITS
[7] Les faits ne sont pas contestés. La décision de la juge de la Cour de l’impôt en contient une description détaillée. Aux fins du présent appel, voici les faits saillants.
[8] GMCL s’occupe de la fabrication, de l’assemblage et de la vente d’automobiles et de camions. De plus, GMCL est l’administrateur des régimes de pension de ses employés.
[9] Il s’agit de deux régimes de pension agréés : le régime des employés horaires et le régime des employés salariés (les régimes). Le régime des employés horaires a été créé conformément aux dispositions d’une convention collective conclue entre GMCL et le Syndicat national des travailleurs et travailleuses de l’automobile, de l’aérospatiale et de l’outillage agricole du Canada au profit des employés horaires de GMCL. C’est un régime à employeur unique financé au moyen des contributions patronales seulement. Le régime des employés salariés à l’intention des employés salariés de GMCL et de certaines sociétés membres du groupe GM est principalement financé au moyen de cotisations patronales, les employés finançant de leur côté ce régime dans une proportion minime.
[10] Les responsabilités de GMCL en sa qualité d’administrateur de ces régimes comprennent le calcul des droits à pension, le paiement des prestations de pension et la communication de renseignements aux participants aux régimes concernés. GMCL se charge également du dépôt des documents nécessaires et des rapports rigoureux, du placement des actifs et elle veille à ce que toutes les cotisations nécessaires soient effectuées et à ce que les honoraires et les dépenses soient raisonnables.
[11] Les régimes sont financés par l’entremise de fiducies qui détiennent et placent leurs actifs. Pour chacun des régimes de pension, les arrangements pertinents pris à l’égard de la fiducie principale comportent deux volets. En premier lieu, GMCL verse dans les fiducies principales les cotisations requises à l’égard de chacun des régimes. En second lieu, les fonds qui sont détenus dans chacune des fiducies principales sont placés dans des parts de fiducies d’investissement à participation unitaire.
[12] La Société Royal Trust du Canada Limitée (Royal Trust) est nommée fiduciaire des fiducies principales et des fiducies d’investissement à participation unitaire. Royal Trust a un simple titre juridique sur les actifs des fiducies d’investissement à participation unitaire et s’acquitte de diverses tâches, notamment la garde et l’enregistrement des titres, le transfert des fonds et le traitement de l’information fournie par des tiers.
[13] GMCL retient les services de gestionnaires de placements pour qu’ils gèrent le placement des fonds dans l’une ou l’autre des catégories d’actifs. Les pouvoirs et les obligations de GMCL sont énoncés dans plusieurs de ses actes constitutifs. De plus, la Loi sur les régimes de retraite de l’Ontario, L.R.O. 1990, ch. P.8 (la LRRO), impose des responsabilités légales précises à GMCL.
[14] Les responsabilités des gestionnaires de placements sont ainsi décrites par l’intimée au paragraphe 13 de son mémoire des faits et du droit :
[TRADUCTION] Les conventions de gestion de placements aux termes desquelles les services de gestionnaires de placements ont été retenus prévoyaient que les gestionnaires de placements pouvaient à leur discrétion, entre autres, acheter, recevoir ou souscrire des titres, conserver de tels titres en fiducie, acheter, conclure et détenir des contrats, et d’une façon générale s’occuper sur le plan contractuel de contrats en vue de la livraison immédiate ou future d’instruments financiers, ainsi que de convertir les sommes en cause en devises canadiennes et en devises étrangères, pouvoir limité par certaines directives établies par GMCL et qui régissaient la nature et l’étendue des placements dans le cadre du pouvoir discrétionnaire absolu conféré aux gestionnaires de placements.
[15] GMCL a conclu une convention de gestion de placements avec chaque gestionnaire individuel. Dans chaque cas, GMCL est la personne tenue, aux termes de la convention, de payer la contrepartie afférente à la fourniture des services rendus par les gestionnaires ainsi que la TPS payable sur ces services.
[16] Les gestionnaires de placements ont le droit de toucher des honoraires fixés conformément à une entente distincte conclue entre GMCL et chacun d’entre eux.
[17] Les ententes distinctes confirment que les honoraires seront calculés selon un pourcentage de la valeur marchande des actifs sous gestion. Elles prévoient que [TRADUCTION] « les factures doivent être envoyées pour approbation tous les trois mois à […] » et désignent un employé de GMCL.
[18] La partie 2 de la convention supplémentaire sur le régime des employés horaires, les articles 16 et 17 du régime des employés salariés, le septième article des conventions de fiducie principale et le treizième article des conventions de fiducie d’investissement à participation unitaire traitent du mécanisme adopté aux fins de paiement du coût d’administration des régimes, dont les modalités sont les suivantes :
a. le paiement direct par GMCL au gestionnaire de placements, la fiducie devant rembourser GMCL;
b. le paiement direct par la fiducie pertinente au gestionnaire de placements, sur demande de GMCL.
[19] Les honoraires de gestion de placements sont indiqués à titre de dépenses des fiducies.
[20] Durant la période en cause, les gestionnaires ont facturé directement GMCL pour la « fourniture » des services de gestion de placements pour lesquels ils ont perçu la TPS.
