Dossiers : A-522-08, A-523-08, A-526-08,
A-527-08, A-528-08
ENTRE :
JACIRA BRAGA
demanderesse
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
Dossier A-523-08
ENTRE :
BRIAN BORGES
demandeur
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
Dossier A-526-08
ENTRE :
GRACA LOPES DOS SANTOS
demanderesse
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
Dossier A-527-08
ENTRE :
MANUEL ALMEIDA
demandeur
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
A-528-08
ENTRE :
MARIA AMORIM
demanderesse
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
Audience tenue à Toronto (Ontario), le 13 mai 2009.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 26 mai 2009.
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE RYER
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE EVANS
LA JUGE LAYDEN-STEVENSON
Dossiers : A-522-08, A-523-08, A-526-08,
A-527-08, A-528-08
Référence : 2009 CAF 167
CORAM : LE JUGE EVANS
LA JUGE LAYDEN-STEVENSON
LE JUGE RYER
Dossier A-522-08
ENTRE :
JACIRA BRAGA
demanderesse
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
Dossier A-523-08
ENTRE :
BRIAN BORGES
demanderesse
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
Dossier A-526-08
ENTRE :
GRACA LOPES DOS SANTOS
demanderesse
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
Défendeur
Dossier A-527-08
ENTRE :
MANUEL ALMEIDA
demandeur
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
A-528-08
ENTRE :
MARIA AMORIM
demanderesse
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] Cinq demandes de contrôle judiciaire (A-522-08, A-523-08, A-526-08, A-527-08 et A‑528‑08) ont été présentées à l’encontre de cinq décisions du juge-arbitre David G. Riche (CUB 71002, CUB 71001, CUB 70999, CUB 70998 et CUB 71000), qui concernent des demandes de remboursement faites par la Commission de l’assurance-emploi (la Commission) à l’égard de versements excédentaires de prestations, en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi), à Jacira Braga, Brian Borges, Graca Lopes dos Santos, Manuel Almeida et Maria Amorim (les employés) après la cessation de leur emploi chez Irwin Toy Limited (l’employeur) pour cause d’insolvabilité. Le versement excédentaire de prestations est attribuable à l’indemnité de départ que les employés ont touchée après avoir commencé à recevoir les prestations prévues par la Loi.
[2] En réponse aux demandes des parties dans chacune des demandes de contrôle judiciaire, la Cour a convenu d’instruire ensemble les demandes, comme le lui demandait l’avocat des parties, car les décisions faisant l’objet du contrôle sont fondamentalement identiques et les différences factuelles dans chaque cas sont de peu d’importance. Par souci de commodité à l’audience, il a été fait référence au dossier A-522-08 (Jacira Braga), pratique qui sera suivie dans les présents motifs.
LE CONTEXTE
[3] À la fin de 2000, l’emploi de chacun des employés a pris fin pour cause d’insolvabilité de l’employeur. À cette époque, aucun des employés n’a reçu d’indemnité de départ. Toutefois, chacun a demandé et obtenu des prestations en vertu de la Loi. Dans chaque cas, la période des prestations a débuté vers le moment de la cessation d’emploi.
[4] Après la cessation d’emploi des employés, Ernst & Young LLP (le séquestre) a été désigné à titre de séquestre intérimaire à l’égard des affaires de l’employeur.
[5] Avec l’aide de leur avocat, les employés ont reçu des indemnités de départ du séquestre. Ils ont reçu les premiers paiements au début de 2004 et le dernier à la fin de 2005. Ces paiements n’ont fait l’objet d’aucune retenue par le séquestre, comme le prévoit le paragraphe 46(1) de la Loi. Selon ce paragraphe, toute personne qui verse une indemnité de départ à une personne dont on a des motifs raisonnables de croire qu’elle reçoit des prestations en vertu de la Loi, doit vérifier si l’indemnité de départ donne lieu à des versements excédentaires de prestations selon la Loi. Dans l’affirmative, la personne payant l’indemnité est tenue de verser le montant applicable de l’indemnité de départ au receveur général au titre des versements excédentaires de prestations.
