CANADA |
Federal Court of Appeal |
CORAM: LE JUGE EN CHEF RICHARD
ENTRE :
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
Audience tenue par vidéoconférence entre Ottawa (Ontario), et Saskatoon (Saskatchewan),
le 12 mai 2009.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 14 mai 2009.
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE LÉTOURNEAU
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE EN CHEF RICHARD
LE JUGE BLAIS
CANADA |
Federal Court of Appeal |
Date : 20090514
Dossier : A-163-08
Référence : 2009 CAF 156
CORAM : LE JUGE EN CHEF RICHARD
LE JUGE LÉTOURNEAU
LE JUGE BLAIS
ENTRE :
NICHOLAS BONAMY
appelant
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
intimé
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] Il s’agit d’un appel interjeté par l’appelant, qui n’est pas représenté par avocat, à l’encontre d’un jugement de la Cour fédérale rendu par le juge Beaudry (le juge) dans lequel il a confirmé deux décisions du protonotaire Lafrenière (le protonotaire).
[2] La première de ces deux décisions rejetait la demande de contrôle judiciaire présenté par l’appelant à l’égard d’une décision de la Commission nationale des libérations conditionnelles (la Commission) qui refusait de lui accorder une libération conditionnelle totale. La seconde rejetait la requête visant le réexamen et la modification de la précédente décision de rejeter la demande de l’appelant.
[3] L’appelant est un profane. Il soulève de nombreuses questions qui sont hors du champs des décisions rendues par le juge et le protonaire et, par conséquent, de celui du présent appel. Je limiterai donc mon analyse des arguments de l’appelant aux deux questions sur lesquelles le juge s’est prononcé.
Le juge a-t-il commis une erreur en confirmant le décision du protonotaire qui rejette la demande de contrôle judiciaire de l’appelant
[4] Par voie de contrôle judiciaire, l’appelant demandait l’annulation de la décision de la Commission. Le protonotaire a refusé de faire droit à la demande au motif qu’elle était prématurée puisque l’appelant disposait d’un droit d’appel en vertu du paragraphe 147(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la Loi).
[5] Lorsqu’il a rendu sa décision, le protonotaire n’avait pas reçu les documents de l’appelant en réponse à la requête en rejet. L’appelant soutient qu’il y eu un manquement à l’équité procédurale.
[6] S’agissant de la demande en réexamen et en modification, le protonotaire a dit que sa décision aurait été la même s’il avait été en possession des arguments de l’appelant lorsqu’il a rendu la décision initiale.
[7] Un débat subsiste sur la question de savoir qui est responsable de la livraison tardive des documents de l’appelant, en violation du délai prévu dans les Règles des Cours fédérales (les Règles). Il n’est toutefois pas pertinent de déterminer si l’appelant a omis de déposer ces documents à temps ou si ce sont plutôt les Services correctionnels qui n’ont pas agi de façon diligente lors de leur communication. Il en est ainsi parce que le juge qui a réexaminé la décision du protonotaire a procédé à un nouvel examen, au cours duquel les observations et les arguments de l’appelant ont été dûment examinés. Il avait donc à cette étape été remédié à tout manquement à l’équité procédurale qui avait pu se produire avant.
[8] Dans la décision Fehr c. Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles) (1995), 93 F.T.R. 161, aux paragraphes 29 et 30, le juge McKeown a souligné l’importance d’épuiser tous les recours d’appel prévus par la Loi avant de présenter une demande de contrôle judiciaire. Son propos était le suivant :
29 L’appel tend à éviter la multiplication des procédures devant la Cour. Pour cette raison, lorsqu’une voie de recours est prévue, il convient généralement de l’exercer avant de demander un contrôle judiciaire. Je veux cependant insister sur le fait qu’une décision ne peut être portée en appel que dans la mesure et selon les modalités prévues par la Loi. Il se peut que des décisions non susceptibles d’appel à proprement parler puissent faire l’objet d’un contrôle judiciaire.
30 L’avocate de la requérante a soutenu devant moi qu’on ne devait pas exiger de la requérante qu’elle interjette appel devant la Section d’appel de la Commission avant de présenter une demande de contrôle judiciaire, puisqu’il lui était impossible de soulever ses moyens de défense fondés sur la Charte devant la Section d’appel. Pour cette raison, elle ne devrait pas être obligée d’attendre les résultats du processus interne d’appel avant de pouvoir saisir notre Cour : elle devrait avoir la possibilité de présenter la totalité de ses moyens en une seule fois. Comme je l’ai déjà dit plus tôt, toutes les voies de recours devraient être exercées avant la présentation d’une demande à la Cour. Cette exigence ne cause aucun préjudice à la requérante, car bien qu’il soit certain qu’il ne sera pas tenu compte des décisions d’un organisme administratif en matière de Charte, rien ne l’empêche de soulever devant la Section d’appel les moyens de défense fondés sur la Charte. Je tiens toutefois à préciser que je n’exclus pas la possibilité d’un contrôle judiciaire si la Section d’appel refuse de les entendre. [Non souligné dans l’original.] Voir aussi, au même effet Diamond c. Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles, [1995] A.C.F. No 424, au paragraphe 14.