[21] GMCL payait les factures par les fiducies de régime.
DÉCISION DE L’AGENCE DU REVENU DU CANADA
[22] GMCL a obtenu une décision anticipée sur la TPS (la décision) de l’Agence du revenu du Canada (ARC) concernant son droit de réclamer un crédit de taxe sur les intrants pour les services de gestion de placements. Dans la décision, l’ARC a admis que GMCL était l’unique personne « tenue de payer » les gestionnaires de placements et qu’elle était donc « l’acquéreur » des services de gestion de placements selon la définition figurant au paragraphe 123(1) de la Loi. L’ARC a également admis que GMCL était la personne qui a « acquis » les services de gestion de placements. Le seul motif donné pour refuser à GMCL le crédit de taxe sur les intrants était que celle-ci n’a pas acquis les services de gestion de placements pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales. Les passages pertinents de la décision sont rédigés comme suit :
[TRADUCTION]
DÉCISION
[…]
Compte tenu des faits susmentionnés, notre décision est la suivante :
…2. GMCL n’a pas le droit de demander des CTI à l’égard des services de gestion de placements qu’elle obtient en vertu de conventions conclues avec des gestionnaires de placements parce que ces services sont acquis par GMCL uniquement pour consommation par les fiducies de pension agréées résidant au Canada [...]
EXPLICATION
[…]
… En concluant un contrat en vue de la fourniture de services aux fiducies, avant le 18 avril 2000, GMCL, en sa qualité de personne redevable, aux termes de la convention, du paiement de la contrepartie afférente à la fourniture des services de gestion de placements, est l’« acquéreur » des services de gestion de placements en vertu des dispositions de la LTA […]
L’article 165 impose la TPS/TVH à l’« acquéreur » d’une « fourniture taxable ». Les fournitures effectuées par les gestionnaires de placements en faveur de GMCL sont des fournitures taxables, et GMCL est redevable de la TPS/TVH se rapportant à ces fournitures. Le paragraphe 169(1) énonce la règle générale applicable aux crédits de taxe sur les intrants (les « CTI »). GMCL n’a pas le droit de demander des CTI à l’égard de services de gestion de placements obtenus en vertu de conventions de gestion de placements de placements parce que GMCL, en sa qualité d’administrateur des régimes de pension de GMCL, a acquis les services des gestionnaires de placements pour une utilisation autre que dans le cadre de ses activités commerciales. Les modalités des conventions de placements indiquent clairement que les services des gestionnaires de placements devront être fournis à l’égard des actifs de la fiducie, par communication directe avec le fiduciaire assurant la garde des actifs, et que les parties ont l’intention de laisser les fiducies utiliser les services comme il est énoncé dans chacune des conventions de gestion de placements, à savoir « la réalisation de l’ensemble des achats, ventes, livraisons et placements effectués sur demande du gestionnaire de placements, conformément aux dispositions de la présente convention, relève de Royal Trust et de ses sous-dépositaires ». GMCL acquiert ces services afin de s’acquitter des responsabilités qui lui incombent en vertu de l’alinéa 22(1)a) de la Loi sur les régimes de retraite de l’Ontario, qui prévoit que l’administrateur d’un régime de retraite a une obligation fiduciaire en ce qui concerne l’administration et le placement des fonds de la caisse de retraite. Pour ces motifs, nous sommes d’avis que les services sont acquis par GMCL en sa qualité d’administrateur des fiducies, uniquement pour consommation par les fiducies, à la disposition du fiduciaire assurant la garde des actifs, et non pour utilisation, consommation ou fourniture par GMCL dans le cadre de ses activités commerciales. (Dossier d’appel, vol.5, onglet 6(D), p. 1162‑1163).
[Non souligné dans l’original.]
[23] En 2001, GMCL a demandé des crédits de taxe sur les intrants de 861 366,82 $ pour la TPS payée sur les honoraires des gestionnaires de placements pour les services rendus entre le 1er novembre 1997 et le 31 décembre 1999. L’ARC a refusé la demande par avis de cotisation daté du 26 novembre 2003.
DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES
[24] La règle générale applicable à l’admissibilité aux CTI est énoncée à l’article 169 de la Loi. Les dispositions pertinentes sont libellées comme suit :
169. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, un crédit de taxe sur les intrants d’une personne, pour sa période de déclaration au cours de laquelle elle est un inscrit, relativement à un bien ou à un service qu’elle acquiert, importe ou transfère dans une province participante, correspond au résultat du calcul suivant si, au cours de cette période, la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable :
A × B
où : A A représente la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert, selon le cas, qui, au cours de la période de déclaration, devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable;
B :B B :
a) dans le cas où la taxe est réputée, par le paragraphe 202(4), avoir été payée relativement au bien le dernier jour d’une année d’imposition de la personne, le pourcentage que représente l’utilisation que la personne faisait du bien dans le cadre de ses activités commerciales au cours de cette année par rapport à l’utilisation totale qu’elle en faisait alors dans le cadre de ses activités commerciales et de ses entreprises;
b) dans le cas où le bien ou le service est acquis, importé ou transféré dans la province, selon le cas, par la personne pour utilisation dans le cadre d’améliorations apportées à une de ses immobilisations, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne utilisait l’immobilisation dans le cadre de ses activités commerciales immédiatement après sa dernière acquisition ou importation de tout ou partie de l’immobilisation;
c) dans les autres cas, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne a acquis ou importé le bien ou le service, ou l’a transféré dans la province, selon le cas, pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.