[6] À l’été de 2006, la Commission a écrit aux employés pour les informer de sa décision (la décision sur la répartition de la rémunération) selon laquelle leur indemnité de départ constituait une rémunération reçue pendant les périodes de prestations, qui devait être répartie conformément aux articles 35 et 36 du Règlement sur l’assurance-emploi, DORS/96-332 (le Règlement). Cette répartition s’applique au calcul du montant de toute déduction sur les prestations payables aux employés, conformément au paragraphe 19(2) de la Loi, ou du remboursement par les employés des prestations excédentaires, conformément à l’article 45 de la Loi. Dans sa lettre aux employés, la Commission les avisait de leur droit d’appeler de la décision auprès du conseil arbitral (le conseil).
[7] Au moment où elle communiquait sa décision sur la répartition de la rémunération à chacun des employés ou peu après, la Commission a envoyé à chacun des employés un avis de dette qui précisait la somme des prestations excédentaires reliées à la décision sur la répartition de la rémunération et en demandait le paiement. L’avis de dette était accompagné d’un formulaire imprimé (dossier de l’intimée Braga, à la page 28) indiquant qu’il pouvait être interjeté appel de l’avis auprès du conseil.
LA DÉCISION DU CONSEIL
[8] L’avocat des employés a déposé des avis d’appel auprès conseil dans lesquels la décision de la Commission attaquée est décrite comme [traduction] « un avis de dette relatif à des versements excédentaires de prestations d’assurance‑emploi ». On en trouve une confirmation dans une lettre de l’avocat des employés à la Commission, datée du 22 septembre 2006, où celui-ci déclare : [traduction] « Nous avons déposé un avis d’appel à l’égard de cet avis de dette. »
[9] Dans les avis d’appel, la raison invoquée pour attaquer la décision est que les employés croyaient que les versements excédentaires de prestations résultant des indemnités de départ avaient été remboursés par le séquestre et que les sommes reçues par les employés étaient nettes de ces remboursements. Cela ressort d’une partie de l’avis d’appel au conseil produit au nom de Jacira Braga (dossier de l’intimée Braga, à la page 20) :
[traduction] L’avocat représentant les employés a préparé et présenté des réclamations au nom des employés congédiés, dont l’appelante, au séquestre intérimaire d’Irwin Toy (Ernst & Young (E&Y)). Ces réclamations ont finalement été accueillies et le séquestre intérimaire a pris des dispositions en vue de payer aux employés des dividendes sur l’actif en fonction de leurs réclamations. Avant de le faire, l’appelante est avisée qu’E&Y a fait parvenir le projet de paiement de dividendes à RHDCC pour qu’il l’examine et décide si E&Y devait opérer une déduction et le payer directement à RHDCC au titre du remboursement de prestations excédentaires d’assurance-emploi, le solde étant alors versé par E&Y à l’employée. Selon E&Y, RHDCC a fourni ces montants à E&Y et ils ont été par la suite déduits des versements individuels de dividendes aux employés touchés et payés à RHDCC. Par conséquent, E&Y a effectué tous les paiements directement à RHDCC au nom des employés et aucun d’entre eux ne devrait maintenant être tenu de payer une autre somme à RHDCC au titre de prestations d’assurance-emploi reçues après son congédiement par Irwin Toy. [Non souligné dans l’original.]
[10] Les employés ont modifié la raison de leur attaque des avis de dette dans les mémoires des faits et du droit qui ont été déposés auprès du conseil. Selon l’avocat des employés, les questions soulevées étaient désormais les suivantes (dossier de l’intimée Braga, à la page 43) :
[traduction]
a) Les appelants devraient-ils être tenus de payer RHDCC parce que le séquestre intérimaire d’Irwin Toy n’avait pas respecté le paragraphe 46(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi, comme l’exige la Loi, et alors que ces paiements causeraient maintenant aux appelants des difficultés financières graves?
b) RHDCC avait-elle établi la dette à son endroit qu’elle alléguait?
Fait important, les mémoires des faits et du droit ne contestent pas la correction des calculs des sommes spécifiées dans les avis de dette ou des montants des prestations excédentaires reçues par les employés. Les employés prétendent plutôt qu’il incombe à la Commission d’établir les sommes des versements excédentaires et ils affirment en effet que la Commission devrait être tenue [traduction] « d’établir avec rigueur » ces montants.
