Cour d'appel fédérale |
CANADA |
Federal Court of Appeal |
ENTRE :
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique) le 14 mai 2009
Jugement rendu à Ottawa (Ontario) le 2 juin 2009
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE NOËL
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE NADON
LE JUGE PELLETIER
CANADA |
Federal Court of Appeal |
Date : 20090602
Dossier : A-474-08
Référence : 2009 CAF 180
CORAM : LE JUGE NOËL
LE JUGE NADON
LE JUGE PELLETIER
ENTRE :
ROBERT ALLAN SCRAGG
appelant
et
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
intimé
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] La Cour est saisie d’un appel d’une décision en date du 8 août 2008 par laquelle le juge Bowie de la Cour canadienne de l’impôt (le juge de la Cour de l’impôt) a rejeté les appels interjetés contre de nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1, relativement aux années d’imposition 1999, 2000 et 2001 de M. Scragg (l’appelant).
[2] S’agissant des années 1999 et 2000, le présent appel concerne le refus par le ministre du Revenu national (le ministre) d’autoriser la déduction d’intérêts sur des prêts qui, selon l’appelant, ont servi à tirer un revenu d’une entreprise. Dans le cas de l’année 2001, le sort de l’appel dépend de la décision qui sera rendue au sujet des deux années précédentes.
[3] L’appelant, consultant en gestion, a exercé au fil des ans un grand nombre d'activités professionnelles, dont beaucoup par l’entremise de sociétés lui appartenant ou, peut‑être, dans un cas, appartenant à une fiducie familiale.
[4] Il ressort du dossier qu’en 1996, l’appelant a emprunté 150 000 $ à un associé à un taux d’intérêt de 14 % par année, calculé annuellement. Ce sont les fonds qui, selon ce qu’affirme l’appelant, ont été utilisés à une fin admissible en 1999 et 2000.
[5] Au départ, le contribuable a demandé la déduction de 33 774 $ et de 70 167 $ respectivement pour les années d’imposition 1999 et 2000 à titre d’intérêts. Il a par la suite ramené les montants réclamés à 22 401 $ et 66 190 $.
[6] Pour établir les cotisations à l’égard de l’appelant, le ministre n’a pas contesté que l’appelant avait emprunté les 150 000 $ en question ou qu’il avait payé les intérêts en question ou avait remboursé le prêt en 2000. Le ministre s’est toutefois dit d’avis que le produit du prêt n’avait pas servi à tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien et il a refusé les déductions et le report prospectif des pertes autres qu’en capital.
[7] L’appel qui s’en est suivi a été rejeté par la Cour canadienne de l’impôt. Se fondant sur l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Bronfman Trust c. La Reine, [1987] 1 R.C.S. 32, à la page 45, le juge de la Cour de l’impôt a estimé que l’appelant n’avait pas établi que les fonds empruntés avaient été affectés à une utilisation admissible.
[8] L’appelant conteste cette décision. Selon lui, la preuve démontre que les fonds ont été utilisés pour procurer un fonds de roulement à ses sociétés. L’appelant souligne notamment qu’au moment des faits, deux des sociétés en question (Scragg Development Corporation et 286603 B.C. Ltd.) étaient déficitaires et que le déficit était plus élevé que le montant du prêt à la date du remboursement. L’appelant soutient que, comme il s’agissait de sociétés versant des dividendes, cela suffit pour démontrer que les fonds ont été affectés à une utilisation admissible.
[9] C’est essentiellement le même argument que celui qui a été formulé devant le juge de la Cour de l’impôt (motifs, au paragraphe 8) :
[…] [L’appelant] a dit plusieurs fois, d’une manière ou d’une autre, que ses sociétés avaient besoin des fonds empruntés pour continuer d’exister et qu’il avait emprunté l'argent à un taux d’intérêt très élevé, et sous d’autres conditions défavorables, simplement pour maintenir ses entreprises à flot. Il a aussi soutenu assez longuement qu’un examen des soldes de fin d’exercice de ses comptes de prêts dans les diverses sociétés montrait d’une certaine manière qu’il avait mis les fonds empruntés dans ces sociétés et qu'ils y étaient restés jusqu’au remboursement de l’emprunt. D’après lui, il n’avait pas besoin d’en dire davantage pour avoir le droit de déduire les intérêts qu’il avait payés sur l’emprunt.