[Je souligne.]
|
169. (1) Subject to this Part, where a person acquires or imports property or a service or brings it into a participating province and, during a reporting period of the person during which the person is a registrant, tax in respect of the supply, importation or bringing in becomes payable by the person or is paid by the person without having become payable, the amount determined by the following formula is an input tax credit of the person in respect of the property or service for the period:
A × B
where A A is the tax in respect of the supply, importation or bringing in, as the case may be, that becomes payable by the person during the reporting period or that is paid by the person during the period without having become payable; and
B B is
(a) where the tax is deemed under subsection 202(4) to have been paid in respect of the property on the last day of a taxation year of the person, the extent (expressed as a percentage of the total use of the property in the course of commercial activities and businesses of the person during that taxation year) to which the person used the property in the course of commercial activities of the person during that taxation year,
(b) where the property or service is acquired, imported or brought into the province, as the case may be, by the person for use in improving capital property of the person, the extent (expressed as a percentage) to which the person was using the capital property in the course of commercial activities of the person immediately after the capital property or a portion thereof was last acquired or imported by the person, and
(c) in any other case, the extent (expressed as a percentage) to which the person acquired or imported the property or service or brought it into the participating province, as the case may be, for consumption, use or supply in the course of commercial activities of the person.
[Emphasis added.] |
[25] La notion d’« activité commerciale » est définie au paragraphe 123(1) de la Loi comme suit :
« activité commerciale » Constituent des activités commerciales exercées par une personne :
a) l’exploitation d’une entreprise (à l’exception d’une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l’ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l’entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;
b) les projets à risque et les affaires de caractère commercial (à l’exception de quelque projet ou affaire qu’entreprend, sans attente raisonnable de profit, un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l’ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où le projet ou l’affaire comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;
c) la réalisation de fournitures, sauf des fournitures exonérées, d’immeubles appartenant à la personne, y compris les actes qu’elle accomplit dans le cadre ou à l’occasion des fournitures.
|
"commercial activity" of a person means
(a) a business carried on by the person (other than a business carried on without a reasonable expectation of profit by an individual, a personal trust or a partnership, all of the members of which are individuals), except to the extent to which the business involves the making of exempt supplies by the person,
(b) an adventure or concern of the person in the nature of trade (other than an adventure or concern engaged in without a reasonable expectation of profit by an individual, a personal trust or a partnership, all of the members of which are individuals), except to the extent to which the adventure or concern involves the making of exempt supplies by the person, and
(c) the making of a supply (other than an exempt supply) by the person of real property of the person, including anything done by the person in the course of or in connection with the making of the supply; |
[26] Le terme « entreprise » est également défini au paragraphe 123(1) de la Loi :
« entreprise » « entreprise » Sont compris parmi les entreprises les commerces, les industries, les professions et toutes affaires quelconques avec ou sans but lucratif, ainsi que les activités exercées de façon régulière ou continue qui comportent la fourniture de biens par bail, licence ou accord semblable. En sont exclus les charges et les emplois.
|
"business" "business" includes a profession, calling, trade, manufacture or undertaking of any kind whatever, whether the activity or undertaking is engaged in for profit, and any activity engaged in on a regular or continuous basis that involves the supply of property by way of lease, licence or similar arrangement, but does not include an office or employment;
|
[27] L’article 267.1 de la Loi prévoit ce qui suit :
NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE
[28] L’appelante soutient que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte étant donné que les questions en litige sont des questions de droit (Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, par. 8 et suiv.). L’intimée soutient que la question de savoir si les services ont été acquis par GMCL pour utilisation dans le cadre de ses activités commerciales comporte une composante factuelle importante. Par conséquent, la norme de contrôle applicable est de savoir si la juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur manifeste et dominante (Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, par. 26 et suiv.).
[29] Je souscris aux deux arguments, étant entendu que, bien que des questions de droit aient été soulevées, en particulier en ce qui touche le concept de fiducie, la présente affaire repose davantage sur l’application du droit aux faits et sur la preuve présentée devant la juge de la Cour de l’impôt.
DÉCISION DE LA JUGE DE LA COUR DE L’IMPÔT
[30] Au paragraphe 30 de ses motifs, la juge de la Cour de l’impôt a énoncé les trois conditions à remplir pour que GMCL ait le droit de demander un CTI :
(1) La personne qui fait la demande (GMCL) doit avoir acquis la fourniture (les services de gestion de placements);
(2) La TPS doit être payable ou avoir été payée par la personne qui fait la demande (GMCL) à l’égard de la fourniture (les services de gestion de placements);
(3) La personne qui fait la demande (GMCL) doit avoir acquis la fourniture (les services de gestion de placements) pour consommation ou utilisation dans le cadre de ses activités commerciales.