[11] Dans ses observations au conseil, la Commission a défini la question comme un appel à l’encontre de la répartition de la rémunération prévue aux articles 35 et 36 du Règlement, soit essentiellement comme un appel à l’encontre de la décision sur la répartition de la rémunération (dossier de l’intimée Braga, à la page 30).
[12] Le conseil a défini la question de la même manière que la Commission, déclarant (dossier de l’intimée Braga, à la page 200) :
[traduction]
La question soulevée
Dans le présent appel, la question consiste à déterminer si la prestataire a ou non touché une rémunération qui devait être répartie conformément aux articles 35 et 36 de la Loi sur l’assurance-emploi.
[13] Le conseil s’est ensuite référé aux avis d’appel et il a formulé comme suit la raison alléguée par les employés pour attaquer les avis de dette (dossier de l’intimée Braga, à la page 30) :
[traduction]
La prestataire a interjeté appel de l’avis de dette de 3 719,00 $.
Son avocat, Koskie Minsky (KM), dit que la prestataire ne devrait pas être tenue de verser un paiement à RHDCC parce qu’Ernst & Young (E&Y) avait payé RHDCC directement au nom de la prestataire.
[14] Le conseil a conclu que le séquestre n’avait déduit et remboursé aucune somme au titre des versements excédentaires de prestations aux employés. À cet égard, le conseil a directement répondu à la raison invoquée par les employés dans les avis d’appel pour contester les avis de dette.
[15] Le conseil a déclaré plus loin (dossier de l’intimée Braga, à la page 201) :
[traduction] L’avocat de la prestataire n’a pas contesté le montant de 12 030,77 $ constituant une rémunération soumise à la répartition, comme le dit la deuxième lettre de la Commission formant la pièce 6, datée du 19 juillet 2006*.
[* Cette lettre est la décision sur la répartition de la rémunération.]
[16] Le conseil a donc conclu que les employés avaient pour l’essentiel concédé la question de la répartition de la rémunération dont le conseil considérait qu’il avait été saisi. Par conséquent, le conseil a rejeté les appels des employés.
[17] Cependant, le conseil a également reconnu les nouveaux arguments invoqués par l’avocat des employés dans les mémoires des faits et du droit et accueilli leurs demandes que le conseil ordonne à la Commission de recouvrer les versements excédentaires de prestations auprès du séquestre ou d’annuler la dette des employés, déclarant (dossier de l’intimée Braga, à la page 203) :
[traduction] En conclusion, l’avocat de la prestataire fait valoir que l’ordonnance appropriée du conseil arbitral en l’espèce devrait être que la Commission, soit inflige à E&Y une pénalité égale au montant du versement excédentaire réclamé par la Commission, soit annule la dette.
[18] S’agissant des nouveaux arguments, le conseil a conclu que le défaut du séquestre de déduire les montants exigés des indemnités de départ avait causé des difficultés financières aux employés. En outre, il a conclu que la Commission n’avait pas fourni de preuve au sujet du montant des versements excédentaires de prestations faits aux employés et que les réponses de la Commission aux demandes de renseignements sur les montants des versements excédentaires étaient incomplètes et peu claires.
[19] Malgré ces conclusions, le conseil n’a pas ordonné à la Commission d’annuler les versements excédentaires, déclarant (dossier de l’intimée Braga, à la page 206) :
[traduction] La question dont est saisi le conseil arbitral est la répartition de la rémunération et le versement excédentaire qui en résulte, et comme le conseil n’a pas compétence pour se prononcer sur le montant des versements excédentaires, il n’a d’autre choix que de rejeter l’appel. L’intervention du conseil se limite à des recommandations.
[20] Le conseil arbitral a donc recommandé à la Commission d’annuler les versements excédentaires faits aux employés et d’infliger au séquestre une pénalité égale au total des versements excédentaires. À ce sujet, le conseil a déclaré qu’il était injuste que le séquestre échappe aux conséquences de son manquement à ses obligations.