[9] La Cour d’appel de l’Alberta est arrivée aux mêmes conclusions dans un jugement pour lequel la demande d’autorisation d’appel devant la Cour suprême du Canada a été rejetée : Armaly c. Canada (Parole Service), 2001 ABCA 280, [2002] C.R.C.S. No 134. Cette décision souligne l’importance d’utiliser le mécanisme d’appel prévu par la Loi qui est complet et qui dispose d’une expertise lorsqu’il en existe un. La Cour a statué ainsi :
[traduction]
…il est clair qu’il existe un recours subsidiaire en l’espèce : les procédures d’appel prévues à l’article 147 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
…
Nous sommes convaincus que le ne voulait pas qu’un manquemant à l’équité procédurale, comme celui qui s’est produit dans la présente affaire, entraîne une perte de compétence non susceptible de recours. La LSCMLC prévoit un mécanisme complet pour l’administration du processus d’examen des libérations conditionnelles. Des raisons de saine politique expliquent que l’exigence minimale pour permettre un recours en habeas corpus ne soit pas trop peu élevée afin d’éviter l’apparition d’un système parallèle de contestation de la cessation ou de la révocation d’une libération conditionnelle. Le juge Cory a fait valoir cet argument précis dans l’arrêt Steele, précité, à la page 1418, où il énonce ce qui suit :
Puisque toute erreur qui peut être commise se produit au cours du processus même d’examen des demandes de libération conditionnelle, la contestation d’une décision doit se faire sous forme de demande d’examen judiciaire plutôt que par voie d’habeas corpus. La mise en liberté d’une personne détenue depuis de nombreuses années doit être surveillée par des experts dans ce domaine.
[Non souligné dans l’original.]
[10] Les décisions du protonotaire et du juge de rejeter la demande de contrôle judiciaire en raison de son caractère prématuré ne contenaient selon moi aucune erreur dans les circonstances.
[11] Invoquant l’article 64 des Règles des Cours fédérales, l’appelant soutient qu’il a aussi demandé un jugement déclaratoire portant que les procédures et les politiques adoptées par la Commission pour examiner les demandes de libération conditionnelle portaient atteinte aux principes de justice fondamentale garantis par la Charte des droits et libertés. Il estime donc que sa demande de contrôle judiciaire n’aurait pas due être rejetée. Il existe deux courtes réponses à cet argument.
[12] En premier lieu, la Cour fédérale, au paragraphe 17 de la décision Pieters c. Canada (Procureur général), 2004 CF 27, écrit ce qui suit :
17 … cet article des Règles ne peut être utilisé en l’absence d’une demande sous-jacente. L’article 64 porte sur la réparation et non sur la procédure. En d’autres mots, il doit y avoir un fondement sur lequel la demande s’appuie et non seulement une sorte de désir abstrait d’obtenir une clarification ou bien une arme pour prolonger la négociation.
[Non souligné dans l’original.]
[13] Plus récemment, dans Démocratie en surveillance c. Canada (Commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique), 2009 CAF 15, notre Cour a réaffirmé le même principe. Le juge en chef Richard y a déclaré ce qui suit au paragraphe 15 :
15 Pour ce qui est de la demande de jugement déclaratoire portant que les paragraphes 44(1) à 44(6) [de la Loi sur les conflits d’intérêts, L.C. 2006, ch. 9] portent atteinte aux droits garantis par les alinéa 2b) et 2d), nous sommes d’avis que, bien que notre Cour soit habilitée à statuer sur une contestation constitutionnelle dans le cadre de demandes de contrôle judiciaire, il n’est pas loisible à un demandeur de simplement arrimer une telle contestation à une demande de contrôle judiciaire mal fondée.
[Non souligné dans l’original.]
[14] Comme la demande de contrôle judiciaire de l’appelant était mal fondée, il ne disposait pas d’instance à laquelle « arrimer une contestation constitutionnelle ».
[15] Quoi qu’il en soit, il existait un autre motif valable de rejeter la demande de contrôle judiciaire de l’appelant.
[16] L’appelant avait aussi interjeté appel de la décision de la Commission auprès de la Section d’appel en vertu de l’article 147 et cet appel a été accueilli. Une nouvelle audience a été tenue devant deux membres qui n’avaient pas pris part à la décision frappée d’appel pour remédier aux manquements présumés à l’équité procédurale. Lorsque l’affaire a été tranchée une nouvelle fois par le juge, la demande de contrôle judiciaire de l’appelant était devenue théorique et aurait aussi pu être rejetée pour cette raison.
Le juge a-t-il commis une erreur en confirmant la décision du protonotaire de rejeter la demande de réexamen et de modification de la décision antérieure rejetant la demande de l’appelant
[17] Pour les mêmes motifs que ceux invoqués pour traiter de la première question, j’estime que la décision du juge portant sur ce deuxième motif de plainte ne comporte aucune erreur. J’ajoute que j’estime, au même titre que le protonotaire, que l’alinéa 397(1)b) et l’article 399 des Règles ne s’appliquaient pas en l’espèce.
[18] Pour ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens.
« Je suis d’accord
J. Richard, juge en chef »
« Je suis d’accord
Pierre Blais, j.c.a. »
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-163-08
INTITULÉ : NICHOLAS BONAMY c. LE PROCUREUR
GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE OTTAWA (ONTARIO), ET SASKATOON (SASKATCHEWAN)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 12 mai 2009
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE LÉTOURNEAU
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE EN CHEF RICHARD
LE JUGE BLAIS
DATE DES MOTIFS : Le 14 mai 2009
COMPARUTIONS :
SE REPRÉSENTANT LUI-MÊME
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POUR L’INTIMÉ
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada |
POUR L’INTIMÉ
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