[Souligné dans l’original.]
[31] La juge a conclu que GMCL a rempli les trois conditions.
[32] L’appelante soutient que la juge a commis une erreur en tirant cette conclusion.
ANALYSE
(1) La personne qui fait la demande (GMCL) doit avoir acquis la fourniture (les services de gestion de placements).
[33] En ce qui concerne la première condition, l’appelante a fait valoir devant la juge de la Cour de l’impôt et devant nous que les actes que GMCL a accomplis en acquérant les services sont réputés, en vertu de l’article 267.1 de la Loi, être des actes posés par les fiducies de régime. Par conséquent, GMLC n’a pas le droit de demander des crédits de taxe sur les intrants à l’égard de tels frais relatifs à une fiducie de régime.
[34] Il s’agit alors de savoir « si GMCL doit être considérée comme une fiduciaire, de façon que l’article 267.1 puisse s’appliquer » (paragraphe 38 des motifs du jugement de la juge de la Cour de l’impôt).
[35] L’intimée soutient que la Couronne n’a pas expressément soulevé la question de l’application de l’article 267.1 de la Loi dans sa réponse à son avis d’appel devant la Cour de l’impôt (dossier d’appel vol. 1, onglet 6(A)(2), p. 69), et que c’est seulement devant nous, dans son avis d’appel, que la Couronne a plaidé expressément que la juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur de droit dans l’interprétation des articles 169 et 267.1 de la Loi (dossier d’appel vol. 1, onglet 1).
[36] On ne sait pas avec certitude si l’intimée a soulevé devant la Cour de l’impôt cette lacune dans les actes de procédure de la Couronne. Ce qu’on sait c’est que la juge de la Cour de l’impôt n’en a pas traité dans ses motifs.
[37] Devant notre Cour, l’acte de procédure de la Couronne, conformément à l’article 337 des Règles des Cours fédérale, DORS/98-106, indique que la Couronne se fonde sur l’article 267.1 de la Loi. Étant donné que cette question n’a pas été soulevée devant la juge de la Cour de l’impôt, là où le vice s’est présenté et où il aurait dû être abordé, il n’est pas nécessaire de me pencher davantage sur ce différend procédural.
[38] La juge de la Cour de l’impôt a conclu (au par. 42 de ses motifs) que l’article 267.1 ne s’appliquait pas. Elle a écrit que, au cours de l’audience, on n’a produit aucun élément de preuve donnant à entendre que GMCL acquérait un titre, en common law ou autre, sur les actifs aux termes de l’acte de fiducie. Elle a conclu que les conventions de fiducie désignaient expressément Royal Trust à titre de fiduciaire. GMCL agissait comme administrateur en ce qui concerne les fiducies, tel que ce terme est défini et envisagé en vertu de la LRRO. Cela ne comprenait pas, et ne devait pas comprendre, les fonctions de fiduciaire à l’égard des fiducies. Pour l’application de l’article 267.1, GMCL agissait comme administrateur de ces régimes. Les tâches et fonctions respectives de GMCL, en sa qualité d’administrateur, et de Royal Trust, en sa qualité de fiduciaire, étaient tout à fait distinctes. La juge a précisé que GMCL exerçait peut-être certaines fonctions fiduciaires en sa qualité d’administrateur du régime, mais que cela ne voulait pas dire qu’elle était fiduciaire de la fiducie. La juge a conclu que c’était GMCL qui avait conclu les contrats concernant les services des gestionnaires de placements et qui avait acquis ces services. Elle a affirmé ce qui suit :
42 L’article 267.1 ne s’applique pas en l’espèce. Au cours de l’audience, on n’a produit aucun élément de preuve donnant à entendre que GMCL acquérait le titre, légal ou autre, afférent aux actifs, aux termes de l’acte de fiducie. Dans toutes les conventions, Royal Trust est désignée à titre de détenteur du titre légal. GMCL ne peut donc pas être visée par la définition du mot « fiduciaire ». Les conventions de fiducie désignaient expressément Royal Trust à titre de fiduciaire. De toute évidence, en ce qui concerne les fiducies, GMCL agissait comme administrateur, tel que ce terme est défini et envisagé en vertu de la LRRO. Cela ne comprenait pas, et ne devait pas comprendre, les fonctions de fiduciaire à l’égard des fiducies. Pour l’application de l’article 267.1, GMCL agissait comme administrateur de ces régimes. Les tâches et fonctions respectives de GMCL, en sa qualité d’administrateur, et de Royal Trust, en sa qualité de fiduciaire, étaient tout à fait distinctes. GMCL exerçait peut-être bien certaines fonctions fiduciaires en sa qualité d’administrateur du régime, mais cela ne veut pas dire qu’elle était fiduciaire de la fiducie. Le seul fiduciaire de ces régimes de pension peut être Royal Trust, le fiduciaire assurant la garde des actifs qui, selon la définition du mot « fiduciaire » et la preuve, détient le titre légal. Par conséquent, c’était GMCL qui avait conclu les contrats concernant les services des gestionnaires de placements et qui avait acquis ces services.