[21] La Commission a pris en considération la recommandation du conseil visant l’annulation des versements excédentaires. Elle a demandé des renseignements supplémentaires sur la situation financière des employés en vue de vérifier si le manquement du séquestre aux obligations prévues au paragraphe 46(1) de la Loi avait causé des difficultés financières aux employés. Ces renseignements n’ont pas été fournis et la question était en suspens à la date de l’audience.
LA DÉCISION DU JUGE‑ARBITRE
[22] Les employés ont fait appel de la décision du conseil au juge-arbitre. Dans les avis d’appel, les employés allèguent que le conseil n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a commis une erreur de droit. Le fondement de l’appel a été circonscrit comme suit, ainsi que l’énonce la lettre de l’avocat des employés à la Commission, datée du 7 août 2008 :
[traduction] Nous limiterons notre appel à la première observation de l’avis d’appel : le conseil arbitral a commis une erreur en ne rejetant pas la demande de la Commission après avoir conclu que la Commission n’avait pas établi la dette qu’elle réclamait aux appelants (fait nº 8 de la décision du conseil arbitral).
[23] Le juge-arbitre a établi que le conseil avait commis une erreur en ne traitant pas la question de la répartition de la rémunération. Pour ce motif, il a accueilli les appels et renvoyé l’affaire devant un conseil arbitral différent pour qu’elle soit instruite à nouveau. Compte tenu de cette conclusion, le juge‑arbitre n’a pas examiné en détail la question de savoir si la Commission avait été empêchée de déduire les versements excédentaires en l’absence de preuve des montants visés. Il a toutefois fait observer que les employés n’avaient jamais contesté les montants précis qu’on leur demandait de rembourser.
LES DISPOSITIONS DE LOI APPLICABLES
[24] Les dispositions de loi applicables sont le paragraphe 19(2) ainsi que les articles 43 à 47 et 52 de la Loi. Elles sont reproduites à l’annexe des présents motifs.
LA QUESTION SOULEVÉE
[25] La question que soulève la présente demande est de savoir si le juge-arbitre a commis une erreur de droit en ne définissant pas et en ne tranchant pas de manière correcte la question dont il était saisi.
L’ANALYSE
Le juge-arbitre a-t-il correctement défini et traité la question juridique dont il était saisi?
[26] La définition des questions que soulève un appel devant le juge-arbitre à l’encontre d’une décision d’un conseil arbitral est une question de droit, qui doit faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision correcte (voir l’appel Budhai c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 298). Par conséquent, la Cour doit s’assurer que le juge-arbitre a correctement défini les questions dont il était saisi dans les demandes soumises à l’examen.
[27] Le juge-arbitre a établi que la question dont il était saisi était de déterminer si le conseil avait correctement traité la question de savoir si les employés, en raison des indemnités de départ qu’ils avaient touchées, avaient une rémunération devant faire l’objet d’une répartition aux termes des articles 35 et 36 du Règlement. Il a conclu que le conseil n’avait pas traité la question, il a annulé les décisions du conseil de rejeter les appels des employés et il a renvoyé l’affaire à un conseil arbitral différent pour un nouvel examen.
[28] À mon avis, le juge-arbitre a commis une erreur de droit en interprétant mal la question dont était saisi le conseil et, par conséquent, la question dont il était saisi. En effet, le juge-arbitre a établi que les appels auprès du conseil concernaient les décisions de la répartition de la rémunération alors qu’ils étaient formés à l’encontre des avis de dette.
[29] L’erreur du juge-arbitre s’explique peut-être par le fait que le conseil a déclaré, à la première page de ses motifs, que la question portait sur une rémunération qui devait être répartie (voir le dossier de l’intimée Braga, à la page 199). Néanmoins, le juge-arbitre aurait dû reconnaître que les appels interjetés devant le conseil visaient les avis de dette.
[30] Tant les avis d’appels que les mémoires des faits et du droit dont était saisi le conseil le montrent à l’évidence. Les employés n’ont pas soutenu que leurs indemnités de départ n’étaient pas une rémunération devant faire l’objet d’une répartition. Leurs avis d’appel faisaient plutôt valoir que les montants qu’ils avaient reçus étaient nets des déductions prescrites au titre des versements excédentaires. Cette argumentation présuppose l’existence d’une rémunération soumise à répartition. Par conséquent, il aurait dû être manifeste aux yeux du juge-arbitre que le conseil n’était pas saisi d’une question visant la décision de la répartition de la rémunération.