[10] Voici comment le juge de la Cour de l’impôt a répondu à cet argument (motifs, au paragraphe 9) :
Or, tout ce témoignage est bien en deçà de ce qu'il faut pour s'acquitter du fardeau dont parlait le juge en chef Dickson dans l’arrêt Bronfman Trust. La seule information fournie concernant les comptes de prêts d'actionnaire de l’appelant consiste dans les soldes de fin d’exercice qui apparaissent sur les bilans des sociétés. Il est impossible de dire, à partir de ces soldes, si, et dans qu'elle mesure, l’appelant a avancé à l’une ou l'autre des sociétés en question l’argent emprunté. L’augmentation d’environ 12 000 $ du compte de prêt de SDC entre 1996 et 1997 ne prouve nullement l'affirmation de M. Scragg que le dépôt de 73 403,41 $ avait été porté au crédit de son compte de prêt dans cette société. De plus, il n'y a pas de preuve utile susceptible de me permettre de conclure que la somme empruntée, même si elle a pu au départ être affectée à une utilisation admissible, a continué d’être ainsi affectée. Il ressort clairement du témoignage de M. Scragg qu’il ne savait tout simplement pas, sinon d’une manière très générale, comment il avait employé l'argent au départ ni comment il l’avait employé au cours des années qui ont suivi.
[11] Je ne décèle aucune erreur dans cette conclusion. L’appelant ne peut, en se contentant de démontrer que ses sociétés enregistraient un déficit plus élevé que les sommes qui avaient été empruntées au cours des années où les déductions ont été faites, présumer qu’il s’est acquitté du fardeau qui lui incombait. Pour s’acquitter de ce fardeau, il lui fallait démontrer que les fonds empruntés avaient effectivement été affectés à une utilisation admissible. La conclusion du juge de la Cour de l’impôt suivant laquelle l’appelant ne savait pas comment il avait employé l’argent qu’il avait emprunté tranche le sort de l’appel.
[12] L’appelant a établi un parallèle entre sa situation et celle dont il était question dans l’affaire Singleton c. Canada, 2001 CSC 61, [2001] 2 R.C.S. 1046, dans laquelle on avait permis au contribuable de déduire l’intérêt payé sur l’argent qu’il avait emprunté pour remplacer la participation qu’il détenait dans un cabinet d’avocats pour acheter une maison. La comparaison est boiteuse parce que, dans l’affaire Singleton, le contribuable était manifestement en mesure de rattacher l’argent emprunté à une utilisation admissible. La thèse de l’appelant est que la seule différence qui existe entre sa situation et l’affaire Singleton est qu’il ne s’est pas empêtré dans les formalités, c’est-à-dire qu’il n’a pas retiré la participation qu’il détenait dans ses sociétés pour la remplacer par de l’argent emprunté, mais que l’opération qu’il a effectuée revient essentiellement au même. À mon humble avis, ce n’est pas le cas. Un contribuable ne peut déduire les intérêts sur de l’argent qu’il a emprunté à moins que cet argent ait effectivement servi à produire un revenu. Il ne suffit pas de dire que l’argent aurait pu permettre au contribuable de tirer un revenu, comme l’appelant le prétend en l’espèce.
[13] Je rejetterais l’appel avec dépens.
« Je suis d’accord
M. Nadon, j.c.a. »
« Je suis d’accord
J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »
Traduction certifiée conforme
David Aubry, LL.B.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-474-08
(APPEL D’UN JUGEMENT RENDU LE 7 AOÛT 2008 PAR LE JUGE BOWIE DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT DANS LE DOSSIER 2004-2257(IT)G)
INTITULÉ : ROBERT SCRAGG c.
SA MAJESTÉ LA REINE
LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 14 mai 2009
MOTIFS DU JUGEMENT : Le juge Noël
Y ONT SOUSCRIT : Le juge Nadon
DATE DES MOTIFS : Le 2 juin 2009
COMPARUTIONS :
POUR SON PROPRE COMPTE
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Victor Caux |
POUR L’INTIMÉ
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sous-procureur général du Canada |
POUR L’INTIMÉ
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