[39] Compte tenu de sa conclusion fondée sur la preuve, je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle dans sa première conclusion.
(2) La TPS doit être payable ou avoir été payé par la personne qui fait la demande (GMCL) à l’égard de la fourniture (les services de gestion de placements).
[40] En ce qui concerne la deuxième condition, à savoir si la TPS était payable ou avait été payée par GMCL, la juge de la Cour de l’impôt a fait une analyse du mode de paiement prévu par les diverses conventions. Elle a conclu, au paragraphe 57 de ses motifs, que, même si GMCL a réacheminé vers les fiducies la fourniture des services de placement, et même si la fiducie a remboursé GMCL dans les cas où cette dernière avait directement payé ces honoraires, GMCL était néanmoins la personne tenue de payer la fourniture des services rendus par les gestionnaires de placements aux termes des conventions qu’elle avait conclues avec eux.
[41] Elle a affirmé ce qui suit, aux paragraphes 54 et 57 :
54 Sur le plan contractuel, GMCL est l’unique personne à qui incombait l’obligation de payer cette contrepartie aux gestionnaires de placements. Les conventions de gestion de placements et les conventions portant sur les honoraires sont très claires sur ce point. Les gestionnaires de placements facturaient uniquement GMCL. D’une façon générale, l’obligation se cristallisait sur délivrance d’une facture. Si GMCL n’acquittait pas la facture, les gestionnaires pouvaient uniquement poursuivre GMCL, et non la fiducie de régime. Seule GMCL était tenue d’acquitter ces factures. Étant donné que la fiducie n’a jamais été responsable de la gestion des actifs, elle n’avait pas besoin des services des gestionnaires de placements. Les gestionnaires pouvaient uniquement s’adresser à GMCL pour obtenir paiement. Par conséquent, GMCL était l’acquéreur de la fourniture des services des gestionnaires de placements, et la TPS était « payable » par GMCL. En vertu du paragraphe 169(1), les CTI ne peuvent être accordés à la personne qui « acquiert » la fourniture que si la taxe est payable par cette personne. La taxe est payable par l’acquéreur en vertu du paragraphe 165(1), mais il ne s’ensuit pas nécessairement que celui qui est l’acquéreur en bout de ligne est toujours la personne qui « a acquis » la fourniture. Selon le paragraphe 123(1), l’« acquéreur » est la personne à qui une fourniture est effectuée. Par conséquent, dans certaines circonstances, la personne qui a acquis la fourniture (GMCL) n’est peut-être pas la personne à qui la fourniture est finalement effectuée (les fiducies de pension). GMCL a satisfait à cette exigence en vertu du paragraphe 169(1) étant donné qu’elle est l’unique personne qui est tenue de payer la contrepartie pour la fourniture des services des gestionnaires de placements aux termes des conventions pertinentes. Certains états financiers des régimes des employés horaires et des employés salariés donnent à entendre que les paiements sont considérés comme étant effectués par la fiducie, mais ces documents comptables viennent après les conventions principales portant sur les placements et les honoraires et ne changent pas les dispositions contractuelles de ces conventions. Les fiducies de pension ne sont pas tenues de payer les services et elles ne peuvent pas être l’acquéreur, bien que la fourniture de services ait finalement été réacheminée vers les actifs détenus dans les fiducies.
[…]
57 Il ressort de ces remarques que, même si GMCL a réacheminé vers les fiducies la fourniture des services de placement, et même si la fiducie a remboursé GMCL dans les cas où cette dernière avait directement payé ces honoraires, GMCL était néanmoins la personne tenue de payer la fourniture des services rendus par les gestionnaires de placements aux termes des conventions qu’elle avait conclues avec eux. La source du paiement des honoraires n’est pas pertinente parce qu’en fin de compte, comme l’a dit la juge Woods dans la décision Y.S.I.’s Yacht Sales, la personne qui a le droit de demander des CTI est celle qui satisfait à l’exigence énoncée au paragraphe 169(1) et qui s’acquitte de l’obligation contractuelle qui lui incombe quant au paiement.
[Souligné dans l’original.]
[42] Je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle dans sa deuxième conclusion.
(3) La personne qui fait la demande (GMCL) doit avoir acquis la fourniture (les services de gestion de placements) pour consommation ou utilisation dans la cadre de ses activités commerciales.
[43] La troisième et dernière condition du critère énoncé au paragraphe 169(1) aux fins de l’admissibilité de GMCL aux CTI est de savoir si GMCL a acquis les services de gestion de placements pour consommation ou utilisation dans le cadre de ses activités commerciales.