Quelle était la question juridique dont le conseil était saisi?
[31] Dans ses mémoires des faits et du droit, la Couronne a adopté comme position que les avis de dette n’étaient pas des décisions de la Commission susceptibles d’appel. Toutefois, à l’audience, la Couronne a délaissé cette position à la lumière du paragraphe 52(2) de la Loi. Dans ses décisions, la Commission a conclu que les employés avaient reçu des prestations auxquelles ils n’avaient pas droit et précisé les montants qu’ils devaient rembourser. Il est clair que le conseil était saisi de la question des avis de dette.
[32] Cependant, le fondement des attaques à l’encontre des avis de dette est moins clair. On examinera donc les arguments soulevés par les employés devant le conseil.
Le séquestre a payé les versements excédentaires
[33] Les avis d’appel allèguent que les versements excédentaires ont effectivement été payés par le séquestre. Les employés n’ont pas repris ces allégations devant le conseil et le conseil a tiré des conclusions de fait en sens contraire, qui n’ont pas été contestées par la suite par les employés.
Le séquestre a omis par erreur de payer les versements excédentaires
[34] Les employés ont soutenu que le séquestre ne s’étant pas acquitté de ses obligations en vertu du paragraphe 46(1) de la Loi, il devait lui être imposé une pénalité égale au total de l’ensemble des versements excédentaires. Le fondement de cette prétention était, semble-t-il, les difficultés financières que causerait aux employés l’exigence du remboursement des versements excédentaires.
[35] Le conseil a examiné l’argument et conclu qu’il n’était pas compétent pour ordonner à la Commission d’annuler les versements excédentaires, comme les employés l’avaient demandé. Il a plutôt recommandé à la Commission l’annulation de ces montants. Cette conclusion du conseil n’a pas été invoquée par les employés devant le juge-arbitre, bien qu’elle soit l’une des assises de leurs appels devant lui. J’estime que le conseil a eu raison de décider qu’il n’avait pas compétence pour rendre l’ordonnance qui lui était demandée.
Le fardeau de la preuve touchant les versements excédentaires
[36] Selon le troisième argument des employés devant le conseil, les montants précisés dans les avis de dette comme dus par les employés étaient non exigibles du fait que la Commission ne les avait pas établis par des éléments de preuve, conformément à la norme de preuve applicable à l’exigibilité du remboursement des dettes contractuelles dans la common law de l’Ontario.
[37] Le conseil a tiré comme conclusions que la Commission n’avait pas chiffré les versements excédentaires et que ses tentatives d’explication de ses calculs aux employés étaient incomplètes, peu claires et non concluantes. Le conseil n’a toutefois pas conclu que ces conclusions entraînaient l’inexigibilité du remboursement des versements excédentaires à la Commission.
[38] Les employés font valoir que le conseil a commis une erreur en tirant cette conclusion et que le juge-arbitre a commis une erreur en ne la corrigeant pas.
[39] Le fait de savoir si la Commission est tenue d’établir la dette conformément aux principes de la common law est une question de droit, qui doit faire l’objet d’un contrôle de la Cour selon la norme de la décision correcte. À mon avis, le conseil n’a pas commis d’erreur de droit en n’attribuant pas le fardeau de la preuve à la Commission et le juge-arbitre n’a pas commis d’erreur de droit en refusant de modifier la décision du conseil sur cette question, malgré le caractère carrément superficiel de son examen de la question.
[40] Le pouvoir de la Commission de reconsidérer ses décisions en matière d’attribution de prestations est fondé sur l’article 52 de la Loi. Cette disposition n’est pas sans analogie avec les dispositions sur la « réévaluation » de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.). Les paragraphes (2) et (3) sont particulièrement pertinents à cet égard :
[Non souligné dans l’original.] [Emphasis added.]
[41] Il est clair à mes yeux que les avis de dette sont des décisions de la Commission visées par le paragraphe 52(2) de la Loi et qu’elles peuvent faire l’objet d’un appel devant le conseil. Le paragraphe 52(3) de la Loi prévoit que le montant du versement excédentaire indiqué dans un avis de dette devient remboursable, en vertu de l’article 43 de la Loi, à la date de notification. Selon l’article 44 de la Loi, la personne qui reçoit un versement excédentaire de prestations est tenue d’en restituer immédiatement le montant. Ces dispositions ont pour effet de créer une dette dont le montant exigible est précisé dans l’avis de dette. Ce montant constitue une dette à l’endroit de Sa Majesté dont le recouvrement est poursuivi conformément aux dispositions de l’article 47, sous réserve du délai de prescription prévu au paragraphe 47(3) de la Loi.
[42] À mon avis, la common law touchant le caractère exécutoire du remboursement des dettes contractuelles, décrite dans les décisions Corning Inc. c. Trent, [1996] O.J. No. 4438, et Second Skin and Otis Ltd. c. 1035816 Ontario Inc. (c.o.b. Willys), [1997] O.J. No, 4015, n’est pas pertinente à l’égard du remboursement des versements excédentaires de prestations, établis dans les avis de dette présentés conformément à l’article 52 de la Loi. Cette conclusion est étayée par la décision Canada (Procureur général du Canada) c. Laforest (1989), 97 N.R. 95, à la page 100, où le juge Lacombe, traitant de versions antérieures des articles 45, 47 et 52 de la Loi, a déclaré :
[…] Ce pouvoir de décréter un trop‑perçu de prestations ne lui vient que de l’article 57 [devenu 52] qui seul est rattaché à l’article 49 [devenu 45 et 47] de la Loi, alors que l’article 102 ne l’est pas. La décision prise par la Commission crée une dette qui devient exécutoire contre le prestataire dès que le montant à rembourser lui est notifié. C’est de l’interaction des articles 49 et 57 que provient le droit pour la Commission d’établir sa créance et d’en poursuivre l’exécution. [Non souligné dans l’original.]
[43] Cette affirmation et la formulation du paragraphe 52(3) de la Loi me persuadent que le montant d’un versement excédentaire de prestations précisé dans un avis de dette devient exigible à la date où la Commission en notifie au destinataire le montant précis. À mon avis, si la dette devient exigible à la date de la notification, il s’ensuit que le montant de la dette est établi à cette date dans la mesure nécessaire pour en permettre la perception. Il s’ensuit également qu’en cas d’appel de l’avis de dette, les appelants assument le fardeau de la preuve à l’égard de l’inexactitude du montant précisé dans l’avis de dette.
[44] Cette interprétation est conforme à la décision Harjinder Sahota, [2000] CUB 48293. Le juge-arbitre Hugessen y a conclu que lorsqu’un appelant conteste le montant d’un versement excédentaire, c’est-à-dire lorsqu’on est en présence de calculs contradictoires du montant visé, le conseil est tenu de déterminer lequel des calculs doit être accepté. Toutefois, ni le conseil ni le juge‑arbitre n’ont en l’espèce été saisis d’une question de cette nature, et la question n’a pas été soulevée devant la Cour. En bref, les employés n’ont pas précisément contesté les montants indiqués dans les avis de dette ni cherché à établir qu’un autre montant était le bon. Ils ont plutôt circonscrit la question autour du fardeau de la preuve.
[45] Le conseil a conclu que la Commission n’avait pas établi les montants précisés dans les avis de dette, mais, à mon avis, cette conclusion est sans conséquence parce que la Commission n’avait pas l’obligation de les établir. Si ces montants devaient être contestés, il incombait aux employés de les établir par des éléments de preuve de calculs erronés ou d’autres erreurs. Les employés n’ont fait aucune allégation de cette nature et n’ont produit aucune preuve à cet égard.
DISPOSITIF
[46] Pour les motifs qui précèdent, j’accueillerais les demandes de contrôle judiciaire, j’annulerais les décisions du juge-arbitre et je renverrais les affaires au juge-arbitre en chef, ou à son remplaçant désigné, pour un examen sur le fondement que les appels à l’encontre des décisions du conseil devraient être rejetés. Une copie des présents motifs, qui s’appliquent à chacune des cinq demandes de contrôle judiciaire, sera versée aux dossiers respectifs des demandes.