[44] La juge de la Cour de l’impôt a attribué à l’expression « dans le cadre de », employée à l’alinéa 169(1)c), un sens large attribué par notre Cour dans The Queen v. Blanchard, 95 D.T.C. 5479 (C.A.F.) et dans M.N.R. v. Yonge-Eglington Building Ltd., 74 D.T.C. 6180, à la page 6184, où les mots « relativement à », « résultant de » ou « imputable à » ont été proposés comme synonymes. Elle a jugé que la responsabilité qui incombe à GMCL de gérer d’une façon appropriée les actifs du régime de pension découlait non seulement des conventions, mais aussi des obligations de GMCL en sa qualité d’administrateur en vertu de la LRRO et de son obligation de fournir des prestations de pension à ses employés (au par. 65). Elle précise que les prestations de pension, tout comme les salaires, sont des éléments d’un système de rémunération qui fait partie intégrante des activités commerciales de la personne morale. La juge explique pleinement ces facteurs aux paragraphes 66 et 67. Au paragraphe 67, elle a déclaré ce qui suit :
En plus de ces obligations contractuelles et légales, GMCL s’est engagée à établir, à maintenir et à administrer un système de rémunération non seulement en tant que condition d’emploi offerte à ses employés, mais aussi comme moyen destiné à attirer et à conserver les employés les plus compétents au sein de son organisation. En l’absence d’un régime de pension rentable, l’attrait concurrentiel de GMCL sur le marché serait beaucoup moins important. Les frais associés à l’administration de ces actifs de fonds de pension peuvent être considérés comme n’étant qu’indirectement liés à la fabrication de véhicules, mais ils font néanmoins partie intégrante du succès commercial général de GMCL. Dans son témoignage, M. Marven a établi un parallèle entre la mise en place d’un régime de pension et d’autres formes de rémunération des employés comme les prestations pour soins de santé. La seule conclusion logique sensée est que toutes les fonctions de GMCL, à l’égard des actifs de fonds de pension en cause, sont exercées au seul profit des employés, qu’il s’agisse des employés salariés ou des employés horaires, et ces fonctions constituent donc un élément essentiel des activités commerciales de GMCL. Par conséquent, GMCL a acquis les services des gestionnaires de placements pour utilisation dans ses activités commerciales. Cela étant, bien que GMCL n’utilise pas directement les services en question en effectuant des fournitures assujetties à la TPS dans le cadre de ses activités, ces services font partie de sa contribution au programme de rémunération des employés, ce qui est un complément nécessaire de son infrastructure lorsqu’il s’agit de conclure des ventes taxables. Les frais ne sont pas de nature personnelle. Ils viennent s’ajouter aux activités commerciales principales de GMCL et ils répondent au besoin d’attirer et de conserver le nombre d’employés nécessaire au bon déroulement de celles-ci. Par conséquent, ces frais, quoiqu’il s’agisse de frais indirects par rapport à l’entreprise de GMCL, sont admissibles à titre de frais payés pour consommation ou utilisation dans le cadre des activités commerciales de GMCL. Le paragraphe 169(1) n’exige pas que la gestion d’un régime de pension soit la seule activité commerciale d’une personne, mais uniquement que la fourniture soit consommée ou utilisée « dans le cadre des activités commerciales ». Séparer les services des gestionnaires de placements et les activités commerciales de GMCL de la manière proposée par l’intimée équivaudrait à ne pas tenir compte des obligations contractuelles et légales de GMCL ainsi que de la réalité commerciale d’un marché compétitif.
[Non souligné dans l’original.]
[45] L’appelante invoque trois arguments :
a) le premier porte que les fiducies de régime de pension constituent un tiers intervenant dans le processus;
b) le deuxième porte sur la notion de lien indirect;
c) le troisième porte sur le principe de la prééminence de la réalité économique sur l’apparence.
a) la fiducie en tant que tiers
[46] L’appelante soutient (au par. 42 et suivants de son mémoire des faits et du droit) que, même si l’article 267.1 de la Loi ne s’applique pas, GMCL ne peut pas demander des crédits de taxe sur les intrants parce que les services de gestion de placements ne sont pas acquis pour utilisation dans le cadre de ses activités commerciales. Les activités commerciales de GMCL, selon l’appelante, consistent en la fabrication, l’assemblage et la vente d’automobiles. En sa qualité d’administrateur des régimes de pension, GMCL exerce une activité distincte. Selon l’appelante, les fiducies de régime de pension constituent un tiers dont l’existence et le rôle devraient être pris en compte pour déterminer l’activité où s’exercent les services de gestion de placements. Elle souligne que les fiducies paient les honoraires et la TPS sur ces honoraires et que ceux-ci figurent comme des dépenses dans leurs états financiers. Elle prétend que [TRADUCTION] « la juge de première instance ne pouvait conclure que GMCL agissait comme fiduciaire à l’égard des intérêts des fiducies de régime de pension et qu’elle exerçait en même temps ses propres activités commerciales dans son propre intérêt ».
[47] L’allégation de l’appelante ne tient pas compte, à mon avis, de la convention collective que GMCL a conclue avec ses employées et par laquelle elle s’engage à leur fournir des prestations de retraite. GMCL est le cotisant clé aux fonds en fiducie et elle est l’entité tenue de payer les honoraires de gestion de placements selon l’entente signée avec les gestionnaires de placements.