[47] En arrivant à cette conclusion, je note que les délibérations de la Commission sur les difficultés financières causées aux prestataires sont en cours et devraient se poursuivre jusqu’à leur terme. J’affirme ainsi que les exigences à satisfaire pour obtenir la réparation souhaitée de la part de la Commission ne sont limitées par aucun élément de preuve dont a été saisi le conseil ni par aucune conclusion de fait du conseil sur les difficultés financières des prestataires.
« C. Michael Ryer »
j.c.a.
« Je suis d’accord
John M. Evans, j.c.a. »
« Je suis d’accord
Carolyn Layden-Stevenson, j.c.a. »
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
ANNEXE
Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23, paragraphe 19(2), articles 43 à 47 et 52.
19. (2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), si le prestataire reçoit une rémunération durant toute autre semaine de chômage, il est déduit des prestations qui lui sont payables un montant correspondant à la fraction de la rémunération reçue au cours de cette semaine qui dépasse 50 $, ou vingt-cinq pour cent de son taux de prestations hebdomadaires si celui-ci est de 200 $ ou plus. |
19. (2) Subject to subsections (3) and (4), if the claimant has earnings during any other week of unemployment, there shall be deducted from benefits payable in that week the amount, if any, of the earnings that exceeds (a) $50, if the claimant’s rate of weekly benefits is less than $200; or (b) 25% of the claimant’s rate of weekly benefits, if that rate is $200 or more.
|
43. La personne qui a touché des prestations en vertu de la présente loi au titre d’une période pour laquelle elle était exclue du bénéfice des prestations ou des prestations auxquelles elle n’est pas admissible est tenue de rembourser la somme versée par la Commission à cet égard.
|
43. A claimant is liable to repay an amount paid by the Commission to the claimant as benefits (a) for any period for which the claimant is disqualified; or (b) to which the claimant is not entitled.
|
44. La personne qui a reçu ou obtenu, au titre des prestations, un versement auquel elle n’est pas admissible ou un versement supérieur à celui auquel elle est admissible, doit immédiatement renvoyer le mandat spécial ou en restituer le montant ou la partie excédentaire, selon le cas.
|
44. A person who has received or obtained a benefit payment to which the person is disentitled, or a benefit payment in excess of the amount to which the person is entitled, shall without delay return the amount, the excess amount or the special warrant for payment of the amount, as the case may be.
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45. Lorsque le prestataire reçoit des prestations au titre d’une période et que, soit en application d’une sentence arbitrale ou d’un jugement d’un tribunal, soit pour toute autre raison, l’employeur ou une personne autre que l’employeur – notamment un syndic de faillite – se trouve par la suite tenu de lui verser une rémunération, notamment des dommages-intérêts pour congédiement abusif ou des montants réalisés provenant des biens d’un failli, au titre de la même période et lui verse effectivement la rémunération, ce prestataire est tenu de rembourser au receveur général à titre de remboursement d’un versement excédentaire de prestations les prestations qui n’auraient pas été payées si, au moment où elles l’ont été, la rémunération avait été ou devait être versée.
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45. If a claimant receives benefits for a period and, under a labour arbitration award or court judgment, or for any other reason, an employer, a trustee in bankruptcy or any other person subsequently becomes liable to pay earnings, including damages for wrongful dismissal or proceeds realized from the property of a bankrupt, to the claimant for the same period and pays the earnings, the claimant shall pay to the Receiver General as repayment of an overpayment of benefits an amount equal to the benefits that would not have been paid if the earnings had been paid or payable at the time the benefits were paid.
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46. (1) Lorsque, soit en application d’une sentence arbitrale ou d’un jugement d’un tribunal, soit pour toute autre raison, un employeur ou une personne autre que l’employeur – notamment un syndic de faillite – se trouve tenu de verser une rémunération, notamment des dommages-intérêts pour congédiement abusif ou des montants réalisés provenant des biens d’un failli, à un prestataire au titre d’une période et a des motifs de croire que des prestations ont été versées à ce prestataire au titre de la même période, cet employeur ou cette autre personne doit vérifier si un remboursement serait dû en vertu de l’article 45, au cas où le prestataire aurait reçu la rémunération et, dans l’affirmative, il est tenu de retenir le montant du remboursement sur la rémunération qu’il doit payer au prestataire et de le verser au receveur général à titre de remboursement d’un versement excédentaire de prestations.
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46. (1) If under a labour arbitration award or court judgment, or for any other reason, an employer, a trustee in bankruptcy or any other person becomes liable to pay earnings, including damages for wrongful dismissal or proceeds realized from the property of a bankrupt, to a claimant for a period and has reason to believe that benefits have been paid to the claimant for that period, the employer or other person shall ascertain whether an amount would be repayable under section 45 if the earnings were paid to the claimant and if so shall deduct the amount from the earnings payable to the claimant and remit it to the Receiver General as repayment of an overpayment of benefits.
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COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-522-08
DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE DÉCISION DU JUGE-ARBITRE DAVID G. RICHE, DATÉE DU 22 AOÛT 2008, CUB N° 71002
INTITULÉ : JACIRA BRAGA c.
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 14 mai 2009
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE RYER
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE EVANS
LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON
DATE DES MOTIFS : Le 26 mai 2009
COMPARUTIONS :
POUR LA DEMANDERESSE
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Toronto (Ontario) |
POUR LA DEMANDERESSE
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Sous‑procureur général du Canada |
POUR LE DÉFENDEUR
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COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-523-08
DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE DÉCISION DU JUGE-ARBITRE DAVID G. RICHE, DATÉE DU 22 AOÛT 2008, CUB N° 71001
INTITULÉ : BRIAN BORGES c.
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 13 mai 2009
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE RYER
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE EVANS
LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON
DATE DES MOTIFS : Le 26 mai 2009
COMPARUTIONS :
Demetrios Yiokaris |
POUR LE DEMANDEUR
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Adam Rambert |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Koskie Minsky LLP Toronto (Ontario) |
POUR LE DEMANDEUR
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John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada |
POUR LE DÉFENDEUR
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COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-526-08
DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE DÉCISION DU JUGE-ARBITRE DAVID G. RICHE, DATÉE DU 22 AOÛT 2008, CUB N° 70999
INTITULÉ : GRACA LOPES DOS SANTOS c.
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 13 mai 2009
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE RYER
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE EVANS
LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON
DATE DES MOTIFS : Le 26 mai 2009
COMPARUTIONS :
Demetrios Yiokaris |
POUR LA DEMANDERESSE
|
Adam Rambert |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Koskie Minsky LLP Toronto (Ontario) |
POUR LA DEMANDERESSE
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John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada |
POUR LE DÉFENDEUR
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COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-527-08
DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE DÉCISION DU JUGE-ARBITRE DAVID G. RICHE, DATÉE DU 22 AOÛT 2008, CUB N° 70998
INTITULÉ : MANUEL ALMEIDA c.
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 13 mai 2009
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE RYER
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE EVANS
LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON
DATE DES MOTIFS : Le 26 mai 2009
COMPARUTIONS :
Demetrios Yiokaris |
POUR LE DEMANDEUR
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Adam Rambert |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Koskie Minsky LLP Toronto (Ontario) |
POUR LE DEMANDEUR
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John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada |
POUR LE DÉFENDEUR
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COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-528-08
DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE DÉCISION DU JUGE-ARBITRE DAVID G. RICHE, DATÉE DU 22 AOÛT 2008, CUB N° 71000
INTITULÉ : MARIA AMORIM c.
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 13 mai 2009
MOTIFS DU JUGEMENT : Le JUGE RYER
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE EVANS
LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON
DATE DES MOTIFS : Le 26 mai 2009
COMPARUTIONS :
Demetrios Yiokaris |
POUR LA DEMANDERESSE
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Adam Rambert |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Koskie Minsky LLP Toronto (Ontario) |
POUR LA DEMANDERESSE
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John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada |
POUR LE DÉFENDEUR
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