Le fait que, tel qu’il a été établi par GMCL, les honoraires en cause et la TPS y afférente sont assumés en dernier ressort par les fiduciaires ne change pas la nature de l’opération. De plus, comme l’a dit la juge de la Cour de l’impôt au paragraphe 53 de ses motifs, on n’a produit absolument aucun élément de preuve donnant à entendre que les fiducies de régime étaient parties aux conventions de gestion de placements et aux conventions portant sur les honoraires aux termes desquelles GMCL était tenue d’effectuer les paiements, ou que GMCL avait conclu une convention de gestion de placements en sa qualité de mandataire pour le compte des fiducies de régime.
[48] Le premier argument de l’appelante est indéfendable.
b) le lien indirect
[49] L’appelante soutient que la juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur de droit en concluant qu’un lien indirect était suffisant pour conclure que les fournitures étaient acquises pour utilisation dans le cadre des activités commerciales de GMCL.
[50] À l’appui de sa position, l’appelante se fonde sur la décision de notre Cour 398722 Alberta Ltd. c. Canada, [2000] A.C.F. no 644 (C.A.), où elle affirme que [TRADUCTION] « […] la Cour a statué que c’est l’utilisation directe d’une fourniture qui régit le droit aux crédits de taxe sur intrants ».
[51] L’affaire 398722 Alberta Ltd. concernait un immeuble d’habitation, un « quadruplex », dont la construction était la condition préalable à l’obtention d’un permis de construction d’un hôtel. L’entreprise, 398722 Alberta Ltd., a fait valoir que l’exploitation de l’immeuble d’habitation faisait partie intégrante de son entreprise hôtelière et était donc une « activité commerciale » au sens du paragraphe 123(1) de la Loi, et que la TPS qu’elle était tenue de payer en application de la règle sur la fourniture à soi‑même instituée au paragraphe 191(3) de la Loi devait être compensée par un crédit de taxe sur intrants d’un montant égal.
[52] L’une des questions en litige dans cette affaire était de savoir si l’exploitation de l’immeuble d’habitation entrait les activités commerciales de l’hôtel. La réponse à cette question dépendait de l’interprétation des derniers mots de la définition d’« activité commerciale » au paragraphe 123(1) de la Loi. Par souci de commodité, ces mots étaient :
[…] « activité commerciale » Constituent des activités commerciales exercées par une personne :
a) l’exploitation d’une entreprise […] sauf dans la mesure où l’entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées.
[53] La Cour a statué que les crédits de taxe sur les intrants en vertu du paragraphe 169(1) de la Loi ne pouvaient pas être accordés au contribuable qui s’acquittait d’une obligation en vue d’un autre objectif commercial et que 398722 Alberta Ltd. n’avait pas droit aux crédits de taxe sur les intrants pour compenser la TPS payable sur la fourniture à elle‑même du quadruplex.
[54] La juge d’appel Sharlow a dit ce qui suit au nom de la Cour, aux paragraphes 22 et 23 de ses motifs :
22 Toute entreprise peut consister en plusieurs éléments, dont chacun fait partie intégrante de l’ensemble. La définition d’« activité commerciale » prend en compte cette possibilité mais pose, aux fins de la TPS, que tout élément de l’entreprise qui consiste dans la réalisation de fournitures exonérées soit considéré à part. Par application de cette définition légale, l’entreprise de l’intimée n’est pas une « activité commerciale » dans la mesure où elle consiste dans la location des unités d’habitation du quadruplex. À cet égard, je conviens avec la Couronne que l’intimée n’a pas droit à un crédit de taxe sur intrants pour compenser la TPS payable sur les biens et services acquis à titre de fourniture à soi-même pour le quadruplex.
23 L’intimée est exactement dans le même cas que celui qui acquiert un immeuble pour en donner à bail les appartements. Peu importe que cette acquisition ait été motivée par la perspective de toucher des loyers ou, comme dans le cas de l’intimée, par la nécessité de se conformer à une obligation légale qui doit être remplie en vue d’un autre objectif commercial.
[55] La situation de fait en l’espèce se distingue de celle de l’affaire susmentionnée. Contrairement à l’hôtel visé dans 398722 Alberta Ltd., qui avait une obligation légale à remplir en vue d’un autre objectif commercial, GMCL, comme l’a conclu la juge de la Cour de l’impôt, a l’obligation contractuelle de maintenir un régime de prestations de pension dans le cadre de son programme de rémunération des employés.
[56] Dans le cas de GMCL, les régimes de pension et leur gestion ne constituent pas une activité commerciale autonome, malgré la création des fiducies. Sans une convention collective entre GMCL et ses employés, de tels régimes de pension n’existeraient pas. Le régime de pension n’est pas simplement un autre objectif commercial.
[57] La conclusion de la juge de la Cour de l’impôt selon laquelle les services faisaient partie de la contribution de GMCL au programme de rémunération des employés ne justifie pas l’intervention de notre Cour.
c) la prééminence de la réalité économique sur l’apparence
[58] Enfin, l’appelante fait valoir que la juge de la Cour de l’impôt a effectivement effectuée une analyse basée sur la « prééminence de la réalité économique sur l’apparence » pour conclure que le refus d’accorder des crédits de taxe sur les intrants ne tiendrait pas compte de la réalité commerciale du marché.
[59] L’application que la juge de la Cour de l’impôt fait de la notion de « réalité économique », selon l’appelante, va à l’encontre des principes énoncés dans Shell Canada Limited c. R., [1999] 3 R.C.S. 622, aux paragraphes 39 et 40. Sur le plan juridique, affirme l’appelante, les régimes de pension sont séparés et distincts d’autres activités commerciales, et un régime de fonds de pension ne peut être considéré comme faisant partie des activités commerciales de l’employeur.
[60] Les principes suivants ont été énoncés dans Shell Canada Limited c. R., aux paragraphes 39 et 40 :
39 Notre Cour a statué à maintes reprises que les tribunaux doivent tenir compte de la réalité économique qui sous-tend l’opération et ne pas se sentir liés par la forme juridique apparente de celle-ci : Bronfman Trust, précité, aux pp. 52 et 53, le juge en chef Dickson; Tennant, précité, au par. 26, le juge Iacobucci. Cependant, deux précisions à tout le moins doivent être apportées. Premièrement, notre Cour n’a jamais statué que la réalité économique d’une situation pouvait justifier une nouvelle qualification des rapports juridiques véritables établis par le contribuable. Au contraire, nous avons décidé qu’en l’absence d’une disposition expresse contraire de la Loi ou d’une conclusion selon laquelle l’opération en cause est un trompe-l’œil, les rapports juridiques établis par le contribuable doivent être respectés en matière fiscale. Une nouvelle qualification n’est possible que lorsque la désignation de l’opération par le contribuable ne reflète pas convenablement ses effets juridiques véritables : Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 298, au par. 21, le juge Bastarache.
40 Deuxièmement, la jurisprudence fiscale de notre Cour est bien établie : l’examen de la « réalité économique » d’une opération donnée ou de l’objet général et de l’esprit de la disposition en cause ne peut jamais soustraire le tribunal à l’obligation d’appliquer une disposition non équivoque de la Loi à une opération du contribuable. Lorsque la disposition en cause est claire et non équivoque, elle doit simplement être appliquée : Continental Bank, précité, au par. 51, le juge Bastarache; Tennant, précité, au par. 16, le juge Iacobucci; Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312, aux pp. 326, 327 et 330, le juge Iacobucci; Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103, au par. 11, le juge Major; Alberta (Treasury Branches) c. M.R.N., 1996 CanLII 244 (C.S.C.), [1996] 1 R.C.S. 963, au par. 15, le juge Cory.
[Non souligné dans l’original.]
[61] Je ne vois pas comment la juge de la Cour de l’impôt aurait trahi les enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Shell Canada Limited.
[62] La Cour suprême du Canada énonce d’abord la règle générale selon laquelle les tribunaux doivent tenir compte de la réalité économique et ne pas se sentir liés par la forme juridique apparente de l’opération.
[63] La Cour suprême du Canada apporte ensuite deux précisions. Premièrement, la réalité économique d’une situation ne peut pas justifier une nouvelle qualification des rapports juridiques véritables et, deuxièmement, la réalité économique ne doit pas soustraire à l’obligation d’appliquer une disposition non équivoque de la loi.
[64] Je ne conclus pas, comme le prétend l’appelante, que, du point de vue juridique, les régimes de pensions sont forcément séparés et distincts d’autres activités commerciales. Un examen des circonstances de chaque cas s’impose.
[65] En l’espèce, la juge de la Cour de l’impôt a conclu que les régimes de pension de GMCL faisaient partie intégrante des activités commerciales de l’entreprise. Il n’y a pas de nouvelle qualification des rapports juridiques de GMCL.
[66] Je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle dans l’analyse de la juge de la Cour de l’impôt.
[67] Par conséquent, il n’est plus nécessaire d’examiner la question subsidiaire dont la juge de la Cour de l’impôt a traité aux paragraphes 70 à 102 de ses motifs, plus particulièrement celle de savoir si les services de gestion de placements sont des services financiers exonérés.
[68] La conclusion de la juge de la Cour de l’impôt, au paragraphe 103 de ses motifs, selon laquelle GMCL a le droit de demander des CTI à l’égard de la fourniture des services de gestion de placements devrait être confirmée.
CONCLUSION
[69] Je rejetterais l’appel avec dépens.
« Je suis d’accord.
M. Nadon, j.c.a »
« Je suis d’accord.
Pierre Blais, j.c.a »
Traduction certifiée conforme
Semra Denise Omer
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-136-08
(APPEL D’UN JUGEMENT OU D’UNE ORDONNANCE DE LA JUGE CAMPBELL DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT, EN DATE DU 22 FÉVRIER 2008.)
INTITULÉ : SA MAJESTÉ LA REINE c. GENERAL MOTORS DU CANADA LIMITÉE
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 2 DÉCEMBRE 2008
MOTIFS DU JUGEMENT : LA JUGE DESJARDINS
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE NADON
DATE DES MOTIFS : LE 16 AVRIL 2009
COMPARUTIONS :
POUR L’APPELANTE
|
|
Sean Aylward |
POUR L’INTIMÉE
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sous-procureur général du Canada |
POUR L’APPELANTE
|
Toronto (Ontario)
|
POUR L’INTIMÉE
|